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Évolutions et révolutions de la tactique

Réflexion Libre
Tactique générale

Crédit photo ECPAD
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Le tacticien n’a pas mission de résoudre les crises et n’a que faire de l’approche globale. Son art, « simple et tout d’exécution, » se résume à mettre en œuvre dans le combat les moyens du moment. Il est affaire de géométrie, de topographie, de portées, de cadences, de vitesses ; de dispositifs, de formations, de manœuvres, de fronts et d’intervalles...


Il est soumis plus immédiatement que la stratégie à l’évidente pérennité des facteurs géographiques, à la volatilité des améliorations techniques et à la constance de la psychologie humaine individuelle et collective (sans compter la psychologie animale qui imposa 2000 ans durant des limites strictes aux évolutions des modes d’action de la cavalerie.)


Observée dans la longue durée, l’histoire de la tactique est une suite d’évolutions et de révolutions (1), d’hésitations et de tâtonnements, d’innovations fulgurantes suivies de retoursde-bâton aux allures de punitions. Ce qu’une campagne révéla comme un nouveau principe fut démenti dès les batailles suivantes : beaucoup d’innovateurs géniaux ne furent en réalité que des téméraires bénis par la Fortune.

La cavalerie avait renoncé complètement à la charge « en haie » à la fin du XVIème siècle, abandonnant armure et armes blanches pour adopter le chapeau, le pistolet et la caracole. Dès le milieu du XVIIème siècle pourtant, cuirasses, épées et sabres étaient réapparues, et au milieu du XVIIIème Frédéric interdisait à ses cavaliers de faire usage d’armes à feu et la charge redevenait le mode d’emploi quasi unique de la cavalerie, contre la cavalerie comme contre l’infanterie, au moins jusqu’à 1815.

Après les premières batailles de 1861 les cavaleries américaines avaient quasiment renoncé à se combattre à cheval, combattant à pied par le feu comme des dragoons. Deux ans plus tard et malgré l’évident accroissement des portées et des cadences de tir des armes légères, la tactique mixte s’était imposée, combinant le feu de tirailleurs démontés manœuvrant à pied par les flancs de la cavalerie adverse et celui de pièces légères en écharpe, avec des charges au sabre, tactique qu’ignorèrent avec superbe les cavaleries française et allemande en 1870.

Après les premiers jours d’août 14 passés à rechercher le combat de cavalerie à la lance et au sabre, les cavaleries européennes ne brillèrent dans la guerre mondiale que par des chevauchées comparables à celles de « Jeb » Stuart et John Hunt Morgan, dans lesquelles elles agirent avant tout au combat à pied et par le feu de leurs batteries (2). Il est d’usage chez de nombreux « historiens » de brocarder les militaires pour leur incapacité à comprendre des évolutions paraissant évidentes.

La vérité est que les effets de ces évolutions étaient beaucoup moins évidents pour ceux qui avaient à les affronter : dans l’art mouvant qu’est la tactique, l’absence de recul est évidemment la loi du praticien.  


Parmi les innombrables facteurs affectant aujourd’hui l’évolution de l’art de la guerre, deux méritent sans doute une attention poussée de la part du tacticien : la capacité prochaine de « protection collaborative » et de « combat collaboratif » ; les développements de « l’info-valorisation » ou du « combat réseau-centré ». Tous deux convergent vers un effet commun : l’accélération de la manœuvre par la transformation d’actes jusqu’ici réfléchis, en « actes réflexes » collectifs.

Il est vraisemblable que ces capacités auront des effets plus grands encore sur les capacités des armes mobiles, cavalerie blindée et hélicoptères, que sur celles de l’infanterie et du génie notamment (3).

Le différentiel de mobilité entre les armes pourrait ainsi redevenir un facteur tactique comparable à ce qu’il était par exemple en 1940, lorsque s’affrontaient des armées très partiellement blindées et motorisées. Par comparaison, la capacité « nouvelle » d’appliquer des tirs précis, « à tuer », à une portée très grande et au-delà des masques (4), ne fera guère à terme que transformer les unités ou les armes qui les appliqueront en unités « de mêlée » (5), de même que les unités de chars, « d’artillerie spéciale » devinrent « cavalerie blindée ». De même les progrès touchant la mobilité et la capacité des véhicules resteront insignifiants relativement aux effets de la géographie.  


Même lors de périodes de changements rapides, notamment techniques, les effets sur le combat n’apparaissent que très lentement et progressivement. Les nouvelles armes ne sont pas fabriquées et distribuées d’un coup, toutes les parties à un conflit possible ne sont pas dotées en même temps. L’élaboration de nouveaux procédés de combat est parfois rapide. Mais leur généralisation par l’instruction et l’entraînement prennent souvent de nombreuses années à l’échelle d’une armée nationale.

Et aucune théorie n’ayant jamais résisté à l’épreuve de la pratique, plusieurs guerres ou campagnes ont souvent été nécessaires pour mettre au point et confirmer les procédés adaptés aux nouvelles conditions. A l’entrée dans un conflit, l’avantage immédiat va à celui qui a la chance d’avoir les procédés les mieux adaptés aux conditions du moment ; et si le conflit dure, à celui qui saura le plus vite et le plus efficacement adapter ses armements et ses procédés aux conditions réelles que l’expérience aura permis d’appréhender.

L’histoire, en cela, donne souvent tort à celui qui eut raison trop tôt : le succès inespéré obtenu en Pologne et en France en 1939 et 1940 n’aida certainement pas les Allemands à s’adapter aux conditions complètement différentes de 1941 à 1944, lorsque la généralisation de la motorisation et des armes anti-chars recréa les conditions générales de 1917 et que les Alliés, notamment Américains, mirent en œuvre la doctrine qu’ils avaient apprise sur le front de France en 1918.


L’impossibilité pratique de savoir quand et contre qui nous commencerons le prochain conflit et, plus encore, dans quel état relatif nous serons au regard des matériels et des procédés, oblige à adopter une méthode prudente ou un « dispositif d’attente stratégique », fondée sur les hypothèses les plus exigeantes.

Et en se gardant d’une tentation majeure dont on observe parfois les symptômes dans beaucoup d’écrits actuels : pousser à entrer dans le conflit ici et tout de suite, se donner un adversaire identifié dont les vulnérabilités et capacités soient connues et auquel nos moyens et procédés soient évidemment, et comme par hasard, adaptés. DAESCH est un ennemi dangereusement commode ! L’asymétrique, la guerre hybride et la stabilisation ne sont pas l’Alpha et encore moins l’Omega de la guerre.  

 

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(1) Au sens propre, signifiant un retour à la situation initiale à la fin d’un cycle…

(2) Pour les Français : le raid de la 5ème DC vers la rive gauche de l’Ourcq (au cours duquel elle canonne de nombreux convois) et celui de la 10ème DC vers Sissonne (au cours duquel un parti du  20ème dragons appelle en vain une batterie pour canonner le corps de cavalerie von der Marwitz rallié sous les murs de Laon, le 14 septembre, avant que ce même corps von der Marwitz ne cannonne lui-même la 10ème DC en retraite au pont de Juvincourt) ; raid de la brigade de cavalerie d’Orient vers Uskub à travers la Goleschnitza en septembre-octobre 18 (au cours duquel le 1er Spahis s’empare à pied et dans le brouillard des hauteurs de Vodno).

(3) La lenteur des manœuvres à pied et des changements de pied restera le facteur dominant pour l’infanterie, la durée nécessaire à ses travaux le sera pour le génie, la technologie apportant peu de changements à ces facteurs.

(4) Qu’il s’agisse du « tir au-delà des vues directes » (TAVD) ou de la capacité de l’artillerie à appliquer des tirs de précision, capacité qui n’a rien de nouveau puisque le tir direct et tendu a tout de même été le mode d’action normal de l’artillerie pendant au moins deux siècles.

(5) Celui qui peut appliquer de tels tirs peut également en recevoir de la part d’un adversaire disposant de la capacité équivalente, c’est élémentaire.

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Titre : Évolutions et révolutions de la tactique
Auteur(s) : Colonel Christophe de LAJUDIE
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Armée