Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

L’artillerie spéciale en Russie du Sud 1918-1919

Soldats de France n° 17
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

Durant le printemps et l’été 1918, les chars Renault FT connaissent leurs premiers engagements victorieux. Engins de la victoire et synonyme de modernité, ils incarnent un caractère d’invulnérabilité, de mobilité et de force. L’état-major français, constatant ces succès, décide donc d’employer ces engins en dehors de la métropole et notamment aux armées d’Orient où la situation est figée depuis 1915. Vecteurs de puissance et de « dissuasion » avant l’heure, les chars de combat deviennent, dans l’immédiat après-guerre, des instruments de la politique étrangère française.

 


L’engagement des chars à l’Armée d’Orient (AO)

Le front de Salonique, en Macédoine, succède à l’échec de l’expédition des Dardanelles et de Gallipoli. Malgré de nombreuses tentatives pour rompre le front, la situation à l’été 1918 reste inchangée. Le général Franchet d'Esperey à la tête des armées alliées en Orient (AAO), demande à Paris l’envoi de chars de combat. Il précise que « l'apparition de cet engin de guerre, inconnu jusqu'ici des Bulgares, alliés des Allemands, aurait certainement sur ceux-ci un gros effet moral et de surprise, qu'il paraît intéressant de ne pas négliger1». Préparée dans le secret absolu à Recloses à proximité de Fontainebleau, la 3e compagnie du 1er bataillon du 501e RAS (AS 303) arrive le 3 octobre. Il est trop tard car le front a été percé le 15 septembre. Les armistices s'enchaînent2. L’anarchie et le désordre, liées à la guerre civile russe, à l’instabilité des frontières, aux luttes internes politiques et au départ des Allemands, s’emparent de l’ensemble de la région notamment en Ukraine où la situation est très confuse. Une intervention est déclenchée le 21 novembre 1918 afin de soutenir les gouvernements locaux et d’évacuer les forces allemandes restantes. Au mois de décembre, les premiers éléments français débarquent à Odessa et à Sébastopol.

 

Odessa et la Russie du Sud

 

Le 23 janvier 1919, l'AS 303 est regroupée dans la ville d’Odessa. Elle comprend alors 6 officiers3, 14 sous-officiers, 15 brigadiers et 83 canonniers mais sa situation en terme d'effectif devient problématique avec la démobilisation en cours et le rappel des classes 19 et 20. Le lieutenant Vergne précise qu'il « s'agissait d'une "drôle de guerre", et le front à quelques 100 kilomètres de là n'était guère stable. Sans cesse fluctuant, on ne pouvait mieux le surnommer que "front accordéon".4» En février et mars, les chars, à l’effet moral important, s’épuisent dans des tentatives pourtant fructueuses mais sans effet sur les évènements. Malgré des températures négatives et les difficultés de ravitaillement, les sections de chars, dispersées, sont engagées à Tiraspol, Razdelnaïa, Vérélinovo… Dans le courant de mars, la pression adverse s’intensifie. Une intervention sur Kherson, encerclée, est annulée5. Le 18 mars, la section Bertrand, déployée à Bérézowska (80 km au nord-est d'Odessa), après une résistance acharnée est encerclée dans la localité. Les chars sont désarmés et abandonnés. Odessa est alors transformée en camp retranché et, le 29, la décision est transmise de l'évacuer6.

 

Le 1er avril le personnel de relève commandé par le capitaine Bonnavita arrive et seconde utilement les Anciens de l'AS 303. La compagnie embarque son matériel sur deux chalands qui sont remorqués à Brigaz, le 8, par les torpilleurs Fauconneau et Spahi. Huit jours plus tard, l'ensemble de l'AS 303 est regroupé à Galatz avant d'être transporté à Réni le 18. L'armée du Danube (général Berthelot puis Graziani) s'installe dès lors sur le Dniestr.

 

Des rives du Dniestr à Constantinople

 

Parallèlement à ces évènements, six compagnies de chars d'assaut sont demandées à Paris le 18 février. Franchet d’Esperey obtient le reste du 1er bataillon du 501e régiment de chars blindés (AS 301 et AS 302 ainsi que la section de ravitaillement et de dépannage 106)7. Le 2 mai, son chef de bataillon, le commandant Goubernard dresse un constat amer : sur 476 hommes de troupe seuls 307 sont présents et trois officiers sont absents ; le déficit en termes de véhicules est de 67 % (30 véhicules présents dont 18 en état). Quant à l'instruction donnée elle se passe de commentaires : « 1/3 seulement du personnel reçu et nécessaire, sait conduire ; 1/3 ne sait pas grand-chose et le dernier tiers, rien du tout8 ». Le 18 mai le bataillon est prêt à être enlevé mais les ordres d'embarquement n'arrivent que le 17 juin. La situation ayant considérablement évolué, il est hors de question de rejoindre la Russie. C'est donc vers la Hongrie que les chars du 1er BCB se dirigent. La région est alors le théâtre de nombreux combats opposant Tchèques9 et Roumains face aux Hongrois communistes de Béla Kun. La Roumanie, soutenue par la France pendant la guerre, devient le pivot de cette politique « d’endiguement ».

 

Les éléments du bataillon du commandant Goubernard commencent à atteindre Szeged le 26 juin, date à laquelle les troupes françaises du front du Dniestr sont peu à peu relevées. Les chars sont alors placés en réserve d'armée et doivent participer à une éventuelle contre-attaque contre les forces hongroises ou lutter contre des éléments communistes à l'intérieur des zones occupées. À la suite de nombreux changements, le bataillon, dont l'état-major rejoint initialement Constantinople, voit ses forces dispersées entre la capitale turque (une section), à Desk (AS 301, armée du Danube), Giurgiu (AS 302, instruction de l'armée roumaine10), Neusatz (AS 303). Au mois d'août, suite aux démobilisations et aux rapatriements successifs, se constituent deux divisions (de Turquie et de Bulgarie) au sein de l'armée française d'Orient (AFO). Le 1er BCL entre dans ses éléments d'armée. Suite à la cession des matériels des 301e et 302e compagnies et de la SRD à la Roumanie, l'AFO ne compte plus qu'une seule compagnie de chars le 10 septembre. Le 5 décembre 1919, l'AS 303 stationne à Bankia à proximité de Sofia en Bulgarie. En 1920, la poursuite des démobilisations, la situation au Levant, en Grèce et en Turquie imposent de réarticuler le dispositif de l’AFO. En mai, la compagnie rejoint Constantinople dans le cadre de la division d'infanterie de marche d'Orient (DIMO). En 1922, elle est au corps d'occupation de Constantinople où elle devient 3e compagnie du 61e BCC. En août 1923, elle est transportée en Tunisie. Il ne reste alors plus de chars français en Europe du Sud.

 

L'emploi des chars au sein des armées d’Orient et en particulier en Russie du Sud, révèle des capacités de projection intéressantes (dans des délais parfois très courts) et une adaptation des hommes et du matériel sans cesse renouvelée aux contraintes géopolitiques et géographiques. Caractérisée par la recherche du secret, de la surprise stratégique et par un effet moral tactique important, l'action de l'AS est néanmoins atténuée par les difficultés que traverse l'armée française de l'époque notamment en matière d'effectif, de moral, de conditions sanitaires, de matériel et d'indécision politique et militaire. Première – voire seule – armée victorieuse en 1918, l'armée française d'Orient, lasse et épuisée continue à fournir de nombreux et coûteux efforts pendant les années suivantes. Mais le climat de suspicion entre alliés, l'absence de soutien public, l'organisation défectueuse du commandement, la lenteur des communications amènent l'échec de l'intervention en Russie. En 1919 et 1920, ils participent à l'érection d'une « barrière contre le bolchevisme » malgré des conditions d'emploi difficiles (froid, manque de pièces, renforcements difficiles). Dans les années qui suivent, ils constituent un atout militaire important qui vient renforcer des liens diplomatiques et commerciaux avec les alliés de l'Est dans l'objectif de construire un système de sécurité continental.

 

 

--------------------------------------------------------


1 - Note 4588/3 du général Franchet d'Esperey du 25 juillet 1918. Ministère de la guerre, EMA, service historique, Les armées françaises dans la Grande Guerre (AFGG), Tome VIII, 1934, 3e volume, Annexes, 1er Volume, Annexe n° 493, p. 833.

2 - 29 septembre avec la Bulgarie, 31 octobre avec la Turquie, 4 novembre avec l'Autriche-Hongrie.

3 - Capitaine Gaillet, sous-lieutenant Leblond (1re section), lieutenant Marchal (2e section), lieutenant Bertrand (4e section, chars de remplacement), lieutenant Delaporte, lieutenant Kullmann (échelon). La 3e section est commandée par l'adjudant Besserat.   

4 - Labayle Éric (textes commentés par), Histoires vraies, Les trois guerres du général Vergne 1914-1918, 1919-1920, 1939-1945, Anovi, 2002, p. 89. Le général Vergne, qui témoigne, est alors lieutenant. Il perd son frère Gabriel le 5 mai 1917 et son beau-frère Jean-Baptiste le 1er août 1918. En novembre 1918, il arbore la Légion d'honneur et cinq citations à sa croix de guerre. Il est adjoint au chef de bataillon Goubernard en 1919.

5 - Le 9, les canons de l'Algol, du Pluton, du Mameluk et de l'Aldebarran appuient la progression d'un bataillon grec chargé d'ouvrir un couloir pour débloquer la garnison assiégée. Vers 4 heures, le 10, le détachement franco-hellénique commandé par le colonel de Clavières (4e Chasseurs) parvenait à prendre la mer (74 tués dans l'affaire).

6 - La situation s’avère périlleuse. La République des Conseils de Hongrie est proclamée en mars 1919 par Béla Kun. Encouragée par Moscou, elle met en danger les éléments français présents à l'est du Dniestr. Les 15 et 16 avril, l'armée hongroise attaque la Roumanie. En outre, les troupes françaises commencent elles-mêmes à se mutiner : navires France et Jean-Bart, refus de monter au front, d’embarquer sur les navires, … 

7 - L'AS fournit à cette époque un effort conséquent pour l'outre-mer et les TOE : Armée française du Rhin, détachements d'essai d'Algérie, du Maroc (le 30/09/1919 est demandé un bataillon d'AS) et d'Indochine et deux bataillons pour la Pologne (6 compagnies des 14e et 15e BCL). Plus tard, janvier 1920, ce sera le Levant (une compagnie a été demandée le 13/10/1919).

8 - Compte rendu 3616 relatif à la constitution du 1er BCB, aux armées le 2 mai 1919 par le chef de bataillon Goubernard, 501e RCB, 1er BCB, (SHD 16N2165). Le lieutenant-colonel Velpry rajoute à la marge du même document : « que ces véhicules ont de l'usage néanmoins il me paraît qu'il peut y avoir un peu d'exagération [...] ».

9 - Un certain nombre de postes de commandement sont occupés par des officiers de la Mission militaire française du général Pellé.

10 - Une école des chars d’assaut y est créée (Școala de Care de Asalt). Un premier bataillon est formé en novembre 1919. Il participe au concours interallié des chars de combat en 1920 en Belgique.

Séparateur
Titre : L’artillerie spéciale en Russie du Sud 1918-1919
Auteur(s) : LTN ® Jean TARTARE
Séparateur


Armée