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La bataille de PENANG

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Penang, île de rêve avec ses collines douces agrémentées de cascades et ses plages blondes, tout au fond du golfe du Bengale. Les Britanniques ont tôt fait de se l'approprier, en 1786, la rebaptisant «île du Prince de Galles», avec pour capitale Georgetown, dessinée par l'infatigable Colonel Light, à partir de la petite ville sino-malaise préexistante, au bord d'une belle rade au confortable tirant d'eau, facile à surveiller et protéger...   Par Madame le Professeur Françoise THIBAUT


Penang achève la mainmise anglaise sur l'Asie du sud-est, et forme avec Malacca et Singapour «les Établissements du détroit». Hong Kong, première porte de la Chine, puis Shanghaï complètent ce réseau: ces places, souvent situées dans des îles et sur des estuaires, sont des comptoirs, où stationnent assez peu de militaires car la puissance du système colonial britannique n'est pas impériale, mais mercantile: on y recherche surtout des points d'appui pour la marine commerciale[1] et les initiatives des «fermes d'État» ou d'entrepreneurs privés.

 

Penang est une pièce maîtresse: sa situation géographique lui permet de faire le lien entre l'Inde et la Chine, en toute tranquillité: l'opium transite à Penang en énormes quantités à partir de 1830-1840, de même que toutes sortes de denrées tropicales destinées à l'Europe. Suez, après 1875, réduit la durée des voyages de manière spectaculaire. Par exemple, c'est par Penang que le botaniste Robert Fortune, en 1850, fait passer les inestimables pousses du thé des montagnes jaunes qu'il a dérobées en Chine centrale pour les adapter sur les contreforts de l'Himalaya, origine d'un des plus fabuleux enrichissements du Royaume-Uni. Les sultans locaux et les riches familles chinoises ne sont pas en reste  quelques-unes des plus énormes fortunes d'Asie se créent sur ce bout d'île dont la sérénité semble vouée à l'éternité.

 

Patatras! La guerre est déclarée en Europe début août 1914: la France, la Russie, la Grande Bretagne (et son allié d'alors, le Japon) s'allient contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Ce sera donc cette «Grande Guerre», dont le prétexte initial, un siècle plus tard, paraît dérisoire. Cette gigantesque «dévastation» du monde contient aussi l'année 1917[2] et son bouleversement, sur lequel nous vivons encore, et de considérables conséquences coloniales. En effet, les Alliés s'empressent de déloger (ou essayer de déloger) les Allemands des possessions que le congrès de Berlin de 1888 leur a attribuées et des comptoirs obtenus lors du dépiautage de l'empire chinois (notamment la riche concession de Quingdao). Il est bien évident que l'empereur Guillaume ne l'entend pas de cette oreille.

 

C'est là que l'affaire de la «bataille de Penang» intervient. Et l'affrontement sera maritime: en effet, les «Puissances» ont découvert depuis peu les joies des unités de combat en métal, armées de canons redoutables: cuirassés, canonnières, torpilleurs et contre-torpilleurs hantent désormais les océans, dotés de moteurs puissants, accompagnés de ravitailleurs. C'est ainsi que le 28 octobre 1914, sur ordre de son état-major, le croiseur allemand Emden surgit dans la rade de Penang et coule le Jemtchoug russe, avant de détruire le même jour le contre-torpilleur français le Mousquet de retour d'une mission d'inspection au large du port. Ce premier acte d'hostilité sur la zone succède à de précédents affrontements en mer de Chine du sud et au large de Colombo; il enclenche surtout une succession d'attaques, destructions et naufrages, et surtout une course poursuite sur les traces de l'Emdern: il croisera dans l'océan Indien, coulant plusieurs unités alliées avant d'être lui-même coincé le 8 novembre au large de l'archipel des Cocos par plusieurs poursuivants, et, en très mauvais état, sera obligé de se rendre. L'odyssée de l'Iberville et du Pistolet est également longuement contée (à partir des archives de Vincennes).

 

Cette affaire, secondaire par rapport à ce qui se passe en Europe, déclenche en fait un imbroglio stratégique et diplomatique peu glorieux, intensifie la lutte maritime tous azimuts, est à l'origine de la mutinerie de Singapour quelques semaines plus tard et, ce n'est pas négligeable, contribue au désamour définitif des marins russes à l'égard du Tsar (commencé avec la pitoyable défaite de Tsushima le 28 mai 1905). Ce sont eux, dans la bagarre, qui payèrent le plus lourd tribut.

 

Si la Grande Bretagne et le Japon disposaient des flottes les plus puissantes dans le sud-est asiatique, la négligence anglaise fut mise en avant en raison du défaut de surveillance du port et de l'erreur d'appréciation des autorités locales. Churchill, alors Premier lord de l'Amirauté, s'empressa d'enterrer le dossier et de biaiser des explications qui restèrent, de la part de tous les protagonistes, très parcellaires et romancées. Un peu plus tard, le révérend William Cross tenta, à Penang, de débusquer la vérité sur cette sinistre attaque, mais il lui fut très vite «conseillé» de se taire. Quant aux Français, ils furent taxés de «couardise» et de lenteur.

 

John R. Robertson s'est livré à une enquête approfondie et nous délivre, avec «La bataille de Penang», ce qui est au plus près de l'exactitude, se basant sur les archives militaires de tous les protagonistes. Le récit est saisissant, très vivant, agrémenté de cartes et documents photographiques rares. Il démontre la vanité des affrontements et leur inutilité. Les pertes furent considérables: une vingtaine d'unités perdues «pour rien», près de 2.000 hommes disparus ou prisonniers.

 

Un très passionnant témoignage sur les aspects coloniaux et maritimes de la Grande Guerre, très méconnus en France. Le livre plaira certainement aux marins.

 

 

[1] Lire sur cette approche le Disraeli de Charles Zorgbibe (ed. De Fallois, pages 402 et s.)

[2] Compléter avec le très beau 1917, l'année qui a changé le monde de J.C. Buisson (chez Perrin),

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Titre : La bataille de PENANG
Auteur(s) : John R. Robertson
Éditeur : Intervalles
Collection :
ISBN : 2369560134
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Armée