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La crise contemporaine internationale Origine, développement et sortie

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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La crise que nous vivons choque par le niveau d’illusion (croire ou faire croire à l’augmentation sempiternelle des prix de l’immobilier américain), de naïveté (croire à l’autorégulation de financiers dépourvus d’appétit de profits extrêmes), d’incompétence s’alliant à un haut degré de sophistication des instruments, tout cela conduisant finalement à une perte de vue totale de la notion de risque.

L’histoire paraît invraisemblable. En fait, les excès de la finance sont la conséquence de déséquilibres économiques profonds au sein d’une économie mondialisée entre pays développés (États-Unis principalement) et pays émergents (Chine notamment) à l’abri d’une large liquidité issue de ces déséquilibres. On va essayer de démêler cet écheveau en analysant les causes, les différentes phases et les conditions de la sortie de la crise.


L’environnement: la globalisation financière

La décennie 1990-2000 a été marquée par un changement majeur qui constitue un nouvel environnement affectant particulièrement le domaine monétaire: la globalisation des marchés financiers. Le processus de mondialisation des économies, en forte accélération depuis la décennie 1980-1990, s’appuie sur l’intégration financière mondiale obtenue grâce à la formation progressive d’un marché unique des capitaux. Sans doute est-il difficile de dater de façon précise cette nouvelle logique financière internationale. Des changements institutionnels dans les années 1980 ont progressivement effacé les différences entre marchés internes et marchés internationaux. Aux États-Unis, le poids grandissant des actionnaires, la montée en puissance des fonds de pension susceptibles de mobiliser des montants très importants, ont permis la construction d’une économie de plus en plus «financiarisée». L’économie mondiale est entrée, très progressivement et sans rupture, à la suite des États-Unis dans un monde nouveau, celui de la finance globale.

La globalisation financière se définit par la mise en place d’un marché unifié de l’argent. Le processus de globalisation s’est fondé sur la révolution intervenue dans les techniques de l’information qui sont au cœur des circuits monétaires et financiers modernes. L’argent circule, grâce aux nouvelles technologies, quasi instantanément. Les notions de temps et d’espace se trouvent par-là même effacées. La diffusion de ces techniques les étend progressivement à un nombre de plus en plus grand d’individus. Leur usage s’est développé avec la baisse du coût du traitement de l’information et des télécommunications de longue distance. La montée en puissance de l’Internet met en contact un nombre grandissant d’entreprises, d’institutions et d’individus.

La révolution technologique a permis l’application de l’informatique aux opérations de banque et aux transactions sur les marchés financiers ainsi que l’électronisation des flux monétaires. Ces innovations de processus ont facilité les innovations financières proprement dites, portant sur des innovations de produit sous forme de nouveaux actifs financiers. Les années quatre-vingt ont connu un développement très rapide des marchés de ces produits aux États-Unis, puis sur toutes les places financières.

La levée des contrôles des mouvements de capitaux et celle des contrôles des changes ont contribué à la mise en place d’une intégration financière au plan international, donc de la globalisation. Elle a été assurée aussi par deux processus:

  • la déréglementation avec levée des dispositifs de contrôle des mouvements de capitaux permettant le passage d’un système financier contrôlé par le secteur officiel à un système dominé par les forces du marché.
  • la désintermédiation: l’action des innovations se traduit par la réduction du rôle des intermédiaires financiers (banques) ou plus exactement par l’évolution de leur rôle au plan interne et au plan international. Leurs activités relèvent moins de la fonction d’intermédiaire entre prêteurs et emprunteurs alors que s’accroissent leurs activités propres sur les marchés. S’est ainsi développé, par exemple dans les banques françaises, dites universelles, à côté du département de banque de particuliers (retail) un département de banque de finance (BFI). Pendant les dernières années ce dernier a assuré des profits importants; la crise venue, c’est le département de retail qui assure le soutien des banques.

La globalisation ainsi que les innovations financières présentent des avantages mais aussi des risques. Le développement des marchés a conduit à une augmentation de la part des actifs de marché (actions, obligations, titres du marché monétaire) dans le patrimoine des agents non financiers. Le volume des flux de capitaux transfrontières a progressé à un rythme remarquable. La globalisation a accru la compétitivité du système financier international et aussi sa liquidité. Elle a facilité aussi la convergence des objectifs et des instruments utilisés par les stratégies monétaires. Le recentrage vers l’objectif final de stabilité des prix est devenu une exigence fondamentale des marchés financiers.

Cependant les mouvements rapides des flux de capitaux leur confèrent fréquemment un caractère instable. L’intégration des marchés a entraîné, en effet, de plus fortes fluctuations des prix des actifs financiers. L’interconnexion qui existe entre les différentes places financières risque de les généraliser au monde entier. Des mouvements grégaires d’opérateurs de marché peuvent entraîner les cours des actifs mobiliers (actions, obligations) du plus haut au plus bas, des bulles aux krachs. Ces tensions peuvent être amplifiées par des variations importantes de taux de change. Le fonctionnement des marchés de capitaux est ainsi perturbé par une grande volatilité des cours qui peuvent dégénérer en crises financières:

  • crise asiatique en 1997-1998: à la suite du bath thaïlandais, les monnaies de la région décrochent vis-à-vis du dollar; des plans de redressement sont mis en place sous l’égide du FMI en contrepartie d’une mise à disposition de 110 milliards de dollars mobilisés auprès de la communauté financière internationale; crise de la Russie qui se déclare en cessation de paiement sur sa dette à court terme et dévalue le rouble le 15 août 1998. Risque de crise financière et monétaire internationale, consécutive à la crise asiatique, endiguée grâce au sauvetage du fonds spéculatif (hedge fund) LTCM et à la baisse des taux d’intérêt décidée par la banque centrale américaine, la Fed.
  • éclatement de la bulle boursière en 2000 née sur les marchés américains, stimulés depuis 1996 par les nouvelles technologies, et étendue à l’ensemble des marchés des pays développés.
  • éclatement de la bulle d’endettement créée aux États-unis; cet éclatement est à l’origine de l’actuelle crise généralisée au monde entier.

 

Les causes de la crise

L’économie mondialisée a connu une longue période de croissance sur fond de libéralisation des marchés financiers et d’intégration mondiale des économies incluant les pays émergents et notamment de grands pays, Chine, Inde, Brésil. Mais, la croissance de la dernière décennie s’est nourrie des excès d’endettement des pays développés (notamment les États-Unis) obtenus grâce à une large liquidité mondiale et bon marché. Cette abondance de liquidité a suscité les prises de risque financier exagérées avec effets de levier croissants; l’inflation du prix des actifs mobiliers et immobiliers a été la face apparente de la bulle d’endettement qui se constituait. Dans ce contexte, la chute du marché immobilier aux États-unis n’a été que le catalyseur d’un ensemble d’inconscience et de refus des réalités. Une bulle dans les esprits s’était développée; tout était devenu possible dans l’oubli total du risque: prospérité dopée par des taux d’intérêt faibles, par des déficits budgétaires, par des taux de profit et de rentabilité croissants, par des rémunérations et bonus grandissants particulièrement dans le monde financier…Le krach est toujours l’aboutissement des bulles et débouche sur la crise qui se développe depuis 2007 en plusieurs étapes.

 

Les étapes de la crise

Une première phase a concerné la liquidité du système financier, une deuxième sa solvabilité même, la dernière a vu la diffusion de la crise à l’économie réelle.

 

Première phase: la recherche frénétique de liquidités

Cette crise de liquidité est apparue le 9 août 2007, lorsque la banque centrale européenne, la BCE, s’est trouvée dans l’obligation d’injecter, à titre provisoire, 300 milliards d’euros alors que les banques commerciales, prenant soudain conscience de leurs propres imprudences, cessaient de se prêter sur le marché interbancaire où s’échangent normalement leurs excédents et leurs déficits. S’ouvrait ainsi une apparente énigme: comment l’illiquidité des marchés pouvait-elle survenir dans un monde caractérisé par d’énormes liquidités? Cette interrogation résulte de la méconnaissance de concepts de base, à commencer par celui de liquidité. Il faut, en effet, distinguer:

  • la liquidité macroéconomique, c’est-à-dire la quantité d’actifs monétaires disponibles dans l’économie. Elle se caractérise par une certaine permanence, voire même par leur accroissement, c’est le cas des réserves de change des pays émergents.
  • la liquidité de marché c’est-à-dire la capacité du marché à absorber des ventes d’actifs rapidement, sans baisse des prix. Elle peut manifester une éventuelle fragilité puisqu’elle dépend de la confiance dans la qualité des actifs échangés ou des contreparties.
  • la liquidité bancaire c’est-à-dire la capacité des banques à faire face à leurs engagements ou à pouvoir dénouer ou compenser leurs positions. Elle dépend de plus en plus de la liquidité de marché en raison de leur recours accru aux financements de marché et à l’importance de leurs engagements hors bilan.

Il n’y a pas d’énigme: un assèchement de la liquidité des marchés peut intervenir à la suite d’une perte de confiance alors même que la liquidité globale de l’économie semble importante. La baisse de crédibilité d’un acteur peut entraîner la perte de confiance générale. Un système largement désintermédié, financé pour une part importante sur les marchés, est plus fragile qu’un système intermédié même soumis au risque de ruée sur les dépôts bancaires.

Dans ce nouveau système, qui a été défaillant? Tous les participants au marché en raison d’un manque général de vigilance, la notion de risque ayant pratiquement disparu de la pensée et du vocabulaire, dans le contexte de la forte liquidité mondiale et de la fascination pour les nouveaux instruments mis au point par l’ingénierie financière et notamment celui de la titrisation. Cette technique permet de rendre négociables sur un marché financier des créances inscrites à l’actif d’un agent économique (par exemple pour une banque, deviennent liquides des crédits immobiliers par définition illiquides puisque consentis à long terme). La titrisation peut concerner des crédits aux ménages (logement, crédit à la consommation, cartes de crédit, automobile, prêts étudiants…) ainsi que des crédits aux entreprises.

Cette technique, non condamnable en elle-même, a été employée aux États-Unis notamment pour découpler le crédit immobilier entre l’«originateur» d’un crédit dit subprime (l’emprunteur appartenant aux populations à faible revenu) et le prêteur final. Titrisées par les banques, les subprimes ont été regroupées avec d’autres créances et logées dans des structures ad-hoc, hors des bilans bancaires. Elles ne se trouvaient pas ainsi soumises au ratio de solvabilité exigé par la régulation internationale (ratio Cooke dit Bâle 1), ce qui permettait aux banques de faire, grâce à ces opérations, plus de crédits qu’elles n’auraient pu en faire dans le cadre prudentiel. Les structures mises en place lors de la titrisation ont pu financer les crédits en émettant des bons à court terme, pratiquant ainsi une transformation des échéances toujours redoutable parce que les titulaires de papier à court terme veulent être remboursés à leur échéance alors que les crédits ont pu être faits à moyen ou long terme. Comme la rentabilité de ces bons s’est révélée nettement supérieure, en période de faible taux d’intérêt, à celle des instruments traditionnels, de nombreuses institutions, fonds de pension, caisses de retraite, hedge funds…et même banques les ont achetés, les plaçant finalement auprès de leur propre clientèle.

La titrisation est entrée en crise à la suite du retournement du marché immobilier aux États-Unis: chute des prix cumulative, défaut des emprunteurs, contamination des différentes tranches de titrisation…Les structures ad-hoc n’ont pu refinancer le papier arrivé à échéance, provoquant une recherche frénétique de liquidité. Nombre de produits structurés considérés comme toxiques ne trouvaient plus preneur et perdaient leur valeur. Les modèles mathématiques de valorisation de ces produits ont donné une fausse impression de liquidité. La valeur de ces instruments s’est effondrée en raison des écarts entre leurs vrais prix (quand il a été possible d’en lire un) et les prix estimés par les modèles.

Qui sont d’ailleurs les investisseurs, qui sont les prêteurs? Des banques mais aussi des établissements non bancaires (par exemple, aux États-Unis, les courtiers, vendeurs de subprime). Les uns et les autres ont été défaillants dans la surveillance du risque de crédit. Les établissements non régulés, comme les courtiers américains, n’ont pour objectif que la collecte de commissions. De leur côté, les banques disposant des mécanismes de transfert du risque de crédit (titrisation) ont été moins incitées que par le passé à examiner un tel risque. De leur côté, les agences de notation, fortement impliquées dans la conception des produits structurés, n’ont pas joué leur rôle normal d’information auprès des banquiers. Le risque de crédit n’a pas été ainsi correctement évalué par les différents acteurs le long de la chaîne de titrisation du débiteur initial au détenteur final de ce risque. L’incendie venu, les banques centrales ont baissé leurs taux directeurs pour faire baisser l’ensemble des taux d’intérêt et fourni les liquidités aux établissements bancaires. Mais elles-mêmes se trouvent en porte à faux: pour protéger la stabilité financière du système, elles ne sanctionnent pas l’imprudence de certains d’entre eux (alea moral). Enfin, elles ne disposent pas de moyens spécifiques de prévention des risques, hormis des incantations tenant lieu d’avertissement.

 

Deuxième phase: la crise de solvabilité

La situation a évolué en septembre 2008: le  système financier lui-même s’est trouvé mis en cause. À la crise de liquidité est venue se superposer une crise de solvabilité du système financier, risquant de dégénérer en crise systémique, cela à la suite de trois chocs. Submergées sous les subprimes, Freddie Mac et Fannie Mae, deux agences privées mais sous garantie du gouvernement américain, en charge de faciliter le financement des crédits immobiliers, ont du être sauvées par les pouvoirs publics. Il en a été de même pour le grand assureur American International Group, AIG. Mais le plus grave des chocs vint de la faillite de la banque Lehman Brothers, provoquant une panique générale dans l’ensemble du système financier. Les pouvoirs publics américains ne sont pas intervenus pour l’éviter, estimant nécessaire qu’un exemple montrât que toutes les banques ne pouvaient être exonérées de leur mauvais comportement. Cette décision, inattendue par les milieux financiers, entraîna aux  États-Unis une aggravation de la crise du marché interbancaire, un plongeon des bourses et la recomposition du secteur bancaire. Pour les banques américaines, la baisse de leur portefeuille boursier, le poids de produits impossibles à valoriser en l’absence d’acquéreurs, les ont conduites à déprécier leurs actifs. Elles ont également réintégré certains actifs parce que le risque de réputation devenait trop grand. Finalement, une crainte générale s’est répandue, celle du resserrement du crédit par les banques à l’égard des entreprises et des ménages, le credit crunch.

À l’automne 2008, la crise devient universelle, donnant à la situation contemporaine sa spécificité: c’est la première crise financière mondiale. En Europe, la contamination de la crise se manifeste de façon brutale lors de la semaine noire boursière du 6 au 11 octobre 2008, les banques sont à leur tour atteintes, ayant elles-mêmes participé à la débauche des produits financiers douteux. L’Asie, et d’une manière générale, les pays émergents semblaient pouvoir bénéficier d’un découplage par rapport à l’Occident leur permettant même de contribuer à sa sortie de crise et à sa relance. Bien au contraire, on assiste à la propagation financière de la crise: effondrement des bourses, rapatriement de capitaux entraînant la hausse du yen.

Devant les impressionnants dégâts de la crise bancaire, les pouvoirs publics viennent à la rescousse. Les premières formes de l’aide publique ont consisté dans des interventions au cas par cas, mais devant l’intensité de la contagion, ils ont reconnu la nécessité d’avoir une vue globale. L’Eurogroupe du 12 octobre auquel s’était joint le Premier ministre britannique, Gordon Brown, a défini un cadre d’intervention général, aménagé en fonction des spécificités nationales. Étendu aux 27 pays de l’Union Européenne, ce plan global de recapitalisation des banques et de garanties publiques porte sur un montant d’environ 1.700 milliards d’euros. Il s’agit d’une somme qui ne sera probablement – heureusement – jamais mobilisée, mais c’est un ordre de grandeur qui est donné pour l’ensemble du plan, chaque pays étant censé adopter un plan particulier compte tenu de ses spécificités. Les gouvernements ont utilisé une palette d’instruments allant de la garantie de l’endettement bancaire à la nationalisation des banques en difficulté. La création de structures de «defeasance» (bad banks) où seraient cantonnés les produits douteux jusqu’à leur éventuelle liquidation est aussi envisagée.

Le plan adopté en France comprend deux volets:

  • Le premier vise à soutenir les banques dans leur fonction de financement de l’économie: il s’agit de permettre à la Société de Financement de l’Économie Française, la SFEF, d’émettre des emprunts garantis par l’État. Trois émissions ont été lancées de novembre 2008 à janvier 2009 afin d’aider à la formation de la liquidité bancaire en sus de celle mise à disposition des banques par la BCE.
  • Le second volet a pour objectif de renforcer les fonds propres des banques par une recapitalisation par l’État n’impliquant pas que les pouvoirs publics participent à la gestion des banques mais l’État bénéficie d’une rémunération des capitaux prêtés. Deux recapitalisations des principaux groupes bancaires français ont eu lieu à fin janvier 2009, la seconde sous condition de la renonciation des dirigeants à leur bonus pour 2008.

La deuxième partie de l’action des pouvoirs publics devrait progressivement se mettre en place, celle de la régulation financière, cela afin d’éviter que les excès passés ne se reproduisent. À cette fin, le G20 des 14 et 15 novembre a tracé des pistes de travail en vue d’une nouvelle réunion à Londres en avril 2009 qui devrait aboutir à la mise en place de réformes des systèmes financiers. La crise actuelle, partie de l’immobilier américain est devenue financière et mondiale. Elle appelle le retour à une certaine régulation, elle-même à mettre en place de façon modérée et assez fine car le retour brutal à une économie ré-intermédiée, trop contrainte par la surface financière des banques, freinerait la croissance qui, il faut bien le reconnaître, a été financée les dernières années par les innovations financières.

On espérait, fin 2008, que les banques avaient essuyé le pire et qu’elles pouvaient, grâce aux interventions publiques massives accordées à nombre d’entre elles, se concentrer sur leur métier de base, le financement de l’économie. Or, 2009 s’ouvre sur la nécessité de procéder, en Allemagne, à une série de nationalisations partielles pour l’ensemble constitué par Commerzbank et Dresdner Bank, pour Hypo Real Estate, ainsi que sur l’annonce de la perte de 5 milliards d’euros de la Deutsche Bank. Aux États-Unis, Citigroup est obligé de céder 600 milliards d’actifs; Bank of America a beaucoup de mal à absorber comme prévu Morgan Stanley. Cette deuxième vague de crise bancaire aiguë, après celle septembre-octobre 2008, inquiète d’autant plus qu’elle peut se poursuivre avec les défauts d’entreprises touchées par la crise de l’économie réelle.

 

Troisième phase: la diffusion de la crise à l’économie réelle

Cette diffusion s’opère à la suite de la détérioration des anticipations des entreprises et de la diminution du moral des ménages, entraînant freinage de la consommation et de l’investissement. En positif, cette situation détermine le ralentissement de l’inflation, contribuant à l’éclatement des bulles sur les prix des matières premières et du pétrole qui passe de 147 dollars, à son pic du mois de juillet 2008, à 40 dollars début janvier 2009, ruinant les spéculateurs à la hausse du baril mais posant aussi de graves problèmes à la Russie. Globalement, on assiste au développement d’une récession avec le risque d’une  véritable crise dépressionniste. Aux États-Unis, l’entrée en récession a eu lieu au 4ème trimestre 2007, suivie par la zone euro au 3ème trimestre 2008 et notamment par l’Allemagne, frappée de plein fouet par le ralentissement des exportations. En Chine, production et exportations ralentissent déterminant une baisse du PIB au 4ème trimestre 2008 par rapport au 3ème. La hausse du yen et la diminution des exportations plongent aussi le Japon dans la crise. L’économie française n’apparaît pas alors encore en récession mais tous les indicateurs avancés annoncent un repli de l’activité comparable au moins à la récession de 1993.

La chute de Lehman Brothers, le coup de frein brutal de la croissance mondiale ont fait naître des craintes d’apparition d’une situation de déflation caractérisée non seulement par la baisse des prix mais par la baisse de la totalité des indicateurs, production, investissement, emploi…La menace parait si grave qu’un front anti-déflation s’est constitué dans le monde entier. Il s’agit de lutter contre les anticipations de baisses de prix futures, les agents économiques repoussant leurs décisions d’achat ou d’investissement. Il faut aussi alléger la contrainte de liquidité des agents surendettés, amortir la chute des prix d’actifs risquant d’aggraver la détérioration des bilans bancaires avec pour conséquence le blocage du crédit et une chute supplémentaire d’activité. Deux leviers sont utilisés dans le domaine monétaire et dans le domaine budgétaire.

Des baisses de taux directeurs ont pour objectif de favoriser la consommation au détriment d’une épargne rendue peu attractive et de peser sur l’ensemble des taux à moyen et long terme afin de stimuler des décisions d’investissement. Mais le dysfonctionnement des marchés est si généralisé et l’aversion au risque si fort que les mécanismes de transmission de la politique monétaire ne jouent plus. Les banques centrales ne cessent de baisser leurs taux, la BCE à 2% le 15 janvier 2009 suivant la Banque d’Angleterre qui l’a réduit à 1,5%; la Fed a même adopté la ZIRP, politique de taux zéro, et la Banque du Japon s’est résignée à revenir à cette politique (taux directeur à 0,1%) alors qu’elle avait eu beaucoup de mal à en sortir après une expérience de ce type de 1998 à 2006. Ayant ainsi épuisé toutes ses munitions, la Fed se trouve contrainte d’utiliser une série d’outils non conventionnels pour «reflater» l’économie: le Quantitative Easing ou assouplissement quantitatif. Elle achète des titres finançant non seulement le logement mais les crédits automobiles, les cartes de crédit, les prêts étudiants, les prêts aux PME…Ces acquisitions (à l’actif du bilan de la Fed) sont financées par la création monétaire (au passif). Il en résulte un accroissement du bilan de la banque centrale et une augmentation corrélative des réserves excédentaires des banques, ce qui devrait les inciter à prêter davantage aux entreprises et aux ménages. Encore faut-il que les banques puissent prêter, compte tenu de l’accumulation de leurs difficultés contraignant leurs fonds propres, et que se manifeste une demande de crédits.

Devant les difficultés rencontrées par l’utilisation de l’arme monétaire, les pouvoirs publics recourent massivement à l’arme budgétaire. Les estimations des levées de dette donnent le vertige. Le plan Obama ajoute 825 milliards de dépenses de relance au déficit préexistant. Le gouvernement chinois, après avoir lancé une politique restrictive contre la surchauffe (13% de croissance du PIB en 2007), tente lui aussi une relance devant la baisse de la demande d’exportations. Dans la zone euro, tous les États se résignent à lancer des plans de relance, même l’Allemagne avec 50 milliards d’euros, la France avec 26 milliards, plans qui mettront à mal les finances publiques.

Dès 2009, 1.000 à 1.500 milliards de dettes nettes supplémentaires des États-Unis et des pays européens vont arriver sur le marché. Une bulle des emprunts publics serait-elle en train de se former avec des risques d’explosion? Or, début 2009, les gouvernements peuvent émettre des montagnes de dette sur des marchés financiers à de faibles taux: près de 2% pour l’emprunt à 10 ans américain, en dessous de 3% pour le taux allemand. Face aux risques de dépression mondiale, les investisseurs cherchent la sécurité des obligations d’État, en différenciant bien les signatures: en Europe, la Grèce, l’Espagne, doivent rémunérer les investisseurs par des taux d’intérêt plus élevés que l’Allemagne. Se dessine le risque de krach obligataire (forte hausse des taux) dès que l’aversion au risque diminuerait, portant les épargnants vers d’autres placements. Le krach obligataire serait d’autant plus fort que le risque d’inflation se manifesterait. À la crise de l’endettement privé succéderait la crise de la dette publique avec le risque d’une inflation qui permettrait de réduire la valeur des dettes. Les créanciers paieraient l’addition et notamment la Chine. Ce scénario qui n’est pas nécessairement le plus probable, le Japon en monétisant sa dette n’a pas réussi à relancer l’inflation, ne peut être adopté par la BCE car, aux termes du traité de Maastricht, il lui est interdit de monétiser toute dette. En principe…

La réflexion sur la sortie de crise implique que l’on se souvienne de son origine: la croissance de ces dix dernières années s’est nourrie d’un faux équilibre mondial entre endettement provenant principalement du secteur financier et des ménages américains et épargne essentiellement asiatique le finançant. Cet équilibre a explosé avec le déclenchement de la crise financière contemporaine. La phase d’ajustement est violente. Elle conduira d’abord à une nouvelle réintermédiation avec des banques qui devront refinancer, elles-mêmes, plus d’actifs ainsi qu’à leur nouvelle supervision. Mais le rééquilibrage global ne s’opérera qu’à partir de mutations profondes telles celles de l’augmentation de la consommation en Chine et de l’épargne aux États-Unis. Pour être réussies, c'est-à-dire pour ramener l’économie à une croissance mondiale plus soutenable, ces mutations doivent être le résultat de politiques coopératives entre États; les réunions du G20 peuvent en constituer l’amorce.

 

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Titre : La crise contemporaine internationale Origine, développement et sortie
Auteur(s) : Madame Denise FLOUZAT OSMONT d’AMILLY
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