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La logistique de la Bundeswehr

Cahiers de la pensée mili-Terre n° 48
Expériences alliées
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La «réorganisation» de l’armée allemande actuellement en cours peut être considérée comme la réforme majeure de la Bundeswehr depuis les années 1990. Cette réforme, pensée en 2010 par le ministre allemand de la défense Karl-Theodor zu Gutenberg, lancée par son successeur Thomas de Maizière en 2011 et poursuivie par Ursula von der Leyen, intervient aussi bien sur les structures que sur les modes d’action  de l’armée allemande. Elle concerne bien évidemment également le domaine du soutien logistique, plus particulièrement avec la publication du concept de la Bundeswehr le 1er juillet 2013 et la signature  du sous-concept logistique de la Bundeswehr le 22 avril 2015.


Principaux éléments issus de la directive de planification logistique de la Bundeswehr et du livre blanc allemand de la défense 2016

 

Définition allemande de la logistique

Dans le sous-concept logistique de la Bundeswehr, la logistique est définie en tant que «planification globale, pilotage, coordination, fourniture et contrôle de prestations et de processus de prestations pour assurer la disponibilité opérationnelle des matériels et apporter un soutien à la disponibilité opérationnelle du personnel, à la capacité de durer, à la mobilité et à l’hébergement sur le théâtre». Cette définition est très proche de la définition de la logistique française. Qu’en est-il alors du niveau d’ambition national de l’Allemagne?

 

Niveau d’ambition national

Le dimensionnement et les missions du service de soutien interarmées de la Bundeswehr, qui constitue une armée à part entière, sont bien évidemment définis en fonction du niveau d’ambition national choisi par l’Allemagne pour ses engagementsmilitaires. La prévention des conflits et la gestion des crises apparaissaient dès le début de la «réorganisation» comme des éléments structurant de ce positionnement. Le nouveau livre blanc de la défense adopté par le conseil des ministres allemand le 13 juillet 2016 renforce encore le niveau d’ambition allemand. En effet, on a pu y observer une prise en compte plus importante des responsabilités induites par son importance économique, politique et militaire, et plus particulièrement une volonté de devenir un partenaire militaire plus attractif sur l’ensemble du spectre des opérations. Cette volonté se traduit notamment par une augmentation du budget de la défense pour parvenir à un budget correspondant à 2% (hors pensions) du PIB national, conformément aux normes définies par l’OTAN, et par la première augmentation des effectifs de la Bundeswehr depuis les années 1990, ceux-ci devant passer de 185.000 actuellement à 192.000 d’ici à 2023, alors qu’ils avaient dans un premier temps été limités par la «réorganisation».

 

Quels objectifs pour la planification logistique?

Ce niveau d’ambition renforcé aboutit sur le plan logistique à la conception d’un soutien durable et simultané sur deux théâtres, le premier majeur et accueillant des capacités militaires conséquentes, et le second, de moindre importance, accueillant uniquement des capacités militaires essentielles. L’Allemagne interviendrait sur ces deux théâtres dans le cadre d’opérations militaires avant tout de stabilisation, mais aussi d’évacuation. Il pourrait en outre s’y ajouter plusieurs missions supplémentaires de courte durée. Alternativement, le livre blanc envisage le soutien d’une opération de haute intensité sur le territoire national.

Il s’agit donc en théorie pour le service de soutien interarmées de la Bundeswehr d’assurer sur la durée le commandement, le reachback et le réapprovisionnement depuis l’Allemagne, aussi bien pour l’Allemagne que pour deux théâtres majeurs, et en pratique pour de multiples autres missions, pour un effectif pouvant aller jusqu’à 10.000 soldats (à la place de 7.000 précédemment). Un cycle à six temps a été mis en place pour une période de deux ans: quatre mois en opération et vingt mois pour la régénération, l’instruction et l’entraînement. De quels moyens dispose alors exactement le SKB pour remplir ses missions?

 

Le système logistique de la Bundeswehr

 

Capacités logistiques après la réorganisation: quels moyens?

La «réorganisation» du système logistique allemand tient compte de plafonds imposés pour les effectifs. Le personnel logistique du service de soutien interarmées a été réduit de 44% au profit d’autres éléments tactiques. Le service de soutien interarmées compte ainsi actuellement un peu plus de 41.000 personnes. D’ici à 2018, les installations logistiques fixes dédiées au stockage seront réduites à 40, rattachées au système SAP et recentrées sur leur cœur de métier d’origine pour mettre fin au stockage transversal des munitions et matériels sur l’ensemble du territoire.

Les tâches de la logistique interarmées ont été regroupées et centralisées au sein du commandement logistique de la Bundeswehr (LogKdoBw) à Erfurt. L’ensemble des unités logistiques mobiles du service de soutien interarmées (six bataillons logistiques identiques et un bataillon d’aide au déploiement du génie), le centre logistique de la Bundeswehr et ses installations logistiques fixes (oIe) implantées sur le territoire national, et l’école de la logistique de la Bundeswehr avec ses centres de formation à la conduite, sont placés sous le commandement d’un général unique (Generalmajor Volker Thomas depuis le 14 janvier 2016).

Chaque armée possède également des capacités qui lui sont propres. C’est particulièrement le cas de l’armée de terre, où chacune des six brigades interarmes dispose d’un bataillon de soutien organique.

 

Structure opérationnelle

Le système logistique de la Bundeswehr s’organise sur trois niveaux: la base logistique nationale (située en Allemagne), la base logistique de théâtre, et la logistique organique des unités engagées sur le théâtre.

L’exercice central des tâches est assuré par le service de soutien interarmées. La base logistique interarmées en Allemagne, outre le pilotage des capacités logistiques, assure le fonctionnement en Allemagne, le soutien en opérations, la projection et le ravitaillement à partir de l’Allemagne. La base logistique de théâtre constitue l’interface entre la logistique interarmées et la logistique opérationnelle sur le théâtre. La logistique opérationnelle assure quant à elle le soutien des forces engagées en métropole et sur les théâtres ainsi que le réapprovisionnement, avec toutefois une autonomie limitée dans le temps et dans l’espace.

 

Les prestations du service de soutien interarmées de la Bundeswehr et ses limites

Les services logistiques mobiles du service de soutien interarmées de la Bundeswehr disposent d’un large éventail de compétences et de prestations. Mais les ressources sont limitées et leur capacité à durer est prévue à des niveaux différents. Conformément au niveau d’ambition national, il sera possible à l’avenir (la réorganisation de la Bundeswehr est prévue pour être achevée en 2017) de couvrir les besoins d’un théâtre principal majoritairement avec des forces logistiques militaires qui seront complétées en fonction de la situation et des besoins par des prestations fournies par des tiers, host nation support (HNS), partenaires étrangers dans le cadre de la coopération multinationale, et partenaires commerciaux. Le soutien fourni au théâtre secondaire sera assuré par des capacités militaires clés, mais essentiellement constitué du recours à des prestations HNS, à des partenaires étrangers dans  le  cadre de  la coopération  multinationale et à des marchés commerciaux, notamment locaux.

Certaines capacités doivent être considérées comme critiques. Ainsi, la mise en place et l’exploitation d’une zone de recomplètement opérationnelle en carburants ainsi que la mise en place des mesures visant à assurer le transbordement aérien militaire ne sont actuellement prévues que sur un seul théâtre.

De plus, l’hébergement dans des cantonnements opérationnels est limité à 4.000 personnes pour une durée maximale d’un an: on atteint ici les limites du soutien interarmées.

En règle générale, presque toutes les missions logistiques pourront faire appel à des prestataires externes. Les seules limites au recours à des prestataires externes en opération relèvent de la sécurité, sont d’ordre opérationnel, dépendent des dispositions légales ou de la nécessité d’accomplissement de tâches réservées à la puissance publique. La planification et le pilotage logistique (C2 & Control) relèveront cependant toujours strictement de la responsabilité de la Bundeswehr.

 

Une place (trop?) importante accordée au secteur privé et au multinational

 

Le niveau d’ambition national de l’Allemagne ne lui permet pas de se reposer sur les seules capacités du service de soutien interarmées pour assurer le soutien logistique de la Bundeswehr si l’ensemble des scenarii étudiés devaient se réaliser. C’est pourquoi le recours à des prestations de tiers et leur intégration ont été planifiés dès le départ.

Le secteur privé

Le recours au secteur privé est planifié sur l’ensemble du spectre des opérations de la Bundeswehr, sur le territoire national comme à l’étranger. L’Allemagne envisage de recourir à des prestations privées au niveau national, prioritairement en ce qui concerne le transbordement aérien, l’hébergement opérationnel, le soutien en carburant et le MCO, qui se prêtent particulièrement à l’intégration de prestations de tiers. Un engagement contractuel pallierait toute rupture de la chaîne logistique en rendant ces capacités immédiatement disponibles, et leur participation éventuelle à des exercices garantirait leur intégration optimale au plus tôt.

Le MCO terrestre est ainsi assuré dans une large mesure par la société HIL, dont le capital est détenu désormais en propre par le MINDEF allemand après une expérience semi-étatique durant les dix premières années. La société HIL assure la disponibilité du matériel à un taux prédéfini, notamment à travers la mise en place d’un système d’information sur la base de SAP R/3 «Entreprise» relié avec le système d’information logistique actuel et futur de la Bundeswehr.

D’autres sociétés de ce type - détenues en totalité ou en partie par le MINDEF ? se sont spécialisées dans d’autres secteurs: pool de véhicules de la gamme commerciale et semi-militarisé, habillement, etc.

 

Host nation support

Dans le cadre du recours à des tiers, l’Allemagne prévoit également de faire appel au HNS soit par des prestations fournies par le pays hôte, soit par l’intervention de prestataires privés. Elle est cependant consciente des problèmes pouvant être posés par le manque de stabilité politique d’un théâtre, et des limites que constituent la durée restreinte d’une opération et le degré de danger pour l’intégration efficace de prestataires du secteur privé. Elle se fixe par conséquent pour objectif d’acquérir davantage d’expérience de terrain.

 

Le soutien multinational

L’Allemagne inscrit clairement son action militaire dans le cadre multinational, que ce soit au sein de l’OTAN ou de l’Europe, et le réaffirme dans le dernier livre blanc. Elle considère ces coopérations multinationales comme l’occasion d’optimiser la fourniture de prestations et de réduire l’empreinte logistique.

Au cours du sommet de l’OTAN au Pays de Galles en 2014, l’Allemagne a soutenu le concept de nation cadre, et elle s’est plus particulièrement proposée pour assurer la coordination et le pilotage des domaines Joint Logistic Support Group Headquarters (JLSG HQ) et Reception Staging Onward Movement (RSOM). Son engagement oblige la Bundeswehr à disposer d’un vaste éventail capacitaire logistique propre et à adapter son système, ses processus et sa formation pour être capable d’intégrer les différentes procédures et structures de ses partenaires multinationaux.

La Bundeswehr a pleinement intégré ces données et, considérant la multi-nationalité comme normale, elle l’applique donc non seulement dans le domaine opérationnel, mais également dans celui de la formation et de l’entraînement. Signalons ainsi, au- delà de la coopération franco-allemande au sein de la brigade franco-allemande, la coopération avec la Hongrie pour les dépôts de carburant et les transports mise en œuvre au cours de l’exercice CAPABLE LOGISTICIAN en 2015 et l’extension de programmes de coopération à la Pologne et aux Pays-Bas. L’Allemagne reste néanmoins bien consciente des limites politiques à la coopération multinationale opérationnelle que constitue la décision souveraine de chaque pays de participer ou non à chacune des opérations envisagées.

 

Réalités opérationnelles, évolutions et limites

 

L’Allemagne s’investit pleinement dans la coopération multinationale en ce qui concerne la logistique interarmées à travers la Smart defense ou le Pooling and sharing notamment, par choix politique d’inscription de ses actions militaires à l’étranger dans le cadre international, mais aussi parce qu’elle n’a pas les moyens de faire autrement. Il  en  va de même pour le recours à des contractuels, déjà utilisé avant la «réorganisation», mais à présent renforcé aussi bien en raison de son efficacité que parce qu’il n’y a pas d’autre solution possible.

L’Allemagne se retrouve, comme l’ensemble des pays européens, face au dilemme posé par les limites de son budget et de ses moyens: recourir aux prestations de tiers pour assurer le soutien de ses opérations, mais conserver un degré suffisant d’autonomie militaire pour être en mesure d’agir sur le terrain de la politique de défense. Elle espère y répondre grâce à son dispositif d’unités logistiques mobiles dont elle attend des solutions souples et modulaires au travers de l’engagement rapide sur n’importe quel théâtre de personnels dûment formés. Cependant, on peut légitimement s’interroger sur la capacité à durer de ces unités.

N’envisageant pas de modification substantielle de ses capacités logistiques propres dans les années à venir, la Bundeswehr a choisi de s’engager pleinement dans la voie de la coopération multinationale et de la fiabilisation de l’intégration de ses prestataires externes. Parallèlement, elle recherche en permanence l’optimisation de ses structures, notamment pour les procédures de maintenance des matériels de retour d’OPEX. Ce processus d’adaptation continu se poursuivra bien au-delà de la «réorganisation», le système logistique de la Bundeswehr se concevant de façon évolutive.

On ne peut que souligner la cohérence de ce choix avec la politique de défense exposée dans le dernier livre blanc, qui affirme la responsabilité de l’Allemagne et sa volonté de s’investir sur le plan international (notamment sur la façade orientale de l’Europe et en Irak). Alors que le Brexit semble faire planer une ombre sur la coopération bilatérale de la France avec le Royaume-Uni (mais cette coopération peut fort bien se poursuivre en dehors du cadre de l’Union européenne), les orientations clairement otanienne et européenne de l’Allemagne pourraient conduire à terme vers une nouvelle étape de la construction de l’Europe de la défense, notamment sur le plan du soutien interarmées multinational, et il convient de rester particulièrement attentif aux évolutions dans ce domaine.

 

Le Chef d’escadron FELBLINGER a été affectée successivement au 516ème régiment du train, à l’état-major puis au bataillon de commandement et de soutien de la brigade franco-allemande et au CDEF. Après son année à l’École de guerre, elle effectue actuellement une scolarité en mastère spécialisé «Management industriel, projet et supply chain» à Centrale-Supélec

L’auteur tient à remercier le Colonel Flecksteiner, OLIA à la Führungsakademie à Hambourg, le Colonel Miquel, OLIA auprès du Kommando  SKB à Bonn, ainsi que l’Oberstleutnant Hildebrandt, officier de liaison terre allemand à Bourges et l’Oberstleutnant i.G. Frank du LogKdoBw, pour les réponses qu’ils lui ont apportées tout au long de la rédaction  de cet article.

 


 

 

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Titre : La logistique de la Bundeswehr
Auteur(s) : le Chef d’escadron Coralie FELBLINGER
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