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Le 5ème Régiment du Génie dans la campagne de Madagascar (1895)

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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L’exemple du 5ème régiment du génie à Madagascar est aisément transposable aux opérations actuelles. En 1895, il a grandement contribué à la conquête de l’île, en apportant des solutions concrètes pour faciliter la manœuvre, puis contribué, par la mise en valeur du pays, à la phase de stabilisation- normalisation.


Les origines du conflit

La France pose le pied pour la première fois à Madagascar en 1601 et Colbert baptise ce territoire «île Dauphine». Ce n’est qu’en 1811 que l’Angleterre, profitant des démêlés de la France en Europe, s’empare de l’île. Mais cinq ans plus tard elle est obligée, par le traité de Paris, de rendre Madagascar aux Français. C’est alors que commence une période de troubles: l’ethnie dominante, les Hovas, travaillée par les Anglais, se refuse à toute présence étrangère. Une première expédition est menée par l’amiral Pierre en 1883. Les indispensables renforts sont envoyés avec parcimonie par la métropole, toujours plus absorbée par les difficultés rencontrées au Tonkin. Malgré la faiblesse des effectifs, la Marine inscrit à Madagascar des pages de gloire couronnées en 1885 par un traité à l’avantage certain de la France. Cette bouffée d’oxygène permet à la métropole de retirer la majeure partie de ses troupes et de se concentrer sur l’Indochine.

Cette période de calme relatif ne dure pas. En effet, les tensions atteignent leur paroxysme en 1890 quand l’Angleterre et l’Allemagne reconnaissent officiellement le protectorat français sur Madagascar. Dès lors, les Français de l’île ne connaissent aucun répit, étant même menacés physiquement. L’opinion métropolitaine est peu à peu gagnée à une intervention majeure à Madagascar, et c’est en 1894 que celle-ci est décidée.

La géographie de Madagascar est dominée par le contraste entre deux régions majeures. Les hauts plateaux occupent tout le centre du pays et constituent la zone la plus fertile et la plus salubre de l’île. Les pays côtiers sont difficiles à vivre et à exploiter, mais sont naturellement ouverts sur la mer. Pour accéder aux plateaux depuis les côtes, il faut franchir des vallées profondes où croupissent bien souvent des eaux marécageuses. En revanche, de grands fleuves offrent un accès facile de la côte au plateau central.

Quant à l’armée Hova, elle n’est constituée que d’une bande de pillards et de fonctionnaires corrompus, mais, avec vingt mille hommes, elle est suffisamment nombreuse pour être prise au sérieux. Chaque homme est équipé d’un fusil, mais doit subvenir lui-même à ses besoins en matière d’habillement et de nourriture. Une centaine de canons et douze mitrailleuses complètent ce matériel, mais l’instruction sur ces armes est plus que douteuse. Face à cette armée, la France décide d’envoyer un corps expéditionnaire de quinze mille hommes.

Après avoir exposé les grands traits de l’expédition française, nous mettrons en exergue l’action courageuse des sapeurs à Madagascar, puis le prolongement de leur action après la fin des combats.

 

La campagne de Madagascar

Pour prendre la capitale Tananarive, il faut choisir entre deux villes côtières pour procéder à un débarquement. À l’est, Tamatave offre l’itinéraire le plus court pour atteindre l’objectif, mais la piste y est impraticable aux voitures, tant le paysage est tourmenté à cet endroit. Il faudrait des années de travaux pour y parvenir et on préfèrera la route de l’ouest en débarquant à Majunga à partir du 16 janvier 1895.

Il convient de souligner le manque d’expérience de l’encadrement pour les expéditions tropicales, et l’inadéquation des matériels et des choix tactiques aux conditions climatiques et géographiques de l’île. La Marine refusera par exemple de fournir les embarcations fluviales qui auraient pu économiser du temps et des hommes aux troupes terrestres. De plus, les médicaments manquent contre la fièvre et la dysenterie. Enfin, le choix tactique de la route ouest aurait pu être évité si l’on avait préféré mulets et coolies aux voitures. Ceci aurait permis d’emprunter la piste de l’est, moyennant quelques aménagements sommaires, faisant gagner au corps expéditionnaire quelques précieuses semaines et surtout un grand nombre de vies humaines. Ces erreurs permettent de comprendre pourquoi cette expédition a été tant décriée ultérieurement par l’opinion publique française.

En débarquant à Majunga, la ligne d’attaque qui s’impose naturellement au corps expéditionnaire pour marcher sur la capitale est de longer le fleuve Betsiboka et son affluent, l’Ikopa. Cette marche d’environ cinq cents kilomètres couvre une région composée de trois plateaux successifs montant jusqu’à Tananarive. La Betsiboka est navigable sur son premier quart jusqu’à la ville de Marololo, mais le peu d’informations sur sa navigabilité empêche de la considérer comme une voie de communication sûre. La progression des troupes françaises le long de l’itinéraire choisi rencontre un certain nombre de difficultés, à commencer par la lenteur du débarquement des troupes et du matériel à Majunga. Cette lenteur provient de l’inexistence d’installations portuaires autorisant ce genre de débarquement. L’autre grande difficulté vient du climat et de l’insalubrité des zones côtières. Ces deux éléments freinent la progression de l’avant-garde française, mais les combats en eux-mêmes n’occasionnent que peu de pertes.

Au vu de la fatigue accumulée par les trois premiers mois d’opérations, le commandement décide de faire une étape d’un mois et demi à Marololo et d’y construire une base secondaire qui servirait au soutien des combats jusqu’à Tananarive. Quant aux opérations elles-mêmes, elles consistent à s’emparer des postes successifs tenus par l’ennemi sur la route de Tananarive et débutent dès les premiers jours de mars.

Après la halte de Marololo, l’offensive reprend de part et d’autre. Une attaque ennemie inflige quelques pertes aux Français qui, finalement, reprennent facilement le dessus et surtout l’initiative. Les postes sont enlevés les uns après les autres, mais cette fois les Hovas incendient villages et récoltes avant de battre en retraite. Fin août, nous sommes aux trois quarts de la distance et la saison des pluies approche. Le commandement prend alors la décision d’arrêter à cet endroit la route qui aura coûté tant de vies humaines pour terminer les combats avec une colonne légère ravitaillée par des mulets. La dernière partie de la marche offensive sur Tananarive se fait dans une région bien plus saine que les régions précédemment traversées, mais la résistance Hova s’affermit au fur et à mesure que l’on s’approche de la capitale. Celle-ci est prise assez aisément, après un tir d’artillerie particulièrement ajusté sur le palais de la reine. L’entrée triomphale du commandant des troupes françaises dans Tananarive a lieu le premier octobre, après sept mois de combats dans un pays au climat particulièrement éprouvant.

 

Le génie pendant la campagne

Le génie du corps expéditionnaire se compose de quatre compagnies commandées par le lieutenant-colonel Marmier, du 5ème régiment du génie. Les travaux qui lui sont confiés ne sont pas toujours exécutés par la seule main d’œuvre de l’arme, mais leur élaboration et leur direction restent invariablement dans la main des officiers du génie. Lors de la préparation de la campagne, les missions confiées au génie sont l’organisation de la base maritime et d’un sanatorium, la construction de la route et des ponts, la télégraphie et l’aérostation. L’aérostation n’eut aucun emploi à Madagascar, la télégraphie s’est rapidement heurtée aux difficultés du relief et à l’inadaptation du matériel, et le travail majeur fut, de loin, la construction de la route et des ponts entre Majunga et Mangasoavina. Cet ouvrage aura demandé au corps expéditionnaire tout entier quatre mois d’un labeur harassant pour 313 km de route, sept grands ponts et quarante-cinq ponceaux. Au cours de la campagne, une nouvelle mission apparaît pour le génie: le service des étapes. Ce dernier consiste en l’aménagement de postes le long de la route pour constituer des réserves, contrôler les flux de l’approvisionnement vers l’avant et construire des gîtes d’étapes où les troupes peuvent stationner provisoirement en sécurité.

Les difficultés majeures rencontrées par les sapeurs dans la construction de la route furent tout d’abord les vastes zones marécageuses des régions côtières, la maladie les emportant plus vite que prévu, puis le relief escarpé auquel on ne peut échapper pour gagner Tananarive depuis la côte. Le sol malgache est constitué de terre rouge argileuse en majorité, de sable blanc très fin le long des côtes et de quartz en grande quantité sur les hauteurs. La présence d’argile est un souci important pour les sapeurs puisqu’en temps de pluie le sol se creuse de profondes saignées difficiles à franchir et surtout à stabiliser. Le cours des rivières est lui aussi marqué par ce matériau, leur lit s’étendant souvent sur de vastes étendues. Les zones traversées par la route sont pratiquement uniformément couvertes de brousse, une herbe haute assez dure et de rares arbres. En revanche, les essences de ces arbres sont de bonne qualité, ce qui sera fort utile pour la réalisation des ouvrages du génie. La route n’est pas prévue pour durer au-delà de la campagne, c’est-à-dire qu’elle doit tenir jusqu’à la saison des pluies. Aussi faut-il faire au plus vite, sans concevoir de réseau d’évacuation des eaux de pluie et sans s’attarder sur les parties saines du tronçon. Ainsi, certaines parties sont simplement déboisées et désherbées et les zones de dunes sont simplement recouvertes de roseaux. Le travail des sapeurs se porte plutôt sur les zones marécageuses, les barrières rocheuses et les coupures du terrain. Dans les zones les plus difficiles, la technique de travail adoptée par les compagnies est de placer le capitaine en tête pour définir le tracé, puis des sections qui tracent une piste étroite à pente constante et enfin des équipes de coolies qui portent la largeur de la chaussée à trois mètres. Les zones marécageuses impliquent de construire un grand nombre de ponceaux, tous construits sur le même principe: des pieux sont enfoncés profondément dans le sol pour servir de piliers au tablier et au platelage. Cette technique, au regard des faibles moyens dont disposent les sapeurs, demande des efforts considérables dans des zones insalubres par définition et bien souvent infestées de caïmans dont il faut éloigner les appétits féroces. En avant du chantier, les reconnaissances menées par des officiers du génie s’avèrent primordiales pour la suite des opérations. Difficiles dans un territoire presque vierge de moyens de communication, elles fixent pour autant l’avancée du chantier, donc le rythme de l’approvisionnement des troupes au contact. C’est donc de ces reconnaissances et de l’ardeur des sapeurs que dépend le rythme de la manœuvre.

Le dernier tronçon de la route réclame la participation de toutes les troupes, le génie ayant subi des pertes importantes et devant se concentrer sur la construction des ponts. Sept ponts majeurs sont construits tout au long de la route, dont le plus long, celui de la Betsiboka, mesure 413 mètres. Ces ouvrages utilisent un matériel réglementaire, le pont Birago, mais pas toujours utilisé selon le règlement. Ce matériel étant en quantité insuffisante, c’est surtout sur l’ingéniosité des officiers du génie et sur la ressource locale en matières premières qu’il faut compter. Le principe est toujours le même, que ce soit avec le matériel réglementaire ou avec le matériel fabriqué sur place: des chevalets sont disposés tous les cinq à six mètres et supportent le tablier et le platelage du pont. La difficulté réside, d’une part, dans l’enfoncement des pieux des chevalets, d’autre part, dans le déplacement des berges et les variations importantes du niveau des eaux. Ces dernières, ajoutées aux passages fréquents de véhicules lourdement chargés imposent des réfections périodiques et même, dans le cas du pont de la Betsiboka, des rallongements successifs jusqu’à cinquante mètres en plus de la longueur initiale.

 

Le prolongement de l’action du génie

La campagne de reconquête de Madagascar s’est terminée, nous l’avons dit, dans les premiers jours d’octobre. La majeure partie des troupes est repartie tout de suite en métropole pour se rendre disponible pour d’autres engagements outre-mer. Ne sont restées sur place que de faibles troupes pour assurer l’ordre dans l’île, protéger nos ressortissants et participer au développement économique. C’est dans cette dernière mission que le génie a continué à mener des actions d’éclat qui lui font honneur.

Dans l’hiver qui suit la fin des combats, le lieutenant-colonel Marmier mène des reconnaissances pour l’amélioration de la route de Majunga à Tananarive et pour la création de deux routes supplémentaires. La première permettrait de désenclaver la grande ville du sud, Fianarantsoa, et la deuxième relierait Tananarive à Tamatave, sur la côte est. La route de Fianarantsoa est réalisée grâce à la main d’œuvre locale dirigée par des cadres du génie. La route de Tamatave à Tananarive doit devenir l’axe majeur du développement économique de l’île puisque c’est par cette route est que devront transiter tous les biens importés et exportés de Madagascar. Or cette route existait avant les événements qui ont entraîné l’intervention française, la tradition populaire la mentionnant dans ses mémoires. Le colonel Marmier ne fait donc qu’exhumer cette ancienne route soigneusement dissimulée par les Hovas aux yeux des Français. C’est donc une piste à peine visible que le colonel redécouvre sous la frondaison, mais il s’atèle tout de suite au travail, mettant petit à petit au jour un itinéraire bien plus praticable que celui qu’il avait ouvert de l’autre côté de l’île une année auparavant. Là encore, les sapeurs travaillent dur pour créer cette fois-ci une véritable route carrossable apte à recevoir les convois de marchandises partant ou arrivant au port de Tamatave. Cependant l’essor économique de cette colonie est tel que très vite, la route ne suffit plus et il faut trouver une solution plus efficace encore. Les autorités se tournent naturellement vers les sapeurs.

En 1897, une mission d’officiers, de sous-officiers et d’hommes du rang du 5ème régiment du génie est chargée de la reconnaissance et du lever du chemin de fer entre Tamatave et Tananarive. Cette mission est dirigée par le commandant Roques, futur ministre de la guerre pendant la Première Guerre mondiale. Plusieurs tracés et avant-projets sont reconnus et étudiés par les sapeurs de chemin de fer et c’est finalement le tracé qui part d’Andevorante qui est retenu par le commandement. Le parcours est particulièrement difficile puisque après avoir remonté une vallée, il doit en franchir deux avant d’atteindre la capitale.

Malgré l’ampleur de la tâche, le chantier est confié à des entreprises locales; mais très rapidement, celles-ci renoncent devant la difficulté. Ce sont donc les officiers du génie qui reprennent à leur compte la direction des travaux. Ce retard pris au démarrage explique qu’en 1902, seuls trente kilomètres sont inaugurés. Ce n’est qu’en 1908 que les 270 kilomètres de la voie ferrée reliant Andevorante à Tananarive sont achevés. Pour parfaire cette œuvre, la voie est prolongée jusqu’à Tamatave en 1910 et 1911, portant la longueur de la voie à 369 kilomètres.

La portée économique de ces travaux est considérable. L’île peut enfin sortir de l’ère agricole et exploiter les immenses richesses de son sol. Sur le plan technique, l’œuvre se révèle être une véritable prouesse. Il aura fallu percer trente tunnels, lancer huit viaducs et réaliser en moyenne dix ponts, aqueducs ou dalots par kilomètre de voie. Les sapeurs de chemin de fer paient un lourd tribut à cette œuvre: trois officiers et plusieurs sous-officiers y laisseront la vie.

Un autre grand projet verra le jour un peu plus tard: la construction d’une voie reliant Tananarive à Antsirabe. Ce projet, initié en 1911, sera réalisé entre 1913 et 1923.

Au total, 855 kilomètres de voies seront réalisés par les sapeurs de chemin de fer à Madagascar, dans un pays très accidenté et dont le climat impose une énergie farouche, souvent au péril de la vie. Le pays en compte 893 aujourd’hui.

 

La gloire du 5ème génie

Le 5ème Génie, nous l’avons vu, ne fut pas le seul à constituer le corps expéditionnaire de Madagascar. Mais, d’une part, il en constitua la majeure partie, et d’autre part, il prolongea son séjour bien après la fin du conflit. Son œuvre revêt donc deux aspects différents, mais apportant chacun ses premières pages de gloire à un tout jeune régiment.

  • Le premier est la participation directe aux combats, non pas par des actions spectaculaires et ponctuelles, mais par une mission longue et discrète de construction de route. Si le génie n’avait pas payé si cher un tel engagement, son action serait peut-être restée inconnue. Mais l’insalubrité du climat malgache en décida autrement et c’est en lettres de sang que ce régiment écrit les premières pages de son histoire. Au-delà de la sinistre comptabilité de ce sacrifice, des valeurs essentielles marquent d’emblée la cohésion de ce corps créé six années auparavant. C’est ce qu’a voulu montrer en exemple à la postérité le ministre de la Guerre en inscrivant Madagascar 1895 sur les plis de son drapeau.
  • Le second est la grande qualité technique des officiers et sous-officiers de ce régiment. La pertinence dont font preuve leurs reconnaissances et leurs comptes-rendus permettent au commandement d’assurer immédiatement la sécurité de l’île. L’aménagement de voies de communications rapides et sûres raccourcit les distances, donc les délais d’intervention d’un point à un autre de l’île. Il permet aussi de développer considérablement le commerce, apportant par là une richesse tuant dans l’œuf tout ferment de mécontentement d’une population pas fâchée de sortir du pouvoir dictatorial de l’ethnie dominante. On peut donc dire que le 5ème Génie aura été un outil des plus efficaces dans les mains d’un pouvoir politique chiche en main-d’œuvre militaire, à une époque où un vaste empire colonial impose à la France de diluer au maximum ses forces armées.

 

Finalement, l’action du 5ème Génie à Madagascar, action longue et difficile, aura permis à la France d’y rétablir son autorité et de préserver ses intérêts. Épisode parmi de nombreuses autres épopées coloniales, il n’en reste pas moins que de grandes pages de gloire y ont été écrites et qu’à ce titre, il mérite d’être inscrit dans l’histoire.

 

 

Saint-Cyrien de la promotion Commandant Morin (1994-1997), le chef de bataillon Raoul Deleuze a été chef de section, adjoint et commandant de compagnie de travaux au 5ème régiment du génie, à Canjuers, mais aussi en OPEX (Kosovo et Côte d’Ivoire), avant d’occuper le poste d’officier travaux au bureau opérations-instruction. Il suit actuellement le diplôme technique de l’École du génie.

 

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Titre : Le 5ème Régiment du Génie dans la campagne de Madagascar (1895)
Auteur(s) : le chef de bataillon Raoul DELEUZE
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