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Le Chiffre militaire : des guerriers sous le sceau du secret (1914-1918)

Soldats de France n° 16
Histoire & stratégie
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Service de renseignement technique, le Chiffre, mêle cryptographie (production de codes et de chiffres secrets) et cryptanalyse (attaque de ces systèmes). Les hommes du Chiffre révèlent les secrets de messages interceptés, tout en maintenant la discrétion sur leurs propres activités. 

 


Tout jeune service pendant la Première Guerre mondiale, le Chiffre militaire est mal vu par les combattants du front qui n’en comprennent pas l’utilité et voient ces hommes comme des « planqués », loin des combats. De même, le commandement n’en reconnaît vraiment la valeur qu’à partir de la bataille de Verdun. Service obscur, il combat sur plusieurs fronts : sa reconnaissance et l’augmentation de ses effectifs ; la défense des communications de l’armée française et les efforts contre les communications adverses.

 

Les hommes du Chiffre ont très tôt fait preuve de combativité à l’intérieur même du département de la Guerre. En effet, si l’idée de créer un service du Chiffre militaire apparaît en 1897, il faut quinze ans de commissions de cryptographie militaire et de comités de déchiffrement interministériel pour aboutir à la création de la section du Chiffre du cabinet du ministre de la Guerre en 1912. Celle-ci est alors composée de quatre hommes et ne s’étoffe qu’au début de la Grande Guerre tandis qu’une section du Chiffre est créée au Grand Quartier Général français (GQG) en août 1914 et que, dès l’automne 1914, des officiers sont détachés aux Armées. Tout au long de la guerre, les chefs des sections du cabinet et du GQG luttent à coups de notes et de circulaires pour maintenir un effectif raisonnable face à l’ampleur de la tâche à assurer : l’audace les pousse régulièrement à contrer les décisions du service du personnel pour conserver leurs hommes, dont la formation cryptologique a été minutieuse et dont l’aguerrissement dans le domaine du chiffre s’est renforcé avec le temps. Malgré le départ de chiffreurs pour le front, le service comptabilise plus d’une centaine de membres à la fin de la Grande Guerre, signe de la détermination inébranlable de ses chefs à maintenir un effectif important.

 

Or, entre 1914 et 1916, les chefs d’unités du front considèrent parfois que l’urgence ordonne de ne pas perdre de temps en chiffrements estimés « inutiles ». Nombre d’entre eux étant pressés, n’hésitent pas à renvoyer en clair un message chiffré. Cette pratique est problématique puisqu’elle annule le secret du message chiffré, peut renseigner quiconque l’intercepterait et expose le système de chiffrement par comparaison entre message en clair et message chiffré, obligeant à changer de système.

 

Malgré les nombreuses notes rappelant l’interdiction de pareilles pratiques, les vieilles habitudes de renvoi en clair persistent. Pour pallier ce risque en réduisant au maximum les délais d’attente, des chiffreurs expérimentés doivent chiffrer et déchiffrer les communications cruciales : le chef du Chiffre du cabinet, Cartier, assure le service courant pour le ministre ; celui du Chiffre du GQG, Givierge, en fait de même pour Joffre. La situation s’améliore lentement et 1916 marque un tournant dans la considération dont le chiffre fait l’objet. En effet, des généraux demandent des carnets de chiffrement rapide pour protéger leurs communications téléphoniques avec les unités subalternes lors de la bataille de Verdun. Dès lors, les rappels à l’ordre sur le chiffrement des messages se font moins fréquents et de nouvelles habitudes se prennent.

 

Pour Cartier et Givierge, comme pour leurs hommes déterminés à participer à la guerre, et ce même lorsqu’ils sont assis derrière un bureau, il y a plus pressant que le service courant : attaquer et casser les codes et chiffres de l’ennemi, pour fournir de précieux renseignements au 2e Bureau et prouver l’utilité du service aux commandants qui peinent à le considérer. La volonté d’augmenter les effectifs du Chiffre tout au long de la guerre va dans ce sens : les hommes qui y sont détachés rejoignent les rangs des cryptanalystes. Comme les cryptographes, ils créent des nouveaux systèmes et les éprouvent. Conscients de la résistance limitée des codes existants, les belligérants changent régulièrement de systèmes de chiffrement ou de dictionnaires de code, aussi nombreux que les destinataires. Le travail des cryptanalystes est réduit à néant alors que l’urgence est prégnante : en effet un changement de chiffre indique souvent une attaque imminente et les renseignements dévoilés par la cryptanalyse ont une durée de vie restreinte. Les cryptanalystes français doivent donc constamment adapter leurs méthodes en alliant intuition et audace pour permettre au 2e Bureau de connaître les plans de l’ennemi.

 

Si déchiffrer en connaissant la clé prend quelques heures, décrypter prend davantage de temps : de quelques jours à plusieurs semaines. Les cryptanalystes luttent alors contre la fatigue, le doute, la faim pour casser le secret ennemi. Certains s’effondrent de fatique, comme Georges-Jean Painvin, l’un des plus grands cryptologues de la guerre. Le 2 juin 1918, alors qu’il avait mis un mois à craquer un système de chiffrement alemand (dit ADFGX Français), il réussit l’exploit de comprendre le nouveau code (dit ADFGVX) et de trouver la clé de chiffrement en seulement 26 heures, avant de s’écrouler d’épuisement, une fois ses résultats transmis

 

Membres du Chiffre dès la première heure ou détachés entre 1914 et 1918, les cryptologues français gagnent en efficacité, en confiance en eux-mêmes et en considération des chefs. L’augmentation des effectifs, que le commandement voyait comme un sacrifice, a porté ses fruits en diversifiant les angles d’attaque d’un service qui participe à la victoire finale en renseignant toujours plus précisément l’armée de Terre, les autres ministères et les Alliés. Les hommes du Chiffre de la Grande Guerre restent néanmoins discrets et le secret imposé sur leurs activités leur vaudra dans les décennies d’après-guerre les railleries de ceux qui étaient au front et avec qui pourtant ils partageaient le même esprit guerrier.

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Titre : Le Chiffre militaire : des guerriers sous le sceau du secret (1914-1918)
Auteur(s) : Agathe Couderc
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Debout, Georges Painvin, élève à l'École polytechnique. © Collections École polytechnique (Palaiseau)/Jules David photographe.
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Communication entre Berlin et Constantinople. Documents Georges-Jean Painvin du musée des Transmissions.
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Communication entre Berlin et Constantinople. Documents Georges-Jean Painvin du musée des Transmissions.
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