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Le Service de santé des armées en Afghanistan Du lieu de la blessure au retour en France

cahier de la pensée mili-Terre
Engagement opérationnel
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Comment mieux présenter cet article sur le Service de santé en Afghanistan qu’en répétant ces propos du chef d’état-major des armées, rapportés ci-dessous par l’auteur: «Si nous pouvons tant demander à nos hommes, c’est parce qu’ils savent que le soutien médical est là»? Le SSA français bénéficie d’une réputation d’excellence, en particulier dans les opérations extérieures, due autant à la qualité et à l’engagement de ses membres qu’à une organisation originale et rigoureuse. Au travers d’un témoignage tout personnel, vivant et engagé, le Médecin chef des services Monségu nous en décrit les principes, nous montre les interactions avec les différents acteurs du théâtre, nous fait parcourir de manière réaliste la chaîne d’évacuation. Les Cahiers le remercient chaleureusement pour son témoignage, et sont heureux, grâce à lui, de rendre hommage à notre Service de santé.


Depuis maintenant de nombreuses années, nos forces armées se trouvent déployées sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures où l’engagement est parfois très intense. L’Afghanistan a marqué tous les esprits, civils et militaires, car près de 10 ans de présence dans cette région d’Asie centrale nous ont permis d’évoluer dans la doctrine militaire, et le Service de santé des armées (SSA) n’a pas échappé à une évolution dans sa mission régalienne qu’est le soutien aux forces.

 

Ayant eu l’honneur et le privilège d’être médecin chef du Rôle 3 de KAIA[1], dénommé aussi MTF[2] ou HMC[3], du 5 avril au 7 juillet 2011 voici un rapide et bien entendu non exhaustif aperçu de l’organisation de la chaîne santé telle qu’elle avait été mise en place durant cette période où les forces françaises avoisinaient 4.000 militaires répartis essentiellement sur la RC[4] est (provinces de Kapisa et de Surobi) où était déployée la Task Force La Fayette (TFLF) et la RC centre (Kaboul et sa banlieue), auxquelles il convenait de rajouter les OMLT[5] réparties au sein des compagnies afghanes sur le secteur de la TFLF.

 

En préambule, je voudrais rapporter les propos de l’Amiral Guillaud, à l’époque chef d’état-major des armées, qui, lors d’une de ses visites au tout début de mon mandat, m’avait dit: «Vous savez, Docteur, si nous pouvons tant demander à nos hommes, c’est parce qu’ils savent que vous êtes là!». Ces quelques mots ont pris au fil des semaines de notre mission toute leur importance, preuve de force et d’efficacité de notre SSA. À vrai dire, ils résument simplement la doctrine du SSA en OPEX où tout est mis en œuvre pour une médicalisation de l’avant, ce qui nous différencie des autres armées présentes sur le territoire.

 

Avant toute chose, il est essentiel d’avoir une vision du décor dans lequel évoluaient nos militaires. Dans cette partie de l’Afghanistan très montagneuse, l’univers minéral rendait les déplacements terrestres difficiles et longs en raison d’un réseau routier très précaire et aussi du danger lié à l’attaque potentielle des convois par l’insurrection particulièrement active. D’autre part, la zone de responsabilité couverte par la TFLF était étendue (une centaine de kilomètres sur soixante de large), et les positions tenues étaient multiples, réparties entre trois FOB[6] et plusieurs COP[7] dont la taille et l’isolement étaient très variables.

 

Fort de cet élément géographique, comment était donc organisé le premier maillon de la chaîne santé sur le terrain? Chaque FOB disposait d’une infirmerie en dur (Rôle 1) avec plusieurs médecins, infirmiers IDE[8] (Certificats Techniques 1 et 2) et auxiliaires sanitaires, capables d’accueillir plusieurs blessés, d’effectuer des gestes médico-chirurgicaux afin de mettre en condition un blessé grave avant son transfert, mais aussi d’hospitaliser un militaire dont les lésions ne nécessitaient pas une prise en charge spécifique Au sein des COP, on trouvait le plus souvent un poste de secours plus rudimentaire, mais doté de moyens adaptés au personnel santé présent, le plus souvent un infirmier CT2, parfois un médecin sur les COP très éloignés (comme en Surobi), dont la vocation était davantage d’être un endroit de repli pour mise en condition d’un blessé. Mais au-delà de cet aspect statique du dispositif, le SSA français se singularise des autres nations par le fait qu’il est mobile derrière ses combattants. En effet, chaque opération était préparée en amont avec les états-majors de chaque sous-groupement opérationnel et le dispositif santé était alors défini en fonction de plusieurs paramètres (dangerosité de la mission, durée, éloignement, nombre d’hommes engagés, etc.). Si la présence d’un médecin était retenue, il était positionné dans son VAB SAN dont l’équipement, certes sommaire, permettait la récupération d’un blessé couché dans des conditions acceptables. Néanmoins, la ressource humaine en médecins n’étant pas extensible, de nombreuses missions étaient soutenues uniquement par des infirmiers CT2 ayant une expertise médicale affirmée permettant la mise en condition d’un blessé et l’évaluation du degré de gravité des blessures. À ce dispositif, il faut rajouter la présence d’un auxiliaire sanitaire au sein de chaque section de combat, capable d’effectuer les premiers gestes afin de traiter l’urgence vitale, s’intégrant dans une démarche dénommée le MARCHE-RYAN, visant à maintenir en vie le blessé avant l’arrivée du médecin. Il s’agit d’un plan simple où à chaque lettre est associée à une action spécifique dont voici le déroulement:

  • M pour Massive bleeding control[9],
  • A pour Airways (liberté des voies aériennes),
  • R pour Respiration (efficacité de la ventilation),
  • C pour Circulation (présence d’un pouls),
  • H pour Head et Hypothermia (recherche de troubles neurologiques et lutte contre l’hypothermie),
  • E pour Evacuation.

Suit ensuite le RYAN pour préparer l’évacuation:

  • R pour réévaluer,
  • Y pour les yeux et les oreilles,
  • A pour analgésie
  • N pour nettoyer.

Mais il faut aussi insister sur la formation individuelle de chaque combattant aux gestes de survie muni de sa trousse médicale au sein de laquelle on trouve un garrot, des pansements, un kit de perfusion, une seringue auto-injectable de morphine. Cette médicalisation de l’avant, dont les SAMU se sont inspirés dans l’exercice de la médecine civile, permettait une prise en charge optimale et très précoce du blessé de guerre, et on sait que la rapidité et la qualité du conditionnement médical sont essentielles dans le pronostic vital de la victime.

 

Voici posé brièvement le premier maillon de la chaîne santé sur le terrain sur lequel il convient de porter quelques réflexions. Ce «maillage» santé est très spécifique des armées françaises et particulièrement envié par nos partenaires de l’OTAN; le COMSANTÉ de la RC-est et mon homologue qui commandait le Rôle 3 de Bagram (tous deux américains) me firent cette confidence hautement révélatrice: «On ne sait pas comment vous faites pour arriver à une telle médicalisation de l’avant!». Le corollaire est l’exposition d’une pièce-maîtresse du dispositif (ce que l’insurrection avait rapidement compris, imposant la banalisation des engins blindés sanitaires avec le retrait de la croix rouge), mais aussi une charge physique importante car, outre l’équipement individuel porté (protection et armement), le personnel santé est équipé d’un sac lourd et encombrant contenant le matériel indispensable à la prise en charge du blessé car il ne suffit pas d’apporter l’expertise, il faut aussi lui en donner les moyens. Là aussi, il convient d’insister sur la qualité de formation des équipes médicales à qui on dispense en métropole au sein de centres de formation spécifiques (CITERA[10]), en amont de chaque mission, une formation complémentaire dans la prise en charge des urgences de guerre.

 

Le deuxième maillon de cette chaîne santé consistait à organiser le transport du blessé conditionné vers l’hôpital médico-chirurgical de rattachement (MEDEVAC[11]). Bien que la TFLF évoluait en RC-est et donc rattachée théoriquement au Rôle 3 de Bagram sous la responsabilité américaine, il était convenu que les blessés des forces françaises seraient dirigés en priorité vers Kaboul en raison d’une distance similaire et du leadership français donné au Rôle 3 de KAIA. La première règle de ce transport imposait une rapidité la plus optimale possible en mettant tout en œuvre pour respecter un délai de moins d’une heure entre la prise en charge médicale initiale et l’arrivée à l’hôpital. Pour toute MEDEVAC, cette «golden hour», déclenchée à partir de l’envoi du message 9-line, était une des règles imposées et évaluées par l’ISAF.

La deuxième règle de ce transport était qu’elle faisait appel à des moyens héliportés en raison de la configuration géographique du terrain et afin de pouvoir respecter le délai. Ces moyens, pour la TFLF, étaient stationnés sur l’aéroport de Kaboul (bataillon hélico) où un appareil de transport (Cougar ou Caracal) était conditionné très rapidement (10 à 15 mn) en version sanitaire afin d’effectuer le transport du ou des blessés. Nouvelle singularité française, et non des moindres: la présence à bord d’un médecin et d’un infirmier CT2 rompus à la poursuite de la prise en charge médicale initiale pendant le transport, alors que les forces américaines disposaient certes d’hélicoptères spécifiquement dédiés au transport de blessés mais avec à leur bord uniquement un paramédical. Le trajet aller était au maximum de 20 mn, laissant ainsi le temps à l’équipe médicale de terrain de conditionner le blessé, de l’évacuer sur un lieu de posé sécurisé où l’équipage de l’aéronef récupérait le militaire et l’évacuait sur l’hôpital.

La mise en œuvre de ce transport passait par une étape essentielle, celle de la régulation effectuée par le médecin du PEEC[12], véritable chef d’orchestre qui coordonnait ce deuxième temps de la prise en charge du blessé. Basé sur la FOB de Nijrab, état-major de la TFLF, après avoir établi un bilan lésionnel du ou des blessés en coordination directe par téléphone ou radio avec le médecin du terrain, il catégorisait le blessé afin de mettre en œuvre la rapidité et la priorisation de l’évacuation avec trois niveaux de gravité:

  • alfa où l’urgence vitale est engagée,
  • bravo nécessitant un transfert rapide
  • charlie où le transport peut être différé car non urgent.

Dans le même temps, il s’assurait auprès du médecin chef du Rôle 3 des possibilités logistiques de prise en charge, tout en lui donnant les premiers éléments du bilan, permettant ainsi à l’équipe médico-chirurgicale hospitalière de se préparer à l’accueil du blessé.

 

Le Rôle 3 constituait le troisième maillon de la chaîne santé et allait dispenser les premiers soins médico-chirurgicaux spécifiques au blessé, faisant un état des lieux des blessures tout en effectuant une première séquence thérapeutique de «damaged control» sur lequel nous allons revenir.

Quelques mots sur l’HMC KAIA avant d’aller plus loin. Construit en un an sur des crédits OTAN, il a été opérationnel en juillet 2009 et le leadership a été donné à la France qui va apporter tout l’équipement médico-chirurgical nécessaire, au «standard» français, si bien que les équipes médicales vont travailler dans des conditions identiques à ce qu’elles font dans les hôpitaux d’Instruction des armées (HIA). Situé dans le camp de KAIA (qui regroupe près de 4.000 personnes, dont le centre opérationnel de l’ISAF[13]), il est positionné au bord des pistes de l’aéroport, côté militaire. Cette position a été choisie afin de réduire les délais de prise en charge des MEDEVAC et de faciliter l’évacuation vers la métropole. Plaque tournante de la chaîne santé, il a vocation à mettre en condition le blessé afin de l’évacuer sur la métropole où il recevra le traitement complémentaire adapté à ses blessures. Ses missions sont clairement définies par un mémorandum otanien avec comme mission principale et prioritaire le soutien santé au profit du personnel de l’ISAF ainsi qu’aux militaires et à la police afghans; la prise en charge des blessés collatéraux civils afghans est aussi prioritaire, l’aide médicale à la population (AMP) autorisée, à la discrétion du médecin-chef et sous réserve de ne pas compromettre la mission principale. Durant mon mandat, j’ai toujours mis un point d’honneur à poursuivre cette AMP s’inscrivant dans le maintien de la capacité opérationnelle de tout le personnel mais aussi dans une tradition des armées françaises présentes sur les différents théâtres d’opérations extérieures.

 

Implanté sur un seul niveau et très fonctionnel avec de larges couloirs, la capacité en nombre de lits de l’HMC est donc limitée (dans le but de satisfaire à sa mission principale), ce qui signifie une gestion la plus optimale possible, parfois délicate en raison du risque d’arrivée massive de blessés. Mais son niveau de technicité est par contre élevé avec un personnel rompu à l’urgence de guerre particulièrement spécifique et sur laquelle nous reviendrons. Outre une chefferie à laquelle est accolée une salle opérationnelle permettant la gestion des MEDEVAC, la structure comprend un service d’accueil et d’urgences (SAU) disposant de huit lits, un bloc opératoire avec trois salles chirurgicales auquel est accolé le service de réanimation (avec sept lits), un secteur d’hospitalisation de trente lits, un secteur de consultations, une unité de radiologie avec notamment un scanner, un laboratoire de biologie, une pharmacie ainsi qu’une unité biomédicale. Si le leadership a été donné à la France, le caractère international prévaut au niveau du personnel, avec un quart du personnel de nationalité étrangère (République tchèque, Bulgarie, États-Unis, Belgique, Grande-Bretagne et Hongrie). Nous avions constitué trois équipes chirurgicales permettant d’ouvrir trois chantiers chirurgicaux simultanément dans les trois salles opératoires. Chaque équipe chirurgicale était composée d’un chirurgien orthopédique, un chirurgien viscéraliste, un anesthésiste et une équipe de trois infirmières. Un neurochirurgien, un ophtalmologiste et un dentiste venaient renforcer chaque équipe en fonction des blessures rencontrées. Un élément clé et essentiel était représenté par la polyvalence de chacun qui, outre sa spécialité, était capable d’apporter son savoir et son aide lors des différentes interventions, et cet élément singularise particulièrement le corps des médecins des armées français.

 

Avant d’aborder les éléments de la prise en charge des blessés, il convient d’avoir en tête quelques particularités du blessé en Afghanistan, au-delà de son éloignement relatif par rapport au Rôle 3. Il s’agit de blessures de guerre le plus souvent par armes automatiques, auxquelles il faut ajouter les blessures liées à l’explosion d’IED[14], causant des lésions particulièrement vulnérantes et souvent aussi responsables de blessures multiples sur le combattant, mais touchant aussi de façon simultanée plusieurs militaires, notamment lors d’actions contre les convois de véhicules. Ceci nous a conduits à mettre en place l’organisation d’un plan MASCAL[15] où les équipes devaient être capables de prendre en charge un afflux de blessés obligeant à réaliser un triage permettant la priorisation des traitements à effectuer, ainsi qu’un traitement rapide des victimes.

 

Revenons sur les particularités des lésions rencontrées. Le blessé de guerre se présente comme un polytraumatisé grave d’emblée. Il est exposé dans un premier temps à six risques:

  • un risque hémorragique avec des saignements importants, extériorisés ou non,
  • une hypoxie (défaut d’oxygénation) rapide aggravant rapidement l’état du blessé,
  • des lésions osseuses majeures avec des délabrements des membres notamment (car non protégés par des équipements spéciaux),
  • la gravité de lésions cérébrales potentiellement responsables de troubles de la conscience,
  • la douleur
  • et enfin l’hypothermie rapide.

Derrière ces risques, deux autres caractéristiques doivent faire l’objet d’une vigilance: la méconnaissance d’une lésion pouvant conditionner le pronostic vital et la sous-estimation de la gravité initiale d’une blessure.

 

Parmi les clés de l’optimisation des soins apportés à un blessé, il faut insister sur le caractère très protocolaire de cette prise en charge au Rôle 3 dont je vais tracer les grandes lignes, sachant que s’il n’existe pas de place pour l’improvisation, chaque situation est unique et l’équipe doit savoir s’adapter.

La proximité du tarmac permettait donc l’arrivée très proche du blessé via l’aéronef, où le réanimateur accompagné du médecin-chef récupérait auprès du médecin transporteur les grandes lignes des blessures et des premiers soins déjà donnés, lui permettant de catégoriser la nature des blessures et l’orientation potentielle de la victime. Transporté par l’ambulance médicalisée au SAU[16] où tout était préparé pour l’accueil du blessé, celui-ci allait y faire l’objet d’une procédure de «damage-control» ou déchoquage, exécutée par une équipe constituée d’un anesthésiste-réanimateur (véritable chef d’orchestre), des deux chirurgiens (viscéraliste et orthopédiste), d’une infirmière-anesthésiste, de deux infirmières, de deux brancardiers secouristes et d’un script dont le rôle était de consigner toute les étapes de la procédure.

 

Cette séquence de damage-control avait pour but de reconnaître et traiter les détresses vitales, faire un bilan sommaire mais exhaustif des lésions, hiérarchiser les traitements à venir et décider des modalités thérapeutiques à court terme. Pour cela, on distinguait trois phases:

  • le blessé était d’abord placé sur un brancard disposant d’un matelas chauffant, il était déshabillé et faisait l’objet d’un examen clinique complet à la recherche de signes de détresse vitale immédiatement corrigés, sans omettre de vérifier d’éventuelles blessures notamment du dos; les pansements étaient déballés, les garrots éventuellement posés vérifiés. Une échographie abdominale rapide allait renseigner le chirurgien sur d’éventuelles lésions hémorragiques intra-abdominales pouvant nécessiter une chirurgie urgente.
  • Une deuxième phase, le plus souvent menée en parallèle, consistait à mettre en place de grosses voies veineuses pour perfuser le blessé et effectuer en urgence un bilan sanguin incluant le groupage sanguin qui permettait de lancer une collecte de sang totale sur le camp si besoin. Ce dernier aspect mérite d’être souligné tant son importance pouvait être capitale pour le blessé (car l’HMC disposait d’une banque en produits sanguins limitée vu leur rapidité de péremption) et tant la solidarité était exceptionnelle, avec un délai moyen de moins d’une heure entre l’appel à don et le passage de la première poche de sang. L’identité du soldat était récupérée, et c’est rappeler la place importante du port de la plaque d’identité individuelle, trop souvent négligée par certains combattants!
  • La troisième phase allait orienter le blessé soit vers un bilan radiologique dirigé en fonction du type de blessures, et le plus souvent en ayant recours à un examen scanner dont tout Rôle 3 est doté, soit directement vers le bloc opératoire pour une prise en charge chirurgicale urgente d’hémostase le plus souvent ou de parage de plaies importantes conditionnant le pronostic vital. La configuration de notre HMC permettait une fluidité et une rapidité dans cette décision d’orientation. À ce stade, et donc très précocement, le médecin chef et son équipe médico-chirurgicale, suivant la gravité des lésions et le nombre de blessés, décidaient des moyens à mettre en œuvre pour l’évacuation du ou des victimes: soit un retour en métropole via une liaison régulière dans le cadre d’un RAPASAN[17], soit un retour urgent sur un HIA parisien (Percy à Clamart le plus souvent) afin d’assurer la poursuite d’une prise en charge médico-chirurgicale. Dès lors qu’une telle STRATEVAC[18] était décidée, les moyens étaient demandés auprès de l’état-major opérationnel santé à Paris, soit un ou deux aéronefs (Falcon 50 ou 900 de la République française avec une équipe médicale de transport dont au moins un réanimateur), soit le déclenchement du plan MORPHEE[19] permettant le rapatriement de plusieurs blessés avec un C-135 équipé sanitaire, dont le délai nécessitait un peu moins de 24 heures et utilisé une fois durant notre séjour. Une dernière possibilité d’évacuation vers la base arrière américaine en Allemagne via la base de Bagram restait une éventualité, mais jamais utilisée lors de notre mission. C’est ainsi que tous nos blessés graves ont pu être évacués en moins de 36 heures, en grande majorité moins de 24 heures, délai écoulé entre le moment de la blessure et l’arrivée à l’HIA parisien pour une prise en charge optimale.

 

Une dernière mention, et non des moindres, doit aussi être soulignée, celle de la prise en charge précoce de la blessure psychique des soldats (battle stress), victimes ou simples témoins, par notre psychiatre, qui lui aussi a porté l’action psychiatrique au plus près du combattant dans les différentes FOB, permettant une prise en charge qui s’avérait capitale dans le futur de certaines personnalités parfois fortement déstabilisées à l’occasion des traumatismes physiques subis ou rencontrés.

 

Cette chaîne santé en Afghanistan a particulièrement bien fonctionné et a été éprouvée à de multiples reprises dans des conditions difficiles, toujours exemplaire. Elle a permis le traitement de nos blessés du lieu de la blessure jusqu’à la prise en charge en métropole dans des délais brefs, et dans une prise en charge médico-chirurgicale de très haut niveau grâce notamment à ce concept de médicalisation de l’avant avec en appui un Rôle 3 particulièrement bien équipé et des équipes rôdées à la prise en charge de tels blessés.

 

Elle fait la fierté du SSA français en s’inscrivant dans sa plus pure tradition d’un soutien aux forces au plus près du combattant. S’inscrivant dans le désengagement des forces françaises en Afghanistan, le 30 juin 2014 a eu lieu le transfert d’autorité de l’HMC de KAIA à la Task Force 31 de l’armée américaine. Il était logique qu’un hommage soit rendu à toutes les équipes médicales françaises engagées au profit des combattants et ayant servi au Rôle 3 lors du défilé du 14 juillet à Paris avec la présence du fanion de l’HMC de KAIA mis à l’honneur cette année.

 

 

[1] Kaboul International Airport

[2] Medical Treatment Facilities

[3] hôpital médico-chirurgical

[4] Region Command

[5] Operational Mentoring Liaison Team

[6] Forward Operating Base

[7] Combat Outpost

[8] Infirmier diplômé d’État

[9] contrôle d’une hémorragie

[10] Centre d’instruction aux techniques de réanimation de l’avant

[11] Medical Evacuation

[12] Patient Evacuation Coordination Cell

[13] International Security Assistance Force

[14] Improvise Explosive Device

[15] mass casualties

[16] Service d’accueil des urgences

[17] Rapatriement sanitaire

[18] Strategic Evacuation

[19] Modules de réanimation pour patients à haute élongation d’évacuation

 

 

Le Médecin chef des services (ER) Jacques MONSÉGU est sorti en 1984 de l’École du service de santé des armées de Bordeaux. Sa première affectation comme médecin-adjoint de la gendarmerie du Nord - Pas-de-Calais lui vaudra d’effectuer une OPEX à Beyrouth. Nommé assistant des hôpitaux des armées, spécialité cardiovasculaire, il rejoint le Val-de-Grâce en 1989. En 1995, il y est nommé spécialiste et devient adjoint au chef de service de cardiologie, service qu’il dirigera à partir de 2005, après avoir été nommé professeur agrégé du Val-de-Grâce en 2001. En 2011, il s’est porté volontaire pour partir en OPEX en Afghanistan où, pendant son séjour, il a le privilège de partager cette expérience avec son fils aîné, jeune officier en OMLT. Le professeur, en avril 2013, quitte le SSA mais poursuit son activité médicale à Grenoble au sein du groupe hospitalier mutualiste qu’il a rejoint par passion pour la cardiologie, les patients et l’enseignement.

Très grand sportif, le Professeur MONSÉGU est un adepte du triathlon.

 

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Titre : Le Service de santé des armées en Afghanistan Du lieu de la blessure au retour en France
Auteur(s) : le Médecin chef des services (ER) Jacques MONSÉGU
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