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Les enseignements négligés d’une guerre méconnue…

Cahiers de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Contre toute attente, l'intérêt pour les aspects militaires de la guerre civile américaine (1861-1865) resta secondaire pour la France du Second Empire. Alors qu'une nation occidentale faisait la cruelle expérience d'une nouvelle forme de guerre – moderne et totale – préfigurant sur certains points les deux guerres mondiales, l’armée française ne perçut pas les transformations inédites que ce conflit apportait dans l'art de la guerre.


Les célébrations du centenaire de la Grande Guerre occupant légitimement le devant de la scène médiatique française, un autre événement historique de première importance, situé aux États-Unis, pourrait passer totalement inaperçu. Il y a 150 ans, le 9 avril 1865, à Appomattox Courthouse, le Général Robert Lee, commandant en chef des armées confédérées, venait signer la reddition de ses forces auprès du chef des armées de l'Union, le Général Ulysse Grant. Même si, dans les faits, le conflit se poursuivit encore quelques semaines, cette reddition marqua la fin d'une guerre civile de quatre années qui déchira et transforma profondément la nation américaine. Débutant le 12 avril 1861, la guerre de Sécession, appelée «Civil War» par les Américains, opposa les 11 États du Sud du pays aux 23 autres États du Nord, restés fidèles à l'Union.

 

La première guerre moderne et totale.

 

Avec ses 620.000 morts, cette guerre est la plus sanglante que les États-Unis aient connue, puisqu'elle a causé plus de pertes dans l'armée américaine que les deux conflits mondiaux, la guerre de Corée et celle du Vietnam réunis! Pour de nombreux historiens, la guerre civile américaine marquerait un double tournant dans l'histoire militaire et traduirait, pour la première fois, l'impact de la révolution industrielle sur l'art de la guerre. Ainsi, elle serait la première guerre moderne par l'étendue du théâtre des opérations, l'ampleur des effectifs engagés, l'usage d'armes nouvelles et les innovations techniques afférentes, ainsi que par sa dimension idéologique. Elle serait aussi la première guerre totale, dans la mesure où elle appela sous les drapeaux tous les hommes en âge de porter des armes, employa massivement les femmes comme main-d'œuvre de substitution, concentra toutes les ressources de son économie à l'effort de guerre et mobilisa idéologiquement l'ensemble de la population civile, tous âges confondus.

 

En dépit de son éloignement géographique, la France du Second Empire suivit avec intérêt la crise américaine. Si Napoléon III s'inquiétait, à juste titre, des dommages que cette guerre civile causait à l'économie française, avec la rupture de son approvisionnement en coton sudiste notamment, il percevait aussi les bénéfices à retirer d'un conflit qui pourrait modifier profondément les équilibres géopolitiques sur le continent américain.

 

En revanche, l'intérêt pour les aspects militaires du conflit resta secondaire. Alors qu'une nation occidentale faisait la cruelle expérience d'une nouvelle forme de guerre moderne et totale préfigurant sur certains points les deux guerres mondiales, la France ne perçut pas les transformations inédites que ce conflit apporta dans l'art de la guerre. Cet aveuglement de la France lui coûta dans une certaine mesure le désastre de la guerre de 1870-1871. Sans tomber dans le piège de l'uchronie[1], une brève analyse des enseignements militaires de la guerre de Sécession s'impose afin d'en saisir tous les aspects novateurs. Puis nous tenterons de comprendre les raisons qui poussèrent les militaires français à ne pas tirer les leçons du plus grand conflit jamais mené sur le sol américain.

 

Un conflit d'avant-garde qui changea le visage de la guerre!

 

Sur le plan stratégique, en dehors d'une mobilisation inédite de près de trois millions de citoyens américains entre 1861 et 1865 ainsi que la mise en œuvre d'une véritable économie de guerre pour soutenir ces immenses masses de soldats, la nouveauté tient à l'élaboration du plan «Anaconda». Ayant identifié la principale source de richesse du Sud, à savoir le commerce du coton, le Nord décida de l’en priver en l’encerclant afin d'étouffer la Confédération. Anticipant ainsi la stratégie alliée de destruction des grands centres industriels allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale, la stratégie de l'Union fut un exemple réussi d'approche globale, car le Sud, défait militairement, asphyxié économiquement et isolé diplomatiquement, dut finalement capituler.

 

De même, la «course à la mer» du Général nordiste Sherman, en 1864, refléta sur le plan opératif l'importance croissante attribuée aux considérations extra militaires dans le dénouement des batailles. En proposant de ravager le Sud, Sherman avait pour objectif principal de rendre inutilisables les ressources militaires de la région par «la destruction complète des routes, des maisons, et des gens [...] Je puis accomplir cette marche et faire hurler de douleur la Géorgie». Ses 62.000 soldats ravagèrent une zone de 480 km de long sur 80 km de large, détruisant les chemins de fer, arsenaux et dépôts, privant le Sud des approvisionnements nécessaires à la poursuite de la guerre, démolissant les centres industriels et les voies de communication, saccageant les grandes propriétés, sapant le moral des Sudistes… C’est depuis cette époque que la notion de «raid» est d’ailleurs entrée dans le vocabulaire militaire courant. Au final, les états-majors nordistes et sudistes n'avaient peut-être pas étudié les huit volumes intitulés «De la guerre» du théoricien militaire prussien Karl von Clausewitz; néanmoins, ils découvrirent et mirent en œuvre de leur propre chef la guerre totale.

 

Enfin, sur le plan tactique, des innovations annonçaient aussi le visage de la guerre moderne. Sur le terrain, le mélange d'imagination et d'ignorance des méthodes militaires classiques, allié à la révolution technique qui traversait les États-Unis à cette époque, engendra des conceptions d'armement et de tactiques riches et avant-gardistes.

Dresser une liste exhaustive de ces innovations étant trop fastidieux, il convient néanmoins de rappeler celles qui annoncèrent l'ampleur et la violence des conflits à venir. Citons, en premier lieu, la diffusion de nouvelles armes se chargeant par la culasse et des armes à répétition, comme la carabine Spencer et les premières mitrailleuses Gatling. Bénéficiant de l'apport destructeur de la «balle Minié» du nom de cet officier français qui la conçut en 1848 , la mise au point de fusils à canon rayé quadrupla la portée et la précision du tir en donnant un effet tournant à ces balles de forme conique. L'impact sur la tactique militaire fut considérable et transforma celle-ci à trois niveaux: elle condamna les attaques en rang serré initialement destinées à concentrer la puissance de feu, elle rendit suicidaires les charges frontales de cavalerie contre de l'infanterie et, surtout, elle favorisa la défensive au détriment de l'offensive. Dorénavant, les soldats n'allaient plus au feu par rangs successifs, mais ils s'aplatissaient au sol, avançaient par bonds afin de s'exposer le moins possible et creusaient des abris dans la terre à chaque occasion. Au siège de Vicksburg en 1863, et plus encore à celui de Petersburg en 1864, les armées ennemies furent engagées dans la plus cruelle des guerres de tranchées, assez similaire à celles qui auraient lieu pendant la Première Guerre mondiale et qui marquèrent elles aussi les paysages des champs de batailles, avec notamment l’apparition de vastes entonnoirs dus à l’explosion de mines souterraines. Par ailleurs, l’utilisation des voies ferrées en appui des opérations militaires connut un essor remarquable. Ces lignes de chemins de fer, ainsi que les nœuds ferroviaires qu’elles engendraient, devinrent des objectifs stratégiques de première importance pour le transport des troupes et l'acheminement logistique. Avantagé dans ce domaine, le Nord sut entretenir soigneusement ses chemins de fer et en construisit même d'autres pendant le conflit. À titre d'exemple, en septembre 1863, 16.000 soldats de l'Union réussirent à parcourir 1.930 km en une semaine pour rejoindre le front. Ce fut une véritable performance pour l'époque, qui préfigura les mouvements de troupes massifs du XXème siècle. Le télégraphe lui-même fut une des principales armes de la guerre. L'armée fédérale possédait un organisme du nom de Service télégraphique militaire qui permettait de transmettre des messages à des distances considérables. En 1865, le STM posa et releva une moyenne de 320 km de fils télégraphiques par jour permettant ainsi au quartier général de l'Union de garder un contact permanent et de transmettre les ordres instantanément à ses 500.000 hommes répartis sur plus de 1.200 km² de superficie. La marine aussi bénéficia d'avancées notables: premiers combats de cuirassiers et de vaisseaux blindés à tourelles pivotantes de classe «Monitor» en mars 1862, premier mouillage de mines marines ingénieusement conçues par le Général sudiste Rains et entrée en service du premier sous-marin opérationnel, le Hunley sudiste, en 1864. Le combat amphibie, par la mer ou sur les fleuves navigables, était fondé sur une amélioration de la coordination terre-mer. Il permit l'organisation d'opérations inédites par leur audace, comme en 1862 lors de la prise de la Nouvelle-Orléans ou lors du débarquement et de l'évacuation de l'armée du Potomac pendant la campagne de la Péninsule. La troisième dimension elle-même fit l'objet d'innovations prometteuses: l'utilisation du ballon d'observation et la transmission d'informations air-sol. Certes, les Français, lors de la bataille de Fleurus en 1794, furent les pionniers du ballon d'observation, mais ils l'abandonnèrent quelque temps après. À l'été 1861, l'Union profita des premières observations de l'ennemi grâce à un ballon captif, et, exploit remarquable, une première communication de l'air au sol fut réalisée le 18 juin 1861 au moyen d'un fil télégraphique.

 

Les combattants de la guerre de Sécession laissèrent en héritage beaucoup d'innovations aux militaires qui leur succédèrent. Certaines idées neuves, trop en avance, furent momentanément écartées pour être redécouvertes ensuite. Mais il y en eut suffisamment pour opérer immédiatement des changements profonds dans la conduite de la guerre. Le processus de modernisation du champ de bataille et des opérations s’étala tout au long du conflit. Débutant comme une guerre de type napoléonien, la guerre de Sécession se termina sur une préfiguration des combats de la Grande Guerre.

 

En France, la guerre de sécession resta pourtant un «ouragan lointain»[2]

 

En dépit de toutes les avancées manifestes dans les domaines tactiques et techniques, l'état-major français n'a pas su prendre la mesure de cette guerre civile américaine. Les leçons de cette guerre n'ont pas nourri la doctrine militaire de la France du Second Empire et n'ont pas permis d'entamer les réformes de fond pourtant indispensables. Pour comprendre cet aveuglement, il faut avoir à l’esprit que les armées françaises de l'époque étaient elles-mêmes un modèle à suivre pour toutes les nations étrangères, ceci ne poussant pas les chefs militaires français à s’interroger sur la situation réelle. Il faut aussi se souvenir que la France d'alors remportait des succès militaires et était auréolée de gloires coloniales ininterrompues depuis la Restauration, ce qui empêchait un véritable travail de remise en cause et de prospective.

Pourtant, en France, on n’ignorait pas l'ampleur de ce conflit outre-Atlantique. Dès la fin de la guerre de Sécession, des volontaires français ayant participé de près ou de loin au conflit, laissèrent de multiples écrits, allant d'ouvrages très fouillés, comme celui du Prince de Joinville, «Campagne de l'armée du Potomac. Mars-Juillet 1862», celui du Comte de Paris, «Voyage en Amérique (1861-1862)», ou celui du Général comte de Trobiand, «Quatre ans de campagnes à l'armée du Potomac», aux ouvrages périphériques de personnalités étrangères au métier des armes, comme celui de l'ingénieur et journaliste Auguste Laugel, «Les États-Unis pendant la guerre (1861-1865)», ou celui du correspondant de la Revue des deux Mondes, Ernest Duvergier de Houranne, «Huit mois en Amérique». Mais surtout, l'état-major français dépêcha tardivement, d'avril à décembre 1864, une mission militaire officielle chargée de suivre les opérations du côté nordiste afin d'y étudier principalement les innovations techniques. Deux officiers français, le Lieutenant-colonel de Chanal et le Capitaine Guzman, finirent, après bien des péripéties, par rejoindre le front au sein de l'état-major du Général Meade. Ils eurent l'opportunité de suivre la campagne de la Willderness et notamment le siège difficile de Petersburg évoqué plus haut. À leur retour, ils rédigèrent un mémoire très détaillé sur l'organisation, l'équipement et les tactiques employées dans les deux camps[3]. Ils furent vivement impressionnés par les retranchements creusés quasi systématiquement, la révolution dans la tactique engendrée par l’emploi d’armes nouvelles, la reconfiguration des armées de masse, ainsi que les progrès dans les transports et les communications: en bref, aucune nouveauté n’échappa à leur analyse !

 

Mais l'état-major français ne s'imaginait pas que les caractéristiques de ce type de conflit pouvaient s’imposer pour les guerres futures.

La première explication à ce préjugé désastreux est l'aveuglement dû à l'orgueil. Beaucoup d'officiers français ne voulurent voir, dans cette guerre civile, qu'une succession de combats hasardeux et désordonnés, menés par des troupes indisciplinées et conduits par des officiers sans formation. Le Colonel Ardant du Picq lui-même, qui était le grand théoricien militaire français de l'époque, n'y voyait que des «mêlées de fuyards» et des «combats de tirailleurs embusqués à longue distance»[4]. Et en cela, la France ne faisait pas mieux que la Prusse qui, derrière son grand chef d'état-major, le Général von Moltke, aurait dit que la guerre de Sécession était une rencontre de «cohues armées occupées à se pourchasser aux quatre coins du pays»[5]. Il faut dire qu'à l'aube de la guerre de 1870, la réputation et le professionnalisme de l'armée française parmi les autres puissances militaires européennes étaient particulièrement appréciés. Rien ne semblait justifier de s'intéresser à un conflit opposant simplement des civils, dont les seuls qui furent un tant soit peu instruits le furent grâce à l'enseignement des règlements français de 1842! Il est vrai qu’en 1861, dans les deux camps, la tactique employée, les formations utilisées ou même les uniformes portés révélaient l’inspiration française (il y a une grande similitude entre la tenue des zouaves engagés dans la guerre de Crimée et celle des soldats de l’Union). Les programmes de l’école militaire de West Point accordaient une large part à l’étude de l’histoire militaire de la France et des campagnes napoléoniennes en particulier.

Mais pire encore que cette autosatisfaction, bon nombre d'officiers français observaient d'un œil méprisant cette jeune nation sans traditions militaires qui se déchirait dans ce qu’ils estimaient être une vulgaire et brutale guerre civile. D'ailleurs, cette dernière n'exaltait aucune des valeurs militaires traditionnelles répandues dans les armées impériales. Élevés à l’école de l'esprit offensif, les officiers français estimaient que la victoire s’obtenait principalement par la combinaison de la force morale et de la bravoure physique. Pourtant, la guerre de Sécession prouvait clairement que face à un armement moderne, le courage seul ne permettait plus de vaincre. Les charges glorieuses, mais extrêmement meurtrières, de la cavalerie française à Frœschwiller-Wœrth, à Mars-la-Tour ou à Sedan en 1870, sont symptomatiques de la mentalité française qui croyait encore à la puissance du choc.

 

Deuxième explication à ce manque de clairvoyance: le mirage des victorieuses campagnes coloniales. Hormis les deux campagnes européennes, la Crimée en 1854-1856 et l'Italie du Nord en 1859, l'armée française s'illustra sur de nombreux continents dans des expéditions coloniales couronnées de succès: la conquête de l'Algérie de 1830 à 1870, le Sénégal de 1854 à 1865, l'Indochine et la Chine de 1858 à 1860, la Syrie en 1860-1861 et, dans une bien moindre mesure, le Mexique de 1862 à 1867. Partout, la France était victorieuse et la conduite de son armée frappait les opinions publiques du monde entier. Lors de ces campagnes lointaines, le chef disposait d’une grande liberté d’action et, avec de l’audace, de la bravoure et un esprit vigoureusement offensif, maintes difficultés étaient surmontées. Or la posture défensive, clairement mise en évidence pendant la guerre de Sécession, était en contradiction avec l’esprit de la «furia francese». Ces guerres coloniales eurent donc un effet pervers: bercé par ces succès, l'état-major impérial s'imagina être au sommet de l'art militaire et refusa de se réformer. Pire, les chefs militaires crurent que les expéditions qu'ils menaient étaient le reflet de la guerre moderne. L'ivresse de la victoire conduisit au conservatisme, puis à la sclérose doctrinale. Pour résumer de façon abrupte l’indigence de l’armée française à ce moment, citons le professeur émérite André Corvisier qui y voit « […] quarante ans de sclérose intellectuelle et de refus de réformes en profondeur dans le domaine militaire tant au point de vue des doctrines d’emploi que du choix des matériels. La défaite de 1870 n’est pas celle du soldat mais d’un commandement terrestre qui, sauf l’épisode du chassepot, se refuse à innover ou ne le fait que trop tardivement. L’état-major français est parti en guerre sans doctrine, sinon que ‟seule la guerre apprend la guerre” et que, dans les aléas de la guerre, l’improvisation à base de soldats actifs et bon professionnels pallie toutes les carences d’organisation»[6].

 

Et aujourd’hui?

 

À bien des égards, la guerre de Sécession représentait, par son ampleur, les deux conflits mondiaux car elle fut tout à la fois une guerre moderne et une guerre totale. Ce fut notamment la première guerre où l’opinion publique fut l’un des enjeux majeurs, car de celle-ci dépendit la volonté de vaincre. Ce fut la première guerre où la généralisation de nouvelles armes meurtrières multiplia les pertes humaines dans des proportions inédites. Ce fut enfin la première guerre où la population civile fut clairement désignée comme une cible sur laquelle il fallait opérer des destructions systématiques et appliquer une politique de terreur afin de briser le potentiel militaire et la résistance morale de l’adversaire.

Comme la majorité des nations européennes de l'époque, la France ne sut pas tirer les leçons de cette guerre civile américaine pourtant si riche en enseignements militaires. Victime de son sentiment de supériorité et aveuglée par le succès trompeur de ses campagnes coloniales, l’armée française du Second Empire s’enferma dans un esprit hostile aux innovations techniques et réfractaire à toute réforme doctrinale.

La désastreuse guerre de 1870-1871 fut vécue comme un électrochoc et l’état-major français se lança dans une série de profondes réformes qui modernisa l’outil militaire, comme la réorganisation intégrale des forces terrestres en grandes unités, le maillage territorial en régions militaires, la création d’un état-major général auprès du ministre de la Guerre, l’institution de l’école militaire supérieure pour la formation d’officiers d’état-major, la rénovation des exercices militaires, la modernisation accélérée des armements et des chemins de fer, etc. À la demande du ministère de la Guerre, le mémoire de la mission militaire française rédigé pendant la guerre de Sécession fut même réédité en 1872! À la fin du XIXème siècle, la guerre de Sécession fut ensuite étudiée, mais moins que la guerre contre la Prusse ou les campagnes napoléoniennes. Ce qui manqua alors, ce fut une pensée globale des campagnes et des opérations en fonction des objectifs politico-stratégiques.

 

De cette brève évocation historique, que pouvons-nous conclure et garder en mémoire aujourd’hui? Sans reprendre tous les enseignements déjà évoqués, nous pourrions, dans un premier temps, simplement reconnaître l’importance du maintien d’un haut niveau de réflexion doctrinale et de développement de la pensée militaire, en encourageant l’écriture, l’innovation et la prospective. Mission qui est déjà dévolue au Centre de doctrine et d’emploi des forces, enrichie de la partie essentielle du retour d’expérience, mais aussi aux écoles de formation et d’instruction, y compris celle du plus haut niveau qu’est le Centre des hautes études militaires. Mission d’autant plus difficile qu’il s’agit de conserver avec pragmatisme et réalisme le sens stratégique et tactique à une époque où les moyens commandent les fins. Dans un deuxième temps, il faudrait accepter la nécessité de toujours rester vigilant et curieux sans jamais se laisser enfermer dans un schéma de conflit convenu avec ses solutions toutes faites. La guerre actuelle contre le terrorisme ne peut être l’unique modèle de guerre; si elle influence légitimement nos doctrines, nos entraînements et nos équipements, elle ne doit pas être une valeur absolue occultant le reste. Réfléchir, s’entraîner et garder les moyens de combattre dans tous les types de conflits afin de pouvoir parer tout le spectre des menaces et de savoir riposter contre des adversaires polymorphes reste vital pour notre pays. L’histoire nous enseigne que la guerre est protéiforme; l’ignorer serait coupable.

«Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre» (Winston Churchill).

 

[1] L’uchronie est un genre qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé

[2] Commandant Jules-Joseph Rovel, «Étude sur les chemins de fer envisagés au point de vue militaire», Constantine, 1872, p.2

[3] Les archives de ce compte-rendu captivant se trouvent au Service historique de la défense, dans le carton 1M1681 «Série mémoires et reconnaissances (archives de guerre) États-Unis 1757-1871»

[4] Colonel Charles Ardant du Picq, «Étude sur le combat: combat antique et combat moderne», Paris, 1880, p.280-281 

[5] James M Mc Pherson, «La guerre de Sécession (1861-1865)», Paris, 1991, p.360 

[6] André Corvisier, «Histoire militaire de la France», Presse universitaire de France, 1992, T2, p.571

 

 

Saint-cyrien de la promotion «Du bicentenaire de Saint-Cyr» (1999-2002), le Chef d’escadron Nicolas PIERSON a servi dans l’artillerie avant de basculer dans le renseignement d’origine humaine. Après son année d’École de guerre, il est actuellement stagiaire dans la filière langue-relations internationales de l’EMSST.

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Titre : Les enseignements négligés d’une guerre méconnue…
Auteur(s) : le Chef d’escadron Nicolas PIERSON
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