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Les fondements de la culture de prise de décision opérationnelle en France 1

Revue militaire générale
Histoire & stratégie
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La culture de la décision opérationnelle dans l’armée de Terre française, s’ancre dans la très riche histoire des idées et de la  pensée  stratégique occidentale. Elle a connu ces dernières décennies des évolutions notables, principalement liées à une accélération du progrès scientifique et à une volonté, louable au demeurant, des chefs militaires et  des  responsables  privés et publics de s’inspirer de bonne pratiques observées chez les uns et autres.

Les besoins d’interopérabilité, la prise en compte de nouvelles formes de conflictualité et d’adversité, l’intégration de nouvelles technologies, principalement celles de l’information, ont amené les forces armées occidentales, depuis près de trois décennies, à adopter une organisation du commandement et des méthodes de raisonnement opérationnel globalement similaires, et très fortement inspirées par la doctrine américaine.

Les organisations, les outils, les méthodes et les processus, parfois très adaptés au monde de l’entreprise, semblent désormais avoir pris le pas sur les véritables facteurs déterminants de la prise de décision à la guerre. De fait, les notions intemporelles et universelles de brouillard de la guerre, de complexité, d’adversité, de contingence, et de personnalité du chef opérationnel, s’accommodent mal d’outils et de méthodes reposant essentiellement sur l’acquisition de données quantifiables et objectives pour permettre la prise de décision.

 


Un rapport d’information de la commission de la défense nationale et  des  forces armées a récemment mis en exergue les implications des nouvelles technologies sur les procédures de commandement et de contrôle des opérations.

« Comme l’a expliqué M.Gérard de Boisboissel, secrétaire général de la chaire de cyberdéfense et de cybersécurité de Saint-Cyr, “le tout-numérique bouleverse la façon d’opérer. En effet, avec la précision croissante des capteurs et le perfectionnement des transmissions numériques, les technologies nouvelles permettent quasiment au général voire au Président de la République de regarder par-dessus l’épaule du chef tactique”. Ces technologies de traitement et de transmission de l’information  en masse modifient ainsi l’équilibre des responsabilités dans la chaîne de commandement, voire la notion même de subsidiarité. À ce titre, elles nécessitent des études doctrinales approfondies sur les responsabilités de chaque échelon hiérarchique. »5

Tout en soulignant la pertinence des analyses conduites par les armées depuis plusieurs années, les recommandations de ce rapport invitent l’ensemble de la communauté doctrinale interarmées à accélérer ses réflexions sur le commandement en opérations et sur son organisation. Principalement portée par les ressources considérables investies dans la recherche et le développement par les géants du numérique, les GAFAM6, la dynamique initiée par l’armée américaine donne le ton, tandis que la Russie et la Chine ne sont pas en reste dans le domaine. La réaffirmation des ambitions internationales et l’impulsion donnée par le chef de l’État depuis son élection, renforcent le tropisme des réflexions vers les nouvelles technologies. Dans ce cadre,  le Centre  de planification des opérations interarmées (CPOIA) a été mandaté par le sous-chef opérations de l’état-major des armées, pour étudier dans la durée l’impact des évolutions de la technologie numérique sur le commandement interarmées. Un groupe de travail sur le commandement interarmées des engagements opérationnels (GT C2IA) a donc vu le jour en septembre 2017. Cette étude conduite avec l’ensemble des armées, nos alliés et des entreprises françaises permet déjà d’envisager de premières recommandations intéressantes, fondées sur des retours d’expérience opérationnelle, des analyses transverses et des expérimentations. Pour l’armée de Terre, ces réflexions sont également bien engagées depuis plusieurs années. La numérisation de l’espace de bataille (NEB) l’avait d’ailleurs déjà placée en pointe dès les années 2000 dans le domaine. Les enseignements tirés des engagements numérisés français et alliés du début des années 2000 conservent, presque quinze ans plus tard, une grande partie de leur valeur7. Par ailleurs, l’état-major de l’armée de Terre (EMAT) et  le  commandement des f orces terrestres  (CFT)  conduisent actuellement une étude approfondie visant à renforcer l’agilité des postes de commandement déployés en opérations. Enfin, les travaux préparatoires au projet de loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 ont permis à l’EMAT de consolider une vision globale dans le domaine de l’innovation et de la recherche d’intégration de nouvelles technologies. « La transformation numérique, le big data, l’intelligence artificielle et la mise en réseaux des systèmes ouvrent des perspectives nouvelles dans des domaines aussi variés que la reconnaissance et la cartographie 3D, la guerre électronique, le combat collaboratif, la navigation autonome des robots, la maintenance prédictive, l’aide à la décision et au commandement, la simulation opérationnelle ou encore les ressources humaines8. » L’armée de Terre s’est donc saisie de façon résolue de cette problématique qui n’est toutefois pas nouvelle.

Avant de pousser davantage cet exposé, précisons le cadre de l’étude. Commençons par le terme de prise de décision opérationnelle. L’expert en stratégie d’entreprise russo-américain, Igor Ansoff (1918-2002), distingue trois types de prise de décision. Les décisions stratégiques, prises par la direction générale de l’entreprise, concernent les orientations générales et ont des implications sur le long terme, engageant l’avenir de l’entreprise. Les décisions tactiques sont prises par le personnel d’encadrement de l’entreprise. Elles ont une implication sur le moyen terme et des conséquences importantes pour la structure. Elles comportent un risque important. Les décisions opérationnelles ont une portée limitée et comportent un risque mineur. Elles sont prises par le personnel d’encadrement ou les employés. Sous le vocable de prise de décision opérationnelle, nous retiendrons de façon moins restrictive dans ce document,  tout processus de raisonnement complexe lié aux opérations, quel que soit le niveau considéré, dont l’étude peut être facilitée par la référence à des modèles  théoriques.  Ce processus  est caractérisé par quatre phases : l’acquisition de la connaissance, la modélisation du problème, le choix et le contrôle de l’action. En second lieu, cette notion de prise de décision sera principalement étudiée sous le prisme singulier de l’armée de Terre. Le milieu terrestre, à la différence des autres, se caractérise en effet par son hétérogénéité et sa très grande complexité, à la fois physique et humaine. Toutefois, comme nous le verrons ultérieurement, les opérations de l’armée de Terre se déroulant toujours dans un cadre aéroterrestre, voire inter-milieux, il n’est pas concevable de totalement dissocier dans cette étude, les commandements terrestres et interarmées.

Dès 2016, les travaux prospectifs débouchant sur Action terrestre future9  (ATF) ont permis de mettre en avant parmi huit facteurs de supériorité opérationnelle (FSO), celui de la performance du commandement10. Cependant comme le souligne ce document, s’ils sont incontournables, les volets technologiques et techniques n’en constituent qu’un aspect. Les travaux indispensables suscités ces dernières années par l’impact et les apports potentiels des nouvelles technologies, ne doivent pas occulter le fait que la prise de décision à la guerre repose fondamentalement et pour longtemps encore, sur des facteurs humains et surtout sur la capacité d’un chef opérationnel de prendre en compte la complexité et l’incertitude inhérentes au phénomène guerrier. Dans le foisonnement des études civiles et militaires portant sur le sujet, réfléchir posément sur les principes fondamentaux de la prise de décision opérationnelle constitue aujourd’hui un impératif. Ce document vise à contextualiser l’orientation actuellement choisie par le CDEC qui, si elle ne portait que sur une dimension technologique, ne permettrait pas de cadrer de façon appropriée les réflexions portant sur l’amélioration de la performance du commandement. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit au bout du compte de conserver une place de premier rang parmi les puissances militaires mondiales. Aussi, ce dossier propose de revenir sur les fondements historiques et théoriques de la prise de décision opérationnelle et sur le sens que revêt cette notion. En effet, s’intéresser à l’amélioration des systèmes de commandement, invite auparavant à s’interroger sur leurs origines et leur finalité.

« La véritable école du commandement est donc la Culture générale. Par elle la pensée est mise à même de s’exercer avec ordre, de discerner dans les choses l’essentiel de l’accessoire, d’apercevoir les prolongements et les interférences,bref de s’élever à ce degré où les ensembles apparaissent sans préjudice des nuances. Pas un illustre capitaine qui n’eût le goût et le sentiment du patrimoine de l’esprit humain. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote. »11

Commençons par quelques clarifications. Au sens le plus large, la notion de prise de décision s’applique à toute entité dotée d'un système neuronal vivant ou artificiel. Ce mouvement est activé lorsqu’une nécessité d'agir est perçue face à un problème ou un besoin, sans que l’action à conduire en retour puisse être assimilée à un réflexe.La prise de décision repose sur des processus cognitifs complexes, pouvant s’appuyer sur des arguments rationnels (des faits établis et mesurables) et/ou métaphysiques (qui échappent à la connaissance et à l’expérience sensible). Les processus cognitifs correspondent à la perception, l’attention, la sensation, la mémoire, la représentation, le langage, le raisonnement,  la catégorisation, la reconnaissance, l’apprentissage, l’émotion, l’oubli, l’action, le comportement individuel et collectif, les phénomènes collectifs. De nombreuses  théories et courants théologiques ou philosophiques traitent de cette question. La praxéologie depuis la fin du XIXe  siècle s’intéresse à l’étude de l’action humaine. Ce terme, aujourd’hui principalement attaché à l’économiste autrichien Ludwig von Mises (1881-1973), même s’il n’en est pas à l’origine, désigne l’étude interdisciplinaire des comportements, sous l’angle des choix et du rendement. Ce domaine d’étude, très largement fondé sur les apports des sciences cognitives, trouve des applications au travers des sciences sociales, politiques, économiques, de l’administration des entreprises (le management) et bien entendu de l’art et de la science de la guerre. Il est au cœur des recherches actuellement conduites dans le domaine du développement de l’intelligence artificielle. Il n’est évidemment pas question de mentionner toutes ces théories dans cette synthèse. Il apparaît en revanche utile de considérer celles qui permettent, en conceptualisant et en décomposant simplement la notion de prise de décision opérationnelle, d’appréhender la globalité de ce que peut recouvrir la performance du commandement en opérations.  Cette première approche vise ainsi à cerner ce que l’on peut considérer comme constituant des références fondamentales de la culture décisionnelle moderne en France. Au bout du compte, cette démarche permettra d’expliquer ce que l’on entend aujourd’hui par commandement opérationnel, en clarifiant les liens entre la prise de décision (les  processus et les procédés), les moyens qui la permettent (un état-major et des outils d’aide à la décision) et le décideur (le chef opérationnel).

 

Les  racines philosophiques de la recherche de connaissance et de la prise de décision.

Au commencement était… la confrontation. La dialectique (du grec ancien dialegesthai : converser, et dialegein : trier, distinguer) tient depuis l’Antiquité une place importante dans la philosophie occidentale. Formalisée par le penseur présocratique Zénon d’Élée (vers 490 – 430 av. J.-C.), les dialogues de Platon12  en ont répandu l’usage.  Elle désigne un mouvement de la pensée qui, par l’opposition et la confrontation, permet d’atteindre la connaissance. Il s’agit tout à la fois d’une méthode de discussion, de raisonnement, de questionnement et d’interprétation. L’œuvre de Platon est caractérisée par la réfutation de toute forme d’empirisme, parce que le monde oppose à l’entendement trop d’obstacles divers. La connaissance ne peut, selon lui, qu’être le produit de la raison pure. La dialectique, en tant que démarche rationnelle et méthodique, permet de vérifier successivement concepts et propositions afin d’atteindre le savoir et permettre l’action visant au Bien. Platon emploie les deux types de raisonnement propres à la dialectique. Le premier est la méthode de la division, qui consiste à décomposer l’objet que l’on cherche à définir. Il a ensuite recours à la méthode des conséquences, qui consiste à examiner et à éprouver toutes les implications d’une hypothèse. La dialectique est depuis devenue, en particulier à travers son assimilation par le Moyen Âge, une technique classique de raisonnement, qui procède en général par l’opposition d’une thèse et de son antithèse, et qui tente de dépasser la contradiction qui en résulte en développant une synthèse finale.

L’un des disciples de Platon, Aristote13, qui fut également le précepteur du jeune Alexandre de Macédoine, réfute l’approche uniquement rationaliste de Platon. Il distingue pour sa part deux phases dans une prise de décision. La première est une phase d’analyse de la situation et de délibérations. Elle met en évidence des options envisageables, avec leurs avantages, leurs inconvénients et leurs risques. La seconde est une phase de choix concret de l’action. Pour employer la terminologie moderne de la décision militaire, la phase de délibération porte sur l’étude du cadre général de l’action et aboutit à l’élaboration d’une conception opérationnelle, tandis que la phase de choix consiste à retenir un mode d’action. Dans ce processus de questionnement, Aristote insiste sur le recours nécessaire à la vertu morale de prudence, ou de sagesse pratique dénommée phronèsis.  Selon Aristote, la phronèsis est la partie de l’âme rationnelle qui concerne le domaine des choses contingentes. Elle s’oppose à l’autre partie de l’âme rationnelle, qu’il appelle la sophia, la sagesse théorique dont le domaine est celui des choses établies. La phronèsis est un savoir empirique plutôt qu’un savoir appris ou déduit (celui que nous donne la sophia). Elle est de l’ordre du raisonnable plutôt que du rationnel pur. Elle fait appel à la subjectivité du décideur et peut s’opposer ou compléter l’objectivité exclusive que requiert la sophia. La phronèsis est ainsi tournée vers l’action dans les situations d’incertitude. Dans le processus de décision, elle permet l’analyse du contexte, les diverses actions possibles et leurs conséquences. Elle établit le cadre de la deuxième phase, celle du choix. Ainsi que le suggère le lieutenant- colonel de Gaulle en 1934, on est tenté de penser que les prises de décision d’Alexandre à la guerre, trouvent leurs origines dans les enseignements de son précepteur.

À la Renaissance, Nicolas Machiavel14  prolonge l’approche aristotélicienne avec son principe de Fortuna et Virtù, en posant pour postulat que la nature n’est marquée que par la contingence (Fortuna). Ainsi selon lui, ce sont principalement le caractère, la détermination, la subjectivité et l’intuition (Virtù) qui permettraient au décideur de faire des choix opportuns et contingents pour résoudre un problème. A contrario, Descartes15 considère que c’est uniquement la raison qui nous fait homme (ego sum, ego existo16). Seules l’intelligence et la raison pure permettraient de mener l’action avec succès. Il propose dans son Discours une méthode composée de quatre règles pour éviter l’erreur.  Il développe une philosophie du doute, visant à reconstruire le savoir sur des fondements certains, en se référant à la certitude que procurent les mathématiques. Au cours du siècle des Lumières, pourtant dominé par le culte de la science, Kant17 prend le contrepied du cartésianisme pur et s’interroge sur l’incertitude et la faiblesse de l’argumentation métaphysique ayant pour objet la connaissance de l’être (l’esprit, la nature, Dieu, la matière, etc.), des causes de l’univers et des principes premiers de la connaissance. Cette démarche le conduit, pour conforter l’approche métaphysique qu’il estime indispensable, à établir un examen critique des possibilités de la raison. Par la suite, cherchant à s’éloigner des abstractions purement philosophiques, Nicolas de Condorcet, scientifique et homme politique des Lumières, propose une méthode de scrutin originale permettant de choisir rationnellement entre plusieurs candidats. Il formalise ainsi un processus décisionnel qu’il divise en trois phases. La première concerne les principes pouvant constituer le cadre général de la prise de décision et s’attache à déterminer les différents aspects d’une problématique, leurs implications et les options à envisager pour la prise de décision. La deuxième clarifie la question et prend en considération les opinions des acteurs du problème, les compare, les confronte, pour n’en retenir qu’un nombre restreint. La dernière phase consiste à choisir une option à l’aune de critères précis choisis par les électeurs.

L’une des toutes premières méthodes de raisonnement tactique peut être attribuée au Sieur du Praissac au début du XVIIe siècle.

« Toute question militaire se peut résoudre par, si, avec qui, où, quand, comment,  & combien… »18.  Cet  extrait témoigne du besoin de tout chef militaire  de l’époque d’adopter une approche rationnelle de la bataille. Guibert19, Bourcet20 et Joly de Mazeroy21, dans l’esprit de la philosophie des Lumières, déclinèrent par la suite leurs propres méthodes, cherchant à déterminer la meilleure façon d’encadrer la prise de décision à la guerre.

L’un des avatars  des Lumières fut finalement le mouvement positiviste. Auguste Comte, à la fois héritier et critique des Lumières, initie à la fin du XIXe  siècle ce courant. Le positivisme se caractérise par  le  r efus  de  toute  spéculation métaphysique et l’idée que seuls les faits d’expérience et leurs relations peuvent être objets d’une connaissance certaine. Ce courant influence très fortement un certain nombre d’officiers français après la défaite de 1870. Ainsi, le général Jules Lewal, commandant de l’École supérieure de guerre de 1877 à 1880, conduit durant une vingtaine d’années des recherches et des expérimentations contribuant à refonder la pensée militaire français.

Il publie ainsi en 1892, une Introduction à la partie positive de la stratégie22. On retiendra également de lui l’élaboration d’une méthode de raisonnement tactique, la méthode Lewal, préfigurant ce qu’est désormais la méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle tactique (MEDOT), aujourd’hui employée par les forces terrestres23.

La filiation intellectuelle entre Zénon d’Élée et la MEDOT peut paraître hardie du fait de la brièveté du propos ci-dessus. Elle n’en est pas moins étayée par des textes, dont les plus anciens remontent à près de 25 siècles. Cette approche vise à souligner l’enracinement intellectuel de la culture décisionnelle occidentale et plus particulièrement française. On note ainsi depuis l’Antiquité une distinction constante entre un mode de décision purement rationaliste et une pensée uniquement empiriste. Dans le prolongement du cartésianisme, diverses théories ont ainsi été émises, tentant d’expliquer le phénomène de la prise de décision et d’en décrire un modèle pouvant la rendre plus rationnelle. Ainsi, tout au long de l’histoire de la pensée en Occident, le progrès scientifique a toujours induit la tentation de n’adopter qu’une approche purement scientiste ou procédurale pour accéder à la connaissance ou résoudre un problème.

Cette distinction fait apparaître chez de nombreux penseurs une recherche permanente d’un compromis entre rationalité et subjectivité pour permettre la prise de décision. C’est Henri Bergson24 qui, au début du XXe  siècle, met finalement le mieux en évidence cet indispensable compromis pour guider l’action. Selon lui, si l’intuition est différente de l’intelligence, elle ne s’y oppose pas. L’intuition n’est possible qu’au terme d’un long effort intellectuel, comme une ressaisie synthétique des données analysées par l’intelligence. Par ailleurs, l’intuition ne peut se communiquer qu’à l’aide de l’intelligence. La détermination de ce compromis repose ainsi sur cette fameuse Virtù de Machiavel, sur ces aptitudes intellectuelles et morales propres à un individu, qui permettent face à un problème, de déterminer des buts, d’acquérir la connaissance appropriée et d’opérer des choix en dépit de l’incertitude, des aléas et de la complexité plus ou moins importante d’un environnement. Le cadre conceptuel des philosophes étant posé, étudions comment ces idées ont pu trouver un écho dans les réflexions des auteurs qui se sont intéressés au phénomène guerrier.

 

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Titre : Les fondements de la culture de prise de décision opérationnelle en France 1
Auteur(s) : le colonel Fabrice Clée
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