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Oublié(s) de l’Armistice

Soldats de France n° 17
Histoire & stratégie

Cambourakis
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Au travers de ce témoignage exceptionnel, il est possible de découvrir une campagne souvent méconnue, la guerre franco-kémaliste qui succède immédiatement à la Grande Guerre et d’entrevoir le triste sort des soldats français engagés dans ces combats.


Récemment libéré des geôles allemandes, le soldat Ernest n’imaginait pas qu’une nouvelle aventure au sein du corps expéditionnaire français, l’Armée du Levant, le ramènerait rapidement à cette triste condition. Mais le sort en décide autrement et Ernest ne pourra profiter d’une paix retrouvée que 3 ans après l’Armistice.

 

Ce combattant relate son expérience dans un journal de bord qu’il entame en mars 1919, tout juste muté depuis le 17e bataillon de chasseurs à pied au 412e régiment d’infanterie, à la veille de sa projection pour un théâtre d’opérations exotique et le clôt en novembre 1921, à son retour de captivité en métropole. Son arrière-petit-fils, le dessinateur Antonin Dubuisson, avait déjà travaillé sur une thématique similaire avec le conflit gréco-turc de 1922 et ses conséquences au travers de l’ouvrage Manolis (2013). Empli d’une « envie de mémoire », avec Ernest, Souvenirs de Cilicie, Antonin Dubuisson livre une adaptation graphique de ce récit. Conservant la forme d’un témoignage à la première personne, il offre une plongée à hauteur d’homme dans la grande histoire d’une campagne délaissée et met en lumière à un pan souvent occulté de l’histoire guerrière.

 

L’Empire ottoman, « l’homme malade de l’Europe »

 

En plein conflit mondial, l’Empire ottoman fait l’objet d’un démantèlement en règle (accords Sykes-Picot 1916). À la manière du traité de Tordesillas concernant le Nouveau Monde, la France et l’Angleterre décrètent deux nouvelles zones d’influence et d’intérêts distinctes sur le Moyen-Orient. Le Liban, la Syrie et la Cilicie tombent donc dans l’escarcelle française. Ces mesures sont mises en application dès la fin du conflit (30 octobre 1918) et confirmées par la signature du traité de Sèvres. Mais en Cilicie notamment, c’était sans compter avec la montée d’un courant nationaliste qui se fédère autour de Mustapha Kemal, vétéran auréolé de la résistance glorieuse face aux menées alliées dans les Dardanelles (Gallipoli).

 

Le 30 octobre, le 2e bataillon « Mesnil» relève dans le Taurus les troupes britanniques qui occupent les postes de protection de la voie ferrée de Bagdad avec, en position centrale, le commandement du secteur à Belemedik. « À la place du bloc anglais […] une poussière de Français » (Revue des deux mondes du 1er janvier 1926). Le 16 janvier, le poste de commandement, est transféré au camp retranché de Bozanti, de manière à ce que la compagnie, désormais mixte (mélangée au 18e Régiment de tirailleurs algériens et renforcée de 12 mitrailleuses, de 2 pièces de 65 et une de 37 de la 26e batterie du 2e Régiment d’artillerie de montagne et d’une section du génie), y garde un défilé au pied du mont Taurus, point stratégique considéré comme « Les Portes de Cilicie ».

 

« À 12 km, c’est la frontière turque. Là-bas ce sont les révolutionnaires turcs, les nationalistes commandés par Mustapha Kemal. Ils […] cherchent des crosses en arrêtant les wagons de ravitaillement pour l’intendance française. Alors il faut aller les chercher avec les mitrailleuses » (Extrait de la lettre du 10 février du recueil Henri Dupraz – Classe 18 – Lettres d’un poilu belleysan à sa mère – voir la présentation de l’ouvrage sur la chaîne Youtube de Henri Dupraz « Bozanti le drame d’une guerre oubliée »).

 

Peu à peu, avec la fin de l’hiver, la mission de police des frontières et de douane se transforme : les nationalistes passent la frontière et, tant la plaine que la montagne s’embrasent. Les postes isolés tombent les uns après les autres. Profitant de conditions météorologiques peu amènes, le 2 avril, un ennemi constitué autour de la valeur d’une division parvient à encercler, puis à isoler la position de Bozanti dans les jours qui suivent. Seul persiste, de manière épisodique, le bénéfice d’une liaison aérienne. Les secours dépêchés par la division ne parviennent pas à destination pour desserrer le dispositif. Le pont aérien ne peut couvrir efficacement les besoins en ravitaillement.

Contre l’avis du général Gouraud, haut-commissaire de la République française en Syrie et commandant en chef de l’Armée du Levant, le niveau divisionnaire ordonne le 25 mai par message lesté au détachement de tenter une percée et de rejoindre le port de Mersine via Tarse pour y être évacués. Dès la nuit tombée, une colonne comptant militaires (9 officiers, 1 médecin, 1 aumônier, 716 sous-officiers et soldats) et civils (44 arméniens et grecs, 39 Turcs dont 4 prisonniers de guerre) rompt le blocus et s’engage vers le Sud. Cependant, elle n’emprunte pas le cheminement le plus direct vers la côte, ni la route alternative préconisée, craignant de se faire prendre à partie sur un lieu de passage trop évident. En lieu et place, elle confie son destin à un guide local. Mais trahie semble-t-il, harcelée sans relâche et subissant de lourdes pertes, la colonne réduite et sans munitions, doit en désespoir de cause rendre les armes après avoir parcouru à peine 40 kilomètres (voir la carte).

 

Une longue et sordide captivité

 

Débutent alors des regroupements successifs de prisonniers ; les conditions de captivité se déroulent dans un dénuement extrême, présentées dans les détails sur 87 pages. Les mesures d’amélioration du quotidien, quand elles sont rendues possibles, sont quasiment toutes l’œuvre de l’association humanitaire américaine Near East Relief (NEF) et du Croissant rouge ottoman.

 

Il est cependant nécessaire de procéder à une remise en contexte. En effet, la lecture de cet opus peut laisser croire à une absence de soutien de la part des autorités politiques et militaires françaises au bénéfice de ces prisonniers, pire à un désintéressement complet difficilement compréhensible ou acceptable. La consultation des fonds du SHD concernant les prisonniers de guerre (série GR 20 N) permet en réalité de présenter une situation plus contrastée et complexe. Cela facilite tout d’abord l’identification les prisonniers, leur localisation au fil du temps puis rend possible le complément de livraisons destinées aux captifs, ces derniers étant régulièrement utilisés comme moyen de pression dans les très longues négociations politico-militaires.

 

Au bilan, ce témoignage en BD apporte un éclairage inédit sur des combats peu connus de l’après Première Guerre mondiale.

 

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Titre : Oublié(s) de l’Armistice
Auteur(s) : CBA Éva Renucci (CDEC)
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Armée