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Peut-on militairement couper une guérilla de ses arrières? De la bataille des frontières au plan Challe (Algérie 1957-1961).

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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À travers l’exemple des barrages frontaliers déployés au cours de la guerre d’Algérie et de leur efficacité d’un point de vue militaire, l’auteur tire des enseignements pour les conflits de même nature en cours ou à venir. Il conclut que, quelle que soit l’efficacité des mesures militaires adoptées, celles-ci ne suffisent pas pour vaincre une insurrection. Pour obtenir la victoire, l’action militaire occidentale doit s’accompagner d’une action globale et agir en complément des forces nationales ou locales.


Juin 1957. L’armée française déploie 400.000 hommes pour maintenir l’ordre en Algérie. La rébellion a gagné l’ensemble des trois départements. L’armée de libération nationale (ALN) compte alors plus de 40.000 combattants. La Tunisie et le Maroc lui servent de base arrière; nouvelles recrues, armes, munitions, équipements franchissent les frontières. La population, de gré ou de force, cache et nourrit la guérilla. La situation militaire est préoccupante pour la France.

Afin de briser la résistance de cette guérilla, la décision est prise de couper sa chaîne de ravitaillement extérieur en fermant hermétiquement les frontières, puis d’isoler et de réduire successivement chacune des Wilayas pour couper l’ALN de la population.

La bataille des frontières, ou comment couper la guérilla de ses soutiens extérieurs

La victoire, pour la France comme pour les insurgés, ne peut reposer sur une bataille décisive. L’ALN sait qu’elle ne peut pas s’imposer dans des combats réguliers contre les forces françaises. Par contre, elle veut tenir une portion du territoire algérien qui serait pour l’opinion internationale l’embryon du territoire d’un nouvel État. Pour cela, il faut des hommes et des armes. Les infiltrations à travers la frontière tunisienne permettent aux maquis de se renforcer. Chaque mois, des milliers d’armes et de combattants rejoignent les Wilayas. De son côté, l’armée française n’a pas la capacité de mettre en échec les rebelles et d’occuper le terrain en permanence. Seule une approche indirecte peut résoudre ce problème. Il faut obliger l’ALN à combattre sur un terrain défavorable en lui ôtant le bénéfice de la surprise. La guerre des frontières est commencée.

La ligne Morice couvre la frontière tunisienne des bords de la Méditerranée aux confins du Sahara. 600 km de fortifications, 21 régiments établis dans la profondeur et une mission: couper l’ALN de ses bases arrières. Elle est constituée par une clôture électrifiée de 7.000 volts doublée de part et d’autre de réseaux de fils de fer barbelés et de chemins de ronde. Un poste tous les 10 km renforce le dispositif et a les moyens techniques de détecter les intrusions lors des coupures de la clôture électrique. Quatre régiments d’infanterie légère sont positionnés en avant de la ligne, six régiments de cavalerie défendent les fortifications et effectuent les patrouilles, six régiments ratissent les arrières et cinq régiments de la réserve générale (parachutistes ou légionnaires) traquent les insurgés qui auraient réussi à s’infiltrer. En outre, treize bataillons du génie, trois détachements d’hélicoptères et des unités de l’armée de l’air sont en appui[1]. L’objectif est simple: contraindre les rebelles à engager le combat pour percer le dispositif et les détruire dans des opérations d’encerclement. Le dispositif n’a pas vocation à être statique. La ligne sert de filet, mais les combats se déroulent en amont et surtout en arrière contre les groupes ayant réussi une percée. Le combat est décentralisé, laissé à la responsabilité des régiments. L’unité qui a détecté une intrusion la prend en compte et commande les renforts qui lui sont confiés.

Printemps 1959. Après neuf mois de travaux, la ligne Morice est étanche. Le flux de ravitaillement extérieur est sérieusement endigué et l’ALN a perdu 20.000 hommes lors de ses tentatives de franchissement.

 

Le «plan Challe» ou la destruction des maquis de l’intérieur

Le 12 décembre 1958, le général d’aviation Challe est nommé au commandement militaire de l’Algérie. Alger a été reconquise par le général Massu. Les frontières sont verrouillées. La côte et les grandes vallées sont quadrillées par l’armée française et ses supplétifs… Restent les «zones interdites», refuges des maquis de l’ALN qui sillonnent les montagnes de l’intérieur. La situation politique de la France est difficile; il faut des succès militaires sur la guérilla pour pouvoir aborder en position de force les négociations en cours.

Les opérations du «plan Challe» s’étendent de février 1959 à avril 1961. Leur objectif est d’asphyxier les maquis. Le «quadrillage» des régions déjà pacifiées, trop statique et consommateur d’effectif, est allégé. Les «zones interdites», refuges de la guérilla, sont encerclées les unes après les autres. De l’ouest vers l’est, chaque massif est ratissé. Les opérations «Courroie», «Étincelle», «Jumelles», «Pierres précieuses» mobilisent plus de 40.000 militaires contre les Wilaya V, IV, III, II et I. Les unités de la réserve générale sont fortement sollicitées. Les ratissages à pied sont combinés avec des opérations héliportées. À la fin de chaque opération le terrain reconquis est laissé aux sections administratives spéciales et à leurs harkas pendant que les commandos de chasse traquent les derniers rebelles.

Le potentiel militaire des Wilayas est réduit de moitié. L’ALN a perdu 26.000 hommes dans ces combats. Des régions complètes sont sécurisées. Les effectifs militaires de l’ALN sont estimés à 46.000 en 1958, 20.000 en 1960, 16.000 en 1961.

 

Que conclure?

  • En Algérie, des victoires militaires mais une défaite politique

Le 18 mars 1962, la France quitte l’Algérie. Les combats sont gagnés mais la guerre est perdue. La guérilla est asphyxiée, l’ALN est épuisée, mais la France a perdu le combat politique. Cette guerre sans nom ne peut donc être limitée à une suite d’opérations de pacification, de vallées reconquises, de chiffres de Fellagas abattus ou de stocks d’armes saisis.

La victoire militaire face à une insurrection ne peut être totale; aucune bataille n’est décisive; une victoire militaire définitive est donc impossible.

  • Analyse des ressorts de l’insurrection

La résilience d’une guérilla ne dépend pas juste du nombre d’insurgés, de la somme de ses équipements et de ses soutiens extérieurs, mais de l’idéologie qui alimente son action.

En Algérie le «centre de gravité» de l’ALN n’était pas ses soutiens extérieurs ou sa logistique, mais sa farouche volonté d’indépendance. La volonté des peuples, surtout si elle alimentée par une idéologie dominante – désir d’indépendance et socialisme hier, désir d’indépendance, islamisme et haine de l’occident aujourd’hui –, ne semble pas pouvoir être vaincue militairement, surtout par une armée perçue comme étrangère.

  • Des enseignements transposables?

Il est tentant, en s’affranchissant de l’espace et du temps, de faire un parallèle entre l’insurrection en Algérie et la guérilla afghane. Si l’histoire de la guerre d’Algérie est écrite, celle des opérations en Afghanistan est en cours. Nous pouvons noter quelques ressemblances: un terrain montagneux, des combattants rustiques, un combat asymétrique, des chocs culturels et idéologiques et un engagement occidental militaire massif. Nous pouvons essayer de tirer quelques enseignements tactiques de la guerre d’Algérie: l’importance du maillage du territoire, le rôle majeur du combat héliporté permettant d’engager des réserves mobiles, la coordination interarmes et interarmées et les actions pour couper l’ennemi de la population et de ses bases arrières.

Vaincre une guérilla militairement semble, depuis la deuxième moitié du XXème siècle, presque impossible. La volonté des peuples, mue par une idéologie montante, donne une puissance et une capacité de durer à des insurrections qui ne sont pas compatibles avec nos agendas occidentaux. Les opérations basées uniquement sur des actions militaires visant une victoire totale semblent vouées à l’échec. L’action militaire occidentale doit donc s’accompagner d’une action globale et agir en complément des forces nationales ou locales.

 

[1] NDLR: Sans oublier les appuis feux permanents délivrés sur très court préavis par sept groupes d’artillerie de 105 et 155 mm répartis le long de la ligne Morice.

 

Le Chef d’escadron Lapacherie, Saint-Cyrien de la promotion «Commandant Morin» (1994-1997) est officier de l’arme du train. Il sert au 515ème RT, de 1998 à 2005,comme chef de peloton, adjoint d’escadron puis commandant d’unité. Au cours cette période il participe à différentes opérations extérieures (Kosovo, Croatie, Polynésie). De 2005 à 2009 il est chef de service au 526ème BT. Il quitte cette fonction pour être officier traitant planification de la MINURCAT au siège de l’ONU. Après un diplôme du CSEM, il suit les cours du CID avant de se diriger à la mi-2011 vers un brevet technique (mastère à HEC).

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Titre : Peut-on militairement couper une guérilla de ses arrières? De la bataille des frontières au plan Challe (Algérie 1957-1961).
Auteur(s) : le Chef d’escadron Alexis LAPACHERIE
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