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Retour sur l’intervention alliée en Russie de 1918 à 1920 : l’échec d’une coalition au cœur de la guerre civile

Soldats de France n° 17
Histoire & stratégie

ECPAD
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L’histoire militaire fait peu de cas de l’ampleur de l’intervention alliée sur le territoire russe pendant la guerre civile entre « Blancs » et « Bolchéviks » de 1918 à 1920. Cet épisode, occulté par la victoire de la Grande Guerre, a été un échec cuisant de la diplomatie et des forces armées du commandement interallié.

 


En effet, après la révolution d’octobre en 1917 et la signature du traité de Brest-Litovsk qui met fin à la guerre entre Moscou et Berlin, les Alliés cherchent à éviter le transfert des divisions allemandes du front de l’est vers le théâtre occidental. De plus, des tonnes de matériels et d’armement, initialement destinées aux troupes tsaristes, sont stockées dans les ports russes comme Mourmansk que les Allemands convoitent en profitant des offensives de leur allié finlandais contre les communistes.

 

Aussi, à Abbeville, le 2 mai 1918, le Conseil de guerre suprême interallié décide l’envoi d’un corps expéditionnaire. Il a pour mission de protéger les armes et les munitions des ports russes, ukrainiens et sibériens, d’empêcher le transfert vers l’ouest des prisonniers des puissances centrales internés dans ces régions (estimés à 1 million d’hommes) et de préserver une porte de sortie à Vladivostok pour le corps d’armée tchécoslovaque (50 000 hommes qui se battaient au côté des troupes de Nicolas II avant la révolution) que l’on veut rapatrier sur la France pour continuer le combat face aux Allemands. Les Japonais, quant à eux, acceptent d’intervenir car ils y voient l’opportunité de contrôler la façade pacifique de la Sibérie. Mais les tergiversations, les conflits d’intérêts et les rivalités naissantes entre les gouvernements ou armées alliées empêchent la planification d’une opération conjointe et efficace, d’autant que les autorités bolchéviques prennent le contrôle de nombreuses cités alors que les armées « blanches », favorables à l’action de l’Entente, sont divisées sur les objectifs à atteindre.

 

Les évènements prennent une nouvelle tournure quand le corps tchécoslovaque, menacé par les gardes rouges de Trotski à Tchélialourisk, engage le combat le 14 mai 1918 avec les troupes bolchéviques sur lesquelles il prend rapidement l’ascendant. Théoriquement sous les ordres du maréchal Foch, qui a donné autorité au général français Janin (ancien responsable de la mission militaire française en Russie), les Tchécoslovaques prennent néanmoins l’initiative unilatérale de s’emparer des voies ferrées du Transsibérien pour rejoindre au plus vite Vladivostok. Répartis tout au long de cette route, ils tiendront dans un premier temps le terrain avant de perdre toute cohérence dans leur retraite progressive et chaotique vers la Sibérie. Les Alliés sont une fois de plus tiraillés entre la volonté d’aider le corps tchécoslovaque et celui de ménager les Bolchéviques dont on craint qu’ils ne s’allient avec les Allemands. Une expédition est tout de même décidée le 1er juillet mais elle n’est pas formalisée sur le terrain car les Américains et les Japonais s’opposent sur les effectifs à déployer : Wilson veut envoyer 7 000 hommes, Tokyo souhaite débarquer 40 000 fantassins.

 

Unilatéralisme

 

Dès lors, chaque pays décide unilatéralement l’envoi de contingents ou de navires et le général Janin, nommé commandant en chef par le maréchal Foch le 24 août 1918 ne contrôle finalement que le bataillon français d’Arkangelsk et le corps tchécoslovaque. Churchill a désigné le major-général Knox pour les troupes britanniques de Omsk qui soutiennent les troupes « blanches » de Koltchak alors que le général japonais Otani, qui doit commander les troupes alliées à l’est du lac Baikal, se voit retirer le contrôle des troupes américaines par Washington. Ceci conduit inexorablement à des incidents, à l’exemple de la centaine de soldats nippons massacrés par les Russes à Khabarovsk après que le général américain Graves ait refusé de leur venir en aide. Foch tente d’établir pour 1919 un projet d’intervention concret avec l’instauration d’un blocus économique, une convergence des efforts des contingents alliés de Finlande, de Pologne et de Roumanie ainsi que la création de forces multiethniques (lettons, estoniens) appuyées par les grandes puissances et capables d’agir aux côtés des troupes « blanches ».

Malheureusement, les pays concernés peinent à se mettre d’accord et les actions concrètes restent limitées à la conquête des ports. C’est le cas à Arkhangelsk où l’Armée Rouge naissante est chassée par un corps expéditionnaire comprenant un bataillon du 21ème Régiment d’infanterie coloniale français (900 hommes), un détachement de 400 fusiliers britanniques, une section d’artillerie polonaise et le 339ème régiment américain. Ces forces, sans logistiques, souffrent des rudes conditions de vie (froid, hygiène, boue, …) et subissent de lourdes pertes. Après les efforts consentis entre 1914 et 1918, nombre de soldats ne comprennent pas les raisons de cet engagement d’autant qu’ils constatent souvent la corruption et les exactions des troupes « blanches » qu’ils sont sensés soutenir.

 

Laissant la Russie en proie à la guerre civile, incapables de coordonner l’action des russes « blancs » très divisés (Koltchak, Denikine, Youdenitch…), les Alliés finissent par mener des opérations ad hoc sans lien les unes aux autres mais selon des objectifs politiques qui restent nationaux. Pour la France, la politique de Clémenceau étant d’étouffer le régime bolchévique, après l’armistice du 11 novembre 1918, une opération est lancée sur Odessa pour soutenir les troupes de Denikine en Crimée avec 1 800 soldats français aux ordres du général Borius. Après une série de succès, les troupes françaises, rejointes par des Grecs et des Italiens, doivent finalement, en février 1919, rembarquer suite à des défaites militaires ou aux mutineries des soldats (le 58ème régiment d’infanterie refusant de monter en ligne à Tiraspol) lassés des combats et influencés par la propagande bolchévique. Plus au nord, c’est le général britannique Maynard qui défend Mourmansk jusqu’en octobre 1919 appuyé par de l’artillerie française et des détachements américains mais il finit par abandonner la zone d’action.

De même les Japonais remporteront des victoires avant d’être contraints de céder le terrain faute de soutien international. Progressivement, les troupes de Moscou vont reprendre le contrôle du territoire et vaincre les chefs des armées « blanches ».

Les Alliés, pour leur part, décident, à compter de 1920, d’adopter une stratégie plus périphérique avec la France qui soutient le tout jeune État polonais face à l’Armée Rouge ou les Britanniques qui s’installent dans le Caucase pour fermer la porte de son empire colonial indien aux influences communistes.

 

Au bilan, malgré des succès tactiques, et le sacrifice de nombreux soldats, la coalition alliée n’a jamais été en mesure d’adopter une vision opérative claire de l’expédition en Russie pour finalement mener des combats isolés avec une logistique minimaliste et une stratégie sans objectif clair. Usés par quatre année de guerre mondiale, les troupes engagées en appui d’armées « blanches » désorganisées n’ont pas réussi à mener des actions cohérentes face à une armée rouge naissante mais de plus en plus forte tant moralement que militairement. Unis dans les effets d’annonce, les pays concernés sont restés divisés sur la mise en œuvre d’une chaîne de commandement unique et la conduite des opérations, provoquant une réelle incohérence opérationnelle avant un désengagement dans l’urgence.

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Titre : Retour sur l’intervention alliée en Russie de 1918 à 1920 : l’échec d’une coalition au cœur de la guerre civile
Auteur(s) : COL Frédéric Jordan (titulaire de la CTGHM)
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