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Un combat urbain en 1956 : la révolution manquée de Budapest

Revue militaire général n°58
Histoire & stratégie
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Confrontés en temps de paix à l’insurrection urbaine de Budapest (1956), les Soviétiques peinent à définir l’emploi des divisions blindées et mécanisées pour rétablir l’ordre. Ils livrent de durs combats de rues, opposés à des partisans décidés, quoique très faiblement armés.

Comment l’Armée rouge, vainqueur sur toute l’Europe orientale s’est laissée dépasser en voulant rester sous le seuil de la contre insurrection avant de s’imposer en élevant l’intensité du combat pour imposer aux révolutionnaires un combat qu’ils ne maitrisent pas ?


En octobre 1956, profitant du dégel initié par Khrouchtchev en URSS, la contestation populaire polonaise balaie les dirigeants staliniens au profit du réformateur Gomulka. Forts de l’exemple, les Hongrois rejettent Gerö, Premier secrétaire du Parti communiste, disciple du sanguinaire Rákosi, fondateur du régime en 1949. Ils veulent le retour d’Imre Nagy, ancien Premier ministre réformateur de 1953 à 1955. L’impopulaire Gerö ne peut compter que sur la police politique (Állam Védelmi Hatóság, AVH), haïe pour ses crimes et exactions, escomptant le soutien des 2e et 17e divisions blindées soviétiques de la zone de Budapest (20 000 hommes, 600 chars). Équipés d’armes récupérées et de moyens de fortune, des civils décidés utilisent des tactiques de guérilla urbaine. Prenant vite une tonalité neutraliste, Nagy franchit la « ligne rouge » : sa demande de quitter le pacte de Varsovie décide l’URSS à une brutale mise au pas (1er-8 novembre).

Une révolte unanime.

Tout commence le 20 octobre à Szeged[1] avec la création de la Fédération hongroise des associations d’étudiants des universités et des collèges, indépendante du Parti communiste. Cette contestation vient des étudiants et des écrivains, immédiatement suivis par les ouvriers. Apprenant ces nouvelles, les étudiants de Budapest se réunissent le 22 sous la houlette des organisations de jeunesse du régime, qui tentent de canaliser leurs revendications, de les adapter au système ; mais elles perdent vite le contrôle de la situation.

Le 23 au soir, fustigeant « les réactionnaires bourgeois » dans un violent discours radiodiffusé, Gerö appelle les Soviétiques à la rescousse. Furieuse, la foule attaque la Maison de la Radio défendue par les AVH, saisit leurs armes, abat la statue de Staline. Envoyés sur les lieux, les militaires rallient les insurgés contre la police politique. Des centaines de jeunes ouvriers arrivent de la banlieue, souvent armés par des soldats ou des policiers, ou s’étant faits donner des armes dans les casernes.

La manifestation devient soulèvement dans la nuit du 23 au 24, les insurgés prennent la Maison de la Radio. Le 24, ils occupent les agences de presse Athenaeum et Vörös Csillag, le quotidien Szabad Nép. Insuffisante pour maintenir l’ordre, l’AVH garde le siège du Parti, le Parlement, le central téléphonique. La police ordinaire et l’armée font défection au régime : aucune ne tire sur les insurgés rejoints par 2 000 militaires.

Première intervention soviétique.

Au 24 octobre 1956, les forces soviétiques alignent 31 550 hommes en cinq divisions (soit 1 130 chars et canons automouvants, 615 obusiers et mortiers, 185 pièces d’artillerie antiaérienne, 380 VTT), soutenues par 6 500 soldats hongrois. Un plan de crise prévoit de renforcer les installations en cas de troubles intérieurs. Les Soviétiques gardent une capacité de manœuvre, sans être habilités pour agir à la place du gouvernement légal (dispositions du Pacte de Varsovie). La coordination et la synchronisation avec l’armée hongroise sont encore mal définies.

Recevant l’ordre de faire mouvement sur Budapest pour seconder le gouvernement à rétablir l’ordre, les premières unités soviétiques - 6 000 hommes, 290 chars, 120 VTT et 156 pièces d’artillerie - arrivent à Budapest six heures plus tard. Le haut commandement met l’aviation en état d’alerte pour des démonstrations, la reconnaissance, la surveillance, l’escorte de convois. Déployées vers 2 heures du matin, ces unités non préparées au combat urbain sillonnent les artères principales de Budapest dans un but d’intimidation. Les chars stationnent à l’entrée des ponts sur chaque rive du Danube et aux principaux carrefours. Dépassées, les forces de sécurité hongroises ne peuvent renseigner l’état-major soviétique sur la situation : l’engagement donne une impression d’agression délibérée. La réaction de la population varie entre fraternisation, sympathie, hostilité et agressivité ; les chars se heurtent à des barricades dans les banlieues ouvrières. En quelques heures, l’Armée rouge perd 20 tués, 48 blessés, 10 chars, 4 VTT et 2 autres véhicules, révélant des failles à trois niveaux :

  • opératif : délaissant le savoir-faire acquis par l’Armée rouge aux sièges de Stalingrad (1942-1943), Budapest et Berlin (1945), le pacte de Varsovie n’envisage pas de combat urbain en cas de conflit de haute intensité avec l’OTAN en Europe centrale. Outre le défaut de planification opérationnelle, le renseignement n’a pas pris en compte l’état de la situation intérieure et communique peu avec l’état-major hongrois ;
  • tactique : l’abandon du combat en zone urbaine mène à l’oubli des méthodes idoines ; les unités ne sont plus constituées de vétérans desdits sièges, mais de conscrits de vingt ans et de cadres subalternes dénués de cette expérience. Face à des foules houleuses, souvent désarmées, les militaires soviétiques et hongrois ne disposent d’aucune règle précise d’engagement ; le manque d’instructions, l’impossibilité d’obtenir un interlocuteur habilité, aboutissent à la démoralisation du personnel engagé. La carence de renseignement et de communication se double de la difficulté de pénétrer des groupes très hétérogènes, où les chefs varient autant que les intentions ou le moral ;
  • matériel : vulnérabilité aux projectiles inflammables du véhicule de transport de troupe (VTT) BTR-152, et du véhicule de reconnaissance BTR-40, dépourvus de toit blindé. Le moteur du char T-34 est aussi mal protégé contre ces mêmes projectiles.


Les combats se déroulent en quatre ou cinq lieux, opposant des unités soviétiques et les AVO à la population hongroise. Militaires et policiers livrent des armes aux étudiants insurgés qui en ont appris le maniement dans les organisations de jeunesse du régime. Ailleurs, les rues sont vides. Nommé président du Conseil, Nagy proclame la loi martiale le 24 octobre au matin. On dénombre déjà 350 morts.

Les insurgés rédigent des tracts bilingues appelant les soldats soviétiques à ne pas tirer sur les révolutionnaires, ouvriers, paysans et étudiants. Certains messages sont amicaux, d’autres ont une tonalité agressive : le slogan « Russes dehors ! » apparaît sur les murs, les vitrines de magasins.

Le 25, une foule pacifique attend Nagy devant le Parlement. Des chars soviétiques arrivent, portant des civils enthousiastes. Depuis les toits, les AVH déclenchent une fusillade, et aussi sur les Soviétiques pour les inciter à riposter (61 morts, 284 blessés).

Le 26 octobre, le colonel Maléter, chef de corps d’un régiment hongrois de chars, prend le commandement de la caserne Kilián, avenue Üllöi, et passe à l’insurrection. Les Soviétiques abandonnent des chars, et certains équipages ukrainiens sympathisent avec la population. Cette collusion pose deux soucis au commandement soviétique : perte de crédibilité face aux insurgés ; risque de contagion au sein de sa propre armée. Il doit donc soustraire les soldats au contact des civils pour empêcher toute fraternisation.

 

[…]

 

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[1] Szeged, ville à 250 km sud-sud-est de Budapest.

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Titre : Un combat urbain en 1956 : la révolution manquée de Budapest
Auteur(s) : Colonel (R) Pascal ARNOUX
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Armée