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Guerre à distance(s) 1/2

Gagner au contact
Engagement opérationnel
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Cet ouvrage, publié par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement, regroupe des interventions prononcées à l’occasion du colloque de pensée militaire qui s’est tenu le 31 janvier 2019 à l’École militaire.
Cet ouvrage a vocation à nourrir les réflexions autour de l’emploi de l’armée de Terre et plus généralement des questions de défense.


INTRODUCTION

L’armée de Terre a organisé le 31 janvier 2019 un colloque de pensée militaire qui nous invitait à réfléchir sur un thème particulièrement vaste et contemporain : « Guerre à distance(s), gagner au contact ». Ce colloque était précédé d’un séminaire destiné à mieux faire comprendre aux étudiants intéressés par les problématiques militaires les enjeux de la période actuelle.


Le colloque de pensée militaire de l’armée de Terre s’est désormais installé dans le paysage intellectuel du monde de la défense, en s’attachant à stimuler notre réflexion sur des thèmes variés et féconds. En 2016, il a été consacré aux nouvelles formes de conflictualité, avant d’étudier, en 2017, le lien entre action militaire et souveraineté puis, l’an dernier, la signification de la notion de victoire au XXIe siècle. Ce colloque, dont l’auditoire est de plus en plus nombreux, est ainsi devenu le symbole d’une armée de Terre qui renoue avec la pensée stratégique, de façon parfaitement cohérente avec la renaissance de l’École de Guerre Terre.


En ouverture de ces actes qui constituent la traduction écrite des échanges que nous avons eus à l’occasion de cette journée à l’École militaire, je souhaite synthétiser quelques réflexions personnelles dont j’avais fait part à l’auditoire en concluant ce colloque.


UN THÈME AUX MULTIPLES ENTRÉES


Le thème retenu cette année apparaît au premier abord relativement complexe, signe sans doute qu’il s’agit d’un thème bien choisi pour un colloque dont l’objectif est de stimuler la réflexion sous des angles variés et complémentaires. J’ajoute que le fait d’avoir conçu, construit et mis en œuvre le modèle « Au contact » n’est peut-être pas étranger à la difficulté que j’ai ressentie pour parler de la notion de distance…


Je suis également celui qui a inspiré la hauteur d’homme dans la loi de programmation militaire. Telle que je la développe, entre la tenue de combat et la tenue de sport rénovée, nous sommes loin de la guerre à distance. J’ai aussi voulu que l’esprit guerrier soit le fil directeur de l’année 2019, ce qui remet au premier plan des traditions également assez éloignées au premier abord du thème de la guerre à distance. Mais en entrant dans la réflexion, je me suis rendu compte que la distance était presque consubstantielle à l’état de soldat. J’ai même pu d’une certaine façon résumer mon passé militaire sous l’angle de la « distance ».


Lorsque j’ai choisi ce métier, un de mes premiers moments forts fut la découverte du champ de tir, avec cette consigne récurrente : « de la gauche vers la droite, numérotez-vous ». Le champ de tir, c’est aussi le réglage de la hausse et du guidon, en fonction de la distance de l’objectif que l’on vise. Un peu plus tard, comme capitaine ou chef de corps, j’ai eu à coordonner des feux à courte, moyenne et longue distance. L’appréciation de la distance m’est donc finalement apparue comme une nécessité permanente du métier de soldat.


Je me suis ensuite rappelé quelques séances d’ordre serré. C’est ce qui forme l’allure des soldats, et leur cohésion. Cela m’a également rappelé les premiers exercices de déplacement à pied, lors desquels l’instructeur nous rappelait toujours de « garder vos distances ».


Puis sont venues les marches, pour le béret (20 kilomètres), pour le képi (30 kilomètres), pour la fourragère (40 kilomètres). Il s’agissait de se surpasser, de s’aguerrir, en réalisant des distances de plus en plus importantes. C’est aussi faire des choses que l’on n’a jamais faites (sauter en parachute, monter à cheval).


C’est aussi conquérir des distances. D’aucuns y verront les jeux bêtes des militaires, par exemple courir le plus loin possible en douze minutes montre en main, ou parcourir huit kilomètres avec un sac de huit kilos, afin de devancer l’ennemi sur un point. Les challenges de sport entrent dans cette catégorie. C’est la conquête de la distance, car nous sommes là pour gagner. Même sur un terrain de sport, nous ne sommes pas là pour jouer.


Petit à petit, en grandissant, apparaît la nécessité d’obéir à distance, puis de commander à distance. Commander à distance, cela revient à tenter de réduire, en permanence, la distance. C’est connaître tous ses subordonnés, comprendre, à leur voix, à la radio, s’ils sont stressés ou non. C’est connaître les données de son environnement et maîtriser les procédures d’état-major. C’est décider de la guerre et dans la guerre.


Quelle est la juste distance ? Quelle distance placer entre le politique et le militaire par exemple ? Je vous encourage à lire le dernier livre du général Henri Bentegeat, Chefs d’État en guerre, notamment ses deux derniers chapitres consacrés aux présidents François Mitterrand et Jacques Chirac, qui sont très intéressants sur ce thème.


Une trop grande distance conduit souvent à l’échec. C’est le signe d’une erreur. Une erreur, en topographie, cela induit deux fois plus de kilomètres à parcourir à pied. Une trop grande distance, avec ses hommes, vis-à-vis de ses chefs ou du pouvoir politique, peut également constituer le signe d’un d’échec, une difficulté à échanger.
Enfin, la guerre à distance peut être une guerre par procuration. Cette notion me permet d’évoquer ici les robots, qu’il s’agisse de robots assistés ou de robots autonomes, ces deux catégories ne devant évidemment pas être confondues.


Quelle est la bonne distance ? Il est difficile de trancher pour une option univoque. Ce sont les circonstances qui commandent. En tant que chef d’état-major de l’armée de Terre, je réfléchis à ce que va changer (indépendamment de la doctrine et des capacités) cette distance qui s’installe, de facto, dans nos engagements opérationnels. Va-t-elle modifier le profil du chef de demain ?


À cet égard, les comparaisons avec d’autres métiers ont leurs limites. Certes, il est possible pour un chirurgien d’opérer à distance. S’il dispose de nombreux outils pour y parvenir, la personne opérée n’a pas le droit à la parole. Les opérations militaires à distance représentent l’affrontement de deux volontés, ce qui n’est pas tout à fait pareil. Face à un ennemi résolu, voire fanatisé, la décision ne se prend pas de la même manière.
Il est aussi question de distances et de temps. La liaison satellitaire permet aujourd’hui de gommer la notion de distance de façon spectaculaire. On peut se trouver très près et être très distant. Nous avons la chance de pouvoir nous parler avec nos camarades africains, sans avoir nécessairement les pieds sur le même sol. Il est des nationalités, en Afrique, qui ne peuvent se comprendre, même en face-à-face, faute de pouvoir parler un langage commun.


L’expression « au contact » renvoyant autant à l’affrontement qu’à la cohésion, il me semble intéressant de réfléchir à ce qu’implique cette notion de distance dans les deux champs du rapport avec l’ennemi et du rapport entre amis, avant de parler de logistique et de commandement.

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Titre : Guerre à distance(s) 1/2
Auteur(s) : Général d’armée Jean-Pierre BOSSER
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Armée