Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

Hommage au Général André Bach (1943-2017)

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

Déjà attiré par l’histoire, alors qu’il était lycéen, le Général André Bach a vu son inclination pour cette matière s’affirmer à Saint-Cyr au contact d’Henry Contamine et en lisant Guy Pedroncini. La maîtrise d’histoire qu’il effectua dans le cadre de sa formation d’officier breveté et les trois années où il exerça les fonctions de professeur d’histoire et de stratégie de l’École supérieure de guerre le confortèrent dans cette inclination.


Sa passion pour la Première Guerre mondiale fut cependant plus tardive: elle remonte à la découverte des archives du Service historique de l’armée de Terre (SHAT) sur ce conflit, alors qu’il était depuis peu à sa tête. La question des mutineries de 1917, pendant lesquelles le nombre des fusillés avait pourtant été limité par rapport aux exécutions des années précédentes, venait alors d’être remise à l’ordre du jour par Lionel Jospin à l’occasion de la commémoration du 80ème anniversaire de l’armistice de 1918.

Depuis, le Général Bach n’a jamais cessé de travailler sur la Grande Guerre, faisant ainsi progresser de manière décisive la connaissance historique sur les fusillés et la justice militaire, ainsi que sur le haut commandement et les opérations. Les compétences d’historien qu’il possédait déjà, conjuguées à son expérience du commandement et de la communication, furent pour lui un atout non négligeable dans les travaux qu’il entreprit alors qu’il était à la tête du SHAT et, surtout, après son passage en deuxième section.

 

Ne se satisfaisant pas des débats d’idées artificiels (consentement vs contrainte) qui avaient cours parmi les historiens de la Première Guerre mondiale, il entreprit des recherches approfondies sur le fonctionnement de l’institution militaire avant et pendant le conflit, en recoupant les archives officielles avec les témoignages privés, largement utilisés, et en recourant avec succès à l’histoire quantitative grâce à la réalisation d’une base de données sur les militaires jugés par les tribunaux militaires. Associant de nombreux chercheurs – membres du SHAT, puis bénévoles – à son projet, il mit sur pied une équipe dynamique et constitua un réseau grâce auxquels d’importants résultats furent obtenus. Ils ont été publiés dans des ouvrages qui font référence, ainsi que sur le remarquable site Internet Prisme14-18[1].

 

Dans ses travaux, le Général Bach a mis en relief l’ampleur de la répression menée par la justice militaire pour permettre au commandement de garder en main les troupes ébranlées par les terribles échecs subis en 1914 et 1915. Rejetant le point de vue de ceux qui considéraient ces fusillés «pour l’exemple» comme un «détail», en comparaison des pertes considérables subies quotidiennement par les armées françaises, il n’a pas pour autant été favorable à une réhabilitation d’ensemble des condamnés, estimant que cela aurait constitué une injustice vis-à-vis de tous ceux qui étaient morts pour la France.

S’il fut en outre surpris par l’aveuglement manifesté par le haut commandement et plus particulièrement par le G.Q.G. pendant les premières années de la guerre, il n’en refusa pas moins d’attribuer à l’ensemble des généraux la faillite du plan XVII et des offensives de l’année 1915, ainsi que les excès de la justice militaire. De telles simplifications auraient en effet été contraires aux résultats de recherches mettant en lumière la diversité des points de vue en matière d’opérations et de commandement, qui faisaient en outre ressortir la responsabilité du pouvoir politique dans l’impréparation des armées françaises et la sévérité de la répression que favorisèrent les échecs.

Cela n’empêcha pas pour autant le Général Bach de juger excessives les réactions de défenseurs du Grand Quartier général (G.Q.G.), pour lesquels ce dernier aurait permis à l’armée française de s’adapter de manière continue et exemplaire aux réalités de la guerre moderne, faisant ainsi d’elle «la meilleure du monde». À contre-courant des idées reçues, il confirma l’importance du choc des événements, déjà souligné par Guy Pedroncini, dans le tournant qui fut pris à la mi-1917, avec la mise en place du 3ème G.Q.G. du Général Pétain.

 

Peu soucieux de plaire, le Général Bach a mené ses travaux avec la conviction qu’il ne serait pas possible de surmonter les oppositions et d’aller de l’avant sans une progression significative de la connaissance historique. Pour cet homme, qui avait noué des contacts dans tous les milieux, et qui avait été séduit par l’idée des Britanniques d’accorder le pardon de la nation aux fusillés à défaut de les réhabiliter, la reconnaissance de la vérité historique dans toute sa complexité était indispensable. Elle l’était pour que des familles de fusillés, qui subissaient les conséquences de faits dont elles ignoraient souvent jusqu’à l’existence, soient apaisées; aussi bien que pour désarmer l’antimilitarisme de plusieurs ligues et fédérations. Elle l’était également pour que l’institution militaire, quittant une attitude parfois défensive, admette que le haut commandement n’était pas omniscient. Elle l’était enfin pour que le pouvoir politique puisse tirer de véritables leçons du passé.

À ses yeux, cette capacité à se remettre en cause était également indispensable pour que l’enseignement de l’histoire militaire au profit des jeunes générations d’officiers soit bien assuré.

 

Espérant que le centenaire de la Grande Guerre permettrait d’aller dans le sens qu’il souhaitait, le Général Bach regretta que la question des fusillés soit de nouveau replacée au centre des débats avec l’idée d’une réhabilitation générale de ces derniers, et que l’histoire soit subordonnée à une mémoire soumise à des préoccupations immédiates, sans que des travaux permettant de dépasser les oppositions voient le jour au sein du ministère de la Défense. N’hésitant pas à s’exprimer à ce sujet dans plusieurs revues, dont la Nouvelle Revue d’Histoire, il n’en proposa d’ailleurs pas moins d’apporter son aide à différents projets institutionnels et, notamment, à la mise en ligne des dossiers des militaires jugés par les tribunaux militaires.

Son concours n’ayant pas été retenu, les travaux entrepris souffrirent d’erreurs de nature à relancer les polémiques. Ainsi, les 1.008 dossiers publiés sur Internet concernaient des espions et des civils ayant commis des crimes de droit commun, à côté de 639 miliaires exécutés pour «désobéissance», sans qu’il soit possible d’obtenir les listes de fusillés appartenant aux différentes catégories[2].

 

Disparu prématurément, le Général Bach n’a malheureusement pas eu la possibilité de mener à leur terme tous les travaux qu’il avait commencés où qu’il comptait entreprendre.

L’exemple de désintéressement et d’enthousiasme donné par cet officier historien d’un accès facile et d’une grande simplicité, aussi modeste que généreux, qui, malgré sa terrible maladie, a lutté jusqu’au bout pour faire avancer les projets auxquels il croyait, a suscité admiration et respect dans de nombreux milieux, souvent très différents, et n’a pas fini de porter des fruits, comme en témoignent les innombrables messages de reconnaissance et de sympathie suscités par la nouvelle de son décès.

 

Le Lieutenant-colonel Christophe GUÉ est professeur d’histoire militaire du cours supérieur interarmes

[1]http://prisme1418.blogspot.fr/

[2] À moins d’étudier un à un les dossiers des intéressés, qui ont été mis en ligne sur le site Mémoire des Hommes.

Séparateur
Titre : Hommage au Général André Bach (1943-2017)
Auteur(s) : Par le Lieutenant-colonel Christophe GUÉ
Séparateur


Armée