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L’artillerie en combat urbain

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Le combat en zone urbaine est exigeant en termes d’appui. Le Colonel Olivier Fort montre comment utiliser le milieu urbain, mais aussi l’avantage que procure la permanence des feux de l’artillerie dans les affrontements en ville, en insistant tout particulièrement sur le besoin de la munition de précision

 


Le milieu urbain est un refuge de plus en plus nécessaire contre l’augmentation permanente de la létalité des appuis indirects.

 

  • La létalité de l’arsenal moderne conventionnel augmente constamment Les munitions d’artillerie, tout d’abord, frappent toujours plus loin et plus fort. À cela s’ajoute la puissance des munitions surfaciques, interdites par les accords d’Oslo en 2008, mais dont certains pays ne sont pas signataires. Le conflit ukrainien a permis de découvrir le nouvel arsenal russe. Un lance-roquettes BM 30, par exemple, peut détruire tout ce qui se trouve sur une surface de 650 m sur 650 m avec 12 roquettes. L’arsenal aérien également gagne en létalité par la combinaison de la masse en explosifs et de la précision des munitions[1].
  • Cet arsenal moderne rend de plus en plus nécessaire la protection offerte par le milieu urbain

Face à des munitions surfaciques, il est préférable de se déplacer ou de choisir des positions statiques en ville. La ville apporte une protection immédiate contre l’observation et les coups, contrairement au terrain ouvert où les drones voient tout et où toute position doit faire l’objet de travaux d’aménagement et de camouflage.

Lors du récent conflit au Donbass, les forces ukrainiennes ont parfois été confrontées à des tirs d’artillerie russe provenant de l’intérieur des agglomérations. Dans certains cas, ces tirs provenaient de quartiers russes, l’intention des Russes étant de rallier ces quartiers qui, selon eux, ne soutenaient pas assez les séparatistes, en provoquant des tirs de l’artillerie ukrainienne. L’artillerie ukrainienne s’est refusée à tirer depuis les agglomérations, même si elle s’y est parfois dissimulée; elle se déplaçait donc de quelques kilomètres pour effectuer ses tirs.

Cette stratégie de dissimulation au sein des agglomérations est désormais classique. Les Palestiniens dans la bande de Gaza font tendre des draps entre les bâtiments dans les ruelles des médinas afin d’empêcher les drones de Tsahal de suivre leurs déplacements après un tir de roquettes ou de mortiers. Cette stratégie a évidemment été suivie par Daesh en Syrie et en Irak[2] pour résister à la puissance de feu russe et occidentale et pour tenter de la retourner contre l’opinion publique mondiale.

 

Localiser l’ennemi en milieu urbain reste un défi, seuls les drones permettent une observation permanente

 

Si la technologie rend de plus en plus facile la localisation d’objectifs en milieu ouvert, localiser l’ennemi en milieu urbain reste complexe. Dans Mossoul, Daesh a creusé de nombreux tunnels pour pouvoir se déplacer d’un bâtiment à l’autre à l’abri des vues et des coups.

Le travail des observateurs est plus difficile qu’en milieu ouvert. Ces derniers doivent chercher des positions bien dissimulées, mais celles-ci offrent souvent des angles d’observation réduits. La permanence de l’observation peut être entravée par des déplacements fréquents d’un étage à l’autre ou d’un bâtiment à l’autre. Les angles de vue réduits peuvent rendre difficile l’estimation de la hauteur des étages lorsque la rue est encombrée de gravats. Le conflit en Irak a montré une nouvelle fois que les observateurs d’artillerie étaient particulièrement exposés, étant les objectifs prioritaires des snipers de Daesh. Seuls les moyens aériens, et en particulier les drones, offrent une observation dans la profondeur et une permanence de l’observation, pour peu que l’absence de menace sol-air le permette. À proximité des populations, seuls les drones donnent une idée sur les «paterns of life»[3] et sur l’arrivée ou non de personnes dans le secteur de l’objectif à traiter. Tout cela est invisible pour l’observateur au sol.

Face aux moyens de tir indirect ennemis, l’action des drones est complétée par celle des radars de trajectographie. Dans Mossoul, l’artillerie américaine a déployé des radars sur les toits des immeubles afin de les soustraire au masque représenté par les bâtiments pour tout radar situé au sol. Pour l’artillerie, le combat urbain doit s’accompagner d’une densité des drones tactiques permettant une observation aussi permanente et étendue que possible. La densité se justifie par la nécessité d’observer des secteurs très réduits comme parfois la façade d’un immeuble d’où partent régulièrement des tirs.

Dans un tel contexte, et face à une artillerie ennemie opérant depuis la ville, il est essentiel d’affiner encore l’observation en la ciblant sur les lieux et horaires probables. C’est là la tâche de l’analyse opérationnelle. Lors de la bataille de Mossoul, l’artillerie américaine a mis en place des cellules de renseignement d’artillerie. Leur mission était de prévoir les secteurs et horaires probables des tirs de mortiers et roquettes de Daesh. Ces cellules ont par exemple constaté que les tirs de mortiers étaient certes effectués de positions différentes à chaque fois, mais que les positions étaient très proches les unes des autres. Ils ont pu en déduire qu’un stock d’obus était disposé dans une position centrale et que les tubes de mortiers ne se trouvaient qu’à peu de distance. Ainsi, il a été possible de braquer un moyen de renseignement pour surveiller le secteur et être prêt à tirer le plus rapidement possible aux heures les plus probables. Des ROZ[4] furent ouvertes à cet effet et des tubes prêts au tir avec des munitions guidées sur la position. Il est souhaitable que l’analyse opérationnelle revienne dans l’artillerie. C’est une affaire de logiciels (comme le JADOCS[5] américain, logiciel développé en Corée du Sud initialement pour la contre-batterie), et d’effectifs. Le bénéfice se mesurera en vies sauvées pour les troupes au sol.

 

La fugacité des objectifs impose des munitions de précision

 

Daesh a souvent employé les mortiers depuis l’intérieur des bâtiments, au rez-de-chaussée ou aux étages intermédiaires, afin de rendre les frappes de contre-batterie difficiles (difficulté à déterminer l’altitude, difficulté à atteindre les bas étages sans écrêter sur les bâtiments à proximité).

Lors de la bataille de Mossoul, la coalition n’a employé en ville, à l’exception des espaces ouverts comme les parcs, les abords du fleuve, les zones d’activité, que des munitions guidées, air-sol et d’artillerie. Tout ce qui disposait d’une munition guidée a pu tirer. L’artillerie française a été fortement pénalisée par l’absence de munitions guidées de 155mm dans son arsenal. L’obus guidé américain Excalibur n’est pas encore qualifié sur le Caesar, et le LRU[6] n’a pas été déployé. L’artillerie américaine a pu tirer une grande quantité d’obus Excalibur, d’obus disposant de fusées PGK[7] et de roquettes unitaires dont il faut d’ailleurs désormais reconstituer les stocks à l’échelle nationale.

La raison de cette primauté des munitions guidées, plus encore que pour éviter des dommages collatéraux, est d’avoir plus de chances de détruire l’ennemi. En effet, Daesh ne présentait que des objectifs très fugaces, à peine visibles pour une minute ou deux.

À cela s’ajoute la nécessité de disposer de trajectoires d’une durée aussi courte que possible en rapport avec la courte durée au cours de laquelle l’objectif est visible. La problématique est similaire pour les armes à tir direct, ce que les Colonels Pierre Santoni et Frédéric Chamaud appellent le segment d’intervisibilité[8], défini comme «le rapport entre le temps d’apparition d’une cible et la distance d’engagement de l’arme». Pendant cette courte fenêtre d’opportunité, si l’on ajoute la dispersion d’une munition non guidée, ne serait-ce qu’une dizaine de mètres pour un objectif tirant au mortier depuis une embrasure, celui-ci n’est pas atteint «and lives to fight another day», comme disent nos amis britanniques. Les munitions guidées de 155mm sont indispensables pour l’artillerie française et il est urgent d’en acquérir.

 

Une façon de pallier la contrainte provoquée par la furtivité des objectifs a été de monter des embuscades contre les moyens d’appui feu indirect de Daesh. Il a été constaté que ces derniers, désireux de montrer à la population qu’ils dominaient les combats, réagissaient systématiquement à des tirs d’artillerie. Les artilleries française et américaine ont donc combiné leurs effets pour piéger l’ennemi. L’artillerie française tirait des obus de semonce[9] pour provoquer; tous les capteurs, drones, trajectographie, étaient prêts, et lorsque les mortiers ennemis se dévoilaient, les obus guidés américains les détruisaient[10]. Fréquemment, cela a permis de détruire les mortiers ou roquettes ennemis en agglomération.

 

Une autre raison rend les munitions guidées encore plus nécessaires en ville. Les hauteurs d’immeubles s’ajoutent aux irrégularités du relief et les ennemis peuvent se trouver à toutes les hauteurs. Il est donc nécessaire d’estimer l’altitude réelle de l’objectif avec la plus grande précision. La dispersion d’une munition non guidée peut provoquer un impact à plusieurs dizaines de mètres plus haut ou plus bas. Les munitions guidées ne dispersent pas, car leur trajectoire finale proche de la verticale les soustrait en grande partie aux erreurs de planimétrie.

 

De plus, lors de l’opération Chammal, l’artillerie française a appuyé l’infanterie irakienne. Peu de tirs au voisinage des troupes amies ont été effectués car les systèmes de communications étaient différents, et parce que les Irakiens ne disposaient pas de Blue Force Tracking. La difficile localisation des unités de première ligne a donc nécessité des tirs au-delà de lignes de coordination. Lorsque nous devrons engager l’infanterie française dans un combat urbain, il sera demandé à l’artillerie d’effectuer des tirs au voisinage des troupes amies. Les munitions guidées seront alors indispensables. En effet, une dispersion, ne serait-ce que de dix mètres, fait tomber l’obus dans la rue voisine alors que vous visez quelqu’un sur un toit, ou inversement. Dans ce combat, il ne sera pas question de priver nos troupes au contact d’appuis indirects faute d’équipement adéquat. Ajoutons qu’en milieu compartimenté, dans de nombreux secteurs, certaines armes d’appui direct de l’infanterie ne pourront pas être utilisées, comme le missile MMP[11], augmentant ainsi l’importance relative de l’appui indirect. Enfin, dans un environnement urbain, frapper l’ennemi avec précision ne peut se faire qu’en prenant un maximum de précautions pour éviter d’atteindre des civils. Il est donc nécessaire de maintenir l’observation et de connaître les «patterns of life» de chaque quartier.

 

Mais les munitions guidées peuvent-elles seules remporter la bataille en milieu urbain?

 

La nécessité de disposer de davantage de munitions guidées a été clairement prouvée par la bataille de Mossoul. L’augmentation de la proportion de ce type de munitions dans l’arsenal des forces armées sera extrêmement coûteuse, en fonction du volume, mais aussi à cause de leur durée de vie plus réduite. Il est donc nécessaire de bien analyser le RETEX de Mossoul.

La coalition a choisi de s’interdire l’usage des munitions explosives non guidées, obus, bombes, dans Mossoul. En conclure que le combat urbain signifie l’emploi exclusif de munitions guidées serait toutefois erroné, surtout parce que nous ne pouvons pas mesurer la part relative de chaque composante de la coalition dans la victoire. Quelle part attribuer aux forces aériennes, à l’artillerie occidentale, à l’infanterie irakienne, aux forces spéciales? Un acteur est systématiquement oublié, l’artillerie irakienne. La coalition n’a pas pu imposer de règles aux forces armées de l’État souverain, soit... Certes, peu d’informations sont connues sur les missions qu’elle a effectuées, mais sa contribution à la victoire ne peut pas être négligée. Une coalition pourrait-elle adopter ces mêmes règles sans la contribution de l’artillerie du pays qu’elle soutient? Mossoul aurait-elle pu être libérée avec l’ensemble des unités respectant les strictes règles d’engagement occidentales? La restriction que la coalition s’est imposée de n’employer que des munitions guidées alors qu’elle pouvait compter sur un allié qui n’y était pas soumis répond sans équivoque à un objectif de communication stratégique. La capacité à soutenir le combat en milieu urbain avec des munitions guidées uniquement est douteuse. Les stocks de munitions guidées sont arrivés presqu’à épuisement pendant certaines phases de la bataille, nécessitant un recours d’urgence aux industriels de plusieurs pays[12]. Ces règles d’engagement n’ont pas pu empêcher la destruction d’une grande partie de la ville. C’était d’ailleurs inévitable, car lorsque Daesh transformait un immeuble en fortin, il fallait le détruire. Cette restriction d’emploi ne pourrait pas s’appliquer à tous les contextes. Une exception existait d’ailleurs concernant les tirs de contre-batterie. Les tirs indirects ennemis contre les forces irakiennes étant considérés comme une menace importante, des règles d’engagement plus permissives étaient établies. Pour permettre un tir de contre-batterie, une localisation par deux radars de contre-batterie était suffisante, et ce pendant dix minutes. La précision était alors de 20 à 30 m, ce qui est très précis, mais l’on peut tout de même y voir une certaine contradiction[13] avec la règle qui consiste à n’employer que des munitions guidées. Cette nécessité de protéger les troupes – mais aussi les civils situés dans les zones amies – contre la menace indirecte serait encore plus forte face à un adversaire disposant d’une artillerie plus puissante et nombreuse, et qui ferait donc peser une tension supplémentaire sur les stocks de munitions guidées.

 

Les avantages comparés du CAS[14] et de l’artillerie en milieu urbain

 

L’artillerie et le CAS sont complémentaires aussi en milieu urbain. Il s’agit de deux moyens au profit du chef interarmées qui conserve la liberté de choix du meilleur «outil» possible en fonction des contingences. Quels sont donc les avantages et inconvénients relatifs entre le CAS et l’artillerie en zone urbaine? Mossoul a une nouvelle fois démontré que les bâtiments sont faciles à fortifier et que des souterrains existent ou peuvent-être creusés. Face à cela, la puissance de feu de l’arme aérienne est essentielle. L’artillerie ne dispose pas aujourd’hui de munitions avec le même pouvoir de destruction. La roquette guidée ne peut pas traiter tous les objectifs, selon la solidité du revêtement, et certains objectifs doivent être atteints par plusieurs munitions. Le pouvoir de destruction d’une munition est souvent décrié et les faits d’actualité sont utilisés comme arguments. L’incident à Mossoul en mars 2017, où une centaine de civils ont été tués par une bombe alors que l’objectif était un sniper sur un toit, a pu être exploité par des commentateurs non versés dans les affaires de défense, mais selon nous de façon partisane. Il est impossible de progresser dans une ville défendue comme l’était Mossoul sans munitions guidées de forte puissance. L’emploi de ces munitions a permis une libération beaucoup plus rapide de la ville, soustrayant ainsi de nombreux civils au pouvoir de Daesh. Le seul emploi de munitions guidées de 155mm, par exemple, aurait été un gouffre logistique et économique laissant pourtant de nombreux repaires terroristes non atteints[15]. Ces bombes guidées ont par ailleurs été employées dans un mode d’action redécouvert[16] en Irak, la cratérisation. Il s’agissait d’empêcher des véhicules IED[17] de Daesh de se déplacer pour détruire des unités de la coalition.

Le CAS peut enfin, longtemps avant que la ville soit battue par les feux de l’artillerie, commencer à détruire l’ennemi, l’atteindre dans son moral, le contraindre. Enfin, une patrouille CAS est mieux à même de traiter un objectif fugace à vue directe en milieu urbain lorsqu’elle dispose des munitions adéquates, qu’un tir indirect lorsque celui-ci nécessite l’ouverture d’une ROZ. Sauf à disposer d’artillerie dans de nombreux points autour de la ville, il ne sera pas toujours possible à une trajectoire indirecte d’atteindre l’objectif[18], l’aéronef, lui, pouvant se repositionner et, le plus souvent, trouver une trajectoire.

 

L’artillerie, quant à elle, apporte les avantages suivants: le plus important d’entre eux en milieu urbain est la permanence des feux. Les aspects météo sont bien sûr un autre avantage, l’artillerie étant moins contrainte par les aléas climatiques, sa disponibilité étant mieux garantie. Toutefois, en milieu urbain, cet avantage est à relativiser. Une forte proportion des objectifs étant désignée par des drones, ceux-ci sont autant contraints que le CAS par la météo. La permanence de l’artillerie se limite alors à l’appui des troupes au contact, qui disposent de leurs observateurs, et aux tirs de contre-batterie sur données fournies par les radars de trajectographie. Mais surtout, une fois la ville investie par les forces terrestres, c’est le retour de l’artillerie de siège. L’artillerie est là, en mesure en permanence de battre toutes les parties de la ville. Le CAS, en fonction des aérodromes où les aéronefs sont basés, peut mettre plusieurs heures pour atteindre la ville. Il est limité par le type de bombes qu’il emporte (sauf s’il s’agit d’un aéronef tel que le B1 ou le B52[19]), qui ne sont pas toujours adaptées au type d’objectif qui se dévoile. Si c’est le cas, l’effort ne peut être soutenu bien longtemps, non à cause de l’autonomie en carburant, mais de l’autonomie en munitions. Cet aspect ne peut être pallié que par un nombre élevé de patrouilles en vol, seule façon de disposer d’une plus grande panoplie de munitions. Le nombre de patrouilles CAS présentes au même moment au-dessus de Mossoul a parfois été considérable.

 

La présence d’aéronefs pilotés au-dessus d’une zone de combats comporte toujours des risques pour la vie des pilotes[20]. À Mossoul, la coalition n’avait pas d’autre option que de faire prendre ce risque aux pilotes, l’artillerie occidentale ne disposant pas de munitions de la même puissance[21]. Seule l’acquisition par les artilleries occidentales de munitions guidées de forte puissance permettra de diminuer ce risque. Les drones armés, quant à eux, ne seraient en mesure d’emporter qu’une quantité de munitions plus réduite encore que celle des avions multi-rôles. C’est l’importance de la mission qui justifie les risques, mais pour reprendre l’exemple de la cratérisation, est-il pertinent de risquer la vie de pilotes pour faire des trous sur les routes? Certaines de ces missions ont pu être effectuées par les roquettes M31 américaines, mais les cratères réalisés étaient toujours moindres par rapport à ceux creusés par le CAS.

 

Dans une logique capacitaire[22], pour prolonger l’exemple de la cratérisation, mais sans se limiter à lui, est-ce bien nécessaire de voler plusieurs heures à 20.000 euros l’heurel[23] alors que l’artillerie sur place pourrait effectuer cette mission sans risque sur toute la surface de la ville? Pourquoi ajouter le coût de déplacement de l’aéronef à celui de la munition? Pour les opérations en zone urbaine, seule une réflexion doctrinale et capacitaire peut permettre aux armées d’absorber le coût d’acquisition d’un arsenal plus important en munitions guidées. Cet investissement passe par l’acquisition pour l’artillerie de roquettes guidées à fort pouvoir de destruction. Ces munitions sont indispensables en combat urbain. Elles ne remplaceront ni les munitions aériennes ni le CAS, absolument essentiel non seulement en amont, mais également pendant certaines phases de la guerre urbaine, en ville comme dans la profondeur opérative. Lorsque les arsenaux des artilleries occidentales le permettront, elles pourront prendre une plus grande part au combat urbain, diminuant ainsi le nombre de missions du CAS, qui ne sont aujourd’hui nécessaires que par l’absence de cette munition terrestre. Le besoin capacitaire semble être une roquette guidée d’une portée d’environ 50 kilomètres et contenant environ 250 kg d’explosifs. Cette portée la limite dans la zone d’intérêt du chef des opérations terrestres, et en limite le coût.

 

Au-delà de Mossoul, et si l’on admet qu’il est indispensable de disposer de munitions guidées à fort pouvoir de destruction en combat urbain[24], comme les forces aériennes l’ont démontré, il est logique d’admettre qu’en l’absence de telles roquettes pour les forces terrestres, les forces occidentales seraient impuissantes à conquérir une ville de même taille face à un ennemi disposant de puissants moyens sol-air[25]. Le seul recours serait alors une consommation considérable en munitions de calibre inférieur ainsi qu’un engagement massif de troupes de mêlée, avec les conséquences prévisibles en pertes humaines.

 

 

[1] L’arsenal russe compte, y compris pour les munitions aériennes, des munitions à sous-munitions.

[2] Dans le cas de Mossoul, la consigne du gouvernement irakien demandant aux populations de ne pas fuir et de rester dans leurs appartements a aggravé le risque de dommages collatéraux.

[3] Modes de vie

[4] Restricted Operation Zones.

[5] Joint Automated Deep Operations Coordination System.

[6] Lance-roquettes unitaires.

[7] Precision Guided Kit.

[8] «L’Ultime champ de bataille-combattre et vaincre en ville», de Frédéric Chamaud et Pierre Santoni, éditions Pierre de Taillac, 2016, p 18.

[9] Les obus de semonce apportent le risque de dommage collatéral le plus bas possible. Les amateurs de concepts pourront appeler cela «la juste suffisance dans la provocation».

[10] Témoignage de TF Wagram 2 (11ème RAMa).

[11] Missile moyenne portée

[12] «La gestion des stocks de munitions qui a affecté de nombreux pays, dans un contexte de tirs intensifs, a également été une problématique soulevée au cours de cette bataille», dans Lettre du CICDE, décembre 2017, article «Focus RETEX – principaux enseignements tirés de la bataille de Mossoul», Col (A) Le Mouël, p 8.

[13] En ville, la présence de civils est possible et ne sera pas détectée par des radars de trajectographie; dix minutes plus tard, la population peut se déplacer.

[14] Close Air Support.

[15] Même si une juste proportion est à rechercher dans l’arsenal interarmées.

[16] Cet emploi existait déjà pendant la Première Guerre mondiale pour contrarier les offensives ennemies qui reposaient sur une logistique très pondéreuse. Les Britanniques avaient même pour habitude de détruire les routes en arrière des lignes allemandes dans un secteur où l’artillerie ennemie semblait préparer une offensive. Si les routes étaient réparées, cela confirmait les intentions offensives. Sinon, il s’agissait d’une attaque de diversion. Dans «L’artillerie des stratagèmes», Colonel Olivier Fort, éditions Economica 2016, p 37.

[17] Improvised Explosive Device.

[18] Et ce malgré les trajectoires terminales verticales apportées par la plupart des munitions guidées.

[19] Le B 52 peut transporter 31 tonnes de munitions.

[20] Même si aucun incident technique n’a été constaté sur le Rafale lors de la campagne.

[21] Toutes les munitions des forces aériennes ne sont pas nécessairement d’une forte puissance de destruction, certaines ayant été conçues pour minimiser les dommages collatéraux. 

[22] Et non une logique opérationnelle car, à Mossoul, la coalition a dû employer au mieux les différents moyens, et en particulier les munitions dont elle disposait lors de la bataille.

[23] Selon l’étude CBSA «Estimating the cost of operations against ISIL», de septembre 2014, le coût marginal de l’heure de vol d’un F 15 était alors de 20.000 dollars.

[24] Il ne faut pas perdre de vue pour autant la nécessité de disposer de munitions guidées de 155mm permettant de limiter les dommages collatéraux.

[25] La prolifération dans le monde de systèmes sol-air tels que le S 400 permet d’envisager qu’un État voisin du territoire où nous sommes engagés pourrait interdire depuis sa frontière toute présence aérienne.

 

Officier d’artillerie, le Colonel Olivier FORT a servi dans trois spécialités de l’artillerie sol-sol aux 12e RA, 93e RAM et 35e RAP. Il a été affecté à deux reprises dans l’armée de terre britannique, à l’École d’artillerie puis à l’Army HQ. Il a également effectué deux séjours à la DEP artillerie qu’il commande depuis 2016. Il a servi au CDEF où il a rédigé le RETEX des opérations en Afghanistan. Il a participé à des opérations extérieures au Kosovo, en Bosnie et en Afghanistan. Il est l’auteur d’un livre, «L’artillerie des stratagèmes», paru en 2016, qui met en valeur des tactiques de déception des appuis de l’artillerie et des forces aériennes.

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Titre : L’artillerie en combat urbain
Auteur(s) : le Colonel Olivier FORT
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