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L'étude des méthodes de Lyautey au Maroc. Quels enseignements pour l'AMO en 2018? 3/4

Revue militaire générale n°54
Histoire & stratégie
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Sans surprise, la connaissance du milieu physique et humain demeure un impératif à l’égard duquel il convient néanmoins de conserver une certaine humilité. En effet, s’il est essentiel de chercher sans cesse à développer la compréhension de son environnement opérationnel, il est tout aussi important de conserver à l’esprit que cette connaissance se construit dans la durée et demeurera inévitablement imparfaite.


L’importance réaffirmée de la compréhension de l’environnement local

En particulier, la compréhension fine des rapports de force locaux requiert un temps considérable – rarement offert par les déploiements de quatre à six mois – et restera in fine inférieure à celle d’un partenaire évoluant dans son environnement depuis des générations. Ainsi, il convient d’adopter la plus grande prudence lorsque l’on est tenté de s’ingérer dans les relations entre acteurs locaux.

 

En conséquence, l’effort d’un détachement  d’AMO doit porter avant tout sur l’évaluation précise et actualisée de la fiabilité du partenaire. En effet, le succès des entraînements et des opérations conjointes, mais aussi la sécurité même du personnel français, résident avant tout dans la capacité à estimer judicieusement le niveau de confiance qui peut être accordé aux unités locales, niveau qui peut varier de manière significative selon la nature des opérations  envisagées : ainsi, une troupe considérée comme efficace peut-elle perdre toute valeur opérationnelle une fois sortie de sa zone de légitimité tribale ou ethnique. Dès lors, il importe de multiplier les contacts avec le partenaire afin de comprendre ses motivations, ses qualités et ses limites. À cet effet, l’apprentissage, même sommaire, de la langue locale constitue un atout significatif.

 

A fortiori, l’audit initial du partenaire revêt un caractère véritablement décisif dans le cadre d’une mission d’AMO. En effet,  cet exercice particulièrement délicat doit permettre d’identifier les unités locales présentant les aptitudes suivantes  : d’une part, la capacité à assurer la sécurité du détachement français inséré en leur sein ; de l’autre, le potentiel nécessaire au développement avec l’appui de la France d’une efficacité opérationnelle supérieure à celle de l’adversaire considéré ; enfin et surtout, la volonté réelle de s’engager contre cet adversaire en en assumant les risques. L’évaluation objective de ces trois critères, sans se laisser influencer par les déclarations d’intention – toujours exagérément volontaristes – s’avère ainsi véritablement critique, et doit être réactualisée une fois la mission lancée grâce aux retours d’expérience des chefs de détachements successifs.

 

Aussi, l’attachement que Lyautey portait à la compréhension de la culture et des acteurs locaux apparaît-il toujours aussi pertinent dans la mesure où le succès d’une mission d’AMO semble reposer avant tout sur une connaissance poussée du partenaire.

 

La responsabilisation du partenaire, un facteur clé du succès

Par  ailleurs, l’efficacité d’un détachement d’AMO apparaît intrinsèquement liée à sa discrétion. Ainsi, s’afficher comme mentor face au partenaire suscite ressentiment et passivité au sein des cadres comme de la troupe. A contrario, laisser le partenaire concevoir et conduire ses opérations en interférant le moins possible de manière apparente en dépit des contraintes et des frustrations que cela engendre nécessairement, permet de renforcer la légitimité du chef local et, ainsi, de susciter sa reconnaissance.  Le même constat reste valable à l’instruction : ainsi, lorsqu’il s’agit d’apporter de nouveaux savoir-faire à un partenaire, les entraînements conjoints associant le plus étroitement possible unités française et locale se révèlent sensiblement plus efficaces que les cours dispensés au partenaire par des instructeurs français.

De surcroît, l’importance de la responsabilisation du partenaire apparaît d’autant plus critique que le mentor est souvent contraint d’adopter une posture en retrait en opérations. De fait, le degré d’acceptabilité des risques encourus n’est généralement pas le même pour le détachement d’AMO et pour l’unité accompagnée. Une fois engagé, le chef local se retrouvera donc inévitablement seul face à ses responsabilités, sans mentor vers lequel se retourner. Dans ces moments, la confiance qu’il accordera à ses capacités mais également la confiance que lui accorderont ses hommes, joueront un rôle véritablement déterminant. Il importe dès lors pour le détachement  d’AMO, de veiller à tirer parti de toutes les occasions de renforcer la légitimité du chef aux yeux de ses hommes, comme Lyautey s’y attachait avec les élites marocaines.

 

À cet effet, il demeure essentiel de pouvoir apporter au partenaire des capacités présentant à ses yeux une forte valeur ajoutée, capacités mises en œuvre soit par des mentors français, soit par des spécialistes formés au préalable au sein de l’unité accompagnée selon les capacités de celle-ci et la sensibilité des moyens employés. Si ces capacités-clés doivent naturellement être déterminées au cas par cas en fonction du contexte, elles relèvent le plus souvent de trois ordres : l’appui au commandement (en particulier en matière de renseignement), l’appui au contact dans toutes ses dimensions (de l’appui-feu à l’appui à la mobilité), et le soutien logistique de l’avant (dans le domaine santé notamment). Enfin, il importe de conserver à l’esprit que l’effet tactique obtenu importe souvent moins que le surcroît de confiance provoqué au sein de l’unité appuyée.

 

Ainsi, l’approche de Lyautey consistant à « aider le partenaire en coulisses plutôt qu’à le remplacer sur scène », conserve toute sa pertinence en dépit de son caractère souvent frustrant, car elle favorise le développement d’une véritable capacité d’influence à long terme.

 

Se faire l’interface avec l’ensemble des autres dimensions du conflit

Tout d’abord, un chef de détachement  d’AMO doit assumer avec pragmatisme, une véritable responsabilité de conseil en matière d’éthique auprès de son partenaire. En effet, si celui-ci maîtrise généralement assez bien les effets de ses actions sur les rapports de force locaux, il s’avère souvent ignorant des conséquences – parfois véritablement stratégiques – que peut entraîner un usage inapproprié de la force, une fois celui-ci observé et relayé par des media d’envergure internationale. Dès lors, cette dimension des opérations doit impérativement être mise en exergue par le détachement français : en effet, s’il est inenvisageable d’espérer imposer des standards occidentaux de comportement au partenaire, le retentissement extrêmement contre-productif que ses actions pourront revêtir sur la scène internationale doit impérativement lui être signalé au préalable.

 

Par ailleurs, il importe de permettre au partenaire de saisir les opportunités offertes par les dispositifs de coopération interministériels et internationaux. Or dans ce domaine, les acteurs sont nombreux et les moyens de plus en plus contraints. Dès lors, la connaissance des dispositifs d’assistance existants, militaires ou civils, apparaît particulièrement utile : permettre au chef d’une unité partenaire de capter les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une véritable approche globale revient en effet à renforcer singulièrement sa légitimité auprès de la population locale. Du reste, exercer efficacement ce rôle d’intermédiaire suppose d’avoir établi des contacts transverses entre le dispositif d’AMO et les autres structures de coopération. Cela pourrait également passer par le renforcement du rôle en la matière des officiers généraux commandant outre-mer.

 

Mais au-delà, un  dispositif  d’AMO peut  constituer  un  levier remarquablement efficace en matière d’influence dans le champ diplomatique. En effet, il arrive assez fréquemment qu’un chef de détachement soit amené du fait des contingences, à interagir de manière privilégiée avec les autorités locales, ne serait-ce que parce qu’il est parfois le seul représentant de la France présent de manière permanente. Dès lors, sans s’improviser diplomate, il apparaît pertinent d’intégrer pleinement la dimension politique qu’une mission d’AMO peut revêtir, en s’attachant par exemple à développer un réseau d’influence au sein des élites locales sans se limiter aux responsables militaires, afin notamment de pouvoir se faire, le cas échéant, le relais de messages en provenance de la diplomatie française contribuant ainsi directement à l’atteinte des objectifs fixés par celle-ci.

 

En définitive, la capacité de Lyautey à agir simultanément et de manière coordonnée dans les dimensions sécuritaires, économiques et politiques d’un conflit constitue aujourd’hui, mutatis mutandis, une véritable source d’inspiration pour les responsables de missions d’AMO.

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Titre : L'étude des méthodes de Lyautey au Maroc. Quels enseignements pour l'AMO en 2018? 3/4
Auteur(s) : les chefs de bataillon BURTIN, de LASTOURS et THELLIER
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