

L'humilité


L’HUMILITÉ … QUOI ?
L’humilité est une vertu fondamentale du métier militaire et tout particulièrement du chef. Elle contribue au discernement et pousse ainsi à aborder la complexité du métier des armes sans arrogance ni orgueil. Elle implique une prise en compte permanente des données du réel. L’humilité conduit à un détachement vis-à-vis de la reconnaissance publique, qu’il ne faut pas confondre avec de l’indifférence. Elle n’annule en aucun cas la joie des réussites collectives et individuelles. Cette qualité est bien plutôt une forme de retenue, une marque de respect qui évite de se mentir à soi-même et de faire illusion auprès des autres. Elle doit conduire le chef à chercher le succès du groupe plutôt que le sien. L’humilité doit ainsi permettre de faire la part entre l’ordre et la raison, entre l’intérêt personnel et celui de la collectivité, pour juger enfin si nécessaire entre la raison d’Etat et la raison d’humanité.
L’HUMILITÉ … POURQUOI ?
- Elle permet d’éviter de porter des jugements hâtifs. Elle est un gage de progrès, car elle invite à seremettre en question.
- Preuve de caractère, elle se détecte par l’aptitude du chef à s’effacer de l’avant-scène, pour mieux s’investir dans la mission.
- Elle témoigne de la conscience du chef qu’il est dépositaire et non propriétaire de l’autorité qui lui est confiée.
- Elle est une forme de sérénité communicative qui, loin de neutraliser l’envie de gagner, permet à une unité de réaliser une performance sans recherche de gloriole.
- Au combat, elle permet au chef de ne pas sous-estimer son adversaire.
PAS D’HUMILITÉ … SANS :
- sens du réel ;
- recul ;
- lucidité ;
- capacité d’écoute ;
- sens du service ;
- ouverture d’esprit.
L’HUMILITÉ … DANS LES TEXTES :
« Devant l’œuvre à faire, il doit rester modeste. Par sa soumission aux données du réel, à tout instant il doit se rappeler que le chef, si grand soit-il, n’est jamais la règle de la vie du monde, mais qu’il n’en est que l’interprète (…) Sans humilité, la force n’est que violence ; seule l’humilité permet d’amoindrir les risques de diminuer les travers, de reconnaitre et réparer les fautes. »
Gaston Courtois - l’Art d’être chef (1958).
« La vraie force est celle qui se devine, qui se fait discrète pour ne pas écraser. L’humilité est une culture qui fait prévaloir le résultat durable sur la gloire passagère. »
Daniel Hervouët - Mener des hommes vers le succès (2014).
« L’humilité est le contrepoison de l’orgueil. » Voltaire
« Préférer le bien qui ne fait pas de bruit au bruit qui ne fait pas de bien. Ainsi peut-on passer la flamme de son cœur dans celui de ses subordonnés. Ainsi on obtient leur dévouement. » Amiral de PENFENTENYO
L’HUMILITÉ … « AU CONTACT » :
Témoignage d’un sergent chef de groupe - Bosnie - 2002 :
« La section est déployée dans un petit village rural d’une minorité pour participer à une action civilo- militaire : il s’agit de refaire le puits et de réparer des abreuvoirs en pierre destinés aux moutons. Il faut improviser, nous disposons de matériaux mais je n’ai aucune compétence en maçonnerie. Je sais que l’un des caporaux du groupe de combat a suivi une formation de maçon avant de s’engager. Je lui demande donc de se transformer en chef de chantier. Le groupe au complet, chef compris, suit ses instructions à la lettre durant tous les travaux… L’ouvrage est réalisé dans les temps et nous vaut les félicitations du commandement et la reconnaissance des villageois. Ce succès a rejailli sur l’ensemble du détachement mais le chef de section en a très justement attribué le mérite à notre ‘’caporal bâtisseur ‘’. »
Témoignage d’un lieutenant chef de peloton - opération TRIDENT - Kosovo - 2000 :
« Depuis quelques semaines, je commande un peloton d’éclairage, détaché de mon régiment d’origine, au sein du bataillon français pour toute la durée de la mission. Jeune officier, peu expérimenté, ma seule référence en matière de projection est une mission de courte durée en Afrique, au sein de mon escadron. Dans un contexte sécuritaire très dégradé, au sein d’un bataillon inconnu et avec en responsabilité permanente l’acquisition du renseignement sur un secteur urbain assez vaste, la pression est forte. Sans véritable recul sur mon style de commandement, lancé dans une course à la performance opérationnelle alors même que le peloton manœuvre parfaitement, je fais redescendre cette pression sur tous mes subordonnés. Un soir, alors que je l’avais invectivé injustement à la radio dans l’après-midi, un sergent sollicite un entretien au cours duquel ses propos m’ouvrent les yeux : je comprends qu’en situation opérationnelle, on gagne tous ensemble, que la confiance n’est pas que théorique mais qu’elle doit être une réalité vécue. La franchise lucide de ce sergent m’a fait réfléchir. Le peloton traverse le reste de la mission sans souci, grâce à la qualité des hommes qui le composent. L’humilité du chef se cultive au contact de la réalité, et de subordonnés qui, avec les formes nécessaires , sont capables de dire à un supérieur ce qui mérite de l’être au service du bien commun et de la réussite de la mission. »

