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L’infovalorisation et le combat collaboratif constituent-ils une révolution tactique ?

Engagement opérationnel
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Le Général-major Philippe Boucké débute sa carrière au sein de la 121e Promotion Toutes Armes de l’Ecole Royale Militaire. En 1994, il rejoint l’état-major de la 17e Brigade Blindée à Spich en Allemagne, pour y exercer les fonctions d’adjoint Officier Opérations et Entraînement. Il rejoint le Premier Régiment de Chasseurs à Cheval à Bourgléopold en août 1996 pour y exercer la fonction d’Officier Opérations et Entraînement. En 2015, il est affecté à l’état-major Défense à Evere pour y travailler au Cabinet du CHOD, au sein de la cellule GPS (Governance and Policy Support) dont il devient le Chef en juillet 2016. Le Généralmajor Boucké est désigné comme sous-chef d’état-major Stratégie en 2017. En 2018, il est nommé Aide de Camp de Sa Majesté le Roi par Sa Majesté le Roi Philippe de Belgique.


L’Armée belge s’est dotée de principes de la guerre, à savoir: la proportionnalité entre les buts et les moyens, la liberté d’action et l’économie des forces. Ces principes ont été fondés par le Professeur Henri Bernard, dans les années 70. Ce dernier considérait que tout art ou toute science repose sur une série de principes qui en constituent les fondements. Les principes de l’art militaire ont ainsi vocation à être immuables et leur implication impérative et permanente exige l’observation de certaines règles, dans lesquelles toutes les nations représentées à ce forum peuvent vraisemblablement se retrouver. Ces principes et règles sont en théorie applicables à tous les niveaux, du sommet de l’Etat jusqu’au dernier échelon en capacité de manœuvrer. Dans les processus de décision, ces principes sous-tendent l’élaboration, l’analyse et la comparaison des solutions possibles. Du reste, en pratique, ils sont le plus souvent utilisés dans l’étude du passé.

 

Ces principes ne paraissent pas devoir être révolutionnés par l’infovalorisation et le combat collaboratif. La force du commandement et la beauté de l’art militaire résident précisément dans leur capacité à transcender les évolutions technologiques, en s’appuyant sur un certain nombre de principes, afin d’atteindre la victoire. Du principe de proportionnalité entre les buts et les moyens découle la règle suivante: rechercher en permanence le renseignement, pour modifier son but en fonction des moyens disponibles ou modifier ses moyens pour atteindre le but imposé.

 

A cet égard, l’infovalorisation a vocation à fournir des renseignements plus ciblés, potentiellement plus exacts et actualisés à la dernière minute (le cas échant par un lien direct avec la source, qu’il s’agisse d’un drone ou d’un humain). Ceci devrait conduire à des actions plus adéquates – Napoléon ayant défini la guerre comme un art simple et tout d’exécution et le Professeur Henri Bernard ayant souligné l’importance de pouvoir prendre et exécuter des décisions rapides et opportunes dans une bataille où actions et réactions se succèdent –, avec toutefois des risques de frottements. Notre doctrine fait également la part belle au chef qui la met en œuvre. Dans le cadre du programme Scorpion, conduit en partenariat avec la France, le concept de « chef augmenté » a été développé, visant à permettre au chef de comprendre, décider et agir plus vite que l’adversaire, en étant mieux protégé et plus efficace.

 

Les armées occidentales ont ainsi développé une culture reposant sur une dichotomie entre la simplicité des principes et l’incertitude et la difficulté d’exécution, se traduisant dans le concept de « Mission command » et l’approche manœuvrière. A cet égard, l’infovalorisation, le combat collaboratif et les nouvelles technologies en général, pourraient ouvrir de nouvelles perspectives, s’agissant de permettre l’application de principes simples et de favoriser l’exécution parfois complexe de plans établis. Pour autant, la surprise, l’incertitude et la déception n’ont-elles plus vocation à être au centre des victoires ? Qu’en sera-t-il de la dissimulation digitale, face aux fake news ou aux attaques sur les lignes de communication digitales ? Garantir leur liberté d’action en préservant leurs lignes de communication (y compris digitales) devra être un souci permanent pour les chefs.

 

Les données espace/temps sont par ailleurs appelées à être profondément modifiées. Le combat collaboratif devrait produire des temps de réaction inférieurs à la minute, à des distances jusqu’alors insoupçonnées. La séparation entre le deep, le close et le rear devrait ainsi être remise en cause. Dans l’espace cybernétique, la sécurité de la base devrait également poser question. Au niveau tactique le plus bas, l’infovalorisation et le combat collaboratif devraient remettre l’approche manœuvrière au centre des préoccupations des chefs, en les obligeant à se concentrer sur l’effet majeur recherché, à savoir rendre la manœuvre ennemie non pertinente. En cas de friction ou de dysfonctionnement, la décision rapide du chef visionnaire et la résilience du soldat « dé-augmenté » devraient néanmoins continuer de prévaloir.

 

Vis-à-vis des nouvelles technologies, l’enjeu sera donc d’envisager les possibles, dans une logique de rupture, en considérant les apports potentiels en termes de surprise, d’incertitude, voire d’économie des forces. Les chefs devront ainsi pouvoir appliquer des principes simples à travers de nouveaux concepts, en étant capables de maîtriser les technologies associées. La doctrine de l’OTAN ayant mis en évidence le caractère interdépendant et l’importance égale des trois composantes morale, conceptuelle et physique de la puissance de combat, il s’agira, pour parvenir à une puissance de combat réellement modifiée, de soumettre les nouvelles technologies à un triptyque : appropriation conceptuelle, mise à l’épreuve lors d’entraînements et mise à l’épreuve en situation de combat.

 

C’est cette approche qui a été retenue dans le cadre du programme Scorpion, à travers des expérimentations sur simulateur et une mise en application sur le terrain, avant même la rédaction des manuels d’utilisation.

 

En somme, les nouvelles technologies s’offrent à nous. Le plus grand défi sera de les voir à la lumière des principes et des règles de la guerre, pour en tirer les avantages et être acteurs des évolutions associées. Seuls les cadres correctement formés seront à même de relever ce défi. Au-delà de l’apprentissage des principes, des règles de l’art militaire et du mission command, tous les chefs devront se familiariser avec les nouvelles technologies – les « grands » pour les utiliser à bon escient et les « petits » pour en tirer la quintessence.

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Titre : L’infovalorisation et le combat collaboratif constituent-ils une révolution tactique ?
Auteur(s) : Général-Major (BEL) Philippe BOUCKE
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Armée