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La brigade de sapeurs-pompiers de Paris : un laboratoire d’essai du territoire national ?

Cahiers de la pensée mili-Terre n° 45
Engagement opérationnel
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À l’heure de la mise en place du commandement du territoire national (COM TN), l'auteur s'interroge sur la transférabilité organisationnelle et les niveaux d’échanges souhaitables entre le COM TN et la BSPP.


Né de la volonté du CEMAT, le général d’armée Bosser, le commandement du territoire national (COM TN) − intégré dans le modèle de l’armée de Terre «Au contact» − a vocation à cadrer la réponse de notre armée de Terre aux sollicitations sur le territoire national, à marquer son engagement majeur et son rôle réaffirmé sur le territoire, et à faciliter l’engagement des unités1.


Structurellement tournée vers l’urgence sur un territoire exceptionnel qui lui est propre, la BSPP a fait ses preuves comme outil opérationnel dont la seule vocation est la protection des personnes, des biens et de l’environnement de son secteur de compétence. Aussi, elle peut être envisagée − de par son organisation, ses principes d’entraînement et son expérience − comme une grande unité source d’inspiration voire, dans certains cas, comme mètre étalon pour évaluer telle ou telle option.

 

Les enjeux de l’armée de Terre sur le territoire national

 

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 précise que «[…] l’engagement des armées en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile en cas de crise majeure pourra impliquer jusqu’à 10.000 hommes des forces terrestres, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes. Pour remplir ces différentes missions de protection, il sera fait appel, lorsque c’est nécessaire, à des moyens prélevés ponctuellement sur nos forces d’intervention».


Au-delà de cette approche globale, il s’agit, pour l’armée de Terre, dans le cadre du continuum sécurité-défense, de définir une posture de protection terrestre − post défense opérationnelle du territoire −, sans être une simple pourvoyeuse de moyens, et de profiter du modèle «Au contact» pour se réapproprier le milieu terrestre.


Le rôle à deux volets de l’armée de Terre sur le territoire national En se gardant bien de penser que l’opération Sentinelle résume une fois pour toutes les possibilités d’emploi de l’armée de Terre, il lui faut assurer :

  • l’engagement d’une force résiliente, autonome, aguerrie et apte à durer, en
    complément, d’une part, de l’action plus générale des forces de sécurité intérieure
    dans le champ sécuritaire et, d’autre part, des forces de sécurité civile dans le
    domaine de l’assistance aux populations;
  • l’apport de savoir-faire maîtrisés et de compétences spécifiques, en
    particulier dans le domaine de l’organisation, de la planification de la réaction, du
    soutien et de la logistique.


Que ce soit pour l’un ou l’autre des volets précités, l’armée de Terre se doit d’acquérir une culture des opérations intérieures. Il ne s’agit pas seulement d’exécuter sur réquisition, mais bien de devenir un acteur incontournable et visible de la protection du territoire. Elle peut pour cela capitaliser sur ses qualités intrinsèques (capacité de travailler jour et nuit, grande mobilité et des savoir-faire en matière de renseignement), ses savoir-faire spécifiques (NRBC, génie, transport, circulation, transmissions, renseignement, ALAT, traitement de l’eau, ouverture et rétablissement de route, soutien) et ses modes d’action en OPEX.

Cette capitalisation a pour condition sine qua non un entraînement adapté et ciblé afin d’atteindre le même niveau d’excellence que celui démontré sur les théâtres d’opérations extérieurs.

 

 

Une chaîne complexe de réquisition et de demande de concours

 

L’armée de Terre est rarement engagée sur le territoire national de manière isolée et de sa propre initiative (sauf urgence, petit volume d’hommes − jusqu’à 130 − et pour une durée inférieure ou égale à trois jours). Elle agit sur sollicitation (réquisition ou demande de concours) des autorités civiles locales, le plus souvent par les préfets, selon le principe du respect de la chaîne organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD).


On constate que les unités sont désignées assez directement par le CPCO2 et que leur action est coordonnée par les états-majors interministériels de zone de défense et de sécurité (EMIZDS).


Même si ce système «du local à l’interministériel» fonctionne, il semble qu’il puisse être amélioré grâce à une meilleure coordination, notamment entre les préfets et les autorités militaires. À l’évidence, une dilution de la gouvernance est à déplorer du fait de la multiplication des donneurs d’ordres.

 

La BSPP, une grande unité du territoire national

 

  • Un statut et une organisation uniques


Mise pour emploi sous l’autorité du préfet de police de Paris, qui prend l’appellation de directeur des opérations de secours lors des interventions, la BSPP est la plus grande unité de sapeurs-pompiers d’Europe et la troisième dans le monde. Elle effectue environ 460.000 interventions par an.

Son importance et son «succès» nécessitent une organisation de son commandement basé sur l’équilibre entre la gestion centralisée des moyens et des ordres et, par relais, la décentralisation maximale dans l’exécution jusqu’aux plus bas échelons hiérarchiques.

La BSPP est composée de six groupements (corps constitués) dont trois d’incendie et de secours (GIS), un des appuis et de secours (GAS), un de soutien et de secours (GSS), et enfin du groupement de formation, d’instruction et de secours. Les trois GIS se partagent à parts égales le secteur opérationnel constitué de Paris et des trois départements de la petite couronne. Le GAS vient les appuyer lors des interventions nécessitant des compétences techniques particulières (milieux périlleux, NRBC, cyno, RSMU3…), mais est également composé des unités spécialisées sous convention.


Le GSS pourvoit au soutien de l’ensemble et arme des compagnies métier (infrastructure, médical, logistique, etc.). Les appels 17/18 ou 112 sont traités de manière centrale au centre de traitement de l’alerte (CTA) qui fonctionne en partenariat avec la police afin d’effectuer un tri très en amont et de rendre une qualité de service accrue à moindres frais (interopérabilité).


Les interventions sont alors relayées dans les centres de secours au plus près via les postes de veille opérationnelle (PVO). Les moyens éventuellement demandés en renfort sont pourvus soit par le centre opérationnel (CO) au niveau de l’état-major de la BSPP, soit par les centres de surveillance des opérations (CSO) au niveau des GIS.


Cette chaîne de commandement est à la fois très simple et très efficace puisqu’elle garantit l’identification d’un chef unique de l’intervention, une transmission directe des ordres et une interopérabilité de tous les moyens dépêchés, qu’ils soient BSPP, police, FORMISC4, pompiers civils, SAMU, ou issus du monde associatif (protection civile, Croix-Rouge, ordre de Malte).

 

  • Les atouts qui font la force de la BSPP


Par nature parfaitement aguerrie au fonctionnement interministériel puisqu’étant une émanation de l’armée de Terre (défense) mise pour emploi sous les ordres du préfet de police de Paris (intérieur) pour des missions de secours à personnes (santé), la BSPP cultive à dessein son aptitude à rompre le cloisonnement entre les acteurs concernés, si délétère pour l’interopérabilité.

Amenés au quotidien à collaborer avec les agents de ces trois grands ministères, les SPP sont parfaitement conscients que la guerre ne se gagne pas seul et qu’un dialogue entretenu permet une compréhension mutuelle salutaire et source de gain de temps précieux.

Cette compréhension mutuelle passe par l’adoption d’un langage et de procédures compris par toutes les parties prenantes ainsi que par la conduite d’exercices communs de tous niveaux (groupement au sein des COD, brigade avec le COZ, voire national avec le COGIC).


Seule unité de pompiers interdépartementale de France, la BSPP est implantée sur une mégapole qui accumule de manière aiguë tous les risques urbains (secours à personnes, fluviaux, routiers, immeubles de grande hauteur, industriels, touristiques, aéronautiques, etc.), mais également des risques particuliers inhérents à sa situation unique de capitale (concentration des pouvoirs nationaux).

Cette expérience d’ensemble fait de la BSPP un expert, en milieu urbain, de quasiment toutes les situations d’urgence y compris celles de plus grandes dimensions (attentats depuis les années 80, accident ferroviaire de la gare de Lyon en 1988, feu du Crédit lyonnais en 1996, coupe du monde de football de 1998, tempête de 1999, crash du Concorde en 2000, canicule de 2005, violences urbaines, crise sanitaire-grippe H1N1, etc.).


Afin d’entretenir ses savoir-faire, dans le cadre de sa préparation opérationnelle, l’état-major s’exerce tous les samedis au centre opérationnel. Le scénario change systématiquement et c’est à chaque fois l’occasion de tester la capacité de chacun à gérer des crises complexes. Ces exercices sont conjoints avec les SAMU de la région parisienne.


Pour faciliter l’interopérabilité avec les directions de la préfecture de police de Paris (PPP), la BSPP a pris l’habitude de dépêcher automatiquement des éléments de liaison dans les autres services afin d’améliorer la coordination entre les chaînes de commandement police et pompiers.

Dans le même esprit, pour aller plus loin, il est important de mener des exercices en commun pour que les différents acteurs aient l’habitude de collaborer efficacement. En outre, la BSPP prend part très activement aux exercices de gestion de crise de grande ampleur organisés par la PPP tel que Sequana 2016, qui simulait une crue de type centennal de la Seine et qui rassemblait les partenaires et acteurs du territoire francilien (y compris forces armées) pour renforcer la coordination de leurs actions.


Puisqu’en permanence sur le terrain et bénéficiant d’un maillage dense sur son secteur de compétence, la BSPP est une source privilégiée de renseignement, ce qui lui permet de rendre compte sans délais à ses autorités de tutelle, notamment au cours des crises et des évènements marquant.

 

Que transposer au COM TN, et comment ?

 

  • L’insertion du COM TN dans la chaine OTIAD


Comme vu précédemment, l’action de l’armée de Terre sur le territoire national pourrait être améliorée grâce à une meilleure coordination, notamment entre les préfets et les autorités militaires. Ce rôle pourrait être dévolu au COM TN, qui désignerait les unités les plus aptes à remplir les missions et armerait un centre opérationnel de crise (COC) ad hoc qui représenterait le chaînon manquant entre le CPCO, les EMIZDS, les EMIAZDS et les troupes déployées sur le terrain.

En cela, la chaîne de commandement serait plus directe et sans doute plus efficace à l’instar de celle de la BSPP. Par la même occasion, cela pallierait la dilution de la gouvernance, conséquence de la multiplication des donneurs d’ordres, et faciliterait l’engagement des unités.

 

  • Création d’un référentiel (règlement proterre territoire national)

 

Afin que les régiments, sans attendre d’être mobilisés, puissent se référer à des règlements d’emploi et connaissent mieux les différents contextes de leur engagement, le COM TN doit pouvoir produire une sorte de catalogue de savoir-faire communs territoire national – équivalent des BSP de la BSPP –, mais aussi de savoirfaire spécifiques à des unités spécialisées (aidé en cela par les écoles d’armes).

Cela lui permettra de les inclure à leur préparation opérationnelle, voire de les diffuser aux
autorités civiles pour qu’elles affinent leurs demandes en matière d’effets à obtenir pour, ainsi, employer les unités le plus judicieusement possible tout en gratifiant leur action. Pour développer une véritable culture de la protection du territoire national, ces documents pourraient servir de base aux CFIM, aux écoles de formation initiale pour adapter les enseignements tactiques.

 

  • Le COM TN à l’initiative d’exercices multi-acteurs

Comme le fait à son niveau l’EM BSPP de manière hebdomadaire, le COM TN, pour réaffirmer le rôle de l’armée de Terre et son niveau d’excellence sur le territoire et ainsi prendre l’initiative, doit pouvoir être, avec une bonne fréquence, l’organisateur d’exercices de toutes dimensions – y compris de grande ampleur – envisageant de nombreux cas de figure (catastrophe naturelle, évènement climatique, malveillance, accident industriel, catastrophe technologique, crash aérien, pollution, etc.).

Ces exercices seront l’occasion de tester l’interopérabilité des acteurs de culture différente
et d’adopter des procédures et un langage commun. En outre, ils représenteront des opportunités de démonstration de capacités spécifiques parfois ignorées de l’armée de Terre, notamment en matière de renseignement.

 

  • Développer le réseau des éléments de liaison

 

Très utilisés à la BSPP, les cadres de liaisons ad hoc représentent une réelle plusvalue lors de l’activation de PC de crise. Véritables catalyseurs de synergie, ils favorisent la coordination entre les partenaires, évitent les incompréhensions délétères et réduisent les délais. Ces cadres de liaison, experts ou non, peuvent aussi bien faire partie du personnel d’active que de la réserve opérationnelle, appelée à monter en puissance sous l’égide du COM TN.


L’implication de la BSPP sur le territoire national


Les officiers servant à la BSPP sont avant tout des officier
s de l’armée de Terre. Au gré des mutations de ces derniers, le COM TN pourrait capitaliser sur leur expérience et leurs savoir-faire spécifiques. Par système «d’aller et retour». Cette osmose profiterait aussi bien aux individus, par élargissement de compétences, qu’aux organismes. Cette mesure, par extension, serait susceptible d’intéresser les officiers FORMISC.


La BSPP est aguerrie à toutes les techniques d’intervention en milieu urbain. Le COM TN gagnerait à se rapprocher de cette dernière pour former un pool de cadres projetables sur l’ensemble du territoire en cas d’évènement touchant toute ville. Ce rapprochement s’effectuerait soit par immersion au CO de l’état-major, soit en suivant l’un ou l’autre des stages qualifiants des officiers de SPP (officier de garde, officier poste de commandement tactique, officier de garde groupement).

Ces stages sont d’ores et déjà ouverts aux cadres des associations de secourisme, aux médecins et aux officiers de la police dans le cadre de la connaissance mutuelle de procédures.


Assurant près de 380.000 interventions pour secours à personnes par an, la BSPP peut être considérée comme unité de référence du secourisme en France. Forte de cette expertise, elle est susceptible d’accueillir, comme elle le fait déjà pour certains auxiliaires sanitaires appelés à être projetés en OPEX, les référents du territoire national. Par ailleurs, le GFIS dispose d’un centre de formation au secours aux victimes qui a la charge de former les sapeurs-pompiers dans le domaine du secourisme à différents niveaux (équipiers, moniteurs et instructeurs).

Il possède une salle de simulation arrêt cardiaque composée de dix mannequins. Dans le cadre d’un partenariat avec le COM TN, ce dernier serait en mesure de former des militaires d’active, des réservistes voire des stagiaires du service militaire volontaire tout récemment créé et partie intégrante du COM TN.

 

Comme évoqué par le général commandant la BSPP à la suite des attentats du 13 novembre, il serait intéressant d’améliorer la coopération avec les forces de Sentinelle (6.500 personnes en simultané sur l’Ile de France), qui savent boucler un quartier et fouiller les personnes suspectes si nécessaire, en complément des forces de police et des pompiers de Paris qui, en retour, seraient susceptibles de partager leurs expériences de tous niveaux et faire découvrir leurs métiers.

Au moment d’un engagement sur le territoire national en appui de la sécurité civile, cette connaissance serait assurément bénéfique aux forces.

 

Bien que faisant partie à part entière du COM TN, la BSPP, de par ses spécificités et ses missions de sapeurs-pompiers, ne peut être considérée à proprement parler comme laboratoire d’essai du territoire national. En effet le panel des missions dévolues à l’armée de Terre sur le territoire national va bien au-delà des missions de sécurité civile. En revanche, elle est l’une des unités de l’armée de Terre les plus rodées à l’action dans un contexte interministériel et elle est, par ailleurs, tout comme les UIISC5, une experte des missions de l’urgence.

À ce titre, son organisation, son état d’esprit et les principes qui prévalent à ses modes d’action peuvent servir de référence au moment de mettre en place les structures du COM TN qui lui aussi devra agir dans le contexte précité. À cette fin, un rapprochement protéiforme des forces de l’armée de Terre et de la BSPP est souhaitable et réalisable.

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Issu de l’École militaire interarmes, promotion «Capitaine Coignet», le Chef de bataillon Nicolas PLEIS a servi au 1er-11ème régiment de cuirassiers, au 1er régiment du génie et au 3ème groupement d’incendie et de secours de la BSPP. À la suite de sa réussite au diplôme
technique en 2015, il est étudiant en mastère spécialisé «management global des risques» à l’École nationale supérieure d'arts et métiers.

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1 Définition et rôle du COM TN: http://www.defense.gouv.fr/terre/l-armee-de-terre-au-contact/leniveau-divisionnaire/commandement-terre-pour-le-territoire-national/commandement-terre-pourle-territoire-national/le-commandement-terre-pour-le-territoire-national

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Titre : La brigade de sapeurs-pompiers de Paris : un laboratoire d’essai du territoire national ?
Auteur(s) : Chef de bataillon Nicolas PLEIS
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