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La campagne de Bretagne : un raid pour la logistique, doublé d’un «raid logistique» (5 juin 1944 – 11 mai 1945)

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Tout en étant encore relativement peu connue car souvent occultée par le débarquement voisin du 6 juin 1944, la campagne de Bretagne de 1944 à 1945 est intéressante à plus d’un titre. Ne serait-ce que par sa durée : débutée avec les largages de SAS[1] la veille du 6 juin, elle se termine après la reddition du 8 mai 1945. On pourrait citer pêle-mêle comme champs d’intérêt pour les amateurs d’histoire militaire la problématique des «poches» (St-NAZAIRE et LORIENT), la coopération interarmes et interarmées très poussée chez les américains (et un peu forcée chez les Allemands…), le rôle important de la résistance française (maquis de St Marcel et Saffré, bataillons FFI, réseaux de renseignement et d’évasion), les opérations de déception lancées par les américains, le Mur de l'Atlantique particulièrement dense dans cette région, etc... Cet article se concentrera sur les aspects logistiques de la campagne.

 

 

[1] Special Air Service. En fait le 2ème Régiment de Chasseurs Parachutistes français.


L’effet majeur recherché par le commandement allié pour cette campagne est en effet la mise à disposition d’un port en eau profonde afin de renforcer les flux logistiques en provenance de Grande Bretagne et des USA. À l’été 44, l’envoi de forces d’élite[1] plein ouest n’allait effectivement pas de soi alors que la logique tactique aurait imposé de concentrer l’effort sur l’atteinte de la frontière allemande au plus vite... Et l’utilité même de cette campagne reste d’ailleurs encore assez polémique de nos jours chez les historiens, en particulier américains. Effectivement, si les opérations alliées en Bretagne après 1940 sont exclusivement franco-britanniques[2], elles deviennent largement une affaire américaine à partir de l’été 1944 et du déclenchement du plan OVERLORD d’invasion du continent.

 

L’opération «CHASTITY»

En juillet 1944, 28 divisions alliés étaient engagées sur le front ouest : elles avaient besoin chacune de 700 à 750 tonnes d’approvisionnement par jour (10 fois la demande lors de la 1ère guerre mondiale). Les succès alliés en Normandie étaient d’ailleurs liés en grande partie à leur supériorité matérielle écrasante (ratio de 3,5/1 pour les troupes, de 4/1 pour les blindés), supériorité dépendante de flux logistiques avec la base arrière britannique et indirectement avec les USA. Même si les opérations logistiques à même les plages[3] et les innovations telles que les ports artificiels Mulberry[4] dépassèrent les espoirs des planificateurs alliés, la capture de ports capables de traiter les cargos était évidemment indispensable pour assurer les flux nécessaires à la suite de l’offensive. Les logisticiens américains aiment d’ailleurs à rappeler que le plan OVERLORD n’avait qu’un but : assurer une base logistique («lodgment») suffisante sur le continent pour se lancer ensuite dans une manœuvre offensive[5]. En fait, le choix de la Normandie pour le débarquement avait été largement influencé par ses avantages logistiques : présence de CHERBOURG et du HAVRE mais aussi proximité immédiate avec de nombreuses zones portuaires en activité ou potentielles (baie de QUIBERON) sur le littoral breton. Les alliés, persuadés que les Allemands détruiraient entièrement les ports de Bretagne avant qu'ils ne soient libérés[6], avaient prévu comme alternative de construire un immense port artificiel dans la baie de QUIBERON : cette opération avait pour nom de code CHASTITY.

CHASTITY, dernière altération majeure du plan OVERLORD, était le vrai objectif de la percée en Bretagne (bien que probablement ignoré par les commandants américains sur le terrain)[7]. La Baie était capable d’accueillir des navires de haute mer de type Liberty Ships[8] et était reliée au réseau ferroviaire. Le petit port de Locmariaquer dans la rivière d’AURAY aurait été un des points d’accueil, ainsi que les plages de la baie, mais il était surtout question de construire un port artificiel du type Mullberry qui avait fait montre d’un certaine efficacité en Normandie. Des navires de gros tonnages (jusqu’à 5 simultanément) auraient pu accoster les quais et jetées préfabriqués pour débarquer 2.500 tonnes/jour de marchandises, la capacité de livraison de la zone étant accrue de 7.500 tonnes supplémentaires grâce à des transbordements effectués directement en rade[9]. Le plan nécessitait la capture de BREST et LORIENT pour des raisons de sécurité : approuvé le 22 Avril 1944, il donnait au sein du SHAEF[10] une priorité absolue à la saisie de la baie de QUIBERON.

Après la percée d'AVRANCHES (opération COBRA), le 1er août 1944, le Général PATTON commandant la 3ème Armée US donne l'ordre au Général MIDDLETON, commandant le VIIIème Corps, de libérer la Bretagne et si possible ses ports intacts – mais sans référence au plan CHASTITY. La percée inespérée du Général PATTON semble paradoxalement avoir eu un impact négatif à moyen terme : au lieu des 3 Corps d’armée prévus initialement pour capturer les ports bretons ou la Baie de QUIBERON, seul le VIIIème Corps et une DB furent alloués à cette campagne, les autres unités du Général PATTON étant réorientées plein Est. L’impact logistique de cette décision allait se faire ressentir assez rapidement [11], aucun port majeur n’ayant été capturé en état (certains arguent que les ports de St-NAZAIRE/NANTES – voire même BREST – auraient pu être capturés «à la volée» si les forces consacrées aux raids blindés à travers la Bretagne avaient été plus conséquentes). La prise de zones portuaires sur la façade Atlantique aurait cependant permis aux américains des liaisons directes avec les USA.

St-NAZAIRE et BREST avaient d’ailleurs été leurs deux points d’entrée principaux en…1917-1918. Par ailleurs, la planification logistique alliée reposait non seulement sur la capture de ports bretons et l’accès à une infrastructure ferroviaire dense et intacte, mais également sur une pause opérationnelle au niveau de la SEINE afin de reconstituer les stocks[12].

La planification d’OVERLORD incluait dans un premier temps l’utilisation intensive de 6 ports mineurs avant d’atteindre QUIBERON ou un grand port de la façade atlantique : GRANDCAMP-les-BAINS[13] et ISIGNY à l’ouest d’OMAHA ; St-VAAST-la-HOUGUE et BARFLEUR au nord d’UTAH ; GRANVILLE dans le Cotentin et St-MALO en Bretagne. Tous ces ports de faible capacité et soumis aux marées étaient des solutions de transition mais devant être effectives dès le 6 juillet – en pratique au 16 juillet GRANVILLE et St-MALO étaient encore aux mains des allemands. BREST, LORIENT, la zone de QUIBERON, St-MALO et NANTES auraient du fournir une capacité de plus de 27.000 tonnes/jour à J+90…mais fin août seule St.-MALO était aux mains des américains. Le 25 août le commandement logistique demanda l’accélération de la remise en condition du port et l’exploitation de 3 ports non prévus par les plans d’ OVERLORD (MORLAIX, St-BRIEUC et CANCALE[14]). Le 1057th Engineer Port Construction and Repair Group remis rapidement en état ces ports secondaires, sauf CANCALE. Une zone portuaire MORLAIX-ROSCOFF, éclatée sur deux sites assez différents mais ayant unité de commandement, fut constituée. Le port «MORLAIX/ROSCOFF» était capable d’accueillir 6 Liberty ships opérant la rupture de charge soit directement à quai à ROSCOFF soit via la batelerie amphibie. Dans le cas de MORLAIX (dont le viaduc ferroviaire était intact), le relais était pris par des bateaux à très faible tirant d’eau de type LCT[15] en mesure d’aller au fond de la rivière DOSSEN. On notera que la Marine américaine utilisa son incroyable palette de moyens amphibies comme marine fluviale sur tout le front breton : des barges remontant la Loire jusqu’à NANTES, y compris sous le feu allemand, jusqu’aux LCVP envahissant littéralement le petit port de LANDERNEAU[16].

Entre le 5 septembre 1944 et sa fermeture (américaine) le 14 décembre 1944, MORLAIX/ROSCOFF réussit l’exploit de traiter plus de 2.000 t/j. Pendant ce temps, d’importantes opérations amphibies étaient menées dans l’urgence sur les plages de St MICHEL.

 

Un débarquement…en Bretagne

Début 1944, un réseau de résistants fut chargé, spécifiquement dans les Côtes du Nord[17], des liaisons maritimes avec l'Angleterre ainsi que du renseignement sur la Bretagne. Le réseau ausculta le dispositif ennemi pratiquement du MONT St.-MICHEL à BREST. Il fut très sollicité par les alliés comme à la fin mai 1944, où on lui demanda de photographier depuis la mer …la grande plage de St-MICHEL-en-GRÉVE près de LANNION qui se révéla parfaitement appropriée pour un débarquement.

La «Lieue de Grève» est une des plus grande baies de Bretagne, elle s'étend sur 4 km de Saint-Michel-en-Grève à Saint-Efflam (commune de PLESTIN). Elle fût le théâtre de la seule opération amphibie d’envergure après le Jour J[18] sur la côte Atlantique. Précédée par de plus modestes opérations lors des combats autour de St-MALO, à savoir l’utilisation de chalands pour s’emparer du Fort National et de l’Ile de Cézembre[19], cette série de débarquements – 81 au total – était en revanche à caractère purement logistique. Classiquement la première étape fut la sécurisation de la zone par les américains, avec l’aide de la résistance locale. Le génie de plage ayant fait sauter les diverses défenses allemandes (dont les fameux pieux de Rommel et autres hérissons tchèques destinés à éventrer les péniches de débarquement mais aussi des EEI[20] en arrière des plages), les tringlots américains du Transportation Corps prirent le relais pour le déchargement des navires. Les LST, Landing Ship Tanks[21], pouvaient alors entrer en scène. Arrivés de Grande-Bretagne en convois, les LST anglais ou américains étaient escortés de bateaux anglais, voire français comme la frégate «La Découverte» lors de la première opération de débarquement, l’opération «AUTHOR Ist» les 10 et 11 août 1944[22]. Opération combinée entre l’Armée de terre et la Navy et mise sur pied dans l‘urgence, elle a fortement marqué les esprits localement[23]. L‘opération fut un succès et sera renouvelée avec, au total, la mise à terre de plus de 9.000 t de fret jusqu’à sa fermeture le 1er septembre (soit une moyenne respectable de 475 tonnes/j, notamment carburant et munitions).

En Normandie, le Transportation Corps (Arme du train) avait en charge l’organisation des petits ports et, dans les zones de mise à terre sur «plage nue» comme la célèbre UTAH Beach, la prise en charge du fret à partir de la plage sous contrôle de la Navy et en liaison étroite avec le génie[24]. En fait la démarcation entre unités du génie et du train ne semblait pas gravée dans le marbre : le TC aidant au déchargement des navires et gérant la circulation sur les plages pour l’envoi vers des dépôts secondaires en arrière des plages, ainsi que la régulation des flux vers la zone des opérations. On retrouvera un schéma approchant sur la plage de St-MICHEL avec un PC Marine[25] mais ne gérant que les mouvements des navires, des circulateurs (Traffic control[26]) gérant les opérations sur la plage et des éléments du génie US (renforcés plus tard par les britanniques). L’expérience de la Normandie fut utile également pour démontrer la faisabilité de l’échouage «high and dry» des LST (et non d’un simple plageage) : même si la manœuvre était longue car conditionnée par les marées, elle permettait la mise à terre dans de bonnes conditions. Le site de St-MICHEL avait été retenu en partie pour la dureté de son sable mais cela n’a pas empêché une importante consommation de plaques perforées…

Afin de préparer au mieux le premier assaut sur BREST, des cargaisons de munitions furent déroutées vers MORLAIX à partir du 6 août puis St-MICHEL qui servit ainsi de plot logistique d’urgence. Dès le 7 les stocks étaient recomplétés et la progression pu reprendre le 8. D’après l’historique du VIIIème Corps, le flux de munitions fut si efficace qu’à la chute de BREST, il restait près de 10.000 t de munitions en stocks et 12.000 dans des dépôts proches des points de débarquement (et ce malgré l’arrêt des commandes à l’approche de la reddition). Afin de réorienter ces chargements vers l’est, 5 truck companies de circonstance furent formées à la hâte par des unités d’artilleries. Il fut aussi fait appel au réseau ferroviaire breton, considéré comme un des avantages majeurs de la péninsule par les logisticiens alliés[27]. On notera que le nombre d’unités allemandes dépassées et la tactique américaine initiale privilégiant la vitesse, laissèrent les voies de communication à la merci d’actions allemandes. Les flux logistiques furent adaptés (pas de véhicules isolés) et la résistance mise à contribution.

 

La bataille de BREST: un «Stalingrad» breton très consommateur en ressources

Le VIIIème corps d’armée était composé des 2ème, 8ème et 29ème Divisions d’Infanterie ainsi que de la 6ème Division Blindée. Sa mission était de s’emparer de BREST, fixer les

éléments ennemis de LORIENT et St-NAZAIRE et couvrir le flanc sud de la 3ème Armée. D’autres unités sont également intervenues en Bretagne comme la Task Force A du Général GARNESS qui libère SAINT-BRIEUC et MORLAIX où les ponts et viaducs sont intacts grâce à l'aide massive de la Résistance (qui sera d'une grande aide partout en Bretagne[28]). La 66ème DI intervient quant à elle autour des poches de St-NAZAIRE et LORIENT aux côtés des FFI[29], la 94ème DI face à LORIENT ou la 83ème dans l’assaut de St MALO qui se rendra le 6 septembre. Une autre DB, la 4ème aux ordres du Général WOOD (surnommé «Tiger Wood» par les allemands), joua également un rôle important en libérant RENNES, BAIN de BRETAGNE, DERVAL, REDON puis VANNES dès le 6 août. Arrivée devant LORIENT le 7 août, elle y contient les forces allemandes avant de repartir vers l’Est (elle libère NANTES).

La 6ème DB US arrive devant BREST dès le 6 août mais ne peut s’emparer de la ville qui s’organise en «forteresse» interarmées. La prise de BREST est liée directement à l’opération CHASTITY, la Navy conditionnant l’utilisation de la baie de QUIBERON à la prise de la ville pour des raisons de sécurité (artillerie côtière et surtout base sous marine…). La présence des parachutistes aguerris et fanatisés du Général RAMCKE n’incite pas non plus les américains à faire l’impasse sur BREST.

Ayant le renfort des DI et une dotation suffisante en munitions, les américains déclenchent l'attaque le 21 août 1944 dans la presqu'île de PLOUGASTEL, de concert avec les FFI du Colonel FAUCHER. L'attaque principale contre la ville est lancée 4 jours plus tard avec trois divisions. Parallèlement l'aviation alliée et l'artillerie américaine pilonnent la ville et son réseau de défense, qui s’appuie notamment sur d’anciennes fortifications françaises. Le 9 septembre, la 2ème DI est aux approches de la ville et fait un millier de prisonniers. De son côté, la 8ème DI traverse LAMBEZELLEC et fait 1.000 autres prisonniers. Une fois la rivière PENFELD atteinte, les combats de rues commencent. Les Allemands résistent dans chaque rue et dans chaque bâtiment : le magazine YANKS parlera des plus durs combats de l’infanterie américaine depuis 1918. Une proposition de reddition est repoussée le 13 septembre et, le 14, le fort de Montbarey tombe aux mains de la 29ème DI après de furieux et sanglants combats à la baïonnette et l’appui de chars lance flamme britanniques[30]. Le 17, la 2ème Division s'empare de la gare et le 18 la base sous-marine est prise. Toute opposition cesse à l'Ouest de la PENFELD. Au cours de ces 45 jours de combat, 10.000 soldats allemands sont tués, et 38.000 autres faits prisonniers, dont les Généraux RAUCH et SPANG. Le Général RAMCKE, commandant de la place de BREST, quitte la ville le 17 et se réfugie dans la presqu'île de ROSCANVEL où il est capturé deux jours plus tard.

BREST, comme St-MALO sont libres mais… entièrement détruits par les Allemands ou les bombes alliées. L’objectif initial de capturer une zone portuaire majeure avait finalement été dilué avant d’être purement et simplement abandonné le 9 septembre[31]. Les opérations sur BREST, déjà bien engagées, ont été menées à leur terme (en tout état de cause, il paraissait difficile d’accepter la présence d’une division parachutiste sur les arrières alliés) mais la zone de QUIBERON et le plan CHASTITY sont abandonnés. La montée en puissance des ports normands et de MARSEILLE participera au «déclassement» du front breton et à la réorientation des unités de mêlée et des équipes spécialisées dans la remise en état des ports[32]. Ce front devient d’autant plus secondaire que le SHAEF plaça rapidement de grands espoirs dans le port belge d'ANVERS, libéré intact, dès le 4 septembre[33]. Deux chiffres scellent le sort des actions offensives en Bretagne : la distance de BREST à AIX la CHAPELLE est de près de 1.000 km, celle d’ANVERS à AIX d’environ 150 Km…

Les «forteresses»[34] de LORIENT[35] et SAINT-NAZAIRE deviennent des «poches» qui ne se rendront qu'après la fin de la guerre. Dans le cas de la poche de St-NAZAIRE, le front partait de l'embouchure de la VILAINE jusqu'à REDON puis suivait le Canal de Nantes à Brest jusqu'à BLAIN, passait la LOIRE à CORDEMAIS et rejoignait la côte à PORNIC[36], interdisant donc d’utiliser le port de NANTES. Comme pour LORIENT, il n'y eut pendant toute la durée de la poche aucune bataille générale, mais une série de combats sporadiques parfois très violents. Pendant les derniers mois d'hiver les combats sur le front de la Poche autour de PORNIC et BOUVRON prirent parfois l'allure d'une guerre de tranchées. Les FFI à qui avait été confiée la mission de contenir les poches avec un soutien américain limité firent face pendant l’hiver 44 à des conditions très dures. Victimes collatérales de la crise logistique alliée et moins prioritaires que leurs camarades engagés plus à l’est, ils remplirent leur mission tout en manquant de vivres, vêtements, munitions et armes[37].

 

Conclusions

Sans trancher la polémique qui agite certains historiens autour de l’utilité de cette campagne (ou tout simplement de l’ampleur des destructions qui l’ont accompagnée), on comprend mieux cette «campagne oubliée» avec une lecture logistique.

On peut souligner quelques points particuliers, encore riches d’enseignements pour les opérations actuelles :

  • La nécessité de garder en tête à tous les échelons l’effet majeur recherché et d’assurer une diffusion suffisante du «Je Veux» du chef : l’objectif de la campagne, la capture de ports intacts et l’établissement d’une base logistique, semble parfois avoir été mieux compris par les allemands que par les commandants alliés sur le terrain[38]
    • Maintenir les destructions à un niveau acceptable pour ne pas compromettre la phase d’exploitation[39], ne pas s’enferrer dans l’affrontement direct en perdant de vue l’objectif stratégique (ici logistique).
  • La nécessaire polyvalence des forces, faute de moyens suffisants : suite au Jour J le commandement constata un manque cruel de fantassins mais aussi de capacités de transport[40], en particulier pour soutenir l’avancée vers l’Est. Il fallu donc dans certains cas transformer les personnels du soutien en fantassins et dans d’autres transformer des compagnies d’infanterie en «truck companies» temporaires…
  • Ne pas négliger l’importance de la composante transport terrestre dans la planification stratégique, ne pas négliger les fondamentaux du combat pour les troupes de soutien qui peuvent être rapidement transformées en unités de marche.
  • En plus de leur rôle de renseignement (tant en phase offensive que dans la reconstruction), l’utilisation intensive des « forces locales » pour aider à gérer la zone des arrières ou les fronts secondaires
  • S’attacher des forces locales, connaissant par essence le terrain des opérations, en leur fournissant soutien, reconnaissance et encadrement.
  • L’efficacité des opérations de plageage et l’utilisation intensive de ports secondaires, qui ont permis de limiter fortement, et dans l’urgence, les manques inhérents aux retards dans l’utilisation des ports en eau profonde. L’incroyable batellerie amphibie américaine et leur capacité à travailler en inter armes/armées y a fortement contribué
  • Maintenir une capacité amphibie suffisante pour être en mesure de mener de véritables «raids logistiques» sur les côtes (comme au Liban en 2006).
  • Et, au-delà de l’éternel combat de la cuirasse et du boulet qui a trouvé de nombreuses illustrations pendant cette campagne, on notera une autre course de vitesse, cette fois entre la truelle et le TNT... L’utilisation extensive de spécialistes pour la reconstruction des zones portuaires (bien souvent des cadres de réserve mettant en œuvre leurs compétences de temps de paix[41]), dans la foulée des troupes de mêlée, a en effet permis de limiter les retards dus à l’efficacité des destructions allemandes
  • Identifier et préparer dès le temps de paix les ressources civiles indispensables à l’exploitation des succès militaires.

Enfin pour clore ce chapitre logistique, laissons le mot de la fin au Lieutenant-colonel John R. RHOADES, Commandant le 4th Cavalry Reconnaissance Squadron “ we halted at the frontier for a reason unforeseen, Not because of hostile action but for lack of gasoline…”

 

Bibliographie sommaire:

« Les Américains en Bretagne, la bataille de Brest en 1944 », chez Histoire et collection (ouvrage de référence, très accessible et pleins d’enseignements à la teneur très actuelle),

« L’Enfer de Brest », Alain LE BERRE et Henri FLOCH, Ed. Heimdal

Eté 44 Résistances et Libération en Trégor de Jean BOUTOUILLER, Michel GUILLOU et Jean-Jacques MONNIER Editions Skol Vreizh N°56 (2004)

« L'incroyable histoire de la Poche de Saint-Nazaire » par Luc BRAEUR, Conservateur du Grand Blockhaus (Batz s/Mer, Loire Atlantique), Ed. du Grand Blockaus.

Break out and pursuit de Martin BLUMENSTON, Centre of Military Studies, Washington, 1989.

Cross Chanel attack de Gordon A. HARRISTON, Centre of Military Studies, Washington.

Ouvrages d’Eric RONDEL , Éditions Astoure: « Bretagne, résistance et libération »; « Les Américains en Bretagne 1944-1945 »

Thèse BARE BEACH LOGISTICS OVER-THE-SHORE: AN OUTDATED CONCEPT? De Christopher J. PEHRSON, Major, USAF AFIT/GMO/ENS/00E-9

The Big “L” American Logistics in WW II de Alan GROPMAN

Thèse SEDUCTION IN COMBAT: LOSING SIGHT OF LOGISTICS AFTER D-DAY, Faculty of the U.S. Army Command and General Staff College MASTER OF MILITARY ART AND SCIENCE Military History de Norman R. DENNY, GG-13, DIA M.P.A., University of Tennessee, Knoxville, Tennessee, 1989

THE OPERATOR-LOGISTICIAN DISCONNECT du COL (USAF) Gene S. BARTLOW Publié dans Airpower journal, 1988http://www.airpower.maxwell.af.mil/airchronicles/apj/apj88/fal88/bartlow.html

 

 

 

[1] 2 divisions blindées, des Rangers, plusieurs divisions d’infanterie dont la célèbre 29ème DI ayant participé au Jour J.

[2] Outre les petits raids sur les côtes et les opérations de renseignement avec la résistance, on pense bien sûr à l’ambitieuse opération Chariot à St-NAZAIRE (destruction des installations portuaires par les Royal Marines).

[3] Pour plus de détails sur les opérations de LOTS – Logistics to the shore – et en particulier les opérations à même les plages («bare beach») voir la thèse «Bare beach logistics over-the-shore: an outdated concept?»

[4] Les ports Mullberry, importante innovation technique du D DAY avec le célèbre pipe line Pluto, étaient composés d’éléments préfabriqués amenés depuis la Grande-Bretagne. Ils étaient toutefois vulnérables aux fortes tempêtes de la Manche.

[5] «OVERLORD planners concentrated their attentions on the Brittany ports because they expected the peninsula to serve as the entryway for Allied forces and materiel before any other development on the Continent. In Breakout and Pursuit. Et aussi: «What's not well known about Operation Overlord is that the direct military objective of Overlord was neither strategic nor tactical, but logistical. The primary objective of the plan read: "To secure a clear lodgement on the continent from which further offensive operations can be developed". Since it was clear the war would be a battle of industries, we had to be able to rapidly deliver our industrial output to the front lines». In The operator-logistician disconnect.

[6] Et d’ailleurs les ports libérés comme CHERBOURG ou GRANVILLE furent effectivement sabotés avec beaucoup d’efficacité par le Génie allemand. Le trafic ne reprit qu’à la mi-juillet à CHERBOURG, soit plus de 15 jours après sa capture (qui était déjà en retard sur les prévisions, le port constituant le premier objectif majeur de la campagne).

[7] A major change in Overlord would thus be required. "It involved the capture of Lorient, either the capture or isolation of Saint-Nazaire, and the reduction of the German installations on the islands facing the coast--a combined military and naval operation of major proportions." After many strategy meetings the plan "then was changed to include the capture of Quiberon Bay…The operation was given the code name Chastity and was a very closely guarded secret." In The Operator logistician disconnect.

[8] Les chiffres sur la capacité d’accueil variant de 30 à 200.

[9] This was seen as a very efficient scheme, since the two Mulberry prefabricated ports constructed on the Normandy beaches provided 6,000 tons of supplies a day at a construction cost of 120,000 man-months, whilst Operation Chastity facility would provide 10,000 tons per day but would only need 4,000 man-months to construct the prefabricated facilities. (Source Wikipedia)

[10] Le Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (SHAEF) était le quartier général des forces alliées en Europe nord-occidentale, de fin 1943 à 1945. Dwight David EISENHOWER en fut le général en chef.

[11] À propos du Général PATTON, le Colonel Harold L. MACK indique «Unfortunately for all concerned, his genius was curtailed and his victorious advance stopped because of the initial failure to carry out the Chastity plan, needed to keep him supplied. By September 1st, his army was short of everything - gas, rations, blankets, winter clothing». D’un point de vue opératif, le Général Dwight D. EISENHOWER en tira la conclusion suivante : «You will not find it difficult to prove that battles, campaigns, and even wars have been won or lost primarily because of logistics».

[12] Plutôt qu’une gigantesque course poursuite, les alliés avaient envisagé initialement une résistance allemande échelonnée – ce qui leur aurait permis de consolider leurs lignes de communications et recompléter avant chaque nouvelle poussée. 30 jours de remise en condition étaient ainsi prévu au niveau de la SEINE avant que le Général EISENHOWER ne décide de pousser l’avantage et de poursuivre les forces allemandes en déroute. À J+100 (14/09/44) la Ière Armée approchait la frontière allemande près d’AIX LA CHAPELLE, soit la zone d’engagement prévue pour J+330!

[13] En 88 jours d’exploitation, (du 23/06 au 19/09/44), le petit port de GRANDCAMP reçu plus de 58.000 tonnes de fret soit beaucoup plus que les 500 tonnes/jour attendues et un meilleur rendement que les opérations sur «plage nue».

[14] MORLAIX, St-BRIEUC et CANCALE devaient traiter 9.500 tonnes/jour au 5 septembre 44, St.-MALO, 2.400 au 1er octobre – des objectifs qui ne furent jamais atteints (CANCALE ne fut jamais utilisé pour des raisons hydrographiques). Et ce malgré les efforts des 1053rd Port Construction and Repair Group et 360th Engineer General Service Regiment qui partirent ensuite pour BREST. St-BRIEUC ouvrit mi septembre pour seulement un mois (317 tonnes/jour principalement du charbon pour les locomotives et les centrales électriques).

NB: les sources américaines utilisent en fait les tons (qui ne correspondent pas tout à fait aux tonnes métriques mais en sont très proches).

[15] Landing Craft Tanks: chalands (et non cargos) capables de transporter des chars mais également des grues ou des camions et bien sûr du fret comme des lots de munitions.

[16] Espérons qu’ils n’étaient pas trop bruyants…Les Landing Craft Vehicle and Personnel étaient de petites barges capables d’emmener par exemple un camion ou une section.

[17] Actuelles Côtes d’Armor.

[18] Exception faite des opérations du 13ème RD à ROYAN en 1945.

[19] D’un point de vue logistique, l’acheminement des péniches par voie… routière servit d’ailleurs de test pour le transit des moyens nécessaires à la traversée du Rhin quelques temps plus tard.

[20] Engins Explosifs Improvisés (déjà!…) à partir de bombes d’aviation ou d’obus piégés.

[21] Les LST, surnommés ironiquement par les soldats "Large Slow Target" étaient longs de 100 mètres et lourds de près de 4.100 tonnes à pleine charge (toutes choses égales par ailleurs, l’actuel BPC Mistral mesure 199 mètres de long pour un déplacement de 21.500 tonnes…). Ces «cargos à proue battante» ont mis en œuvre plusieurs innovations qui allaient inspirer les Ferry-Boats contemporains. Capables d’emmener une vingtaine de chars, leur tirant d’eau était de 3m à pleine charge.

[22] «La Découverte» participa en tant que chef de groupe à l’opération AUTHOR. Le groupe était composé de La Découverte, du Hothal, du Middlesex et des LST 421, 57, 344. Le débarquement a lieu sans incident à PLESTIN-les-GREVES.

[23] Il suffit d’imaginer le spectacle des LST, parfois une dizaine, débarquant directement sur la plage camions et véhicules blindés, sous la protection de ballons captifs (Cf «Souvenirs de guerre d’un enfant de St.-Michel» par Yves KEREMPICHON.

[24] Engineer Special Brigades (génie amphibie). L’organisation rappelle quelque peu les actuelles Unités Interarmes de Plage du Train français.

[25] Situé dans une maison civile sur un point haut permettant le guidage des navires, véritable «tour de contrôle» des opérations de débarquement.

[26] Un détachement du 785th traffic control regiment d’après des sources locales.

[27]I was always intrigued by the possibility of utilizing the excellent ports and railroads on the southern coast of Brittany (…). Quiberon Peninsula, jutting out into the bay, seemed to offer excellent beaches for the landing of supplies because it could be approached from different directions in any kind of weather. One of the best freight railroads in France ran along the coast and, straight from there, east to Paris and Germany”. In The operator-logistician disconnect.

[28] Voir notamment le Musée de St-MARCEL (56).

[29] 19ème et 25ème Divisions d'infanterie regroupant environ 12.000 FFI sous le commandement du Général BORGNIS-DESBORDES.

[30] Pour un récit de combattant, voir par exemple http://www.1jma.dk/articles/MyWar-text%20only.pdf

My War The Family Version Thomas Clayton Quigley  Bedford, Texas, 2001.

[31]The plans to build up a major supply port at Quiberon Bay and use Brittany as the principal American support base gradually faded and were finally cancelled on September 9. This turning away from Brittany meant a loss of port capacity that would prove serious in the coming months.” In The Big L. On 9 September, Eisenhower abandoned all plans for further exploitation of Brittany ports, including Operation Chastity, which were now seen as irrelevant since, unlike Antwerp, they were now hundreds of miles from the front of the Allied advance. Source Wikipedia.

[32] Lorsque les objectifs de tonnage de GRANVILLE augmentèrent, dès le 25 août le 1058th Engineer Port Construction and Repair Group, destiné à l’origine au port de LORIENT, fut ainsi réassigné à GRANVILLE.

[33] Capturé par les britanniques, sa capacité prévue était de 40.000 tonnes. Mais les allemands s’accrochèrent aux approches du port (rives de l’ESCAUT) jusqu’au 8 novembre!

[34] Les quatre forteresses allemandes ou Festungen : Saint-Malo (Colonel Von AULOCK), Brest (Général RAMCKE), Lorient (Général FARMBACHER), Saint-Nazaire (Général JUNCK).

[35] Voir article du Service Historique de la Défense: René ESTIENNE, conservateur du SHM de Lorient et maître de conférences associé à l'université de Bretagne-Sud.  

http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/04histoire/articles/articles_rha/lorientet2guerrmondial.htm

[36] Pour plus d’informations sur cette zone, voir le site http://www.grand-blockhaus.com/ et les divers ouvrages des frères BRAEUER. Et bien sûr l’ excellent musée de BATZ sur MER (44).

[37] A tel point qu’un officier de réserve, le Capitaine BESNIER, créa un escadron blindé FFI uniquement monté sur des.. panzers capturés! Voir L’escadron BESNIER, BRAEUER.

[38] General BRADLEY "underestimated the logistical need for obtaining the use of Quiberon Bay and the railroads running east from there. These were most costly mistakes." In The operator-logistician disconnect.

[39] On retrouve d’ailleurs ici un défaut du mode de raisonnement militaire américain où la victoire ne passe que par la destruction de l’ennemi.

[40]  Un des problèmes les plus aigus, si ce n’est LE problème pour les logisticiens à partir du D DAY et jusqu’à la reddition allemande fut le transport terrestre:  fin août 45% de la charge débarquée était encore en Normandie dans des dépôts…

[41] Ces spécialistes ne se sont pas limités aux unités du génie ou de la marine dédiées à l’évaluation et la reconstruction des zones portuaires, certaines unités étaient ainsi chargées d’évaluer les dégâts causés au patrimoine culturel.

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Titre : La campagne de Bretagne : un raid pour la logistique, doublé d’un «raid logistique» (5 juin 1944 – 11 mai 1945)
Auteur(s) : le Chef d’escadron Erwan COTARD
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