La force de caractère
LA FORCE DE CARACTÈRE … QUOI ?
La force de caractère, c’est la capacité à exprimer et à défendre son point de vue. Elle n’est ni autoritarisme vis-à-vis des subordonnés, ni insubordination vis-à-vis des chefs. Elle est une combinaison harmonieuse de courage, d’intelligence et de détermination qui révèle la personnalité du chef. Elle doit ainsi s’affirmer de façon maîtrisée, avec discernement et sans rechercher l’affrontement.
LA FORCE DE CARACTÈRE … POURQUOI ?
Dans un monde marqué par l’adversité et la complexité, où le chef se trouve souvent dans un environnement physiquement et moralement très exposé, la force de caractère est une des clés de voûte du commandement.
- Elle rassure les subordonnés sur la capacité du chef à tenir le cap et les incite à donner le meilleur d’eux-mêmes.
- Elle permet de s’opposer à tout ennemi, adversaire ou détracteur, dans l’affrontement des volontés qui caractérise les combats menés en opérations, comme dans l’exercice de l’autorité au quotidien.
- Elle peut permettre de se confronter intelligemment à ses chefs qui attendent qu’on sache leur dire la vérité sans détour.
PAS DE FORCE DE CARACTÈRE … SANS :
- esprit de décision qui permet de sortir de l’ambiguïté, de l’hésitation ;
- conviction : pour que la confrontation ne soit pas simplement l’expression d’un esprit de contradiction mais bien celle d’arguments pesés qui permettent d’emporter la décision ;
- hauteur de vue et discernement : pour bien mesurer les contraintes du niveau supérieur et s’assurer de la pertinence de la position défendue.
LA FORCE DE CARACTÈRE … DANS LES TEXTES :
« Être discipliné ne veut pas dire se taire, s’abstenir ou ne faire que ce que l’on croit pouvoir entreprendre en pratiquant l’art d’éviter les responsabilités, mais bien agir dans le sens des ordres reçus, et pour cela trouver dans son esprit, par la recherche, par la réflexion, la possibilité de réaliser ces ordres, et dans son caractère l’énergie d’assurer les risques qu’en comporte l’exécution. En haut lieu, discipline égale donc activité de l’esprit, mise en œuvre du caractère. »
Maréchal Foch - Principes de la guerre (1903).
« Un chef doit être un homme de caractère. Avoir du caractère, c’est savoir garder son esprit libre et indépendant, c’est commander sans chercher de satisfaction immédiate comme celle, légitime pourtant, d’être aimé. C’est, quand on a acquis la certitude d’une vérité, savoir s’y maintenir coûte que coûte, quoi qu’il arrive. C’est savoir rester seul à la barre à espérer quand tout lâche autour de soi. C’est enfin savoir être impartial vis-à-vis de soi-même et reconnaître ses erreurs. »
Gaston Courtois - L’art d’être chef (1953).
LA FORCE DE CARACTÈRE … « AU CONTACT » :
Témoignage d’un capitaine commandant d’unité opération Harmattan - Libye - 2011 :
« Le groupement aéromobile prépare la mission en adoptant une articulation qui s’est avérée pertinente jusqu’ici, soit un module mixte d’hélicoptères d’attaque Tigre et Gazelle. Mais cette fois-ci, l’objectif dans la profondeur nécessite une infiltration beaucoup plus longue que lors des raids précédents. Il est certain que les Gazelle devront ravitailler en cours de route. Ceci implique un poser de nuit, en plein désert, où le sable rend l’atterrissage extrêmement difficile. Je ne peux m’empêcher d’être inquiet. J’aimerais éviter de rajouter trop de risques techniques au danger. Par ailleurs, l’expérience d’une quinzaine de raids déjà effectués me convainc de la capacité de destruction bien supérieure des Tigre. Je milite donc auprès de mes chefs pour une articulation simplifiée à deux Tigre. Ils entendent mes arguments, mais maintiennent la préparation d’un entraînement au poser en zone désertique. Chaque jour, tout en appliquant les ordres, je reviens à la charge pour éviter de risquer de perdre une Gazelle en plein désert au cours d’une manœuvre technique que j’estime très délicate. Je sens au fur et à mesure que mes arguments font mouche. La décision tombe finalement, et nous menons la mission à deux Tigre. Quinze véhicules de combat et une cinquantaine de fantassins seront neutralisés : l’objectif est rempli. J’ai le sentiment d’avoir réussi à convaincre et emporté la décision de mes chefs par une confrontation intelligente d’idées. »
Témoignage d’un colonel officier au Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO)-2012 :
« Si la force de caractère s’apprécie tout particulièrement en opération et dans l’adversité, elle est aussi un socle indispensable à l’officier d’état-major en environnement politico-militaire. En poste au centre de planification et de conduite des opérations, j‘accompagne à New-York des diplomates français en vue d’aller expliquer le bien-fondé de l’intervention française au Mali. Il s’agit de se situer dans le contexte des autorités civiles auxquelles je vais être confronté. Rapidement identifié comme « le spécialiste » de la délégation, je ne suis pas ménagé dans un jeu de questions réponses dont je mesure l’enjeu, puisqu’il y va du lancement d’une opération. La force de caractère et le discernement doivent s’imposer. Il s’agit de faire la part des choses entre les objections sérieuses à prendre en compte et celles plus contestables à contrer avec détermination. C’est bien de caractère dont il est question pour défendre et maintenir une position ou une option face à des autorités de l’ONU démontrant une forte capacité de résistance. La tentation d’infléchir mes arguments en fonction de l’attitude des contradicteurs est grande mais finalement ma résistance emporte la décision. Je retiens de cette expérience que la force de caractère requiert outre l’indispensable maîtrise de soi, de la patience et surtout de la magnanimité pour se développer. Elle se renforce ou s’étiole, au fur et à mesure des expériences qui sont autant d’occasions d’entraînement ou de renoncement : elle est à la fois un don (« musculature de l’âme ») et une vertu (« renforcement musculaire » ).