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La formation «Génie» des stagiaires de l’École supérieure de guerre dans l’entre-deux-guerres

Cahiers de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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L’auteur nous présente ici les modalités du concours d’accès à l’École supérieure de guerre dans les années 30, ainsi que le cursus de scolarité et ses différents stages. Loin d’être désuet, cet article permet au contraire de remarquer des invariants, toujours valables de nos jours, dans la formation et dans les aptitudes générales acquises par l’officier breveté au cours de cet enseignement. L’exemple pris par le Lieutenant-colonel Petitjean, celui du génie, n’est qu’indicatif car les officiers issus d’autres armes suivaient un cursus en tous points comparable.


Dans l’entre-deux-guerres, le profil de la scolarité à l’École supérieure de guerre (ESG) est conforme à celui établi depuis la création de l’École en 1876. Un colloque organisé à l’occasion du centenaire de l’École a bien mis en évidence les arcanes de cette formation dont les contours sont aujourd’hui naturellement bouleversés[1]. Les stagiaires connaissaient alors quatre années de scolarité: une année de stages préalables, deux années de scolarité puis une année d’application. C’est surtout au cours de la première année que les admis bénéficient d’un approfondissement de la connaissance des autres armes.

 

Cette situation est très bien résumée dans les propos du Général Duffour, commandant l’École supérieure de guerre de 1928 à 1931. «L’École de guerre soumet à une instruction de deux années des officiers qu’elle sélectionne par le moyen d’un concours sévère, et dont les âges s’échelonnent de vingt-huit à trente-huit ans en moyenne. Son enseignement a pour objet principal, d’une part, la technique et la tactique des différentes armes (infanterie, chars, artillerie, cavalerie, génie, transmissions, aéronautique), d’autre part, la tactique générale, la technique d’état-major et le fonctionnement des services dans le cadre de la division et du corps d’armée. Il porte en outre sur l’histoire militaire, l’industrie de guerre, la mobilisation nationale, les armées étrangères, la tactique navale, l’histoire diplomatique, la politique et la géographie générales, les langues (allemande et anglaise principalement). Ses instruments sont la conférence, les travaux à domicile ou en salle, les exercices et démonstrations pratiques. Parmi ces derniers, le «cas concret» sur la carte et sur le terrain tient la toute première place pour les tactiques d’arme, la tactique générale, le travail d’état-major et la mise en œuvre de services (santé, intendance, munitions, transports, etc.). L’année scolaire est divisée en deux périodes: période sédentaire, de novembre à mai, dite de formation; période de voyages, de mai à août, dite d’application. Avant d’entrer à l’École, les officiers reçus au dernier concours exécutent pendant six mois des stages dans les armes autres que la leur: initiation à l’armement, aux méthodes d’instruction, à l’esprit de chacune d’elle»[2].

Il ne s’agit pas ici d’examiner tous les linéaments de cette formation, mais de fournir quelques repères pour situer la part des apprentissages spécifiquement génie dans la scolarité des stagiaires en abordant successivement le stade des acquis antérieurs, celui du concours d’admission puis celui de la formation génie elle-même.

 

Les candidats à l’ESG ne sont pas en terra incognita

Soulignons tout d’abord que les stagiaires ne sont pas «vierges». La plupart des officiers admis à l’ESG proviennent de Saint-Cyr et de Polytechnique. Dans ces écoles de formation initiale et dans les écoles de formation de spécialité, ils ont suivi les cours d’art et d’histoire militaires, le cours d’emploi des armes; l’art des fortifications ne leur est pas inconnu. De plus, et plus particulièrement pour les premières promotions de l’après-guerre, ils ont expérimenté au combat les techniques d’organisation du terrain et assisté à l’apparition de nouveaux procédés qui relèvent de l’arme du génie. Par ailleurs, les voyages les amènent sur les champs de bataille. Sous la conduite de leurs anciens, ils y étudient les ouvrages et les fortifications. Ainsi, ils abordent en principe le concours d’admission à l’École supérieure de guerre avec des notions affirmées, mises en œuvre pour la plupart d’entre eux au Maroc, au Levant ou dans les nombreuses colonies de l’Empire à partir des années 20.

Néanmoins, dès lors que chacun s’est spécialisé dans son arme, il y a lieu d’harmoniser la formation pour fournir à tous les mêmes chances de réussite. C’est la conception du commandant en chef; elle prévaudra pendant toute la période: «J’ai décidé que, dans chaque région, les candidats pourraient être autorisés par le général commandant la région à effectuer un stage d’une semaine dans ceux des corps de troupe des armes autres que la leur stationnés sur le territoire de la Région. Ces stages auront pour objet de faciliter l’étude des caractéristiques des différentes armes et des matériels qui y sont en service. Il appartiendra aux généraux commandants les Régions d’en régler l’exécution et de ne les accorder qu’aux candidats qu’ils estimeront qualifiés pour affronter dans de bonnes conditions le concours de l’École supérieure de guerre»[3]. Cette décision est naturellement relayée dans les Régions: «Des stages de courte durée (15 jours) seront effectués par les candidats dans les armes autres que leur arme d’origine. Ces stages seront réglés de manière à n’imposer aucune dépense à l’État et aux intéressés. Ils auront lieu uniquement dans les garnisons où se trouvent des corps de troupe d’armes différentes. Une note de service réglera chaque année, au mois de février, l’organisation de ces stages. Durant les six mois précédant le concours, toutes les après-midi seront laissées à leur disposition, à moins d’empêchement résultant du service»[4]. Le commandement constate malgré tout le besoin de se présenter avec un niveau de connaissances satisfaisant: «L’attention des chefs de corps sera appelée sur la nécessité de perfectionner au maximum l’instruction professionnelle des candidats et la connaissance de leur arme. Au cours des deux années précédant le concours, les candidats devront effectuer des stages de courte durée dans les différentes spécialités de leur corps. Cette instruction professionnelle devra être complétée au moyen de stages d’armes d’une semaine [..] qui doivent constituer un cycle complet, exécuté aux époques les plus favorables, dans les armes suivantes: infanterie, cavalerie, artillerie, génie».[5]

 

Le concours d’admission

Puis vient le temps du concours. C’est au moment des épreuves orales que le candidat est interrogé sur le génie. Il lui est proposé un cas concret qu’il doit résoudre en rédigeant une décision écrite d’environ dix lignes. Les questions posées au candidat sont tirées au sort et la durée de l’examen est de trente à quarante minutes. La note de cette épreuve est affectée d’un coefficient 6 sur un total de 50 et attribuée par les membres d’une sous-commission génie.

À titre d’exemple, les membres pour les années 1935, 1938 et 1939 sont:

1935:

Général de brigade Charité, commandant la brigade télégraphique de Paris;

Lieutenant-colonel Fortin, de la commission d’organisation des régions fortifiées (C.O.R.F.);

Lieutenant-colonel Carrier, École supérieure de guerre.

1938:

Général de division Philippe, commandant le génie de la région de Paris;

Lieutenant-colonel Cayatte, chef d’état-major du général commandant supérieur des troupes et services de communications;

Commandant Sorano, École supérieure de guerre.

1939:

Général de brigade Hanoteau, d’un état-major du conseil supérieur de la guerre (C.S.G.);

Colonel Chancenotte, état-major du commandement supérieur des troupes et services des transmissions;

Commandant Amathieu, École supérieure de guerre.

L’évocation des notions de télégraphie, de transmissions, d’organisation des régions fortifiées rendent bien compte de l’organisation de nos forces dans cette période, ainsi que des préoccupations d’emploi. Le génie assure la tutelle sur les transmissions, l’aérostation, l’aéronautique – jusqu’à la création d’une armée de l’air autonome le 30 janvier 1929, puis de l’armée de l’Air en 1933. Il est donc légitime de voir les examinateurs émaner de ces subdivisions d’arme lors du concours. Les candidats sont ainsi interrogés sur tout le spectre des connaissances. Pour aboutir à ce niveau de compétence, les candidats ont du assimiler de nombreuses notions en se fondant sur la documentation réglementaire. Ces ressources rendent compte de la nature de l’arme du génie: elle est une par sa diversité, et ce caractère demeure aujourd’hui.

C’est le 3ème bureau, chargé à l’époque de l’organisation de l’instruction, qui fixe la nature des instructions et règlements à utiliser par les candidats à l’ESG:

- Travaux de campagne. Instruction du 22 août 1917 sur l’organisation du terrain à l’usage des troupes de toutes armes. 1ère et 2ème partie.

- École des ponts – Livre de l’officier (indications générales).

- Instruction sommaire du 16 décembre 1918 sur la construction et l’entretien des chaussées, des routes militaires.

- École de levers. Indications générales.

Au gré des besoins et des évolutions techniques, des rajouts au programme seront effectués.

 

Les stages en «première année»

Une fois admis, les candidats sont constitués en promotions. De 1919 à 1939, l’École verra s’installer sur ses bancs les stagiaires de la 40ème à la 60ème promotion. Bien évidemment, on y relève des noms célèbres dont de futurs généraux du génie[6]. Ils doivent alors, en fonction de leur arme d’origine, effectuer des stages dans les autres armes. L’exemple de 1937, ci après, souligne les modalités d’exécution de cette formation. «Ce stage sera exécuté du 21 juin au 3 juillet par les officiers n’appartenant pas à l’arme du génie. Il aura pour objet l’étude des questions techniques liées au mouvement et à l’arrêt du mouvement des troupes. Il sera complété par une information sur l’organisation et le rôle des unités du génie en campagne. Les officiers seront répartis dans des corps de troupe suivant les indications du tableau ci-après».[7]

 

Région d’origine (1)

Corps de troupe du génie

Observations

7ème et 20 ème Régions

1er régiment du génie

Strasbourg

 

(1)   La Région de Paris règle également les stages des officiers de l’Afrique du Nord et du Levant.

1ère, 2 ème, 6 ème Régions

Paris (8 officiers)

2 ème régiment du génie

Metz

14 ème Région

Paris (10 officiers)

4 ème régiment du génie

Grenoble

3 ème, 4 ème, 5 ème, 9 ème, 11 ème Régions

Paris (10 officiers)

6 ème régiment du génie

Angers

15 ème, 16 ème, 17 ème, 18 ème Régions

Paris (5 officiers)

7 ème régiment du génie

Avignon

La répartition est quasi identique pour les autres années, au prorata des officiers admis.

 

La scolarité

Elle est faite de conférences et de voyages. Les conférences magistrales sont prononcées par des personnalités éminentes, reconnues pour leur art. À quelques exceptions près, ils stationnent longtemps dans cet emploi. Ils y rendent compte de leur expérience au feu, dans la sape ou en état-major. Ils sont, comme toute une nation, marqués par l’expérience de la Grande Guerre et adhèrent généralement aux choix politiques[8]: «Les cours du génie, dirigés par le Colonel Chauvineau – un des auteurs du projet Painlevé de la ligne dite Maginot –, tendait à nous démontrer l’excellence des lignes fortifiées du moment, successives et coulées dans le béton en moins de 3 à 5 jours. Le cours était bien fait, et bien qu’orienté entièrement vers la défensive, faisait ressortir l’importance prise par l’arme du génie. La visite des ouvrages de Verdun et de Metz en fin de 1ère année fut remarquablement conduite par le Colonel Saintagne et les enseignements retirés en furent précieux pour les reconnaissances que nous eûmes à effectuer sur divers points de la frontière à fortifier. En réalité, le cours justifiait la théorie du moindre effort: vaincre ou attaquer, qui était celle des gouvernements de l’époque»[9].

Pendant vingt quatre jours, la 49ème promotion (1927-1929, celle de Jean de Lattre de Tassigny) visite la frontière et des places fortes du nord-est. Entamé par la visite du port de Dunkerque, le voyage se poursuit par celles de la grande gare de triage de Lille-Délivrance, du centre industriel de Lille-Roubaix-Tourcoing. Les officiers parcourent ensuite la région de Maubeuge et de l’Ardenne pour y effectuer une étude des opérations de 1914 en Belgique (IVème armée française). Après quoi, ils visitent Metz et Verdun, reconnaissent les territoires rhénans et achèvent ce périple en visitant le port autonome de Strasbourg. La 60ème promotion connaît à peu près le même sort. L’étude porte alors essentiellement sur ces régions que l’on vient de fortifier à grand renfort de béton.

Au final, La formation de l’École de guerre atteint son objectif dans l’entre deux-guerres, à savoir former de jeunes officiers spécialistes d’état-major. À l’issue des deux années de scolarité, les officiers sont affectés en état-major de division, de corps d’armée, en administration centrale, aussi bien en métropole que «partout où le combat les mène». L’École leur a enseigné une méthode de raisonnement d’une grande valeur formatrice, permettant de conjuguer l’action des différentes armes. Studieux et appliqués, guidés par leurs instructeurs, les officiers brevetés sont au fait des problèmes de terrassement, de construction de voies ferrées, de construction de ponts militaires, de travaux de siège… Il est vraisemblable que peu de sujets leur échappent. Mais les moyens d’appliquer ces connaissances font défaut car l’équipement est déficient. Ce n’est pas l’objet, ici, d’en discourir. Notre pays, parti de très haut, subissant les illusions de la victoire, en vient à connaître un des pires désastres de son histoire. Beaucoup d’officiers mettront par la suite en œuvre l’outil intellectuel indispensable à la réussite de leur entreprise dans des conditions d’emploi plus favorables, parce qu’on leur aura donné les moyens. Nous ne pouvons qu’adhérer aux propos de Jean-Baptiste Duroselle qui remarque que «l’École a produit une remarquable équipe de brevetés […] Elle a permis aux Français dans leurs contacts ultérieurs avec les Américains et les Britanniques de constater que notre formation avait été bonne»[10]. La remarque est restée pérenne tout en se retournant à notre profit, nos camarades anglophones ne tarissant pas d’éloges aujourd’hui sur la réussite de nos opérations extérieures, en Afrique sahélienne en particulier.

Le Lieutenant-colonel Alain PETITJEAN, issu de la promotion de l’EMIA «Henri Leclerc de Hauteclocque» (1982-1983), a servi dans l’arme blindée cavalerie. Disposant de marquants de formateur et d’historien après les scolarités de l’EMS 1, il les a appliqués à l’ENSOA et dans le champ de l’histoire militaire (SHD – chef du bureau culture d’arme, et directeur du musée du génie). Il est aujourd’hui chef de la section formation au comportement militaire à la DRH-AT/SDF.

[1] «Centenaire de l’École supérieure de guerre. 1876-1976». Actes, 221 pages. 

[2] Général Duffour, «Les exigences et les disciplines actuelles du haut enseignement militaire», Revue de Paris, mars-avril 1935/2. 

[3] E.M./Bureau des opérations militaires et Instruction générale de l’armée. N° 4.601 3/11-3, du 2 avril 1931.

[4] Note de service du 21 juillet 1927 du Général Marty, commandant le 17ème corps d’armée, à propos des candidats au concours d’admission à l’École supérieure de guerre.

[5] Notice N° 4142 du 27 mars 1937 relative à l’organisation de la préparation à l’ESG. 

[6] 41ème: Juin. 42 ème: Verneau. 44 ème: de Gaulle. 47 ème: Dromard. 49 ème: de Lattre. 52 ème: Adeline. 60 ème: de Hautecloque et Playe. 

[7] EMA 3. N° 3948 du 15 mars 1937. Dispositions concernant l’entrée à l’ESG des officiers admis en 1937. 

[8] Voir à cet égard: professeur Guy Pedroncini, «La naissance de l’idée d’un système fortifié après la victoire de 1918», Actes du Colloque du centenaire de l’ESG, op. cit. , pages 105 à 109.

[9] Colonel Yvon, «Il y a 30 ans. La 49 ème promotion de l’École supérieure de guerre (1927-1929), in Bulletin des amis de l’ESG N° 7, janvier 1960, page 43.

[10] Jean-Baptiste Duroselle, in Actes … op. cit. , page 113.

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Titre : La formation «Génie» des stagiaires de l’École supérieure de guerre dans l’entre-deux-guerres
Auteur(s) : Lieutenant-colonel Alain PETITJEAN
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