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La Pologne: un «cheval de Troie» des États-Unis en Europe?

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Dès le début des années quatre-vingt-dix, la Pologne «post-populaire» entame une politique étrangère résolument atlantiste, à un point tel qu’on l’a parfois considérée comme un «cheval de Troie»[1]des États-Unis en Europe. L’évolution récente des relations entre les deux pays, motivée par de multiples facteurs, semble néanmoins témoigner de la volonté polonaise de «rééquilibrage stratégique» entre États-Unis et Union européenne.

 

[1] L’expression, reprise au sein de plusieurs publications, est du député polonais Mateusz Piskorski.


Le contexte géopolitique radicalement modifié, au sein duquel elle se retrouve dès 1989, a contraint la Pologne à redéfinir sa politique étrangère. Considérant les États-Unis comme la seule puissance capable de lui apporter des garanties sécuritaires tangibles face aux possibles tentations impérialistes de la Russie, les gouvernements qui se succèdent à Varsovie mènent une intense politique de rapprochement bilatéral avec eux.

Son point culminant est le partenariat stratégique bilatéral signé en août 2008.

L’évolution politique intervenue depuis, comme le recul pris par les Polonais vis-à-vis de leur «plus proche allié», ne remet pas en cause les liens tissés mais explique leur apparente volonté d’un «rééquilibrage stratégique» entre OTAN (et États-Unis) d’une part, et Union européenne d’autre part.

Le partenariat stratégique américano-polonais s’est notamment exprimé dans les domaines que sont la défense anti-missiles et la coopération des forces armées sans omettre, naturellement, celle en matière d’armement.

 

Défense anti-missiles et désarmement nucléaire

Défense anti-missiles et désarmement nucléaire relèvent, aux yeux de la Pologne, de la même problématique sécuritaire: l’éventualité de l’émergence d’une menace provenant de l’Est.

Le 17 septembre 2009, sans réelle concertation préalable avec Varsovie, le président américain Obama, nouvellement élu, annonce l’abandon du projet de déploiement en Pologne des dix missiles intercepteurs américains de longue portée GBI[1] prévus. La déception des Polonais est d’autant plus grande qu’en parallèle ils ont déjà pris conscience à cette époque des réticences américaines concernant le déploiement du système PATRIOT[2] sur leur sol[3]. Dès le début, la question de la défense anti-missiles a donc reposé sur des malentendus entre les deux pays, issus de visions stratégiques différentes.

Pour la Pologne, la menace nucléaire iranienne, ou nord-coréenne, est en effet perçue comme possible, mais secondaire comparée à celle pouvant provenir de pays plus proches de ses frontières. Cette conviction, qui s’inscrit également dans une perspective historique, demeure particulièrement vivace.

En témoignent la satisfaction marquée des Polonais concernant l’annonce faite au sommet de l’OTAN à Lisbonne, en novembre 2010, de la création d’un système otanien de défense anti-missiles et, a contrario, l’inquiétude suscitée par l’information non-confirmée[4] du déploiement de missiles tactiques SS-26 ISKANDER[5] dans l’enclave de Kaliningrad, supposés capables d’emporter une charge nucléaire et d’atteindre leur capitale.

Lors de la rencontre des présidents américain et polonais à Washington, les 8 et 9 décembre 2010, Barack Obama a réaffirmé que le déploiement en Pologne de missiles intercepteurs américains SM-3 dès 2018 demeurait envisagé. Cette nouvelle a été accueillie avec un enthousiasme prudent par les Polonais: l’échéance est lointaine et, même si le développement d’une version terrestre est en cours, le SM-3 n’existe actuellement qu’en version navale.

De surcroît, les dirigeants russes ont clairement signifié qu’un déploiement arbitraire de missiles intercepteurs américains en Pologne pourrait entraîner une dénonciation de leur part du nouveau traité de désarmement nucléaire, voire la relance d’une course aux armements.

L’appui prononcé de la Pologne aux États-Unis dans le cadre de START 3 est également motivé par la «menace» russe. En contrepartie, les Polonais espèrent en effet des Américains une action en matière de réduction des armements nucléaires tactiques que le traité ne prend pas en compte.[6]

 

Coopération des forces armées

Deux aspects complémentaires sont à considérer en matière de coopération militaire américano-polonaise: l’engagement polonais en Afghanistan et la présence militaire américaine sur le territoire polonais.

La participation de forces polonaises à la campagne irakienne, comme à l’opération actuellement menée par l’OTAN en Afghanistan, vise à prouver l’engagement de la Pologne au service de la sécurité internationale[7], tout en donnant aux Américains des preuves de fidélité.[8]

Le but premier de l’engagement militaire extérieur de la Pologne est d’ordre politique.[9]

On constate que l’enthousiasme polonais en la matière s’est atténué. Le président Bronisław Komorowski est d’un «atlantisme» plus prudent que son prédécesseur Lech Kaczyński. De surcroît, les retombées américaines de cet engagement ne semblent pas avoir été pleinement à la hauteur des espérances polonaises. S’y ajoutent les réserves récemment émises par des «responsables militaires américains anonymes» concernant l’efficacité des troupes polonaises dans la province de Ghazni (où 800 soldats américains sont, en outre, placés sous commandement opérationnel polonais)[10]. Les commentaires critiques du président Komorowski sur la stratégie actuelle de l’OTAN en Afghanistan, comme sa volonté répétée d’un désengagement rapide du contingent polonais qui y est déployé[11], tendraient à montrer que l’époque du soutien inconditionnel aux États-Unis est révolue.

Si le président polonais est assez réservé quant à la vocation expéditionnaire de l’OTAN, il demeure néanmoins profondément attaché à sa vocation défensive.

La présence, permanente ou temporaire, en Pologne, d’éléments des forces armées d’autres pays membres de l’Alliance – et, avant tout, américaines – demeure perçue comme un élément indispensable contribuant au renforcement de la sécurité du pays. Il en va de même pour la tenue de grands exercices interalliés sur son sol[12].

À ce titre, les Polonais paraissent avoir été rassurés par la confirmation de la venue, par rotation, d’avions américains de chasse F-16 (16 appareils) et de transport C-130 (4 appareils) dès la mi-2013. Si les Américains, toutefois, perçoivent cette présence avant tout comme destinée à l’instruction et à l’entraînement conjoint des forces aériennes des deux pays, certains responsables polonais, dont Stanisław Koziej, chef du bureau de la sécurité nationale (BBN), ont évoqué la possibilité de la future prise en compte de cette composante aérienne dans le contingency plan polono-balte de l’OTAN.

 

Coopération en matière d’armement

La primauté accordée, durant les années passées, à l’acquisition d’équipements de provenance américaine, avait, elle aussi, du point de vue polonais, une dimension politique. L’achat, à crédit, des 48 chasseurs F-16 revêt, à ce titre, un caractère emblématique.

La plupart des équipements américains ont été acquis dans le cadre de l’aide américaine sous forme de prêts remboursables ou non, sans obtention de licences. Les clauses des contrats ou, tout simplement, la spécificité même des équipements, accordent aux entreprises américaines, de jure ou de facto, l’exclusivité en matière de soutien de ce matériel. C’est le cas, par exemple, des deux frégates de classe «Oliver Hazard Perry» livrées à la Pologne, dont une seule est en état de naviguer actuellement. Leur maintien en condition, leur modernisation, l’achat des munitions embarquées, représentent une dépense conséquente pour le budget de défense polonais, laquelle entrave l’avancée de la construction de la corvette nationale «Gawron».

Les désillusions engendrées par la prise de conscience des implications financières d’une aide américaine non désintéressée, des limites des transferts technologiques effectués dans le cadre des offsets[13] et, globalement, de l’importance à accorder aux coûts d’exploitation ‒ et non uniquement à ceux d’acquisition ‒ ont amené les Polonais à plus de circonspection en matière d’équipement de leurs forces armées.

La volonté croissante de participer à des programmes européens[14]dans le cadre de l’AED[15], de développer les capacités propres de l’industrie de défense nationale, d’acheter sous forme d’appels d’offres ne privilégiant pas d’emblée l’option américaine, illustrent parfaitement cette évolution.[16]

Si elle demeure attachée à l’existence de liens bilatéraux forts avec les États-Unis, et aligne sa politique extérieure sur la leur en matière de normalisation des relations avec Moscou, réduire la Pologne à l’unique rôle de «meilleur ami» ou de «cheval de Troie» des Américains en Europe semble devenir de moins en moins pertinent. À l’issue de l’affaire «WikiLeaks», le premier ministre Donald Tusk a, du reste, déclaré: «S’il y a quelque chose d’inquiétant, c’est la lumière faite par ces fuites sur le caractère des relations entre les Etats-Unis et la Pologne, et avec d’autres alliés. C’est pour moi une satisfaction assez triste de savoir que, même dans nos relations avec nos plus proches alliés, il faille mener une politique sans illusions».

La Pologne aspire, en s’appuyant sur des considérations historiques et géographiques, à jouer un rôle d’intermédiaire de premier plan dans le jeu entre Est et Ouest, tant dans le cadre de l’Alliance atlantique que dans celui de l’Union européenne.

Sa volonté de rééquilibrage entre ce qu’elle considère comme ses «deux piliers sécuritaires» majeurs explique les ambitions qu’elle affiche pour sa future présidence de l’UE[17] et l’appui qu’elle escompte, dans ce cadre, de la part des pays européens dont elle s’estime la plus proche.

 

 

[1] Ground Based Interceptors.

[2] Système de missiles sol-air à capacités anti-missiles balistiques.

[3] Dépêche de l’ambassade américaine de Varsovie du 13 février 2009.

[4] Publiée par le Wall Street Journal et reprise le 1er décembre 2010 par le quotidien polonais «Dziennik».

[5] Ou STONE en dénomination OTAN. Portée d’environ 500 kilomètres.

[6] Il semble qu’une réflexion à ce  sujet ait débuté à Washington, tout en sachant que les négociations ne pourront s’opérer que dans un cadre global et non exclusivement bilatéral. La détermination des limitations n’en sera que plus complexe, comparée au système paritaire de START 3.

[7] Cependant, la menace terroriste, faible mais réelle, qui pourrait concerner les Polonais est uniquement une conséquence de cette participation.

[8] Les facilités accordées, entre 2003 et 2005, à la CIA sur le territoire polonais ont constitué une preuve supplémentaire de cette fidélité.  La nature supposée des activités du renseignement américain en Pologne et leur  possible connaissance  par les autorités locales sont toutefois devenues  l’objet de polémiques embarrassantes.

[9] Ceci s’applique tout aussi bien à sa participation à l’EUFOR TCHAD-RCA (2008-2009), visant à démontrer sa volonté d’engagement au sein de l’Union européenne et, plus précisément, en matière de PSDC.

[10] Citées en décembre 2010 par le magazine américain « Time ».

[11] Fin 2012 en ce qui concerne l’opération purement militaire.

[12] Dont le prochain « STEADFAST JAZZ 2013 ».

[13] Compensations.

[14] Le dernier exemple est celui du futur satellite d’observation «MUSIS» (lettre d’intention de novembre 2010).

[15] Agence européenne de défense.

[16] Sous cet angle, les appels d’offres lancés en  2011  par la toute nouvelle structure centralisée du ministère de la Défense polonais – l’Inspection de l’armement ‒  pourraient être révélateurs.

[17] Durant laquelle elle sera l’interlocuteur européen privilégié des États-Unis

 

Issu de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, promotion Maréchal Lannes (1993-1996), le Chef de bataillon (TA) TATIN a principalement servi au 5ème RG (Mourmelon et Versailles) comme chef de section, commandant d’unité, chef de la section «opérations» du BOI et officier EOD. Licencié de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales en polonais, il a effectué un stage d’application au sein de la mission militaire près l’ambassade de France à Varsovie.

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Titre : La Pologne: un «cheval de Troie» des États-Unis en Europe?
Auteur(s) : le Chef de bataillon (TA) Jérôme TATIN
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