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La reconstruction du département de l’Aisne

Soldats de France n° 17
Histoire & stratégie

ECPAD
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Département français, l’Aisne, est un territoire à part entière, qui s’étend par ses « frontières » de la Belgique à l’Ile de France et de la Picardie à la Champagne. Dans le contexte de la Première Guerre mondiale, il constitue la dernière porte avant Paris. C’est un territoire clef et stratégique aussi bien pour les Allemands que pour les Français. Principalement agricole, le département se positionne, avant la guerre, au deuxième rang national pour la production de betterave et au sixième rang pour celle de céréales. Après la guerre, la destruction de la quasi-totalité des parcelles met en évidence la nécessité d’une reconstruction rapide et vitale de ce territoire, pour des questions alimentaires, économiques et démographiques.


Le chemin de la reconstruction

 

Dès 1914, la guerre de mouvement provoque le déplacement perpétuel des troupes et donc des premières formes de reconstruction dès les premières phases du conflit. À l’échelon du pays sont successivement créés, en 1916, le comité interministériel pour la reconstruction, et en août 1917, l’office de reconstruction agricole (ORA) des régions envahies. Ce dernier est destiné à approvisionner les agriculteurs en outillage, équipements et matières premières, par l’intermédiaire d’entreprises tiers-mandataires.

 

Le terme de « reconstruction », apparaît en 1910 et perdure jusque dans les années 1930. Il revêt une unique signification : celle de construire de nouveau du point de vue matériel. Au fur et à mesure du temps, le terme s’enrichit et englobe les aspects psychologiques, moraux et mentaux. Enfin, signifiant de prime abord un rétablissement à l’identique de l’objet ou du sujet concerné, le mot dérive progressivement vers une signification plus large, synonyme dès lors de remplacement, d’amélioration ou de modernisation. Il n’est donc plus question de retrouver l’aspect « identique » et originel, mais bien souvent de tenter de s’en approcher tout en évoluant et en modernisant son aspect, voire de le remplacer par tout autre chose. Ainsi, dans son évolution sémantique propre, le terme de « reconstruction » évoque de lui-même la question cruciale de l’identité et de l’identique, primordiale pour ce sujet.

 

Pour comprendre l’étendue des dégâts provoqués par le conflit, il est nécessaire d’établir la cause des dommages subis. Ils s’expliquent notamment par des combats sévères et des bombardements intensifs. Ainsi, sur le Chemin des Dames, le bilan est particulièrement dramatique. Les champs sont dévastés par les trous d’obus, les sols sont défoncés, les forêts arrachées, les maisons pulvérisées, les routes et les ponts sont détruits…. L’Aisne devient un vaste « pays aplati » selon la formule de Dorgelés. Ainsi, au total sur les 841 communes de l’Aisne, seules 6 sont épargnées ! Les pertes élevées et les nombreux déplacements de populations, provoquent par ailleurs, une forte crise démographique.

 

Le cas particulier des « retours »

 

Le retour auquel on pense le plus souvent est celui du soldat, mais il y a également celui des prisonniers retenus en Allemagne, et celui des réfugiés civils. À ces dimensions humaines s’ajoute celle, sociale, du « retour » à la vie quotidienne. Il y a donc plusieurs « retours ».

Le retour des combattants dans leurs « univers » (régions, terroirs, familles) n’est pas identique pour chacun d’eux. Les anciens combattants français originaires de l’Aisne se retrouvent confrontés, à la fin du conflit, à un profond sentiment d’abandon. Ils ont dû endurer de nombreux mois, de nombreuses années de combats et ont dû affronter la possibilité éminente de leur mort à plusieurs reprises. Ils sont donc plongés dans un retour brutal à la vie réelle mêlant bonheur de retrouver les siens et tristesse si le deuil est venu frapper un membre de la famille. Parallèlement, leur quotidien n’est plus le même pour ces civils traumatisés identifiés comme ancien « poilu ». Leur retour est également synonyme de destructions puisqu’ils doivent faire face à l’anéantissement parfois total de leur territoire d’origine. Ils doivent eux-mêmes se reconstruire dans un territoire qu’ils ne reconnaissent plus, où parfois tous les repères géographiques ont disparu. Ces soldats ne sont donc pas les plus à même pour accélérer ou faire face efficacement à cette reconstruction brutale.

 

Les anciens combattants français, non originaires de l’Aisne, qui ont combattu sur ce terrain d’opération font face, quant à eux, aux mêmes traumatismes et à la même expérience combattante que les autres. Ce qui les distingue, c’est qu’ils n’ont pas un rapport d’appartenance à ce territoire. Le département de l’Aisne est devenu leur territoire de combat. Il incarne pour eux la mémoire extérieure vivante ou le tableau de leurs cauchemars. Il est intéressant d’étudier les rares retours sur le terrain de ces anciens combattants, pour comprendre le rapport qu’ils entretiennent avec lui et les enjeux que cette reconstruction peut signifier pour leur propre vie. Reconstruire le paysage de leur combat est pour eux un moyen de soigner leurs plaies, mais il peut aussi être révélateur de l’enjeu de la mémoire des combats et des combattants tombés sur cette terre même.

 

Les acteurs de la reconstruction

 

Outre les anciens combattants, l’État est le principal donneur d’ordres et financeur de la reconstruction. Divers moyens lui sont propres avec notamment : le ministère du Blocus et des Régions libérées de 1917, les lois Cornudet et

Compère-Morel, l’emploi des dettes de guerre allemandes, le crédit national et l’appel aux dons… Les armées, ennemies et alliées, contribuent également durant et après le conflit à la mise en valeur des territoires sinistrés (voies ferrées, routes, réseaux télégraphique et téléphonique, hôpitaux, cimetières, potagers…). Les habitants et les civils de manière générale contribuent également à cette reconstruction à travers la sphère économique et les investissements de toutes sortes, les entreprises, les associations, les aides étrangères… Les femmes y jouent un rôle précieux (associations, appel aux dons, travail…). À partir de 1920, l’État laisse place à plusieurs formes d’initiatives pour la reconstruction de l’Aisne. 

Ainsi, les associations et les coopératives de consommations, de productions et les crédits coopératifs (de plus en plus réglementés) en sont de plus en plus parties prenantes.  Par exemple, le marquis Guy de Lubersac (1878-1932) du domaine de Faverolles s’investit dans cette politique. Ancien officier dans l’aviation durant le conflit, il participe à des missions de reconnaissance, de photographie et de bombardement. Il a d’une certaine manière une vision d’ensemble, aérienne, de l’étendue des dommages causés sur son territoire. En juin 1919, il fonde la coopérative de Faverolles et en 1922, il devient le président de la Fédération des Unions de coopératives de reconstruction de l’Aisne. Il est aussi responsable de la commission des régions libérées. Un autre exemple est celui du comte Jehan Marie François de Hennezel d’Ormois (soldat 2e classe puis sous-lieutenant du train des équipages). Propriétaire dans le canton de Craonne et d’Anizy, il participe à la reconstitution agricole de l’Aisne.

De nombreux parrainages participent également à la reconstruction. La ville de Lyon, peu affectée par les destructions offre, aux communes de Saint-Quentin et de Laon, 2 034 000 francs échelonnés sur 10 ans. L’Union des grandes associations françaises pour l’Essor national s’investit au profit des parrainages entre les villes de France et le département. Cette politique revêt, bien évidemment, un objectif matériel mais c’est également la recherche de la continuité de l’Union sacrée nationale, où, le territoire national doit se mettre au service d’un territoire en particulier. Toutes les régions françaises se trouvent concernées et rapprochées de ces territoires de combat car beaucoup de leurs concitoyens y ont laissé leur sang.

 

Parallèlement de nombreuses aides étrangères contribuent, elles aussi, à cette volonté de reconstruire. La Suède participe à la reconstruction de la mairie de Craonne, qui en 1921 ne compte que 40 habitants, puis en 1926, 116. Dans le même esprit en 1917 s’installent dans le Soissonnais huit américaines qui fondent le CARD (Comité américain pour les régions dévastées). Il incite à la mise en place de formations pour les agriculteurs à leur syndicalisation. Il constitue, en quelque sorte, une première forme d’importation de l’american way of life. Elles mènent une action agricole, sociale, sanitaire et éducative/culturelle auprès de la population locale.

 

Tourismes de guerre et pèlerinages

 

Le besoin de connaître la douleur des hommes ainsi que de voir la destruction des édifices, déjà diffusé par photo ou carte postale intervient dès le début de la guerre. Ces premières visites permettent donc à la fois de prendre conscience de la violence de la guerre et de faire le bilan de ce qu’il faudra mettre en œuvre pour la reconstruction. Ainsi dès la fin 1914, on songe au tourisme. Le Touring Club de France s’organise pour appeler au relèvement des régions dévastées par le tourisme ce qui implique la création d’emplois et le réaménagement des routes. De son côté André Michelin, qui publie déjà des guides touristiques, lance une série de guides et circuits consacrés aux champs de bataille. L’afflux des touristes amène à aménager des centres hôteliers et des points de restauration. Dès le départ apparaît une distinction entre pèlerins (anciens combattants, familles endeuillées) et touristes de curiosité. En revanche certains circuits n’ont pas eu la même « publicité ». Le Chemin des Dames, par exemple, est perçu comme une bataille mangeuse d’homme par l’entêtement du général Nivelle et surtout par un mouvement de contestation des soldat épuisés et démotivés.

La reconstruction matérielle de l’Aisne est achevée au début des années 1930. Mais alors que les plaies matérielles de la Der des Ders commencent à se refermer, c’est une nouvelle guerre qui menace le territoire.

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Chronologie

Chronologie succincte des principaux événements et lieux de batailles dans l’Aisne :

Août 14 et en novembre 1918 : Batailles de Guise

Septembre – Octobre 1914 : Bataille de l’Aisne

Mars 1917 : stratégie de la terre brûlée opérée par les Allemands lors de leur repli derrière la ligne Hindenburg

Avril – Mai 1917 : Bataille du chemin des Dames (350 000 morts ou blessés environ 30 millions d’obus tirés)

Octobre 1917 : Bataille de Malmaison

Mars – Octobre 1918 : Bataille de St-Quentin

Juillet 1918 : Seconde bataille de la Marne

Fin octobre 1918 : Bataille de la Serre

 

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La variété des dommages et des actions qui ont été prises

Matériels

- Le matériel abandonné sur le terrain (par les Allemands et les Alliés).

- Obus non explosés : priorité pour le désobusage, mis en place sous le contrôle de l’autorité militaire, effectué au départ par des prisonniers allemands puis par des Polonais (immigration).

 Ex : Plateau de Californie (champs d’explosion aménagés pour la circonstance).

 661 communes concernées.

Danger : réactions chimiques.

Actions : typologie des terres concernées, en avril 1919, 19 000 ha sont en zone rouge.

- Réseaux de tranchées et de barbelés à démanteler.

- Réseaux de communication et de transport (routier, ouvrage d’art, ferré, cours d’eau).

 
 
Ces destructions sont en partie responsables de la lenteur de la reconstruction. Il est difficile de faire parvenir le matériel nécessaire. On remet donc en service des carrières de calcaire/grès.

- Énergies : eau et électricité.

- Terres agricoles.

- Urbanisme (va de pair avec les logements) : la reconstruction est une opportunité pour le département pour faire appliquer des règlements qui existaient déjà avant-guerre.

 Embellissement, aménagement et extension.

 Électricité

 
Améliorer les transports : réseau économique Nord et Est (Lorraine).

- Reconstruction économique :

  • Reconstruction du cadastre : diminuer le nombre de propriétés morcelées (économie de main d’œuvre : beaucoup d’agriculteurs sont morts et parmi ceux qui avaient quitté le territoire peu sont revenus).
  • Modernisation et mécanisation : là encore la reconstruction de l’Aisne est perçue comme une opportunité. L’objectif est de remettre rapidement sur pied l’activité majeure du département.

   Ex : 1918-1919, 7% (blé) de la surface d’avant-guerre est ensemencée / 1922-1923, 87%

  • Reconstruction du cheptel : plus lente et plus difficile (le pays compte sur l’Allemagne pour payer ses dettes en redonnant des animaux, mais l’Allemagne est elle-même dans une situation de grande précarité économique aux lendemains de la guerre). De plus, les territoires dévastés entrent en concurrence les uns envers les autres.
  • Industrie : initiative privée. 

 

Humains

- Crise démographique.

- Ravitaillement et rationnement (sucre, pain, viande) : nécessaires pour faire revenir la population et permettre au département de revivre.

- Logements : construction de bâtiments provisoires à partir de débris, on tente de reconstruire des conditions de vie et de sociabilité traditionnelles. Ex : en 1920, 3 075 baraquements et 2 945 maisons en bois.

Conséquences : conditions de vie insalubres et inconfortables.

Crise sanitaire : Ex : Vauxbuin, des familles vivent dans d’anciens abris à soldats.

- Main d’œuvre : on utilise au départ l’armée française (mais manque de surveillance et les conditions de  cantonnement sont médiocres), puis des ouvriers civils (difficile). On fait le choix d’utiliser les prisonniers pendant 10 mois à partir de sept. 1919. Puis, on fait venir de la main d’œuvre étrangère (chinoise, polonaise, russe, portugaise, espagnole, italienne, belge…)

Difficultés : main d’œuvre est dispersée et médiocre, les maires sont absents, les sinistrés préfèrent reconstruire leur propre maison d’abord.

Conséquences : la reconstruction a modifié la composition démographique de l’Aisne.

Ex : en 1911, 6 970 étrangers contre 41 000 en 1931.

- Crise morale et psychologique :

Pour les soldats ayants passé de longs mois au front s’installe un grand silence et une grande pudeur pour ce qui s’est passé « là-bas » le quotidien post-guerre sera aussi fait de cauchemars, de réminiscences et pour certains revenus infirmes, mutilés, la rééducation.

 

 

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Titre : La reconstruction du département de l’Aisne
Auteur(s) : ADC Claessens
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