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La «réorganisation» de la Bundeswehr. État des lieux sous l’angle de la sociologie militaire

cahier de la pensée mili-Terre
Expériences alliées
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Ce rapport d’étape sur la profonde réorganisation mise en œuvre dans la Bundeswehr, paru dans ce numéro des Cahiers avec l’aimable autorisation du Docteur Heiko Biehl, est rédigé sous un angle original et inhabituel pour nous, celui de la sociologie. Quelles sont les réactions du militaire allemand? Comment évoluent les idées du citoyen allemand face à l’arrivée d’une armée professionnalisée? L’auteur complète ainsi la vision du Général (2S) de Langlois sur l’avenir du couple franco-allemand en matière de défense, exposée dans ce même numéro.


L’histoire de la Bundeswehr est une histoire jalonnée de réformes. Cela vaut plus encore depuis le tournant de 1989-1991. Pendant la guerre froide, la Bundeswehr était conçue exclusivement comme une armée défensive et elle était établie, structurée, armée et formée pour la défense de la patrie, de concert avec ses partenaires de l’OTAN. Des opérations en dehors de la zone couverte par l’OTAN, ou même en dehors de l’Europe centrale, n’étaient pas prévues. Comme chacun le sait, ceci n’a pas été seulement une évolution progressive mais plutôt un véritable retournement. La Bundeswehr prend part depuis vingt ans à des missions internationales. Ses soldats, hommes et femmes, sont déployés en Afghanistan, dans les Balkans, au Soudan, dans l’océan Indien et à proximité de la côte libanaise. En conséquence, les forces armées ont dû être transformées en profondeur. Les réformes succèdent aux réformes depuis désormais vingt ans. La réforme actuelle, initiée par le ministre de la Défense zu Guttenberg, systématisée et mise en œuvre par son successeur de Maizière, est connue sous le nom de «réorganisation» (Neuausrichtung). Deux aspects différencient la «réorganisation» des réformes conduites jusqu’alors et méritent donc une attention particulière: d’une part, la conscription a été abandonnée et la Bundeswehr a été transformée en une armée professionnelle; d’autre part, la réorganisation modifie de façon très importante les structures et les processus de la Bundeswehr ayant prévalu jusqu’à maintenant.

 

La transformation du ministère de la Défense et de la structure des forces

 

La Bundeswehr a connu des mutations fondamentales depuis les années 1990. Mais aucune réforme n’est intervenue de manière aussi importante que la «réorganisation» sur la structure et les modes d’action de la Bundeswehr, qui a entraîné des transformations aussi essentielles. Ceci vaut d’abord pour la transformation du ministère: les chefs d’état-major de l’armée de Terre, de l’armée de l’Air, de la Marine, du soutien (Streitkräftebasis) et des services de santé ont été détachés du ministère et forment ensemble, avec les bureaux et services qui leurs sont subordonnés, des commandements nouvellement établis. D’autres bureaux et compétences du ministère de la Défense ont été considérablement modifiés. La «réorganisation» a entraîné d’importantes modifications pour de nombreuses unités et services militaires. Selon une enquête en sciences sociales (Richter 2012), la grande majorité des soldats ainsi que des agents civils hommes et femmes sont directement touchés par la «réorganisation»: leur service se trouve restructuré, délocalisé voire dissous. Seuls 16% des membres de la Bundeswehr ne sont pas dans ce cas. Que ces changements énormes aient des répercussions sur le moral des troupes n’est guère surprenant. Les sondages font état du climat morose des membres de la Bundeswehr (Richter 2012). Certes, une majorité de soldats, hommes et femmes, reconnaît la nécessité des réformes, mais ils sont critiques par rapport aux décisions qui ont été prises. Sont dénoncés en particulier l’absence de cohérence et de logique avec lesquels la «réorganisation» est poursuivie, ainsi que le manque de clarté des objectifs visés. Par conséquent, la plupart des membres de la Bundeswehr prête à la «réorganisation» plus d’inconvénients que d’avantages. La direction politique et le commandement militaire ont dès lors encore un gros travail de communication à réaliser afin de vaincre le scepticisme des soldats vis-à-vis de la «réorganisation». 

 

La fin de la conscription et la transition de la Bundeswehr vers une armée de métier

 

En Allemagne, le service militaire a survécu vingt ans à sa raison d’être politique et de sécurité. Bien que la Bundeswehr ait évolué vers une armée de projection, la classe politique et les forces armées sont longtemps restées attachées au service militaire, qui est la forme de recrutement caractéristique d’une armée défensive, alors que les forces armées d’intervention s’appuient la plupart du temps sur des volontaires. C’est l’ancienne étoile montante de la politique, zu Guttenberg, qui a le premier osé mettre fin au service militaire et surmonter les doutes relatifs au fait que la Bundeswehr ne parviendrait pas, en tant qu’armée professionnelle, à recruter un nombre suffisant de jeunes hommes et de jeunes femmes qualifiés pour servir au sein des armées. Les premières expériences en matière de recrutement de volontaires sont entièrement positives. En outre, de nombreux jeunes sont intéressés par la carrière militaire. Malgré toutes les prévisions alarmistes qui considéraient la Bundeswehr comme ayant déjà pris le chemin d’une armée de jeunes défavorisés, le niveau d’instruction des candidats est étonnamment élevé. La Bundeswehr ne peut cependant en aucun cas se reposer sur ce bilan intermédiaire favorable. La conjoncture économique positive en Allemagne, qui conduit à une demande élevée et durable de main-d’œuvre et d’apprentis, ainsi que l’évolution démographique en partie dramatique, vont rendre plus difficile à l’avenir le recrutement de candidats qualifiés. La Bundeswehr se trouve, de plus en plus, en concurrence avec d’autres entreprises et doit se montrer attrayante.

Pourtant, la fin de la conscription n’affecte pas seulement la question du recrutement. Elle représente également une rupture significative pour les relations civilo-militaires. Au regard de l’expérience historique des Allemands avec la force armée de l’empire (Reichswehr) qui évolua sous la République de Weimar vers un «État dans l’État», le service militaire était considéré par beaucoup comme le garant d’un ancrage ferme des forces armées dans la société. Le lien entre l’armée et la population va sans aucun doute rapidement évoluer. Y contribuent également les opérations extérieures qui se sont substituées aux manœuvres et aux exercices sur le territoire national, ainsi que la réduction du volume des forces (d’un demi-million dans le passé à désormais environ 185.000 soldats) tout comme la fermeture de sites et de bases militaires. Ainsi que l’ont montré les expériences de nos partenaires américains, britanniques et français, la fin de la conscription ne mène pas nécessairement à une distanciation entre armées et société. Les enquêtes disponibles à ce jour dessinent même une image vraiment positive: la Bundeswehr bénéficie d’une très bonne réputation dans la société, ceci dans toutes les catégories sociales (Wagner/Biehl 2013). Sa réputation est équivalente à celle des armées des autres États européens, par exemple la France. Les Allemands sont plus critiques envers les interventions comprenant l’usage de la force militaire. Une majorité de citoyens allemands récusent ainsi depuis plusieurs années l’opération menée par l’ISAF – comme c’est également le cas dans de nombreux pays européens.

 

Après les élections: comment la Bundeswehr peut-elle aller plus loin?

 

La «réorganisation» ne sera pas la dernière réforme de la Bundeswehr. Dans les débats sur la politique de sécurité, on parle déjà d’un volume futur de 140.000 soldats, ce qui impliquerait d’autres réductions, d’autres coupes et d’autres fermetures. Il est vrai que les démarches déjà entreprises ou se profilant sont douloureuses, mais leur étendue seule ne déterminera pas l’avenir des forces armées allemandes. Le rôle et les missions futurs de la Bundeswehr seront bien plus déterminants. Au vu du bilan mitigé dans les Balkans et, plus encore en Afghanistan, certains observateurs voient déjà émerger une ère post-interventionniste. Les réticences des Allemands par rapport aux interventions, semblables à celles d’autres peuples européens, sont connues. Mais quelle raison d’être la Bundeswehr aura-t-elle à l’avenir? Les déploiements se dessinant dans le cadre d’opérations de stabilisation, d’observation militaire ou d’aide en cas de catastrophe seront-ils suffisants à justifier un prélèvement de plus de 30 milliards d’euros annuels sur les recettes fiscales? La classe politique, tout comme les forces armées, est appelée à développer un contrat d’objectifs pour la Bundeswehr qui soit réaliste, opportun et accepté sur le plan international. Ce n’est pas seulement sur des détails structurels, d’organisation ou de procédure que se jouera l’avenir des forces armées allemandes, mais aussi sur la mission qui leur sera confiée dans le cadre de la politique de sécurité et sur leurs relations avec la société.

 

Le Docteur Heiko Biehl a fait ses études supérieures de sciences politiques, d’histoire et de sciences de l’information dans les universités de Sarrebruck, Berlin et Potsdam. Il est spécialisé en sociologie militaire et en politique de sécurité internationale. Il est actuellement directeur du département de sociologie militaire du Centre d’histoire militaire et des sciences sociales de la Bundeswehr à Potsdam.

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Titre : La «réorganisation» de la Bundeswehr. État des lieux sous l’angle de la sociologie militaire
Auteur(s) : le Docteur Heiko BIEHL
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