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Le commandement opérationnel et la complexité, de quoi parle-t-on aujourd’hui ?1/4

BRENNUS 4.0
Histoire & stratégie
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«Recent technology might appear to have closed the gap between leaders and subordinates. Armed with unprecedented amounts of data, CEOs, politicians, and bureaucrats can peer into what is happening almost as it occurs. As we discussed, this information can seduce leaders into thinking that they understand and can predict complex situations — that they can see what will happen. But the speed and interdependence of our current environment means that what we cannot know has grown even faster than what we can. »1Stanley McChrystal


Les retours d’expérience des engagements occidentaux récents, montrent que les sys­tèmes de commandement modernes se sont parfois éloignés de leurs vocations premières : réduire la complexité, réguler l’incertitude, facili­ter la prise de décision et accélérer la production et la transmission des ordres. Le verbe comman­der vient du latin commendo signifiant confier, donner en garde, donner de la valeur, faire appré­cier ; et devenu en bas-latin, ordonner, dominer. La doctrine interarmées définit le commande­ment comme étant l’autorité conférée à un chef pour diriger, coordonner et contrôler des forces2.

Les fondements du commandement dans l’armée de Terre sont abordés de façon générale dans un docu­ment paru en 1996, puis révisé en 2003 et en 2016, L’exercice du com­mandement3. La dimension opéra­tionnelle est quant à elle, traitée de façon plus spécifique dans le FT-04, Les fondamentaux de la manœuvre interarmes4 et le FT-05, L’exercice du commandement en opérations pour les chefs tactiques5. La doctrine des forces terrestres6 précise et donne à ce terme trois acceptions :

il s’agit d’une part d’une prérogative et d’une attribution du chef, incluant les phases décisionnelles du processus d’élaboration des ordres et l’exercice de l’autorité ;

il s’agit également d’un ordre donné par un chef exprimant sa volonté en vue de l’exécution d’un acte donné ;

il s’agit enfin de l’enchaînement séquentiel d’actes consistant à donner des ordres et contrôler leur exécution.

Ces définitions sont cohérentes avec la doctrine de l’OTAN et notamment l’Allied Joint Publication 3.07, qui toutefois, sous la notion de Command and Control (C2), se limite aux aspects «prise de décision » et « conduite et contrôle de l’exécution » de la définition française. Le terme « command » est utilisé depuis une cinquantaine d’années par les stratégistes et les militaires américains. Il est associé au terme « control », depuis les années 1960, au moment où des méthodes managériales et les technologies de l’information ont réellement été intégrées de façon significative dans les façons de fonctionner des états-majors américains. Auparavant, le concept du commandement outre-Atlantique était plus fréquemment rendu par celui de « generalship»8 et relié à la notion plus vague de « leadership », recouvrant des aptitudes à exercer un commandement. La prise en compte dans les années 1980, des dimensions technologiques de l’information et de la communication a par la suite donné lieu à une évolution de la désignation des systèmes de commandement en tant que C3I, en adjoignant au sigle initial les volets communication et renseignement (intelligence). À partir de la fin des années 1990, cette tendance a fait évoluer la notion vers un C4ISR, puis un C4ISR-TAR, pour Command, Control, Communications, Computers, Intelligence, Surveillance, Reconnaissance, and Target Acquisition and Reconnaissance. Ce sigle est aujourd’hui employé pour désigner à l’OTAN, l’ensemble des moyens et processus militaires organisés et structurés en vue de la conduite des opérations9. Tout en conservant cette acception, nous utiliserons néanmoins dans cette étude le sigle C2, plus communément utilisé en France.

Pour en finir avec le domaine normatif, le code de la défense en France10, précise le cadre institutionnel du commandement opérationnel. Les articles D*1221-3 à 5 et R.* 3121-1., stipulent que « Le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions relatives à l’emploi des forces. Il est responsable de l’emploi opérationnel des forces. Sous l’autorité du Président de la République et du Gouvernement, et sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion, le chef d’état-major des armées assure le commandement des opérations militaires. Il est le conseiller militaire du Gouvernement » et décrivent succincte­ment les prérogatives et les attributions de commandement des chefs opérationnels.

Pour résumer, le C2 en France recouvre la chaîne décisionnelle dirigeant les opérations militaires, du niveau politique jusqu’au niveau tactique. Le terme se rapporte également à l’autorité exer­cée par un chef militaire pour concevoir et conduire l’engagement des forces sur un théâtre extérieur ou sur le territoire national. Enfin, il recouvre les organisations et les processus qui, par le biais d’arrangements en matière de personnel, d’équipements, de communications, d’installations, de méthodes et de procédures, permettent à un chef militaire de planifier, diriger, coordonner et contrôler les forces et les opérations, en vue de réaliser les mis­sions qui lui sont confiées.

Nous l’avons brièvement évoqué précédemment, l’intégration dans les états-majors opérationnels américains depuis les années 1960, de nouvelles technologies et d’un certain type de manage­ment scientifique et procédural calqué sur le monde civil, peut être à l’origine d’une vision mécaniste et déterministe des orga­nisations. Avec la normalisation otanienne, cette vision s’est rapi­dement étendue à l’ensemble des armées occidentales. Les prin­cipales écoles de guerre des pays de l’OTAN en ont ainsi fait l’un des fondements de leur enseignement. Cette approche repose sur un certain nombre d’abstractions, de méthodes et de modes de raisonnement, issus à la fois de la pensée cartésienne et de celle de Jomini, qui continue d’exercer une influence forte dans l’approche américaine de la guerre. La tentation, ou l’illusion, de développer une organisation du C2, permettant de contrôler parfaitement l’environnement pour en réduire les aléas, et faire coïncider les faits, les actions et les comportements humains avec la programmation managériale, est bien présente dans toutes les structures de commandement opérationnel occidentales. Cette forme de rationalité spécifique est caractérisée par une approche analytique, souvent abstraite, linéaire et séquentielle de l’environ­nement opérationnel et de la contingence. Or, les engagements opérationnels américains de ces dernières décennies montrent que cette approche n’est pas forcément adaptée à la complexité et à l’incertitude caractérisant, plus que pour le monde des entre­prises, l’environnement opérationnel. Le fait n’est pas nouveau et son constat faisait déjà dire en son temps au général Patton :

«One does not plan and then try to make circumstances fit those plans. One tries to make plans fit the circumstances. I think the difference between success and failure in high command depends upon the ability, or the lack of it, to do just that »11. Ainsi, force est de constater que la déclinaison de cette approche déterministe en méthodes et outils de gestion scientifiques, a finalement induit une complexification croissante du commandement des opéra­tions modernes.

Ce deuxième article consacré à la prise de décision opération­nelle décrit donc comment, au­delà du concept, le C2 au lieu de s’insérer dans un mouvement de régulation de la complexité, en constitue lui-même un générateur. Ce document vise ainsi à poser, et non y répondre, les questions suivantes:

cette complexification du C2 est-elle incontournable ?

contribue-t-elle à la performance du commandement ?

permettra-t-elle de faire face de façon efficace aux nou­velles formes prises par la conflictualité et l’adversité ?

 

1 McChrystal, Stanley, Team of Teams: New Rules of Engagement for a Complex World, Portfolio/Penguin, 2015.

2 Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle, CICDE, édition 2013. http://portailcicde.intradef.gouv.fr/images/terminologie/20150601_np_cicde_dc-004-giato-amende.pdf

3 L’exercice du commandement dans l’armée de Terre, commandement et fraternité, EMAT, 2016. https://www.defense.gouv.fr/content/download/.../Exercice_commandement.pdf

4 DFT 3.2 Tome 3 - Les fondamentaux de la manœuvre interarmes, CDEF, 2011. https://ct-pmd.intradef.gouv.fr/sites/CDEFDoctrine/DOCTRINE/REFERENTIEL%20CDEC/ref_doc/0_doc_fond/FT04/FT_04.pdf5R FT 3.2 Tome 2 - L’exercice du commandement en opération pour les chefs tactiques, CDEF, 2010. https://ct-pmd.intradef.gouv.fr/sites/CDEFDoctrine/DOCTRINE/REFERENTIEL%20CDEC/ref_doc/0_doc_fond/FT05/FT_05.pdf

6 Glossaire de l’armée de Terre (EMP 60.641, ex TTA 106), CDEC, édition 2018. https://ct-pmd.intradef.gouv.fr/sites/CDEFDoctrine/DOCTRINE/REFERENTIEL%20CDEC/ref_doc/5_planification/5_2_termino­logie/IA_EMP/20180308_NP_CDEC_DDO_MFT_5-2-1_EMP_60_641_Tome-1.

7 AJP-3 (B), Allied joint doctrine for the conduct of operations, 2011.http://normotan.dga.defense.gouv.fr/Pdf_ap/ajp-3(b).pdf

8 Fuller, J.F.C., Generalship: Its Diseases and Cure. A Study of the Personal Factor in Command,Harrisburg, PA. Military Service Publishing, 1936.

9 Les lecteurs intéressés pourront approfondir le sujet en se référant au mémoire de Claverie, Bernard et Desclaux, Gilles. Command and control : un système de systèmes pour accompagner la complexité. Communication et Organisation, Presses Universitaires de Bordeaux, 2016, Engagement entrepreneurial et territoires, 50, pp. 255-276. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01672732/document

10 Code de la défense, version du 16 juin 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071307&dateTexte

11 Cité dans Tracy, Brian, Victory! : Applying the Proven Principles of Military Strategy to Achieve Greater Success in Your Business. Paperback, 2017.

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Titre : Le commandement opérationnel et la complexité, de quoi parle-t-on aujourd’hui ?1/4
Auteur(s) : Colonel Fabrice CLÉE, chef du pôle études et prospective
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