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Le militaire dans l'entreprise de défense

Dossier G2S n° 25
Défense & management
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Aborder le sujet du militaire dans l'industrie de défense n'est pas chose aisée tant les parcours que les clefs de lecture peuvent être divers. Au-delà du socle partagé des valeurs qui marquent leur passé militaire, quoi de commun entre le jeune capitaine après son temps de commandement au tout début d'une véritable vie professionnelle et le « quatre étoiles » au crépuscule de la sienne ? Quoi de semblable entre le lieutenant-colonel chenu de la STAT34 spécialiste incontesté de son domaine et le chef de corps sortant qui veut rebondir sur une autre expérience de manager ? Autant d'objectifs, autant de parcours différents, qui imposent de limiter le sujet au risque de vouloir dégager des généralités réductrices ou une liste à la Prévert d'expériences singulières.


Aussi, limiterai-je le sujet à mon expérience personnelle, celle d'un officier général, dont la carrière est clairement derrière lui et la durée de vie limitée au sein de l'entreprise qui l'accueille. Cette dernière recherche avant tout un profil qui lui ouvre son réseau, mais aussi une expérience et des aptitudes qui apporteront une valeur ajoutée rapidement quantifiable au service des activités de l'entreprise.

 

Le temps du conseiller militaire étoilé, cantonné à servir le café aux invités du PDG lors des salons et signe extérieur de standing pour l'entreprise est une image d'Épinal qu'il faut définitivement oublier, eût-elle d'ailleurs jamais existé ! En effet une grande entreprise de défense est avant tout une entreprise industrielle, dont l'objectif est de produire des biens pour le secteur de l'armement. Pour être pérenne, elle doit faire des bénéfices, ce qui impose de satisfaire et développer sa clientèle, avec le souci permanent d'innover. Elle appuie pour cela sur des ressources financières, techniques et surtout humaines, qui doivent contribuer à la création de richesse à juste proportion de l'investissement consenti par l'entreprise. Recruter un officier général répond donc à un besoin. Au-delà de l'apprentissage des codes et de la langue, où cohabitent acronymes et franglais, - ce qui nécessite un temps d'adaptation - le « jeune » embauché doit comprendre et maitriser un monde nouveau, pour y trouver sa place, y donner sa pleine mesure et in fine répondre aux attentes de ses employeurs.

 

Comment les qualités de l'officier général peuvent-elles s'exprimer dans cet univers particulier ? Sont-elles d'ailleurs toutes transposables ? A contrario, d'aucunes ne lui font—elles pas défaut pour relever certains défis ? Telles sont les questions auxquelles, je vais tenter d'apporter quelques réponses.

 

J'ai choisi comme fil rouge d'analyser à travers le prisme de l'entreprise de défense les qualités de l'officier général, telles que les expose le site internet du Bureau des Officiers Généraux le décrivant tout à la fois « comme un décideur, un gestionnaire, un meneur d'hommes, un communicant, un expert et un homme de valeurs ».

 

Deux qualités me semblent peu utilisées compte tenu de la faible expérience de l'entreprise qu'il possède, limitant le spectre des responsabilités confiées. J'ai pu observer qu'il existe même une certaine réticence à laisser un ex-général décider... La prise de décision, activité centrale de l'officier général en activité, se trouve donc quelque peu limitée, ce qui n'est pas sans créer un sentiment de frustration. Même si de réelles capacités dans le domaine RH lui sont reconnues, l'officier général sera également un « modeste » gestionnaire par rapport aux commandements et aux responsabilités exercées.

 

Particulièrement sensibilisé au cours de sa carrière d'active aux enjeux de la communication et souvent mis en situation, un officier général sera en revanche volontiers engagé par une entreprise de défense dans des actions de communication très variées. Ses qualités intrinsèques de communicant se marieront opportunément avec la référence que représente sa première carrière auprès de médias et de journalistes souvent spécialisés. Cette qualité bien employée se marie aussi très opportunément avec celle d'expert. La connaissance fine de l'institution, de ses besoins, de ses circuits de décision, valorisée par la possession d'un réseau actualise35 contribue à faire de l'officier général un expert reconnu de la « chose militaire » au sens large. Référence presque absolue, il est souvent interrogé et consulté par toute la hiérarchie de l'entreprise et par une vaste gamme de métiers : du commercial à l'ingénieur ; pour le marché français comme celui de l'export...

 

L'entreprise est un monde où l'exercice des relations humaines est un art difficile et où règne le sens du compromis. C'est aussi un environnement extrêmement favorable pour l'officier général pour y mettre en pratique ses qualités de meneur d’hommes. Elles y sont là encore parfaitement adaptables et très prisées par les membres de ses propres équipes, comme par les autres collaborateurs. Dans ce domaine, il saura mieux que quiconque écouter, analyser et convaincre.

 

L'officier général est enfin incontestablement perçu comme un homme de valeurs dans l'entreprise, alors que l'environnement général des activités de cette dernière est de plus en plus marqué par les notions de « compliance36 » et de « transparence ». Agissant dans le respect de l'éthique, il incarne l'exemplarité et l'honnêteté intellectuelle. Il saura en particulier trouver son juste positionnement entre le donneur d'ordre étatique et l'industriel.

 

Manque pourtant dans la description du BOG une qualité à mon sens fondamentale, qui m'a sans doute servi plus que toute autre : la faculté d'adaptation. Cette qualité est pourtant bien cultivée tout le long d'un parcours d'officier. Alternant entre les temps de troupe et ceux en état-major, entre la vie en garnison et celle en OPEX, entre des périodes « techniques » et des périodes de commandement, l'officier général ne cesse toute sa carrière de devoir 'adapter. Le passage dans la vie civile et a fortiori dans une entreprise de défense est sans doute l'Ultima ratio de la nécessité de s'adapter. Je pense que nous y sommes bien préparés, tout en étant conscient que la raison première des échecs de reconversion dans une entreprise de défense (car il y en a est justement liée à un problème d'adaptation. Le chemin de la réussite peut être sinueux et demande souvent de mettre son mouchoir sur son ego tout en se remettant sérieusement en question !

 

Les qualités de l'officier général sont donc reconnues et utilisables, certes à des degrés divers, pour peu que ce dernier se donne la peine de continuer à les entretenir. Bénéficiant d’un a priori favorable, c'est un expert écouté de la chose militaire, qui est une référence sur le plan managérial et surtout moral. Il doit savoir rester humble et comprendre que les logiques de son ancienne institution ne sont pas toujours les mêmes que celle de l'entreprise de défense : un officier général n'est pas un chef d'une entreprise peinte en kaki ! Il n'y a pas de relation d'égalité entre un décideur civil et un décideur militaire.

 

Bien intégrer ces différences fondamentales tout en gardant un certain recul, connaître ses limites tout en exploitant au maximum toute la valeur ajoutée qu'il peut apporter ; autant de règles simples qui permettent à l'officier général de se réaliser pleinement sur le plan personnel comme professionnel. Je terminerai cette courte analyse très personnelle, en mettant en avant cette double loyauté à laquelle l'officier général travaillant dans une entreprise de défense doit s'astreindre. Ses qualités intrinsèques doivent lui permettre en effet sans difficulté d'être à la fois loyal avec l'institution qui a fait ce qu'il est, mais aussi loyal avec l'entreprise qui le fait désormais vivre.

 

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[34] Section Technique de l'Armée de Terre.

[35]Ce qui limite la durée de vie efficiente de l'officier général dans Ses fonctions, tant le spectre du "has been" le guette très rapidement !

[36] Peut s'entendre comme la conformité aux règles.

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Titre : Le militaire dans l'entreprise de défense
Auteur(s) : GCA (2S) Arnaud SAINTE-CLAIRE DEVILLE
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