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Le partenariat militaire opérationnel aujourd’hui

BRENNUS 4.0
Engagement opérationnel
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L'armée française possède une très riche et très ancienne expérience en matière de coopération de Défense. Si son passé colonial n’est pas étranger à l’acquisition des savoir-faire et savoir-être relatifs à cette expertise, il serait réducteur d’en faire l’unique fondement des succès enregistrés dans ce domaine. Sans doute faut-il chercher plus profondément dans notre conscience collective cette capacité à échanger avec d’autres cultures, mais aussi et sans doute, dans la qualité de la formation de nos cadres qui confère à notre outil militaire la robustesse qui lui est reconnue.


Le partenariat militaire opérationnel (PMO), terme qui désigne désormais le domaine, très large, de la coopération avec des forces mili-taires de pays partenaires, suscite aujourd’hui un net regain d’intérêt. Cet engouement, assez généralisé, pour le PMO met en exergue une réelle spécificité française, accentuée par l’effort consenti par l’armée de Terre avec la création du centre Terre pour le partenariat militaire opérationnel (CPMO).

 

Le PMO, une activité en net développement

Un premier constat permet rapidement de réali-ser que «l’offre de PMO» est désormais abondante. De nombreux pays, de tous les conti-nents, proposent leur aide en matière de formation militaire avec des prestations de nature très variée, allant du détachement d’instruction à la mise en place d’experts, en passant par des offres de formation dans les écoles militaires nationales. Cette multiplication des offres n’est d’ailleurs pas sans conséquence pour les pays receveurs, qui ont, ils le reconnaissent souvent eux-mêmes, du mal à la gérer. La taille réduite de leurs armées, un fort engagement opérationnel et une gestion RH difficile contribuent à réduire considérablement un vivier sur qui se concentrent alors toutes les actions de coopération, avec comme corollaire, superposition ou redondance des actions de formation.

Cet engouement pour le PMO va de pair avec les moyens qui y sont consentis, et qui témoignent indéniablement d’une volonté de progresser dans ce domaine. Des pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis ont fait récemment le choix de créer des unités militaires dédiées à ces missions spécifiques[1]. L’OTAN vient d’inaugurer un centre d’excellence pour le PMO[2], l’Italie a créé un centre PMO au sein de son école d’l’infanterie et l’Espagne réfléchit également à mettre sur pied une structure spécifique PMO. Un effort conséquent en termes de préparation opérationnelle est également réalisé au profit des unités qui arment les missions PMO. A titre d’exemple, les instructeurs des «Security Force Assistance Brigade (SFAB)» de l’US Army sont sélectionnés à partir de tests psychotechniques plus denses que ceux réalisés pour le recrutement des Forces Spéciales, et suivent un entraînement spécifique d’une durée de 6 mois à 1 an avant leur mise à poste. Dans un autre registre, certes moins régalien, le développement des activités de formation réalisées par des entreprises du domaine de la sécurité et de la défense[3] (ESSD) prouve également cet attrait partagé pour le PMO.

Cette appétence pour le PMO touche également les grandes institutions comme le montre, pour l’Europe, le développement des missions européennes de type EUTM[4]. Plus récemment, l’ONU a expérimenté au Mali le concept de «mobile training team(MTT)». Il s’agit de déployer des équipes de men-tors chargées de mener des actions ponctuelles d’audit et de formation au profit des bataillons de la MINUSMA[5] pendant leur mandat. Issus des armées de pays volontaires désirant partager leur expertise, ces MTT sont envoyées auprès de bataillons en situation opérationnelle, en complément des formations plus traditionnellement réalisées avant le déploiement.

Ce foisonnement autour du PMO s’explique sans doute par un retour en grâce de la PREVENTION en complément de l’INTERVENTION, mais correspond aussi à une volonté de plus en plus affirmée des Etats bénéficiaires de l’aide, de relever eux-mêmes leurs défis sécuritaires et de faire évoluer rapidement leurs armées, plutôt «territoriales», vers des armées d’emploi, opérationnellement engagées. Et cette évolution change drastiquement le relationnel entre celui qui conduit l’action PMO et celui qui la reçoit, notion qui a présidé en partie, pour la France, à l’adoption du terme «partenariat». Cet intérêt est aussi lié aux avantages indéniables offerts par les actions de coopération de Défense. Politiquement très acceptable, le PMO permet d’obtenir des effets de niveau opératif ou stratégique pour un coût généralement assez modeste, ce qui en fait un mode d’action très intéressant, sous réserve de l’utiliser correctement. La généralisation de l’offre et des actions de type partenariat montre que le «mode d’action PMO» est sans doute un moyen souple et efficace d’exercer son influence et de manifester une certaine forme d’exercice de la puissance.

Autre caractéristique qui conforte l’attrait exercé par le do-maine PMO, il peut, sans trop de contraintes, donner du corps aux alliances en offrant un réceptacle idoine à des actions plurinationales. Une action de partenariat, de formation en particulier, peut en effet assez facilement agréger plusieurs partenaires alliés, sous réserve de s’inscrire dans le cadre d’intérêts partagés. Or, la sécurité est un dénominateur commun qui ouvre désormais de nombreuses pistes de collaboration, mêmesi à ce sujet, les marges de progression restent certaines.

 

Une spécificité française

Si le PMO fait écho à de nombreux enjeux, sa déclinaison au sein des armées françaises met en relief des particularismes qui nous sont propres.

Alors que le terme anglo-saxon désignant la coopération mili-taire est «security force assistance (SFA)», le terme assistancea laissé la place en France à celui de partenariat. Cette évolution, loin d’être anecdotique, met en relief la notion d’égalité qui préside à la relation qu’entretiennent les soldats français avec leurs partenaires, actant résolument le passage d’une logique de «grand frère» à celle de «frère d’armes». Partenaires qui affichent certes des lacunes que vient combler l’action PMO, mais qui ont le plus souvent l’expérience de l’engagement opérationnel. Partenaires qui, à leur tour, peuvent transmettre beaucoup au soldat français, ne serait-ce que leur connaissance intrinsèque du milieu physique et humain. C’est donc bien cet échange à double sens que traduit cette nouvelle terminologie et qu’il convient de garder à l’esprit pour sensibiliser nos hommes à tout ce qu’ils peuvent, ou plutôt, doivent apprendre du militaire étranger avec qui ils travaillent.

Autre caractéristique atypique, la coopération de Défense en France est organisée autour deux chaînes différentes mais complémentaires, qui font appel chacune à l’expertise des Armées et des Services pour armer les détachements PMO. La coopération opérationnelle, qui dépend du MINARM et est mise en œuvre par l’EMA, et la coopération structurelle qui dépend du MEAE et est mise en œuvre par la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD). Si une répartition, de principe, des tâches existe entre ces deux coopérations, l’une chargée de «forger l’outil militaire» du pays parte-naire, l’autre d’entraîner cet outil militaire et d’agir dans le haut du spectre jusqu’à l’accompagnement au combat, ce continuum du PMO est fortement orienté par l’engagement opérationnel aux côtés des partenaires. Le corollaire est un fort ni-veau d’imbrication entre les deux chaînes qui se traduit par une réelle efficacité, du niveau stratégique au niveau tactique.

Ces deux chaînes se complètent également dans leur structuration. La coopération opérationnelle s’appuie pour beaucoup sur le dispositif outre-mer et étranger (OME), qui donne au personnel qui y est stationné et qui arme l’essentiel des missions PMO de l’armée de Terre, d’une précieuse connaissance régionale (réseau). La coopération structurelle s’appuie, elle, sur son dispositif de coopérants qui constitue un atout considérable que bien des pays nous envient. Le tout permet de disposer d’un véritable continuum du PMO, agissant sur le champ militaire et diplomatique, qui peut également faciliter l’intégration d’autres effecteurs dans un processus d’approche globale.

Dans les spécificités du PMO français, se trouve également la capacité à développer des coopérations multilatérales entre plusieurs pays partenaires, la France jouant alors un rôle de «go between» entre des armées parfois très différentes, voire opposées. De nombreux Etats demandeurs de partenariats font face à des menaces transnationales (terrorisme, trafics, etc.) qui nécessitent des actions qui dépassent largement l’espace géographique qui leur est propre. La coopération multilatérale est donc, dans le domaine du PMO, une forme de réponse appropriée pour lutter efficacement contre ces menaces. Elle ne s’oppose pas à la coopération bilatérale, mais elle la complète et la transcende pour atteindre des objectifs plus ambitieux. Elle permet également de favoriser et légitimer la mutualisation de capacités autour de ces mêmes objectifs, permettant d’offrir aux Etats qui s’y adonnent, une vraie efficacité opérationnelle. Cela permet de capitaliser sur de réelles convergences d’intérêts dans un cadre sous régional, voire local, plus facile à mettre en œuvre et plus rassurant, alors même que le multilatéralisme est à la peine avec le retour des nationalismes.

L’armée française bénéficie pour mettre en œuvre ce type de coopération d’une aura indéniable, fruit de ses engagements opérationnels, qui fait du soldat français une référence. Mais son principal atout reste la crédibilité acquise par son engagement dans le haut du spectre du PMO, en accompagnant au combat les partenaires formés. Si cet engagement a un prix très lourd, celui du sang, il change radicalement la relation de partenariat en donnant tout son sens à la notion de frères d’armes. Il est pour beaucoup à l’origine de ce «besoin de France» exprimé par de nombreux pays très allants pour développer avec nous une relation qu’ils savent fiable. Très de peu de Nations s’engagent, avec leurs forces régulières, dans ce haut niveau de coopération, et c’est sans doute cet engage-ment, sans états d’âme, du soldat français aux côtés de ses partenaires qui génère empathie et confiance.

Enfin, contrairement aux approches britannique ou américaine, le PMO pour l’armée de Terre, est résolument «l’affaire de tous». Toutes les unités, quelle que soit leur fonction opérationnelle ou leur nature (régiments, état-major, école), doivent être capables de réaliser des missions de PMO. Ce principe se traduit par un minimum de connaissances, «un fond de sac», qui doit être connu de tous et dont la déclinaison est adaptée au niveau de responsabilité exercé.

 

Le PMO et l’armée de Terre

La création du centre Terre pour le partenariat militaire opérationnel traduit pour l’armée de Terre la nécessité de pouvoir mener avec efficacité des engagements croissants de type PMO. La multiplication annoncée des missions de PMO et le développement de la concurrence dans ce domaine imposent de relever le «niveau de jeu», tant individuel que collectif. Cela passe d’abord par la capitalisation de l’expertise et de l’expérience accumulées par nos Forces afin d’en tirer toute la plus-value au profit des unités qui vont être engagées, mais également par une meilleure connaissance du large spectre d’actions du PMO.

L’enjeu du CPMO se traduit donc par une meilleure prise en compte de la spécificité du PMO, dans tous les domaines concourant à l’efficacité opérationnelle(anticipation, planification, formation, préparation opérationnelle, doctrine, retour d’expé-rience, etc.).

Il s’agit, par exemple, de sensibiliser tous les cadres aux parti-cularités de cette mission qui n’a rien de facile et qu’il ne faut absolument pas confondre avec un simple exercice de pédagogie. En complément du «PMO pour tous» qui sera le niveau seuil de l’armée de Terre, des stages plus spécifiques liés à l’emploi tenu permettront de donner au personnel amené à exercer des responsabilités dans le domaine PMO, un complément de formation ciblé sur leur fonction.

Il faut également mieux optimiser les compétences, expé-riences et appétences de chacun. Le succès des missions de PMO repose en effet pour beaucoup sur la ressource humaine. Cela impose donc de porter un regard lucide sur le personnel qui est susceptible d’être engagé, en particulier sur des postes jugés sensibles.

Dans le cadre de la préparation opérationnelle, la mise en place dans chaque régiment et état-major d’un «référent PMO» a pour but de faciliter la prise en compte du volet PMO dans l’instruction et l’entraînement. Pour les unités engagées en OPEX[6] ou MCD[7] sur des missions de PMO, la préparation est plus spécifiquement adaptée à la zone de déploiement.

Sans entrer dans le détail, et en complément de l’acculturation sur matériel étranger, l’approche retenue est de donner aux effecteurs une appréciation claire des enjeux stratégiques et opératifs de l’action de partenariat qui sera conduite, ainsi que des différents acteurs qui agissent de façon concourantes dans le même espace. Déployés le plus souvent en zone isolée et en forte autonomie, les cadres des détachements PMO peuvent être en effet amenés à prendre seuls des décisions tactiques de portée stratégique ou à faire face à des opportunités aux effets politico-militaires. Cette particularité liée au PMO nécessite donc de disposer de cadres sensibilisés sur tout le spectre del’action française dans le domaine de la coopération de Défense. C’est grâce à cet éclairage que l’action PMO peut être mise en œuvre avec efficacité et générer des résultats qui dépassent largement le cadre tactique dans lequel elle s’inscrit.

Si le CPMO a reçu pour mission de réaliser cet effort global de structuration qui permettra à l’armée de Terre de répondre à des sollicitations de plus en plus importantes sur l’ensemble du continuum du PMO, l’efficacité des partenariats, et plus généralement de nos engagements opérationnels, repose sur la parfaite intégration de la notion d’interculturalité. La connaissance et la diffusion, sous l’égide de l’état-major spécialisé pour l’outre-mer et l’étranger (EMSOME), de cette notion fondamentale à tout partenariat, est un élément clé du succès des missions de PMO. Dans ce cadre, la colocalisation du CPMO et de l’EMSOME facilite la symbiose indispensable entre ces deux effecteurs qui concourent, à leur façon, à l’efficacité opération-nelle des unités françaises. Elle permettra, en autre, la nécessaire montée en gamme, de façon concertée, d’une préparation plus importante aux missions de PMO et d’une prise en compte plus poussée de toutes les déclinaisons de l’interculturalité. L’objectif est bien, dans une démarche pragmatique, de s’assurer et d’opérationnaliser la maîtrise de la fameuse «French touch» qui semble caractériser le soldat français et qui découle, en grande partie, d’une formation de qualité qui doit, encore plus aujourd’hui, intégrer les défis liés au PMO.

 

Conclusion

Si le PMO est un mode d’action qui indéniablement intéresse de plus en plus, et devient fortement concurrentiel, la France dispose en propre d’atouts considérables. D’abord, un maillage unique porté par la coopération structurelle et la coopération opérationnelle, véritable vecteur de l’influence française et d’efficacité dans la mise en œuvre des actions de partenariat. À ce dernier s’ajoute un dispositif outre-mer et étranger qui confère une connaissance régionale irremplaçable et qui offre des plateformes pour l’action PMO. Enfin et surtout, nous diposons d’un système de formation des cadres qui, ajouté à nos enga-gements opérationnels auprès de partenaires, permet de bénéficier d’une aura certaine et d’un réel capital de confiance.

Mais pour conserver ce niveau reconnu d’expertise, et l’étendre, alors même que les perspectives d’engagement PMO se multiplient, il faut se donner les moyens de gagner les combats de demain, dans des milieux toujours plus complexes, interdépendants et intimement liés à nos partenaires. C’est le choix fait par l’armée de Terre et que porte, en particulier, le CPMO.

 

[1] Royaume Uni: création du “Specialized Infantry Group”, regroupant à terme 5 bataillons dédiés aux missions PMO, dont 2 opérationnels.US ARMY: création de 6 brigades dédiées au PMO (Security Force Assistance Brigade, SFAB).

[2] NATO Security Force Assistance center of excellence (NATO SFA CoE), installé à Rome.

[3] Exemple: USA, programme ACOTA (Africa contingency op-erations and training assistance); Russie, société Wagner.

[4] EUTM: European Union Training Mission, mission de for-mation de l’Union européenne.

[5] MINUSMA: mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali.

[6] OPEX: opération extérieure.

[7] MCD: mission de courte durée.

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Titre : Le partenariat militaire opérationnel aujourd’hui
Auteur(s) : le colonel Alain Vidal
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