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Le recrutement, la formation et l’emploi des troupes locales comme vecteur stratégique de succès chez Lyautey 3/4

Le recrutement, la formation, la vie courante et l’emploi des troupes régulières locales : l’exemple des spahis
Histoire & stratégie
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Autant la création et le développement des goums appartiennent davantage à l’aventure marocaine, autant ceux des spahis trouvent ses racines dans la conquête de l’Algérie. Même si Lyautey, esthète soigneux de son image, aime paraître en burnous bleu et blanc, il ne compte dans l’histoire des spahis que parce qu’il est le premier à proposer des cavaliers indigènes pour participer aux combats d’août-septembre 1914.


Pour remédier aux charges imposées aux troupes françaises sur un terrain difficile et sous un climat éprouvant, pour suppléer aux pertes dues à la maladie et au rappel par Paris d’une partie importante du corps expéditionnaire en Algérie, le roi Louis-Philippe entérine par ordonnance l’existence de spahis réguliers en 1841. Le corps reçoit organisation et statut (recrutement, avancement, hiérarchie, solde, etc.) Les colonels Moncey et Yusuf recrutent parmi les soldats du dey Hussein, dont beaucoup de Turcs, et les tribus guerrières d’Algérie (notamment kabyles). En 1841, il existe vingt escadrons de spahis algériens, soit 40 00h ommes et la valeur de quatre à cinq régiments. En 1939, il y aura trente régiments répartis entre l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et le Levant.Chaque escadron est constitué à l’origine de 4 officiers français, 3 officiers indigènes, 20 sous-officiers et cavaliers français, 173 sous-officiers, brigadiers et spahis indigènes. Cette mixité dans l’encadrement sera renforcée au Maroc sous l’impulsion de Lyautey et de ses successeurs. Il est à noter qu’au Maroc, étant donné le statut particulier du Protectorat, le recrutement doit être autorisé par le Sultan. C’est également par autorisation de Mohamed V que plusieurs régiments de spahis pourront être déployés en France en 1939-1940 et se battront du sud de Sedan au nord de Valence.

Les spahis, en tant que forces régulières, sont encasernés, vivent au quartier et suivent une instruction et un entraînement similaires aux chasseurs d’Afrique ou à toute troupe européenne (tir, manœuvre, entretien, etc.) Ils participent aux grandes manœuvres organisées annuellement. Chaque spahi porte un uniforme réglementaire adapté à ses origines.

Leur emploi varie selon les époques. En Algérie, après la conquête, ils constituent, avec les chasseurs d’Afrique, la partie montée des colonnes mobiles et sont chargés de réagir immédiatement, parfois brutalement, à toute tentative de soulèvement et d’appel à la Guerre sainte. Troupe rapide ou légère, montés sur leurs petits chevaux rustiques passant sur tous les terrains, y compris montagneux, ils éclairent les colonnes, exploitent dans la profondeur, contournent et attaquent de flanc l’ennemi. Mais pendant les grandes révoltes, ils seront de toutes les opérations menées contre les chefs rebelles (Abdel Kader en Algérie, Mouley Afid puis Abdelkrim au Maroc), pour disloquer par le choc la troupe ennemie. Précédés par les goums, ils constituent la pointe d’avant­garde des forces s’enfonçant dans le bled sibaà chaque étape de la pacification du Maroc. Enfin, ces troupes régulières indigènes étaient originairement faites pour servir dans leur pays d’origine. Elles attestaient de la fidélité guerrière des tribus arabes, berbères musulmanes à l’autorité française, dans le cas du Protectorat au Sultan et au Makhzen. Malgré les magnifiques faits d’armes enregistrés pendant les deux guerres mondiales (La Marne, Uskub, La Horgne, etc.), leur emploi en Europe sur les différents fronts occidentaux ou orientaux fut contre­nature. Lorsque l’auxiliaire indigène comprendra que le processus s’est inversé et que c’est lui qui vient au secours d’une autorité théoriquement protectrice devenue chancelante, le doute s’installera.

Initié en Algérie, le modèle « spahi », cavalier autochtone à encadrement français, a été répété ailleurs par l’armée française : Crimée où Yusuf fut chargé de mettre sur pied des escadrons de cavaliers autochtones ;

au Sénégal, avec une esquisse en 1843, puis la création effective de spahis sénégalais pour les opérations de pacification de 1872 à 1881 ;

en Tunisie où le premier régiment de spahis tunisien a été formé en 1886 ;

au Maroc, avec la création en 1912 de dix escadrons de spahis formés avec les tabors de cavalerie du Sultan du Maroc ;

 • au Levant, où des escadrons tcherkesses et druzes sont créés et intégrés à des régiments de spahis marocains ou algériens.

 

5 . Quelles leçons pour les opérations d’aujourd’hui et de demain ?

Dans les conflits actuels, le partenariat militaire opérationnel sous toutes ses formes (opérationnelles, techniques, soutien à l’exportation) s’applique majoritairement au conseil et à l’encadrement de forces régulières, dans un contexte profondément différent de celui de la colonisation (Algérie, Indochine, Madagascar, AOF-AEF) ou des protectorats marocain et libano-syrien. En effet, la relation se fait désormais sur un pied d’égalité et non de dominants à dominés. De même, la confiance avec les forces locales est moindre actuellement qu’elle ne l’était dans les années 30 au Maroc, notamment en raison de la discontinuité relationnelle imposée par le cycle important des rotations et de la barrière créée par les conditions de protection encadrant le déploiement de toutes les forces françaises. Par ailleurs, le décalage éthique (notamment le rapport à la mort) et technologique est probablement plus fort aujourd’hui, entre unités françaises et forces locales, qu’il ne l’était à l’époque de Lyautey.

Mais au­delà du seul PMO et du cadre contemporain des engagements, une certaine similitude peut être trouvée entre les objectifs poursuivis, les critères de succès d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Tout d’abord sur les besoins et les objectifs, l’aide militaire que la France peut apporter à des pays alliés s’adresse, comme autrefois, à des troupes régulières (armées nationales). Devrait-elle à l’avenir concerner des entités particulières, voire irrégulières ? Comme à l’époque de Lyautey, cette aide se situe aujourd’hui sur un large spectre : formation initiale, encadrement et accompagnement au combat. Elle a aussi pour objectif la lutte contre un ennemi qui mène un combat idéologique et militaire de guérilla, constitué de combattants fanatisés, souvent motivés par la Guerre sainte ou les trafics, conduits par des chefs de guerre en dissidence contre le pouvoir central. Aujourd’hui comme demain, cette aide de la France vise à remplir quatre facteurs de supériorité opérationnelle des huit décrits dans le document prospectif Action terrestre future (ATF) de 2016 : la masse en complément et non en substitution des forces françaises, l’influence dans toutes ses composantes, la coopération, la compréhension.

Au ­delà des critères de succès du PMO décrit par la DIA-3.4.5.1_AMO11, ceux développés par Lyautey lors du Pro­tectorat sont intéressants et toujours d’actualité. Transposés aujourd’hui, ils touchent à la formation des cadres français et étrangers de contact, au degré de confiance et au niveau d’imbri­cation entre forces françaises et locales, enfin au commandement politico-militaire et opérationnel :

L’empathie, la générosité, la curiosité bienveillante à développer en école chez les officiers et sous-officiers français vis-à-vis des populations issues de l’Afrique ou du PMO. Nul doute que cela est déjà fait actuellement et qu’elle est une tendance naturelle du soldat français, mais cet état d’esprit doit être accentué, puisque les territoires potentiels d’intervention à longue durée concernent ces régions. Lyautey voulait que chaque officier appelé à servir en Afrique développe une forte culture islamique et un respect profond pour le droit coutumier, les us et coutumes des populations. Cette altérité et cette empathie méritent d’être aujourd’hui un critère de sélection dans les profils recherchés chez les officiers, dès le recrutement initial. La création d’un pôle PMO à l’EMSOME devrait favoriser cette acculturation.

La constitution d’un vivier d’officiers semblables aux OAI, capables de conseiller les autorités souveraines locales, civiles et militaires et ayant une véritable influence sur les troupes locales, elles­mes mentorées par des équipes françaises sur un maillage à fixer, selon la propre catégorisation croissante de Lyautey : secteur, cercle, territoire. Les officiers ACM font un travail fondamental de reconstruction, de renseignement et d’insertion des forces françaises dans leur environnement opérationnel. Mais ils ne sont pas qualifiés pour tenir un rôle de conseil dans l’administration des territoires et le commandement de troupes locales. Les officiers concernés pourraient être choisis parmi les meilleurs officiers, au moment où ceux-ci vivent une période de transition : pendant les deux années d’officier-adjoint de compagnie ou dans la période qui suit la réussite à l’École de Guerre. Cela implique bien évidemment une formation adéquate qui peut commencer dès les écoles de formation initiale. Sans remettre en cause la souveraineté des États concernés, ces officiers participant au développement et au commandement en territoire hostile seraient sans doute une aide précieuse à la cohérence de nos opérations, à la lutte contre l’adversaire et au retour à la paix. Par ailleurs, le succès des OAI venait d’abord de la permanence qu’ils avaient dans leur zone (3- 4 ans, voire plus). Aujourd’hui, un an de présence est la période qu’il faut viser pour retrouver cet état d’esprit qui a fait la force de la méthode Lyautey.

En parallèle, l’installation d’officiers des forces nationales sur les zones de conflits dans un rôle d’administration et de retour à la paix civile. La réinstallation de préfectures, de gendarmeries, d’hôpitaux, de marchés sans une période préalable d’administration militaire est souvent vouée à l’échec et mène à des drames (rezzous, exécutions, etc.). Pour cela, nos camarades officiers africains ou orientaux doivent être rompus aux fonctions civiles d’organisation publique (administration, droit, économie) adaptées à leur pays, pour les rendre capables, pendant une période intermédiaire, d’assumer des prérogatives politico-militaires dans les territoires reconquis sur les rebelles ou terroristes, avant d’effectuer un transfert réussi vers les autorités civiles légitimes. C’est le principe des ex-OAI de Lyautey. C’était également celui de l’école militaire de Dar El-Beïda (actuelle académie royale marocaine de Meknès), créée par Lyautey fin 1918, qui accueillait des élèves-officiers marocains pour les former à l’exercice du commandement mais également qui les préparaient à assumer des fonctions administratives de pachas, de caïds ou de khalifa dans les régions du Maroc. Cette approche est difficile à faire accepter par les autorités civiles. Mais elle est pragmatique en reconnaissant que le retour à la paix d’une région peut aussi passer par une administration militaire assurée par des officiers compétents, justes, préparés à la complexité des fonctions publiques. Dans ce cadre, tout en respectant la souveraineté des États, une sensibilisation sur l’observation du droit international humanitaire, faite notamment auprès des chefs des troupes locales, favoriserait l’installation d’un climat de confiance et éviterait des dérives préjudiciables aux populations toujours exposées.

 

 

9 Particulière est ici entendu dans le sens du règlement militaire coutumier auquel les goumiers ne sont pas astreints. Leur engagement doit être renouvelé chaque année (2 ans selon les périodes), au contraire de toutes les autres troupes de l’armée d’Afrique. Mais ce ne sont pas des supplétifs. Ils sont bien intégrés dans l’armée d’Afrique et sont régis par instruction ministérielle.

10 Le général Picquart, ministre de la Guerre, conseillé par Lyautey qui a vu tout le bénéfice de ces troupes particulières lors de son séjour dans le Sud-Oranais à Aïn Sefra, donne l’autorisation de recruter les goums marocains.

11 I'dentification de la compétence requise, progressivité effective du transfert de compétences, contrôle régulier des acquis et mesure de la pérennité de l’empreinte laissée ; connaissances culturelles, linguistiques et prédisposition du personnel encadrant, capacité à s’adapter aux conditions locales et à un relatif isolement.

12 Un cursus équivalent à celui d’un officier sous contrat ou celui des officiers de carrière (ESMSC-EMIA).

 

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Titre : Le recrutement, la formation et l’emploi des troupes locales comme vecteur stratégique de succès chez Lyautey 3/4
Auteur(s) : le colonel Arnaud de LA GRAND’RIVE
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