Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

Le recrutement, la formation et l’emploi des troupes locales comme vecteur stratégique de succès chez Lyautey 4/4

BRENNUS 4.0
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

L’intégration de petits volumes d’officiers issus des pays en guerre (de l’ordre de cinq par théâtre) dans les unités françaises déployées sur les zones d’opérations, avec pour ceux qui ont fait un cursus complet12 dans nos écoles de formation et ont suivi la mise en condition finale avant projection, la possibilité de vivre pleinement dans des compagnies de combat et de participer à leur commandement en opérations.


Une telle démarche prive bien évidemment les armées nationales de certains de leurs meilleurs officiers, mais elle renforce l’interopérabilité avec nos forces et donc l’efficacité. L’expérience a déjà été lancée, par exemple au Mali, mais elle se fait sur de courtes périodes, dans le cadre de binômages et vise essentiellement à donner aux jeunes lieutenants africains, qui suivent un lieutenant français mentor, les bases de l’exercice du commandement. Ici, il s’agit de favoriser la confiance, la reconnaissance de la valeur des formations dispensées à nos frères d’armes et d’accroître l’intégration entre troupes françaises et locales. Bien sûr, une telle démarche suppose un volume plus important d’élèves-officiers issus des pays en guerre à Coëtquidan et dans nos écoles d’application. Ce système était en place dans l’armée d’Afrique, puisque des officiers indigènes commandaient des unités de combat13.

L’imbrication avec les populations et les combattants locaux alliés, avec la gestion du risque opérationnel corres-pondant, alors que la robotisation et la prospective, par exemple sur les SALA14, pourraient laisser croire à une certaine distanciation entre les forces occidentales et la zone du combat de contact. Il ne s’agit plus de vivre en famille, en poste isolé, comme le faisaient nos aïeux à Erfoud ou à Taza, livrés à la seule sécurité des troupes locales, à l’image des officiers et sous-officiers de goums ou du service des OAI. L’intégrité physique du soldat français, la judiciarisation des opérations, l’exigence actuelle de standing de confort des postes rendent contre-productif un isolement non encadré, quelles que soient les conditions d’engagement des forces françaises déployées (en conventionnel ou non conventionnel). Cependant, la présence prolongée sur le terrain d’unités ou d’équipes d’encadrement françaises dans des conditions rustiques, au côté des forces locales, doit se faire avec l’acceptation d’une certaine prise de risque sur les élongations sanitaires, les capacités de moyens d’appui rens-feux dédiés, le degré de protection des véhicules ou encore le volume du pion élémentaire autonome. Ces conditions d’emploi peuvent être appliquées à certaines unités conventi onnelles (type GCP-GCM, SAED/PRI ou équipes d’encadrement type DIA-PMO/OMLT) capables en semi-autonomie d’acquérir le «renseignement dit actionnable», créer l’incertitude chez l’ennemi et provoquer le respect et l’adhésion des troupes locales (forces armées nationales, milices).

L’assurance d’une complémentarité, et non d’une substitution, entre unités françaises et forces locales encadrées, dans une logique de passage de témoin progressif et de désengagement. Dans le cadre d’une stratégie d’influence sur le partenaire et de suprématie sur l’adversaire, l’engagement d’équipes­détachements d’encadrement auprès de troupes locales ne doit se faire qu’en complément de forces conventionnelles françaises ou occidentales, souvent seules à même de mener les grandes opérations de neutralisation. Déjà à l’époque, ce n’est qu’après avoir atteint un certain degré de maturité et appuyés par les forces classiques (spahis, chasseurs, tirailleurs, légionnaires) que les goums ont pu tenir pratiquement seuls un Maroc apaisé et unifié de 1939 à 1945, après trente ans de pacification. Même s’il a inversé le ratio entre troupes françaises et indigènes entre 1912 et 1925, Lyautey a toujours réclamé dans nombre de ses rapports le maintien de forces métropolitaines, seules à même de créer le rapport de forces favorable et la concentration des efforts à l’occasion des grandes opérations. Ainsi, dans le cadre de la modélisation d’une armée occidentale à vocation d’intervention, il serait dangereux d’imaginer que les effets recherchés sur l’espace aéro-terrestre peuvent être assurés par les seules troupes locales, appuyées de quelques équipes de cadres français au sol. Des divisions, des brigades ou des régiments de cadres, capables d’être projetés seuls en appui de pays alliés en guerre, dans un simple souci d’économie de moyens et d’empreinte faible au sol, ne pourront pas mener les opérations majeures qui font basculer la situation sur un théâtre. Le recrutement et l’engagement de forces locales permettent d’acquérir du renseignement et fournissent une masse de combattants indispensable dans le maillage du terrain, l’organisation de la manœuvre et l’obtention d’un rapport de force favorable. Pourtant la supériorité tactique et technologique des unités occidentales est primordiale pour porter des coups décisifs à un ennemi asymétrique menant une lutte de guérilla.

La combinaison entre troupes françaises et forces nationales (ou groupes particuliers plus agiles) pour assurer une reconquête militaire, administrative et économique des zones perdues. C’est ce qui est fait aujourd’hui en partie au Sahel au travers des OMCT15 et des opérations de la FC-G5S16. Mais la lourdeur de leur préparation, qui souvent évente l’effet de surprise sur l’adversaire, et leur aspect éphémère, au regard de leur impact médiocre sur le développement régional, montrent que ce genre d’opérations doit désormais dépasser l’objectif politico-militaire. Le maréchal Lyautey disait : « Les coups d’éclat qui défrichent les mauvaises herbes ne servent à rien si elles repoussent le lendemain. » Là encore, le rôle des forces locales comme agent du développement des régions reconquises est capital et leur accompagnement par nos forces est un capital immatériel que la France détient, notamment depuis l’armée d’Afrique.

La sélection d’unités aguerries, bien équipées, encadrées par des chefs connus, en somme pleinement crédibles, parmi les troupes locales sur chaque théâtre. Elles seraient capables de manœuvrer de façon privilégiée avec les forces françaises pour des opérations « coups de poing ». Envers ces dernières, seront fait un effort de formation tactique, éthique et technologique (notamment sur des SICs et cer­tains moyens RENS17 accessibles à tous), et de soutien logistique (équipements individuels, ravitaillement), incluant des cessions en mode réactif. Après étude sur ses conséquences opérationnelle (sécurité-confidentialité de notre dispositif) et organique (engagement juridique, procédures financières et d’achat, maintenance, etc.), une telle démarche mérite d’être envisagée et ce, dans les mois suivant notre engagement sur un théâtre, afin d’éviter toute rupture tactique et technologique entre les armées françaises et les forces locales amies. Elle donnerait confiance aux troupes locales, notamment pour répondre à l’opportunisme tactique et souvent technologique de l’ennemi.

L’unité de commandement, de décision et d’action sur les forces françaises et locales à l’échelle du théâtre considéré. C’est elle qui apporte la meilleure intelligence et agilité d’emploi au commandeur. Lyautey déléguait les opérations sur le théâtre à certains de ses généraux qui agissaient en permanence de concert, dans une manœuvre opérative globale où chaque effecteur (troupes régulières européennes ou indigènes, goums, OAI) était employé en appui, en complémentarité l’un de l’autre.

La constance dans la stratégie développée à l’égard des alliés et des adversaires. Aujourd’hui, le commandant d’une force a normalement la pleine maîtrise et la connaissance des alliances, de la nature des discussions officielles ou officieuses que la France entretient avec les différentes factions d’un conflit, sans avoir pour autant la même latitude que Lyautey18. Quelle que soit la complexité des relations entre gouvernement et partis d’opposition, ethnies ou tribus rivales ou encore l’historique des liens entre la France et telle ou telle composante, un choix unique national français doit être fait sur les troupes locales sur lesquelles la France souhaite s’appuyer. L’opacité et les alliances contradictoires provoquent des aigreurs, apparaissent comme des trahisons et se retournent souvent contre celui qui a modifié sa parole ou joué un double-jeu. Tout en marchant sur le fil de la lame entre Arabes et Berbères, Lyautey a toujours choisi le camp du Sultan vis-à-vis du Caïd de Fès, Moulay-Hafid, le Caïd Siba, Thami El Glaoui le maître des montagnes de Marrakech, ou encore le sécessionniste Abdelkrim. Malgré le romantisme entretenu à l’égard de la figure berbère19 et qui a souvent étreint les diplomates, les écrivains, les humanitaires et même les officiers français, Lyautey a toujours défendu une politique chérifienne alaouite et un recrutement de troupes locales fidèles à Mohamed V.

Le maréchal Lyautey a donc été le vrai fondateur de l’armée d’Afrique, composée en grande partie de troupes indigènes, en provoquant dans ses rangs ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui l’amalgame : une véritable estime mutuelle entre guerriers européens et arabo­berbères, forgée dans les combats mais également dans la conscience du développement d’un Maroc unifié et moderne. Elle s’est exprimée durant la pacification et le Protectorat et même au­delà. Elle s’est aussi manifestée en Europe parmi les troupes régulières : spahis de la Marne en septembre 1914, d’Uskub en septembre 1918, de La Horgne en mai 1940 ou de la vallée du Rhône en juin 1940. Elle s’est également exprimée au sein des troupes particulières, avec bien évidemment les goumiers du Garigliano, du débarquement de Provence de 1944 et ceux des combats des Vosges et d’Alsace à l’automne et à l’hiver 1944-45. Cette fraternité d’armes vantée par Lyautey reposait sur une sincérité et une équité relationnelles, une exposition également partagée au combat, un humanisme profond des officiers des armes ou des OAI, donc une confiance réciproque, un projet commun qu’était la construction d’un pays. Sous l’impulsion de cette « méthode Lyautey » employée auprès des troupes locales, la France a construit un Maroc pacifié et unifié.Aujourd’hui, même si le contexte a évolué et que la France n’intervient qu’en appui de nos camarades africains, la vision du maréchal Lyautey sur les relations à entretenir avec les armées nationales et les troupes locales reste d’actualité, avec tout de même quelques adaptations au contexte d’aujourd’hui d’engagement de nos forces. La coopération avec ces troupes locales, quelle que soit leur nature, tout en prenant certaines précautions de cohérence éthique et militaire, répond parfaitement à la majeure partie des facteurs de supériorité opérationnelle du combat d’aujourd’hui et de celui de demain.

 

 

 

13 À titre d’exemple, servaient au 1er Chasseurs d’Afrique en 1955 six lieutenants et capitaines marocains, totalement intégrés et en toute fraternité au groupe de leurs camarades français.

14Système Armé à Létalité Autonome.15O pération Militaire Conjointe Transfrontalière.16F orce conjointe interafricaine du Groupe des cinq pays du Sahel, qui lutte contre les trafics et le terrorisme, notamment dans les zones transfrontalières.

17 Les matériels cédés (téléphones portables, mini-drones civils, etc.), employés par certaines armées ou milices actuelles, n’entameraient en rien la sécurité de nos propres dispositifs.

18 À l’époque et pour le Maroc, il maîtrisait à la fois les outils de la puissance (la stratégie militaire, économique, culturelle) et ceux de l’influence (la diplo­matie). Par ailleurs, le niveau d’intervention que le niveau central pouvait assurer sur le commandement politico-militaire du Protectorat s’adaptait aux moyens de transmission et de communication du début du XXe siècle, qui de fait donnaient une certaine latitude au Résident. Celle-ci n’est plus envisageable aujourd’hui.

19 Montagnards de l’Atlas marocain, Kabyles d’Algérie ou Touaregs du Sahara et du Sahel.

 

 

Références bibliographiques ou numériques ayant servi à cet article Sur le maréchal Hubert Lyautey

« Du rôle colonial de l’armée » d’Hubert Lyautey. Revue des deux mondes (1900).

« L’action coloniale » d’Hubert Lyautey (1920).« Lyautey » d’André Maurois publié aux éditions Plon (1931).

« Lyautey l’Africain ou le rêve immolé » de Jacques Benoist-Méchin publié aux éditions Plon (1978).

« Lyautey » d’André Le Révérend publié aux éditions Fayard (1983).

« Lyautey : le ciel et le sable sont grands » d’Arnaud Teyssier publié chez Tempus Perrin (2009).Sur les forces locales : spahis et goumiers

« Le 1er spahis marocain » de Thierry Moné publié chez Lavauzelle.

« L’armée d’Afrique de 1830 à l’indépendance de l’Algérie » de Pierre Montagnon paru chez Pygmalion (2012).

Site de l’association La Koumia ( site www.lakoumia.fr).

Les Goums marocains 1908-1956/ L’Armée d’Afrique - Cercle algérianiste (site www.cerclealgérianiste.fr).

Histoire des Goumiers marocains : documentaire accessible sur You tube.Sur le partenariat militaire opérationnel

DIA-3.4.5.1_AMO sur le partenariat militaire opérationnel publié par le CICDE.Autres :

« De la Guerre en Afrique » du général Yusuf réédité aux éditions Lavauzelle.

« De la stratégie, de la tactique, des retraites et du passage des défilés dans les montagnes des Kabyles » : rapport du maréchal Bugeaud.

« L’Empire des sables. La France au Sahel-1860-1960 » d’Emmanuel Garnier publié aux éditions Perrin (2018).

« Guérilla dans le désert 1916-1918 » de Sir T.E. Lawrence réédité chez Broché (1992).

 

 

 

 

Séparateur
Titre : Le recrutement, la formation et l’emploi des troupes locales comme vecteur stratégique de succès chez Lyautey 4/4
Auteur(s) : le colonel Arnaud de LA GRAND’RIVE
Séparateur


Armée