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Les nouvelles conditions des opérations

TACTIQUE GÉNÉRALE, Emploi des forces armées et nouvelles conditions des opérations
Histoire & stratégie
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L’état classique de guerre ou de paix a cédé la place à une situation latente de crise dans laquelle les nations et les peuples subissent des tensions qui peuvent dégénérer en conflits armés. Sur un même théâtre d’opérations, les affrontements et les actions en faveur de la paix peuvent cohabiter. Les forces terrestres constituent aujourd’hui l’instrument principal par lequel une nation ou une coalition peut imposer sa volonté. Par leur contact permanent avec les différents protagonistes, elles jouent un rôle déterminant grâce à leurs capacités à symboliser un engagement politique, contraindre un adversaire, contrôler le milieu et influencer les perceptions.


Les actions terrestres

 

  1. Les caractéristiques du milieu

Dans les guerres symétriques ou dissymétriques, lorsque s’affrontent des armées animées du même but de vaincre et usant de moyens et de procédés de combat comparables, la manœuvre est liée à l’utilisation de l’espace physique. Le terrain en constitue le support et génère des éléments favorables ou défavorables à l’un ou l’autre des adversaires. Il est aussi l’enjeu essentiel de la manœuvre, car prendre, tenir, interdire certaines zones constituent autant de phases de celle-ci.

Dans le cadre de conflits asymétriques,  ces liens entre la manœuvre et l’espace sont plus complexes en raison de l’implication de la population. En effet l’action directe sur les belligérants n’est plus qu’un aspect de la manœuvre. Seule la maîtrise des espaces physique et humain permet le succès de la phase décisive de stabilisation.

 

L’action militaire se déroule alors sur un espace géographique qui s’impose dans toutes ses composantes y compris psychologiques et qui se nomme le milieu.

☛ Le milieu demeure avant tout physique ; son contrôle est indispensable

pour maîtriser les actions qui s’y déroulent.

☛ Mais il est aussi humain, car dépendant de la culture  des populations

qui l’occupent et qui l’utilisent pour subsister. Sa représentation mentale

a une importance considérable car elle fonde les comportements politiques. Elle permet de comprendre les causes d’un conflit, d’identifier les effets à obtenir et les actions à mener pour arriver à son dénouement. L’espace humain est en outre lié aux notions de pouvoir et d’intérêt qui s’expriment en termes de structures politique, administrative et économique. C’est pourquoi le milieu intègre d’autres espaces qui sont aussi sources d’enjeux :

 

  • l’espace politique, qui ne se limite pas aux découpages territoriaux mais qui comprend également les rapports entre les différents appareils d’Etat, les partis politiques et les groupes de pression.
  • l’espace économique, qui intéresse l’action militaire car son contrôle est essentiel pour stabiliser le théâtre. C’est le domaine des flux d’approvisionnement, d’énergie, d’armements et de financement des activités de guerre.

 

La zone urbaine est le lieu de pouvoir politique, social et économique, puisque s’y concentrent population, infrastructures et activités secondaires et tertiaires. Contrôler les villes est donc une condition nécessaire à l’exercice du pouvoir. La zone urbaine est aussi celle du pouvoir moral, culturel ou religieux. Il est des villes symboles parce que liées à des éléments d’identité des peuples. Enfin, certains belligérants peuvent considérer la population comme un atout à introduire dans le combat (notamment le combat asymétrique) en tant que “bouclier” ou enjeu.

 

  1. Les formes principales de l’action terrestre

Les forces terrestres disposent à la fois des capacités de mener des actions de force et d’obéir à des impératifs de maîtrise de la violence. Il s’agit dans ce dernier cas de s’adapter à l’évolution des situations, de combattre la violence dès sa manifestation au niveau le plus bas et de s’accommoder de conflits de plus en plus longs. L’action terrestre, autant psychologique que matérielle, exige d’inscrire dans la durée le déploiement de la Force.

Par leur action au sein des populations, les forces terrestres assurent trois finalités tactiques.

  • Contraindre l’adversaire : les forces terrestres mènent des actions décisives conçues et exécutées dans un cadre interarmées, combinant les feux dans l’espace aéroterrestre, les actions menées par les forces de contact, l’utilisation du terrain et les opérations d’information. Elles sont une composante indispensable pour emporter la décision sans nécessairement détruire l’adversaire, et la concrétiser ensuite sur le terrain pour faire diminuer le niveau de violence.
  • Contrôler le milieu physique et humain consiste à assurer la sûreté des populations et des forces déployées sur le théâtre d’opérations, à limiter la liberté d’action de l’adversaire, à assurer la liberté de mouvement et enfin à faciliter des actions décisives. La domination de l’espace terrestre exige des moyens variés et nombreux ainsi qu’une coordination avec les autres armées.
  • Influencer les perceptions : dans un contexte où l’action armée doit être maintenue à un niveau minimum, c’est par la présence, la communication, le conseil et l’assistance que le succès est en partie obtenu. Il s’agit de restaurer la confiance afin d’empêcher toute résurgence de la violence, de conseiller les administrations locales pour relancer la vie sociale, économique et civique et d’instaurer la sécurité tout en préservant le soutien des opinions publiques.

 

L’évolution de la manœuvre terrestre

Les évolutions du contexte des opérations et de leur environnement, mais également les nouvelles technologies, ont conduit à une modification de la manœuvre terrestre.

 

 a/Les contraintes de l’engagement terrestre

 

La non linéarité  et la lacunarité constituent deux nouvelles conditions d’une manœuvre qui se déroule à la fois dans un espace élargi où s’atténuent les notions de ligne de contact, d’arrière et de profondeur et dans un milieu encombré de nombreux protagonistes.

❐ La non linéarité

Pendant la guerre froide, le combat se concevait de façon linéaire sur une ligne de front qui permettait de distinguer ligne de contact et profondeur, zones amie et ennemie. Désormais, comme l’ont démontré les récents conflits dissymétriques, la manœuvre vise essentiellement l’adversaire et se soucie moins du contrôle du terrain pour lui-même.

Plusieurs raisons ont fait évoluer la manœuvre vers cette non linéarité  du champ de bataille. La première est la diminution du nombre de forces engagées qui limite la possibilité de contrôler l’ensemble du terrain. La deuxième tient à la capacité nouvelle de délivrer des feux en n’importe quel point d’une zone, même si celle-ci n’est pas occupée par des éléments de la Force. Enfin, la menace disséminée que représente un adversaire asymétrique ou irrégulier impose de concevoir un combat omnidirectionnel.

❐ La lacunarité

La lacunarité est la conséquence directe de la non linéarité. Le chef militaire doit étudier la conduite de sa manœuvre dans un espace terrestre où il aura à assumer la présence provisoire de “zones vides”.

 

  • Ces zones peuvent être laissées intentionnellement vides pour des raisons opérationnelles, politiques ou humaines.
  • A contrario, les zones urbaines, îlots de fortes concentrations d’acteurs et d’objectifs opérationnels et logistiques, tendent à focaliser l’action terrestre.
  • Mais la lacunarité avantage l’adversaire asymétrique ; la rébellion tend en effet à subsister dans des zones où le fort est faible et où les espaces vides offrent des refuges aux rebelles. C’est le contrôle du milieu - dont l’occupation de l’espace - qui permet d’exercer une pression dissuasive sur les rebelles dans leurs zones de refuge et d’asseoir la stabilisation.

 

Ainsi, les actions terrestres se concentrent lors de la phase d’intervention dans des zones parsemées sur l’espace de manœuvre avant de s’y répandre pour assurer la domination indispensable à la stabilisation. C’est l’occupation progressive par tache d’huile pour reprendre le terme du général Gallieni6. Le cercle d’occupation s’étend comme une tache d’huile faisant augmenter le rayon de protection et permettant de refouler les poches de résistance et les

rebelles. Cela permet de diminuer la superficie du territoire sous influence de l’adversaire tout en protégeant ses forces et d’organiser les zones géographiques contrôlées en favorisant le retour d’une vie normale. Ce procédé nécessite un effectif important, peu compatible avec le format des armées professionnelles occidentales. Il impose donc le recours aux forces locales, aux nouvelles technologies (drones, robots, etc.) ainsi qu’une coopération interarmées renforcée pour appuyer l’action des forces terrestres. Il en résulte la nécessité de concéder à chaque niveau tactique une autonomie accrue et la mise à disposition d’appuis complémentaires.

 

 b/L’apport des nouvelles technologies dans la manœuvre

Le développement des technologies a considérablement amélioré les performances des moyens militaires. Il contribue à l’adéquation de l’action terrestre aux nouvelles conditions déjà décrites, caractérisées par la dispersion et l’imbrication. Cependant si la technologie constitue un moyen modifiant les conditions du combat, elle ne change pas la nature de la guerre qui demeure un phénomène profondément humain. Elle ne dispense pas en particulier de la nécessité de déployer au sol des forces nombreuses capables de durer.

Pour l’essentiel, les progrès récents concernent l’accès à la connaissance ainsi que l’amélioration des performances techniques de certaines capacités de combat. Ils ont un impact important sur les procédés de combat, l’organisation des dispositifs et des systèmes de commandement et la gestion de l’information.

 

❐ La connaissance des situations

L’amélioration de la connaissance touche d’abord celle de la situation amie et de l’espace physique. Cette évolution a un impact important sur la perception de son propre dispositif ainsi que sur la possibilité et les délais nécessaires pour l’aménager. Elle est aussi de nature à apporter une aide importante aux troupes engagées pour se coordonner lorsqu’elles sont imbriquées.

La connaissance de la situation adverse connaît également de sensibles améliorations. La permanence et la complémentarité des capteurs de tous types et la rapidité du traitement de l’information, facilitent la connaissance des faits matériels et physiques. Cette meilleure appréciation de l’adversaire permet de raccourcir la boucle de décision visant à lui appliquer les effets recherchés.

Il en résulte une accélération générale du cycle information, conception, décision, action. Elle concourt à la prise d’ascendant et à la maîtrise de la situation en imposant son rythme et ses initiatives à l’adversaire.

❐ La maîtrise des actions de combat

Le deuxième grand facteur d’amélioration concerne la précision des feux ; ce phénomène intéresse en particulier ceux de l’artillerie. Il influe particulièrement sur la tactique élémentaire dans un contexte asymétrique dont une des caractéristiques est la dispersion des moyens et l’imbrication des troupes avec l’adversaire et la population.

L’artillerie peut désormais accéder au coup au but grâce à de nouvelles munitions dotées de guidage terminal. Cette performance conforte l’action des feux indirects au cœur de la manœuvre et réduit notablement les contraintes de la logistique dont les tonnages sont dus à 75% aux munitions.

En outre, et même si elle ne peut plus être présentée comme une nouveauté, l’aptitude au combat de nuit donne à celui qui la maîtrise une supériorité décisive par rapport à un adversaire démuni. Ce point est particulièrement important en milieu urbain7 et dans un contexte asymétrique car il restreint la liberté d’action adverse quand elle était jusqu’alors maximale. Cet avantage impose de favoriser les interventions nocturnes ainsi que les adaptations structurelles et matérielles des unités pour accéder à cette capacité et la maintenir.

 

La confrontation de légitimités

Communiquer sur les campagnes militaires afin d’en montrer le bien-fondé ne date pas d’aujourd’hui : César rapportant sa guerre des Gaules, Napoléon mettant lui-même la main à certains des bulletins de la Grande Armée en sont des exemples célèbres. A partir du XXe  siècle, se développèrent des conceptions élargies de la propagande, puis de la guerre psychologique afin de dénoncer l’adversaire. Le nouveau contexte stratégique est plus complexe car les opérations militaires ne visant plus à défendre les intérêts vitaux, il devient nécessaire de préserver le bien-fondé de celles-ci auprès de l’opinion publique.

Dans le même temps, sur le théâtre d’opérations lui-même, les belligérants ou les divers acteurs de violence prétendent tous détenir une légitimité, c’est- à-dire agir au nom d’un peuple, d’un idéal politique, religieux ou culturel. Il en découle une confrontation de légitimités qui encadre et motive la confrontation par les armes.

Sa légitimité n’étant jamais définitivement acquise, la ”Force mandatée” doit l’entretenir en permanence.

  • Sur le théâtre, la recherche de l’adhésion  vise  à  rendre  le  contexte propice à la réalisation de la mission en obtenant la bienveillance, et si possible le soutien des acteurs clés, à savoir les autorités, les médias et l’opinion. L’explication des objectifs, l’information sur la mission, la réfutation de messages erronés, voire hostiles, contribuent à convaincre de la  légitimité  des  opérations.  Des  actions  d’influence  seront  également mises en œuvre afin d’infléchir la détermination adverse. Enfin, la lutte contre la propagande et l’endoctrinement des populations constitue un mode d’action essentiel.
  • Au niveau tactique, la crédibilité est le fait de l’ensemble des unités et repose sur leur comportement. Elle se gagne dans le contact quotidien avec les divers protagonistes afin de donner une perception favorable de la mission et des perspectives qu’elle ouvre.

 

Les opérations subissent une influence accrue du milieu due à la forte implication de la population et à la maîtrise nécessaire de l’espace physique mais aussi humain dans toutes ses composantes : culturelle, politique et économique.

Le contrôle global du milieu devient alors un impératif commun aux différentes formes de l’action terrestre. Il se manifeste lors du continuum des opérations par l’adoption d’une manœuvre qui concilie le manque de continuité de la zone des opérations en phase d’intervention, puis le renforcement du contrôle de l’espace en phase de stabilisation.

Les nouvelles technologies y contribuent par une meilleure maîtrise des effets et de la situation physique.

La maîtrise du milieu suppose que la Force préserve en permanence sa légitimité.

 

Les deux batailles de Falloujah et les médias.

Le 30 mars 2004, quatre mercenaires américains de la société Blackwater tombent dans une embuscade en plein cœur de Falloujah, la ville la plus dangereuse d’Irak à ce moment-là. Ce n’est pas la première fois que des contractors sont attaqués mais cette fois, leur mort et surtout la mutilation des corps sont filmées. Les images apparaissent presque immédiatement sur tous les médias du monde. Ce qui n’était qu’un épisode mineur d’une guerre meurtrière devient d’un seul coup un affront au peuple américain pour qui ces images évoquent immanquablement celles des Rangers traînés et mutilés par la foule de Mogadiscio en 1993. Ce contexte entraîne l’absolue nécessité pour le gouvernement Bush de laver l’affront. La première division de Marines est alors engagée dans une vaste opération de coercition, à l’opposé de la politique de contrôle progressif qu’elle voulait appliquer.

Le 5 avril, les Marines entreprennent d’assiéger méthodiquement Falloujah. Leur action est alors enrayée par une équipe de la chaîne d’information Al-Jazira qui diffuse tous les jours des images depuis l’hôpital de la ville et s’efforce de décrire la bataille comme un carnage. De leur côté, les journalistes occidentaux, pour la plupart américains, développent le thème spectaculaire d’un nouveau Hué, la plus grande bataille urbaine de la guerre du Vietnam, quitte à passer en boucle chacune des rares frappes aériennes. Tout cela donne une image déformée de la situation aux opinions publiques, mais aussi aux décideurs politiques américains, plus sensibles aux médias qu’aux images officielles plus lentes à leur parvenir. Face aux risques d’un désastre médiatique, le gouvernement américain ordonne dès le 10 avril une pause dans les opérations. Malgré l’absence de véritables engagements, les Marines sont obligés de lever le siège au début du mois de mai.

Lorsqu’ils entreprennent une nouvelle fois la conquête de Falloujah au mois de novembre 2004, les Marines commencent par s’emparer de l’hôpital de la ville, pour priver la rébellion de toute image dramatique. Al-Jazira a été interdite sur le territoire irakien et chaque compagnie de Marines s’engage avec quatre ou cinq journalistes “embarqués”. Le plan d’opérations prévoit de s’emparer de la ville en quelques jours seulement afin d’éviter un blocage semblable à celui d’avril.

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Titre : Les nouvelles conditions des opérations
Auteur(s) : FT-02
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