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Lyautey, une référence à perte de vue

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Les Cahiers consacrent régulièrement quelques unes de leurs lignes au Maréchal Lyautey. En cette année qui marque le 90ème anniversaire de son départ officiel du Maroc, il nous a paru important de nous rappeler qui était cet homme, chef militaire, personnalité politique, philosophe, qui a compté et compte encore beaucoup d’admirateurs, mais aussi nombre de détracteurs. Cet hommage sera rendu par le biais d’une série d’articles pour lesquels nos remerciements vont particulièrement à la Fondation Maréchal Lyautey et à son président, le Colonel (H) Pierre Geoffroy[1].

 

[1] Le vice-président de l’association est le Général d’armée de Lapresle, membre de Minerve


À première vue, le fait de classer Hubert Lyautey (1854-1934), maréchal de France et académicien, parmi les humanistes peut satisfaire ceux qui ne se réfèrent qu’à des normes habituelles. Or, cet homme de génie, souvent insaisissable, refusait, et à juste titre, de se laisser enfermer dans des clichés. Nombreuses sont les raisons qui font de lui, non seulement un symbole, mais une référence pour les hommes de notre temps, tant par son exemple que par ses visions à perte de vue, bien au-delà de l’horizon masqué par un «enfumage» permanent et soigneusement dosé.

 

À voir avec quel fanatisme les «forces du mal» s’acharnent à tout détruire, il ne peut plus y avoir de doute sur l’intérêt de se référer à un véritable homme d’État et de puiser dans ses propos et ses actes des idées et de l’énergie. Et l’urgence s’affirme de jour en jour car, plus le temps passe, plus nous nous éloignons des repères indispensables de notre culture. Si nous ne réagissons pas, ces jalons finiront pas devenir invisibles et disparaître. L’inévitable évolution de la société pourrait être une justification si elle allait dans le bon sens. Mais, aujourd’hui, on confond insidieusement liberté et permissivité, volonté et velléité, incivilité et délit, tolérance et démission.

 

Tout bien réfléchi, la pierre angulaire d’une société où il fait bon vivre est bien le respect, tous les respects, à commencer par celui de soi-même, respect de l’autre, certes, et de ses convictions, mais respect qui ne confond pas tolérance et relativisme, ce fléau selon lequel tout finirait par se valoir.

Autour du respect doit s’articuler bon nombre de vertus qu’il revient d’abord à la famille et à l’école d’inculquer, avec l’aide de toute structure non manipulée concourant à la formation physique, morale et spirituelle de la jeunesse, et ensuite de cultiver dans un environnement souvent difficile; cela demande des efforts. La suppression, au lieu d’une modernisation devenue nécessaire, du service national n’a rien arrangé. On n’a pas su ou pas voulu tenir compte de son rôle dans le brassage social, la formation morale, civique, patriotique et quelquefois professionnelle, le sens du devoir et le goût de l’effort.

 

Ce sont justement les efforts de toute sorte que refuse notre société. Elle privilégie la facilité, le laisser-faire, le laisser-vivre qui, comme l’oisiveté du dicton, mènent à tous les vices. Au bout du chemin, il y a l’anarchie que guettent, sinon favorisent ceux qui rêvent de dictature.

 

Lyautey, quant à lui, fait irruption sur la scène publique en 1891, avec la parution dans la Revue des Deux Mondes du célèbre article intitulé «Du rôle social de l’officier dans le service universel». Il livre sans ménagement le fruit de ses réflexions et de son expérience, ce qui fait l’effet d’une bombe. Elle est explosive à de nombreux titres.

 

Il s’attaque aux pratiques en cours dans son milieu, l’armée, et propose des progrès empreints d’humanisme; il étend son propos, qui définit les bases d’un management à visage humain, à «tous les dirigeants sociaux» ; il transgresse les règles de la «Grande muette» ; il oblige à des réactions et à des prises de position tant de la part des militaires que des civils. En outre, ses propos ne sont pas les élucubrations sans lendemain d’un «intellectuel», mais les conseils d’un homme de terrain qui joint l’action à la parole.

 

En tout cas, pour Lyautey, c’est un tournant aussi bien dans sa carrière que dans sa vie. Précurseur dans la communication, ses réseaux vont se développer et favoriser la diffusion de ses idées. Sans négliger pour autant de farouches inimitiés, le bruit persistant fait autour de cet article lui permet de faire de nouvelles rencontres et de nouer de fidèles amitiés. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Paul Desjardins, professeur de lettres normalien qui l'invite à participer à la création de «l'Union pour l'action morale» concrétisée le 11 janvier 1892 par la réunion de personnages très divers de formation et de profession[1].

 

Le programme de «l'Union pour l'action morale» est défini dans un manifeste rédigé par un comité de cinq rédacteurs dont Lyautey et Desjardins. Il s'intitule «Notre raison d'être», et Lyautey le portera toujours sur lui: «Notre esprit est un esprit de solidarité, de justice, de liberté, de respect pour la personne humaine. Si diverses que soient nos croyances, si dissemblables que soient nos milieux, nous avons tous cette conviction commune que c'est pour l'homme un devoir positif de se dévouer et d'agir. Nous estimons donc que toutes les façons de vivre ne sont pas équivalentes, nous combattons le nihilisme moral, quelque nom qu'il porte, nous croyons à la nécessité, à l'efficacité de l'effort. Nous sommes persuadés que dans notre société émiettée les divisions sont plus factices et moins irréductibles qu'elles ne paraissent, et que dans une commune recherche de la paix sociale et de l'union nationale peuvent se rencontrer des hommes de bonne foi dégagés de tout esprit de secte et de parti.

Le programme de notre tentative est celui-ci: créer un Centre où nous puissions mettre en commun nos bonnes volontés, faire concorder nos moyens d'action et s'entraider nos oeuvres, dissiper par le rapprochement ce qui entre nous n'est que malentendus et réagir contre cet état anormal où tout homme, toute œuvre semblent enfermés dans une confession, une profession, un parti. Le fait d'adhérer à notre réunion n'implique pas autre chose que la reconnaissance de ces principes et le consentement à ce programme. Chacun sous sa seule responsabilité continue à agir dans son milieu, mais avec un zèle accru par le sentiment de notre coopération. Nous croyons fermement que notre tentative répond à un besoin présent, d'ailleurs nous la considérons comme un devoir, c'est dire que les difficultés ne sauraient nous en dégager».

 

Imaginons que ce document fasse l’objet d’une étude de texte dans nos écoles. Quelle levée de boucliers de la part d’un grand nombre de ceux qui enseignent et de ceux qui pratiquent ce que Lyautey appelle le «nihilisme moral»! Cette seule perspective devrait inciter les «hommes de bonne volonté» à s’unir pour défendre nos valeurs fondamentales.

 

Dans ce but, au fil de sa carrière, Lyautey n’a jamais manqué dans ses discours, ses écrits, de développer les idées forces contenues dans ce texte, et même de les répandre grâce à des formules à l’emporte-pièce – de véritables «tweets» avant l’heure – frappées au coin du bon sens. Pour se fondre dans l’actualité, il serait opportun de tweeter ce qu’énonçait celui qui était sans cesse à la recherche du «dénominateur commun» qui unit les hommes: «Dégager ce dénominateur commun, c'est dégager les communes raisons de vivre et d'agir, dégager ce qui rapproche et éliminer ce qui divise».

 

On est à l’opposé de toute méthode qui consiste à rechercher, à attiser et même à créer des sujets de discorde et à tirer profit des dissensions, voire de la haine engendrée et entretenue. À la formule agressive «diviser pour régner», Lyautey substitue et prône une formule respectueuse de l’intérêt général: «Rechercher ce qui unit et fuir ce qui divise». Dans un même élan, avec son expérience et son sens de la continuité, il interpelle ses détracteurs comme ses amis avec une règle de bon sens: «Vivre, pour les sociétés comme pour les hommes, c'est conserver et réagir. Méditez ces mots vigoureux que la politique a déformés et pollués, et dites-vous que conserver c'est s'opposer à détruire et réagir ne jamais s'abandonner. Voilà dans quel sens on doit être, à mon avis, conservateur et réactionnaire!»

 

[1] On y trouve trois capitaines (Hubert Lyautey, Antonin de Margerie et Georges de Miré), deux universitaires, un pasteur, un prêtre, un éditeur, un industriel, un sociologue, un écrivain et un artiste.

 

 

Le Colonel (er) Pierre GEOFFROY a effectué plusieurs campagnes; d’abord volontaire en Indochine (1953-1954) puis en Algérie (1955-1962), où il a été notamment officier des Affaires algériennes. Dès sa retraite en 1981 il commence une seconde carrière à plusieurs volets, en créant un cabinet conseil, en étant conseiller municipal, en présidant divers organismes et en fondant, entre autres, l’Association nationale Maréchal Lyautey et la Fondation éponyme auxquelles, en tant que président, il consacre beaucoup de temps et d’énergie. Il a écrit de nombreux articles sur le maréchal.

Le colonel est chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’Ordre national du mérite, officier de l’ordre marocain du Ouissam alaouite mais également chevalier des Palmes académiques.

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Titre : Lyautey, une référence à perte de vue
Auteur(s) : le Colonel (er) Pierre GEOFFROY
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