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Mata Hari, ou le badinage fatal 1/2

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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Mata Hari… Il y a 100 ans, à quelques mois près, la plus célèbre espionne de la Grande Guerre était arrêtée, condamnée et exécutée. Lequel des lecteurs des Cahiers ne s’est jamais intéressé à l’histoire et à la vie de cette femme hors du commun, aux écrits ou aux films qu’elle a inspirés? Mais comme le souligne l’auteur de cet article, la réalité a été tellement travestie au fil des années qu’il est aujourd‘hui difficile de démêler le vrai du faux dans le parcours de cette aventurière.

Nous remercions donc chaleureusement le Lieutenant-colonel Lahaie, contributeur fidèle des Cahiers, de rétablir dans cet article la vérité, grâce à un rigoureux travail de recherche historique.


Mata Hari… Rarement une affaire d’espionnage aura suscité autant d’écrits et de débats contradictoires, de passion même. Le destin de la danseuse hollandaise a été source de récits tellement fantaisistes qu’il est bien difficile ‒ encore aujourd’hui ‒ d’y voir clair. Fort heureusement, le dossier du 3ème conseil de guerre qui l’a jugée a été intégralement conservé au Service historique de la Défense (château de Vincennes). Nous nous en sommes servis pour revenir aux faits eux-mêmes. Nous avons aussi fait appel aux témoignages les plus dignes de foi pour percer les motivations de Mata Hari. Pour retourner aux sources de la vérité, il conviendra donc, en premier lieu, de rétablir une chronologie exacte de ce qui fut ‒ disons-le dès à présent ‒ un flagrant délit d’espionnage, pour répondre au final à la question que d’aucuns persistent à se poser contre vents et marées : «A-t-on fait fusiller une innocente ‒ vedette internationale et prostituée de luxe ‒ dans le but de servir de faire-valoir aux services de contre-espionnage (C.E.) français»?

 

De Margaretha Geertruida Zelle à Mata Hari

Margaretha Geertruida Zelle est née le 7 août 1876 à Leeuwarden en Hollande. À 18 ans, elle se marie avec un officier de la marine néerlandaise, de 19 ans son aîné, Rudolf Mac Leod, avec qui elle part vivre dans l'est de l'île de Java. Elle y apprend quelques mots de javanais et s’initie aux danses locales. Deux enfants naîtront, dont l’un décèdera en 1899. En 1902, le couple revient à La Haye et se sépare. En novembre 1903, Marguerite Zelle arrive à Paris. Elle se fait appeler «Lady Mac Leod» et, pour survivre, se fait entretenir, mi-courtisane, mi-prostituée…

Début 1905, elle commence à composer son rôle de danseuse orientale. Emilie Guimet, orientaliste fortuné, l'invite à venir danser dans la bibliotèque du musée qu’il a fondé, transformé en temple hindou pour l'occasion. Sous le pseudonyme de «Mata Hari» ‒ ce qui signifie «soleil levant» en malais ‒ elle y triomphe dans un numéro mi-érotique, mi-exotique. Élancée, ténébreuse et sensuelle, elle apparaît quasiment nue devant son public. Elle ose tout dans cette société du premier XXème siècle encore extrêmement rigoriste... Les hommes sont envoutés. Devant son succès parisien, Gabriel Astruc devient son imprésario. Elle se produit à l'Olympia en août 1905; l’artiste gagne alors 10.000 francs par spectacle. Vêtue de somptueuses tenues orientales, tout autant imaginaires que légères, elle parcourt ensuite les capitales européennes, guettée par les journalistes qui se délectent de ses confidences, prenant pour argent comptant ses multiples inventions sur son passé. Véritable courtisane, elle aime fréquenter les officiers et les hommes politiques, se préoccupant peu de leur nationalité (ce qui lui sera reproché lors de son procès). En 1907, elle séjourne à Berlin et devient l’amante du Lieutenant Alfred Kiepert. Il l’oblige à arrêter ses spectacles. Ils finissent par se séparer. Revenue à Paris, la carrière de Mata Hari peine à redémarrer; endettée, elle en est réduite à jouer dans des spectacles plus populaires et n’hésite pas se prostituer dans des maisons closes. En février 1914 à Berlin, un membre du service de renseignements (S.R.) allemand lui propose déjà de l’engager. Elle revient en France… Fin juillet, l’artiste se rappelle au bon souvenir de son ex-amant Adolphe Messimy, alors ministre de la Guerre… Le déclenchement du conflit finit de la ruiner. En septembre, elle rentre en Hollande.

 

L’espionne «H. 21»

En décembre 1914, à La Haye, Carl Krämer ‒ consul général d’Allemagne et intermédiaire du service secret ‒ engage Mata Hari. Vedette de spectacle, polyglotte, elle voyage beaucoup et sera donc moins suspectée de se rendre d’un pays à l’autre… Elle accepte 30.000 marks pour rapporter des informations de France. En janvier 1915, le contre-espionnage français qui la suit s’inquiète de ses activités; mais on ne relève aucun grief contre elle. Elle vend son hôtel luxueux de Neuilly-sur-Seine et choisit de retourner à La Haye vivre une vie plus modeste.

En novembre, Krämer se rend chez Mata Hari et lui propose encore 20.000 francs pour ramener des renseignements de Paris. Elle accepte, devenant cette fois officiellement l’agent «H. 21». Elle reçoit trois fioles (une encre secrète et ses révélateurs) pour rédiger ses rapports. Mata Hari s’embarque pour la France, via l’Angleterre. Lorsque son bateau est arraisonné par les Anglais, elle jette ses fioles par-dessus bord. On la force à débarquer à Folkestone pour être interrogée par le «MI 5»[1] qui désire connaître son identité véritable. On la libère. Le 3 décembre, elle est à Paris et fréquente nombre d’officiers, ainsi que le marquis Pierre de Clergerie qui chiffre les messages du Quai d’Orsay. Inutile de préciser qu’elle est filée par les inspecteurs de la Sûreté générale…

Le 10 janvier 1916, Mata Hari opte pour le retour en Hollande via Barcelone et Lisbonne. En Espagne, elle est conjointement surveillée par les Anglais et les Français… En février, un rapport du «MI 5» s’inquiète de la personnalité trouble de la danseuse.

Revenue dans son pays, Mata Hari est accueillie par Krämer; elle lui livre quelques potins, glanés dans la capitale... En avril, le Colonel Nicolaï (chef du S.R. allemand) étudie le dossier de Mata Hari. Elle passe pour être «un agent médiocre» dont la formation doit être «reprise, si l’on souhaite en tirer quelque chose». La première semaine de mai, elle suit donc un entraînement spécifique à Francfort, obtenant des résultats passables. Sa formatrice raconte: «Elle possédait une étonnante facilité d’adaptation, mais n’avait aucune disposition pour les choses de l’espionnage. Superficielle dans ses observations, intempestive dans ses rares initiatives, inconséquente et passive dans les grandes occasions, elle se montra toujours incapable d’assimiler les données essentielles des encres sympathiques et du chiffrage». «H. 21» est renvoyée à Paris, nantie d’une rétribution de 15.000 francs. Le 17 juin, elle arrive à pied d’œuvre; la danseuse, suspecte, est filée en permanence par la police et le contre-espionnage militaire… Elle ne mène pas grand train, et on note qu’elle fréquente énormément d’officiers franco-britanniques.

Un mois plus tard, un rapport apprend au Capitaine Georges Ladoux ‒ chef de la «Section de centralisation des renseignements»[2] ‒ que Mata Hari a l’intention de se rendre en cure à Vittel, mais qu’elle craint de ne pas obtenir les autorisations nécessaires.

Ladoux songe à lui proposer de faciliter ses démarches, souhaitant la retourner pour en faire un agent double. Le 31 juillet, «la femme Zelle» (comme spécifié dans les rapports de filature) se voit refuser son laissez-passer pour se rendre à Vittel; en effet, la ville est située dans la zone des armées et abrite un aérodrome… On lui conseille de se rendre au «Bureau des étrangers» au 282, boulevard Saint-Germain, adresse qui abrite aussi le bureau de Ladoux. Le 1er août, se produit la première rencontre entre Mata Hari et le capitaine. Il lui propose de l’engager. Elle ne se prononce pas sur cette proposition, se contentant de demander un laissez-passer pour Vittel (ce que Ladoux refuse).

La Hollandaise visite Pierre de Margerie[3] pour lui demander conseil sur un engagement potentiel au sein des services secrets français; celui-ci tente de l’en dissuader.

Les choses pourraient dès lors en rester là ‒ et les plans de Ladoux s’effondrer sur eux-mêmes ‒ si, parfois, le destin ne se manifestait pas… En effet, le 3 août, Mata Hari rencontre celui qui va être son dernier amour et, sans aucun doute, un personnage déterminant pour la suite des événements. Il s’agit du Capitaine Vadim Massloff, officier au 1er régiment spécial russe, et qui a vingt ans de moins qu’elle. Le 8, la danseuse retourne voir Ladoux. Si elle parvient à partir pour Vittel, Massloff ‒ qui, blessé, est en convalescence à Châlons-sur-Marne ‒ pourra venir la voir. Elle consent donc à réfléchir à la proposition de Ladoux. Le 28, Mata Hari obtient son permis de séjour dans la zone des armées. 

Le 1er septembre, c’est toujours étroitement surveillée qu’elle descend au «Grand Hôtel des Bains». Le 16, elle revoit Ladoux à Paris; elle lui confirme qu’elle accepte de travailler pour lui en Allemagne ou en Belgique occupée: «Je fréquenterai l’état-major allemand en Belgique. Je n’ai pas l’intention de traîner là-bas pendant plusieurs mois dans de petites affaires. Je ferai un grand coup, un seul, puis je m’en irai. Je demande un million». Le tarif est élevé, mais Ladoux paraît le trouver acceptable. Il lui déclare cependant: «Si vous nous trahissez, vous apprendrez que nous le savons devant le conseil de guerre». Troublée, la danseuse quitte son bureau sans prendre la peine de demander une avance, alors qu’elle est sans un sou. Pour financer son déplacement, elle a l’audace de demander 5.000 francs aux services secrets du Reich, sous la forme d’un chèque qu’elle retirera au Comptoir d’escompte!

Le 17 octobre, Mata Hari se rend dans les locaux de la Section de centralisation des renseignements (S.C.R.) et, le soir, envoie un télégramme à Ladoux. Elle en expédie un second le 19. Les 20, 23, et 31, elle retourne dans les bureaux de la S.C.R.

Le 4 novembre, Mata Hari touche son chèque, expédié par sa domestique chez le consul des Pays-Bas à Paris. Le lendemain, elle prend le train pour Madrid. Sur place, l’attaché militaire allemand von Kalle lui remet encore une somme de 3.500 pesetas. Enfin, le même attaché, dans un radiogramme à ses chefs, les informe que, dès son imminent retour à Paris, «l’agent H. 21 désire recevoir, sans délai, par l’intermédiaire de sa domestique Anna Lintyens, du consul d’Allemagne à Amsterdam et du consul de Hollande à Paris, un autre chèque de 5.000 francs». Le 9, le bateau de Mata Hari ‒ qui est en route pour la France ‒ est dérouté sur Falmouth par les Britanniques; elle est interrogée par la «Special Branch» de «Scotland Yard». Le C.E. semble la prendre pour une certaine Clara Bénédix, autre espionne ennemie… Elle confie aux enquêteurs qu’elle fait partie des services secrets belges et français. Consulté par télégraphe, Ladoux nie connaître la danseuse et demande à ce qu’elle soit refoulée vers l’Espagne. Le 21, Mata Hari quitte Liverpool; elle arrive à Madrid le 8 décembre. Sur place, elle est en permanence suivie par des agents de la Sûreté. Elle écrit à Ladoux pour lui raconter ses déboires, puis à Kalle, l’attaché allemand; elle sollicite de ce dernier une entrevue, qu’elle obtient. Elle lui fournit de faux renseignements et lui demande encore 10.000 francs (que Kalle ne lui verse pas). En soirée, elle envoie un compte-rendu à Ladoux.

Le 11, la danseuse confie au Colonel Denvignes - attaché militaire français à Madrid ‒ qu’elle travaille pour le S.R. français et lui raconte sa visite chez Kalle. Deux jours plus tard, l’attaché allemand entame un curieux échange de télégrammes avec Berlin… S’il rend compte de ses tractations avec Mata Hari et demande des instructions, il utilise un code secret périmé que le service secret allemand sait avoir été percé par les Français. Par ailleurs, sans nommer expressément Marguerite Zelle, il donne une série de détails permettant à des enquêteurs de pouvoir remonter jusqu’à elle. Or, ces messages, captés par la station TSF de la Tour Eiffel, serviront ultérieurement à confondre l’espionne… Le 13, Kalle en expédie deux. Le 23, un troisième télégramme est également intercepté par les Français: d’autres indices sont encore mis à la disposition du C.E; le plus fort, c’est qu’il arrive à Kalle en provenance du ministère des affaires étrangères de Berlin!

Sans savoir tout ceci, Mata Hari retourne voir Kalle; elle touche de lui 3.500 pesetas. Le soir même, elle écrit une longue lettre à Denvignes en donnant des renseignements qu’elle dit avoir soutirés à l’attaché allemand. Le 26, Kalle télégraphie encore à Berlin pour rendre compte du versement de la somme à «H. 21». En prévision du déplacement de la danseuse sur Paris, il commet une indiscrétion supplémentaire qui identifie un peu plus l’agent.

Deux jours plus tard, Mata Hari demande à Kalle de faire expédier 5.000 francs au Comptoir d’escompte de Paris. Une fois de plus, l’attaché en rend compte immédiatement à Berlin et précise que l’arrivée de «H. 21» en France est imminente. Et évidemment, le texte de la communication est capté par la Tour Eiffel…

Le 2 janvier 1917, Mata Hari quitte Madrid; le 4, elle est à Paris. En soirée, elle se rend au ministère de la Guerre pour tenter de voir Ladoux: c’est un échec. Le 5, Berlin s’inquiète auprès de Kalle d’un rapport secret de «H. 21» qui ne lui est pas parvenu. Sur ces entrefaites, Mata Hari retourne au 282, Boulevard Saint-Germain et demande à voir Ladoux. On lui répond qu’il est absent. Même réponse le lendemain. Le 7, elle parvient à être reçue. Ladoux met en doute la valeur des informations transmises par ses soins depuis Madrid. Et quand elle demande à être payée, il refuse. Une semaine plus tard, elle lui écrit, se proposant encore une fois pour accomplir une mission: «Que voulez-vous de moi? Je suis disposée à faire tout ce que vous désirez, je ne demande pas vos secrets, je ne veux pas connaître vos agents; je suis une femme internationale; ne discutez pas mes moyens, ne gâtez pas mon travail par des agents secrets qui ne peuvent pas comprendre».

Le 16, Mata Hari se fait expédier de Hollande, par l’intermédiaire de sa servante, 5.000 francs, qu’elle empoche chez le consul général de Hollande à Paris. Dans la soirée, elle renoue avec un ancien amant; il écrira plus tard: «J’ai gardé de Mata Hari un souvenir bizarre. Les qualités et les défauts formaient un mélange singulier chez cet être complexe. Elle alliait les ruses d’un animal sauvage à d’étranges naïvetés. Elle était vaniteuse et spontanée, prodigue et cupide, secrète et loquace, volontaire et fantasque, avide de domination, assoiffée de jouissance et dépourvue de tout scrupule. L’instinct primait de beaucoup en elle l’intelligence, qui était médiocre. Elle vivait de chimères. Elle se laissait guider par son imagination, et c’est ce qui la perdit».

Le 3 février, Massloff la rejoint à son hôtel et lui apprend que le C.E. russe a contacté son colonel pour qu’il cesse de la fréquenter. En cette occasion, Mata Hari a été qualifiée de «personne dangereuse» (ce qu’elle nie devant son amant). En manque d’argent, elle quitte le «Plaza» pour l’«Élysée-Palace». Puisque les rapports de filature n’ont rien donné et que la danseuse est sur le point d’obtenir son visa pour la Hollande, Ladoux décide de la faire arrêter. Le 10, une lettre de Lyautey, ministre de la Guerre, désigne Mata Hari au gouverneur de Paris comme étant une espionne. Un ordre d’informer, émanant du gouvernement militaire de Paris est transmis au Capitaine Bouchardon ‒ rapporteur près le 3ème conseil de guerre ‒ qui va délivrer le mandat d’amener. Le commissaire spécial Albert Priolet, du camp retranché de Paris, est chargé de l’arrestation.

 

De l’arrestation à l’exécution (13 février 1917-15 octobre 1917)

Le 13 février se produit l’arrestation de la danseuse; l’acte d’accusation est le suivant: «Avoir, à l’étranger et en France, entretenu des intelligences avec les agents d’une puissance ennemie dans le but de favoriser les entreprises de cette puissance, répondre du crime d’avoir communiqué à celle-ci de nombreux documents et renseignements sur la politique intérieure de la France et l’offensive du printemps de 1916».

Le 6 mars, un nouveau télégramme, expédié de Berlin à Madrid, conforte encore l’idée de la culpabilité de Mata Hari chez les Français. Le 11 avril, Ladoux prévient Bouchardon que pour la confondre, il est en mesure de transmettre à la justice des preuves à charge «incontestables»; il précise cependant qu’il préférerait qu’elle passe autrement aux aveux. Bouchardon presse donc l’espionne de questions; qu’à cela ne tienne! Cette dernière nie férocement faire partie du service secret adverse, affirme ne pas avoir fourni de renseignements à Kalle. Elle prétend que les chèques, encaissés par elle au Comptoir d’escompte, proviennent tous d’un ancien amant.

Le 23, Maître Clunet, son avocat, écrit à Bouchardon pour la faire relaxer; en effet, sa cliente est enfermée depuis deux mois, sans qu’aucune preuve n’ait été trouvée contre elle… Avant que sa relaxe intervienne, Ladoux décide de produire le texte des télégrammes captés par la Tour Eiffel. L’affaire s’éclaire d’un seul coup… Le 1er mai, Bouchardon prouve à Mata Hari qu’elle est «H. 21», télégrammes à l’appui. Elle nie tout d’abord qu’il s’agisse d’elle, mais devant l’accumulation de preuves et le luxe de détails qui la désignent presque aussi clairement que si elle était nommée, elle s’effondre. Le 13, Mata Hari est mise en présence de Ladoux. Le 21, elle passe aux aveux (tout en mentant sur un certain nombre de points compromettants). Le lendemain, deuxième confrontation avec Ladoux; il soutient ne pas l’avoir engagée, déclarant devant Bouchardon: «Un agent est engagé quand il a reçu une mission, un numéro d’ordre, des moyens de communication et de l’argent. On ne peut confier une mission à un agent que quand on est sûr de lui. Mac Leod m’était très suspecte». Devant le magistrat instructeur, le chef du C.E. justifie sa ligne de conduite par la volonté de confondre un faux agent double… Le 23, Bouchardon piège Mata Hari. Elle reconnaît avoir fourni des renseignements au S.R. ennemi, déclarant: «En tout cas, je n’ai fourni aucun renseignement militaire!». Elle est donc réellement une espionne, de faible envergure certes, mais une espionne tout de même, ainsi que le laisse transparaître un télégramme de Berlin: «Pourrait mieux faire». Une semaine plus tard, Mata Hari est encore confrontée à Ladoux; ce dernier lui propose de livrer ses complices en France pour sauver sa tête, proposition que la danseuse repousse... Le 21 juin, l’instruction du procès Mata Hari s’achève; Bouchardon aura interrogé la prévenue dix-sept fois.

Le 24 juillet, le procès s’ouvre par la défense de l’accusée. Bon nombre des protagonistes dont les noms vont être cités sont absents… La plupart sont d’anciens amants, tel Messimy, et craignent pour leur réputation. Ladoux et le Lieutenant-colonel Goubet (son supérieur hiérarchique) peuvent développer à loisir leur version des faits: ils sont convaincus que Mata Hari est une espionne de haut vol et vont tout faire pour en convaincre le jury. Le 25 ont lieu le réquisitoire et la plaidoirie. Le procureur général n’est autre qu’André Mornet, celui-là même qui jugera le Maréchal Pétain en 1945. Reconnue coupable des huit charges pesant sur elle pour «espionnage» et «intelligences avec l’ennemi», Mata Hari ne peut être que condamnée à mort… Son avocat contre-attaque, mais le 17 août, son pourvoi en révision est rejeté. Le 27 septembre, le jugement est confirmé par la Cour de cassation. L’ambassadeur de Hollande à Paris demande à ce que la peine soit commuée, mais le gouvernement français affirme que les preuves à charge sont accablantes… De son côté, Poincaré refuse la grâce présidentielle. Le 15 octobre, tandis qu’on tire Mata Hari de son sommeil et qu’on lui annonce son exécution immédiate, elle s’écrie: «Ce n’est pas possible! Ce n’est pas possible… Oh! Ces Français! Á quoi bon ça va leur servir de m’avoir tuée; si encore ça leur faisait gagner la guerre... Ah! Ils verront! C’était bien la peine que je fasse tant pour eux, et pourtant je ne suis pas française». Á la question: «N’avez-vous aucune révélation à faire?», posée à tous les condamnés sur le point d’être exécutés, «H. 21» répond: «Aucune. Et si j’en avais, vous pensez bien que je les garderais pour moi!». Á 06h15 précises, Mata Hari est passée par les armes sur le polygone de Vincennes, lieu d’exécution des espions dans la capitale.

 

[1] Contre-espionnage britannique

[2] Contre-espionnage militaire

[3] Directeur politique au ministère des Affaires étrangères

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Titre : Mata Hari, ou le badinage fatal 1/2
Auteur(s) : le Lieutenant-colonel Olivier LAHAIE
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