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Prémices et nature de l’affrontement futur

2/3 - BRENNUS 4.0
Histoire & stratégie
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Le renforcement de la robustesse de notre forteresse ne doit pas nous conduire à négliger la possibilité d’un assaut dirigé contre le cœur même de notre nation ; au contraire, théoriser l’importance de « l’entre-deux » doit nous encourager à développer notre capacité à y intervenir. En ce sens, le territoire national ne doit donc pas être représenté comme un front distinct de celui que nous entendrions tenir au sein de « l’entre-deux », mais bien comme un simple prolongement du « front monde » dont l’émergence est rendue possible par le développement de la technologique, le raffinement de la lutte cyber et la croissance continue de la portée des armes.


 Le combat futur se présente comme une synthèse de nos expériences martiales passées : il emprunte à notre vieille armée de la Guerre Froide la perspective d’un combat total contre un adversaire déterminé, nombreux et doté de systèmes d’armes variés, mais est semblable aux opérations extérieures dès trente dernières années en ce qu’il repose sur la projection de forces à l’étranger dans un délai relativement contraint. Avant toute chose, le combat futur sera donc un défi logistique, puisqu’il sera nécessaire d’adapter nos capacités de projection à un adversaire, non seulement susceptible de nous contester la maîtrise des espaces maritimes, aériens et terrestres, mais encore de déployer face à nous une force moderne et combative, dotée d’une artillerie, mais aussi de sa propre cavalerie blindée, d’une aviation performante et de façon générale d’afficher un armement aussi efficace que le nôtre.

 

Il est possible de détailler, dès l’énonciation de cette réalité, un certain nombre de défaillances qui, si elles sont aujourd’hui sans conséquences, auraient au contraire un impact extrêmement important sur le maintien de nos capacités opérationnelles en cas de conflit de haute intensité. Ainsi, la France manque cruellement d’une aviation de transport [8] adaptée à un tel conflit. De même, ses systèmes antiaériens sont dépassés, sa dotation en chars médians et lourds [9] est insuffisante tout comme son artillerie tractée et automoteurs[10]. Enfin, le nombre de véhicules blindés est trop faible. Sur mer, ses bâtiments sont peu nombreux et pas assez protégés contre la missilerie antinavire de demain [11], tandis que les porte-hélicoptères d’assaut (PHA) Mistral sont notoirement dépourvus de moyens de protection suffisants. Dans les airs, l’excellente qualité des appareils français dissimule mal une faiblesse quantitative notoire. De cet état de fait, on peut tirer le constat que face à un adversaire correctement équipé et de puissance équivalente, la France subirait des pertes d’autant plus importantes que ces dernières seraient difficiles à remplacer, étant donné les limites en effectifs et en matériels.

 

Nous présupposons ici que l’ennemi ne viendra pas « nous trouver », mais qu’il choisira au contraire de conquérir dans l’Entre-Deux les atouts qui lui permettront, soit de s’en prendre ensuite directement à notre forteresse, soit d’obtenir la suprématie mondiale sans passer par un affrontement militaire d’envergure. Dans ce contexte, il est donc vain de se limiter à la seule préparation d’une lutte défensive articulée autour du territoire national et de ses marches, alors même qu’un adversaire pourrait se retrouver en position de nous dominer sans même avoir à nous affronter. Il s’agit dès lors d’identifier, dans « l’entre-deux », ces territoires où les « alternatifs » tenteront demain d’arracher aux « garants » la capacité de présider à la destinée du monde, par l’accumulation de territoires ou de ressources ouvrant la voie à une domination culturelle, économique, technologique et militaire. Ici, la dissuasion de l’adversaire passera d’abord par la compréhension de ce dernier, de ses objectifs, mais aussi de son fonctionnement ; il s’agit en somme de s’interroger sur les objectifs de l’ennemi : que re-cherche-t-il ?

 

L’armée de Terre dans la dissuasion conventionnelle future

Dans « l’entre-deux », les opérations adverses répondent à la nécessité d’accumuler des gains matériels comme immatériels, soit en s’emparant de territoires pour leurs ressources ou pour compléter un dispositif défensif ou offensif, soit pour faire la démonstration d’une capacité militaire effective. Nous disposons en ce sens de deux exemples significatifs. En intervenant en Crimée, la Russie a sauvegardé son accès à la mer Noire, étendu ses défenses et prouvé au monde, non seulement sa capacité à intervenir en Ukraine, mais encore l’incapacité des Occidentaux à lui opposer une résistance efficace et coordonnée [12], adressant par là même un message à l’ensemble des puissances de troisième rang susceptible d’exciter des appétits. De la même façon, la politique chinoise en mer de Chine correspond à un lent grignotage de l’Entre-Deux en faveur de Pékin. Les îlots occupés, transformés en forteresses navales, constituent ainsi autant d’emplacements possibles de tir, décuplant la valeur des stratégies A2/AD[13] des forces armées chinoises. Dans les deux cas, deux puissances alternatives ont mis au défi le camp des Garants d’intervenir et, par deux fois, ce dernier s’est dérobé, soucieux de ne pas s’impliquer dans un nouveau conflit meurtrier. Ainsi, et sans jamais assaillir directement la forteresse occidentale, Moscou et Pékin ont décelé une première faille dans nos dispositifs, conquérant par là même de nouveaux avantages qui pourraient offrir, à l’avenir, les fondements d’une domination mondiale.

 

Aurait-il été possible de dissuader l’adversaire de ces deux manœuvres, toutes deux nourries d’un solide révisionnisme historique et s’affranchissant du droit international ? Si la réponse à cette question n’est pas certaine, il est néanmoins sûr que la présence d’éléments armés occidentaux, correctement équipés et bénéficiant d’ordres clairs à appliquer en cas d’intervention, aurait ébranlé le sentiment d’impunité des puissances alternatives, soit en neutralisant les ambitions adverses, soit en leur interdisant de mettre en scène un triomphe aisé et apparemment définitif. Ce détachement dissuasif aurait par ailleurs dû être soutenu par le maintien en armes, sur le territoire français, d’une force projetable conséquente, apte à intervenir en soutien des nations menacées ; c’est-à-dire à monter en ligne rapidement sans pour autant se séparer de ses moyens lourds.

 

La France a longtemps entretenu, dans le cadre de la surveillance de la puissance soviétique [14], une Force d’Action Rapide (FAR) capable de rechercher le contact avec l’adversaire en amont des positions défensives articulées autour du territoire national et disposant pour se faire de 47 000 personnels, 240 hélicoptères de combat et de manœuvre, 200 blindés légers et 200 tubes d’artillerie. Après sa dissolution en 1999, les ambitions françaises en termes de projection des forces ont été sévèrement revues à la baisse. Le Livre Blanc de la Défense de 2013 ne mentionne plus qu’un « échelon national d’urgence » (5 000 personnels) permettant de constituer une « force interarmées de réaction immédiate » (FIRI, 2 300 personnels dont 1 500 pour le groupement terrestre interarmes) dotée d’engins blindés et d’hélicoptères et soutenue par un groupe naval articulé autour d’un porte-hélicoptères d’assaut (PHA) et des moyens opérationnels, de commandement et de contrôle associés. Cet ensemble doit être en mesure d’être projeté jusqu’à 3 000 kilomètres du territoire national dans un délai maximum de 7 jours.

 

Cette FIRI pourrait se concevoir comme l’avant-garde des forces terrestres projetables, à propos desquelles la documentation officielle précise les éléments suivants : « Les forces terrestres offriront une capacité opérationnelle de l’ordre de 66 000 hommes projetables comprenant notamment 7 brigades interarmes, dont 2 seront aptes à l’entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds. Ces forces disposeront notamment d’environ 200 chars lourds, 250 chars médians, 2 700 véhicules blindés multi rôles et de combat, 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et d’une trentaine de drones tactiques. »[15]. Depuis la parution de ce document, deux nouveaux textes officiels ont néanmoins rectifié ces ambitions : la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale de 2017 et la Loi de Programmation Militaire (2019/2025). Cette dernière précise que la FIRI « pourra être renforcée à hauteur de 5 000 hommes sous 30 jours, équipés de moyens supplémentaires ».

La Loi de Programmation Militaire (2019/2025) doit garantir la capacité des armées françaises à « être engagées dans la durée et simultanément sur trois théâtres d’opérations, avec la capacité à assumer le rôle de nation-cadre sur un théâtre et à être un contributeur majeur au sein d’une coalition » via le déploiement d’un état-major interarmées, d’un état-major de niveau opératif, de l’équivalent d’une brigade interarmes de 6 000 à 7 000 hommes, de moyens navals et aériens conséquents et enfin, de bases aériennes projetées et de leurs postes de commandement. Il est néanmoins permis de douter de la capacité de la France à projeter une telle masse de personnels et de véhicules, alors même que le déploiement de 15 600 hommes dans le cadre de l’Opération Serval a été un défi conséquent pour la logistique française, heureusement appuyée par des moyens alliés à hauteur de 30% des missions réalisées[16]. Or, l’adversaire d’alors ne disposait que de modestes moyens militaires.

                                                    

 


[8] LAGNEAU Laurent, Armée de l’Air : Le transport aérien tac-tique est « au creux de la vague », Opex 360, 30/10/2018.

[9] LAGNEAU Laurent, L’armée de Terre souffre de fragilités capacitaires « majeures », Opex 360, 06/11/2017.

[10] SAINT-VICTOR Florent (de), L'artillerie française - (Quelques possibles) tendances pour demain en opérations 3/3, Mars Attaque, 16/07/2018.

[11] LAGNEAU Laurent, La menace des missiles antinavires est un « sujet majeur » pour la Marine nationale, Opex 360, 10/12/2017. débuts du XXIe siècle », Hérodote, vol. 108, no. 1, 2003, pp. 7-42.

[12] DUBIEN Arnaud, Que veut la Russie en Ukraine ?, Le Monde, 04/03/2014.

[13] BRUSTLEIN Corentin, La marine chinoise à l’horizon 2030 et l’objectif du découplage stratégique, Ultima Ratio, 16/02/2017.

[14] HUMBLOT, Guillaume. « La puissance militaire soviétique vue par les attachés militaires français à Moscou (1945-1953) », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 218, no. 2, 2005, pp. 101-114.

[15] Documentation officielle, Livre Blanc de la Défense (2013), République Française, 2013.

[16] LAGNEAU Laurent, Mali : L’opération Serval en chiffres, Opex360, 22/11/2013.

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Titre : Prémices et nature de l’affrontement futur
Auteur(s) : Monsieur Hugo Decis, de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques
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