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Programmation militaire pour les années 2019 à 2025

RAPPORT SÉNAT N° 476
L’Armée de Terre dans la société
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UNE LPM D’INTENTION, DONT L’ENJEU SERA LA BONNE APPLICATION


La commission a adopté ce projet de loi en raison de l’inflexion qu’il vient enfin apporter (remontée en puissance des moyens après des années d’attrition) et sur la base de ses intentions, qui sont bonnes (moyens à « hauteur d’homme », restauration d’un potentiel usé, intégration de l’innovation). Lucide toutefois sur les fragilités, les lacunes et les paris de cette programmation militaire, la commission considère que l’enjeu en sera sa bonne application. Le rôle du Parlement, et du Sénat en particulier, sera essentiel pour le contrôler.


La commission a modifié le texte pour sécuriser les ressources des armées, renforcer un volet « immobilier » insuffisant, rendre plus agiles les processus d’acquisition des équipements pour mieux intégrer l’innovation, mieux protéger les droits des pensionnés et victimes de guerre, et renforcer les pouvoirs parlementaires de contrôle de l’exécution de la programmation.

 

Le constat : une programmation bien orientée mais souffrant de fragilités et reposant sur des paris.

 

Vu l’intensité des menaces mises en avant par la revue stratégique (États faillis, terrorisme, retour des menaces de la force, instabilité au Moyen-Orient) c’était une évidence : les moyens des armées devaient remonter. Les intentions de la LPM sont bonnes : elle marque la fin de l’attrition, des régiments qui ferment, des dizaines de milliers d’emplois supprimés (50 000 en 10 ans), la fin de décennies d’éreintement, faites de sous-investissement et de surengagement opérationnel. Elle porte une vision d’autonomie stratégique, autour d’un modèle complet d’armée, maintenant la capacité à entrer en premier, que partage votre commission.

 

La commission souscrit aux priorités affichées : amélioration de la condition du soldat et des familles ; préparation de l’avenir, avec des renouvellements d’équipements et la modernisation des deux composantes de la dissuasion nucléaire.

 

En particulier, 50 % des nouveaux blindés médians de l’armée de Terre seront livrés d’ici 2025, la Marine nationale bénéficiera de nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque BARRACUDA, de FREMM et de FTI (respectivement 4, 8 et 2 livrés d'ici 2025). L’armée de l’Air bénéficiera de nouveaux avions ravitailleurs, de drones et d’avions de chasse nouveaux (28 Rafale) ou rénovés (55 M2000 D). Le nombre d’avions ravitailleurs et de transport stratégique est porté de 12 à 15 appareils d’ici 2025 et une livraison des douze premiers exemplaires sera achevée dès 2023. La cible de patrouilleurs de la Marine nationale est portée de 17 à 19, dont 11 livrés d’ici 2025. Le remplacement des bâtiments de ravitaillement à la mer à « simple coque » sera accéléré de deux ans et 32 canons CAESAR seront livrés avant la fin de la LPM.

 

La commission estime toutefois que cette programmation souffre de réelles fragilités.

 

D’abord elle est surtout d’intention politique car sa trajectoire devra être confirmée chaque année dans le projet de loi de finances ; une actualisation est d’ores et déjà prévue en 2021, avec le risque d’une révision à la baisse de la deuxième partie de la programmation (de loin la plus ambitieuse) si la situation économique ne s’est pas améliorée. Surtout, le gros de l’effort interviendra après les élections de 2022 (où les hausses annuelles de crédits seront à la limite de la soutenabilité avec un effort supplémentaire de 3 milliards d’euros chaque année à partir de 2023). La commission émet de sérieux doutes sur la soutenabilité de cette hausse brutale en fin de période. Elle avait au contraire dans son rapport « 2% du PIB pour la défense » en mai 2017 recommandé d’étaler l’effort de façon continue sur la durée de la programmation.
 
 
Deuxième fragilité, les engagements de la LPM sont flous : la commission dénonce l’absence de calendrier détaillé par année du programme d’équipement, seuls des objectifs lointains (2025 et 2030) étant précisés ; la commission regrette l’absence de trajectoire financière pour les infrastructures ou d’indicateurs annuels pour la remontée des taux d’entrainement ou de disponibilité des matériels. L’analyse de la commission est que cette information lacunaire résulte d’une volonté du Gouvernement de masquer la persistance, jusqu’en 2022 au moins, d’une situation préoccupante. La LPM ne couvre qu’une partie des besoins des armées. Le volet à « hauteur d’hommes » est fragilisé par l’insuffisance des crédits d’infrastructure (il manque 1,5 milliard d’euros et en 2025 60 % des infrastructures de la défense seront « dégradées »), la faiblesse et le rythme trop lent des recrutements (450 seulement les premières années là où la commission a estimé les besoins à 2 500 par an) et l’absence de consolidation de services de soutien pourtant éreintés, tels le service de santé des armées (SSA), qui conditionne la capacité d’entrée en premier des forces et dont les personnels projetés effectuent 200 % de leur contrat opérationnel, ou encore du commissariat, élément essentiel à la qualité de vie en régiment.

 

S’agissant des équipements, la LPM laissera subsister pendant plusieurs années des lacunes capacitaires, dont certaines ne seront même pas résorbées en fin de programmation. L’« accélération » annoncée ne peut être mesurée précisément d’ici à 2022 faute pour le projet de loi de préciser le détail année par année, ce qui amène à penser qu’elle sera très modeste. En 2025, 58 % des antiques « VAB » seront encore en service, 80 hélicoptères Gazelle seront prolongés pour atteindre en moyenne, 40 ans de service. En 2025, le drone de la marine sera tout juste commandé. Seuls 50 % des chars Leclerc auront été rénovés, et le parc réduit de 17%. « L’effort marqué sur les petits équipements » consistera en une progression de 0,3 % en 2019, avant une baisse de 1,2 % en 2020, la hausse ne se concrétisant qu’en 2021. La trajectoire de livraison des avions de transport tactique est peu crédible : livraison d’1,8 appareil par an en moyenne et de 6 avions par an à partir de 2026 pour atteindre « Ambition 2030 ». En 2025, les avions de guerre électronique C160 Gabriel se seront pas remplacés et devront être prolongés de 2 ou 3 années.

 

Le maintien en l’état des contrats opérationnels, qui auraient dû être rehaussés, vu l’état des menaces et le surengagement actuel des armées, continue à faire peser un risque de suractivité sur les armées.

 

La programmation repose aussi sur un pari : celui des coopérations capacitaires européennes.

 

Or le Royaume-Uni est affaibli par le Brexit et le partenariat avec l’Allemagne repose aujourd’hui plus sur une affirmation politique volontariste que sur une réalité industrielle ou opérationnelle. En particulier, la coopération franco-allemande autour du futur avion de combat devra préserver les intérêts industriels français.

 

L’apport de la commission : consolider la programmation, contrôler son exécution.

 

La commission a modifié le projet de loi selon 5 axes :

 

1- Sécuriser les ressources de la défense

La commission a instauré une clause de sauvegarde en cas de hausse des cours du pétrole ; elle a protégé les ressources de la LPM par rapport à un éventuel service national universel, qui ne pourra pas être financé, ni en crédits ni en personnels, par les ressources de la programmation militaire. La commission a prévu la prise en compte, dans la trajectoire de ressources, lors de l'actualisation en 2021, des conséquences des décisions des sommets de l'OTAN et des contrats d'exportation qui ont des impacts en termes de soutien à l’exportation « SOUTEX ». En 2015, près de 300 millions d’euros sont ainsi restés à la charge des armées, dont 200 millions d’euros de dépenses indirectes inhérentes aux prélèvements de matériels.
 
Sur les OPEX, la commission a inclus le titre 5 dans le surcoût OPEX pour tenir compte de l'usure accélérée du matériel en opérations, et a limité à sa part dans le budget général l’éventuelle contribution du ministère des armées aux surcoûts OPEX résiduels financés de façon interministérielle. La commission a enfin fixé le principe d’un retour intégral aux armées des produits de cessions immobilières (500 millions d’euros sont attendus sur la programmation).

 

2- Renforcer le volet « immobilier » 

Cette LPM qui s’affiche « à hauteur d’hommes » ne prévoit pas d’amélioration sur le plan du logement des militaires, enjeu crucial pour le soldat et sa famille, en particulier pour Sentinelle (il manque 400 logements en région parisienne). Pire, la vente à bas prix du patrimoine prestigieux des armées à Paris continue. La commission, pour améliorer cette situation, a prévu que la décote « Duflot » ne serait applicable aux ventes des immeubles des armées que si 100 % des logements sociaux étaient réservés aux militaires ; ceci pour éviter que le ministère des armées ne voie son patrimoine cédé, sans pouvoir bénéficier en retour ni des produits de cession ni de capacités de logement supplémentaires pour les militaires. La commission souhaite que les décisions sur le Val-de-Grâce soient reconsidérées au regard des besoins en logement pour Sentinelle notamment.

 

3- Rendre plus agiles les processus d’acquisition pour mieux intégrer l’innovation 

La commission a adopté un amendement tendant à assouplir le cadre juridique des achats d’équipement pour permettre une diffusion plus rapide et moins coûteuse de l’innovation, de plus en plus issue du civil.

 

4- Protéger les droits des pensionnés et des invalides de guerre

La commission a réintroduit, à l’article 32, au sein du contentieux administratif, des spécificités des formations de jugement actuelles, et a précisé à l’article 36 les conditions de détermination des pensions militaires d’invalidité.

 

5- Préciser les dispositions relatives aux incompatibilités pour les militaires en activité

S’agissant des communautés de communes, la commission a porté à 30 000 habitants, au lieu de 15 000, le plafond au-dessus duquel les militaires en activité ne pourront pas être conseillers communautaires. Elle a également supprimé l’interdiction pour les militaires élus dans les communes de moins de 9 000 habitants de participer à l’élection sénatoriale. Enfin, elle a rendu les fonctions de militaire en activité incompatibles avec l’exercice d’une présidence de syndicat mixte.

 

6- Accroître le pouvoir de contrôle du Parlement

La commission, qui dispose déjà, à l’initiative du Sénat en 2013, de pouvoirs de contrôle du gouvernement, y compris sur pièces et sur place, de l’exécution de la programmation, a en outre prévu la transmission de nouveaux documents lui permettant d’asseoir ce contrôle sur une base plus solide. La commission a également prévu que l’effort financier consenti en faveur de l’entretien programmé des matériels sera retracé de façon lisible et précise année après année dans les documents budgétaires.

 

La commission a veillé à disposer à partir de 2021 des moyens de vérifier la progression des indicateurs de préparation opérationnelle des soldats, actuellement inférieure de 10 % en moyenne aux normes internationales, et l’amélioration de la disponibilité technique des équipements.

Enfin, la commission a prévu d’accroitre les pouvoirs d’information de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) et de la doter d’un rapporteur pour raffermir son contrôle.  La commission a adopté le projet de loi de programmation ainsi modifié.

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Titre : Programmation militaire pour les années 2019 à 2025
Auteur(s) : M. Christian CAMBON, Sénateur
Éditeur : SÉNAT
Collection : SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
ISBN :
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