Les contenus multilingues proposés sur le site sont issus d'une traduction automatique.
 

 
 
 
 
 
Français
English
Français
English
 
 
 
Afficher
 
 
 
 
 
Afficher
 
 

Autres sources

 
Saut de ligne
Saut de ligne

Quelques remarques et leçons sur la campagne de 1918 en orient

PARTIE 2/5 : SUR CARACTERE DECISIF DE LA CAMPAGNE
Histoire & stratégie
Saut de ligne
Saut de ligne

SUR CARACTERE DECISIF DE LA CAMPAGNE

Pour se faire une juste idée de la place qu’a tenue la victoire de Macédoine dans l’issue de la guerre, il convient de re-dérouler face à une carte générale de l’Europe, une chronologie généralement embrouillée, en remontant au début de l’été de 1918 (1).


Après l’attaque du 15 juillet contre le massif de la Montagne de Reims, dernière des grandes offensives du printemps qui ont pu faire croire au commandement allemand que la victoire était à portée de main, l’élan allemand est venu se briser sur la Marne. Le 18 juillet, Foch a lancé sur le front occidental une grande contre-offensive qui a culminé le 8 août, « jour de deuil » de l’armée allemande. Ludendorff et le Grand Quartier Général savent désormais que l’Allemagne ne peut plus gagner la guerre : ils ont perdu près d’un million d’hommes depuis le début de l’offensive de mars tandis que les Américains arrivent au rythme de 200 000 par mois : ils sont 1 145 000 fin juillet,  deux  armées  américaines  sont  en  lignes.  

Les  armées  allemandes  sont  épuisées,  de nombreux  signes  de  fléchissement  du  moral  sont  perceptibles,  la  révolution  couve  déjà.  Par ailleurs les forces sont dispersées entre deux fronts, les alliés incertains (la Bulgarie est au bord de l’effondrement, l’Autriche-Hongrie prête à demander la paix). Ludendorff ne peut guère ponctionner de forces en Orient sans remettre en cause les avantages acquis face à la Russie et les buts géopolitiques de l’Allemagne à l’est.

Tout en exigeant du gouvernement qu’il initie des pourparlers de paix, le Grand Quartier Général refuse  cependant  toute  paix  « ignominieuse » :  il  tient  à  conserver  l’Alsace-Lorraine  et  les territoires allemands de Pologne et de la Baltique, le contrôle allemand sur la Belgique et les territoires acquis à Brest-Litovsk ; il refuse surtout de se reconnaître vaincu, de capituler, et de voir l’Allemagne totalement désarmée.

Les reconstructions intellectuelles qui permettent aujourd’hui de considérer que l’Allemagne était battue dès la Deuxième Bataille de la Marne ne sont alors connues de personne. Comme le souligne Pierre Miquel, « l’armée française ignore en septembre que l’Allemagne songe à faire la paix. ». Et jusqu’à la note américaine du 23 octobre, les Allemands peuvent espérer obtenir des conditions avantageuses de la part des Américains. « …deux mois et demi de guerre, de nouvelles offensives seront nécessaires avant d’aboutir ; des milliers de vie seront gaspillées avant qu’un accord ne soit établi.

Le long tour de valse de Wilson et Ludendorff prolonge le bal. (2)» Le 11 novembre, pas un soldat allié n’aura mis le pied en Allemagne. Et début novembre encore, «…Foch n’y croyait pas. Il faisait ses plans de campagne pour 1919. Il n’attendait aucun résultat décisif de l’offensive de Lorraine préparée par Pétain, qui devait commencer le 14 novembre. (3)» 

Le 15 septembre 1918, en dépit de leur mauvaise réputation, les Armées Alliées d’Orient prennent par surprise le commandement allemand de Macédoine et rompent le front germano-bulgare. Le 25 septembre, le haut commandement bulgare envoie le premier parlementaire pour demander un armistice, lequel sera signé le 29, le jour même de la prise d’Uskub (Skopje) par la cavalerie française. Sur ces entrefaites, l’armée Allenby a pris Tibériade le 19 septembre et marche sur Damas, mettant en déroute trois armées turques, tandis que le 26 septembre, Foch a lancé une grande offensive sur 70 kilomètres de front entre les Monts de Champagne et la Meuse : la crise provoquée par cette offensive pousse le Quartier Maître Général à exiger du Chancelier Max de Bade qu’il envoie une « note de paix » au Président Wilson pour « sauver [son] armée, » après que le porte parole du Grand Quartier Général ait exposé le 2 octobre la situation militaire aux députés du Reichstag dans des termes qui jettent une lumière crue sur les effets induits par l’évolution de la situation en Orient : « La situation militaire s’est, en peu de jours, modifiée du tout au tout.

L’effondrement du front bulgare a jeté bas nos dispositions. La liaison avec Constantinople est menacée ainsi que la voie du Danube, indispensable à notre ravitaillement. Nous avons été forcés, pour ne pas laisser à l’Entente les mains libres dans les Balkans et ne pas abandonner la Roumanie et la Mer Noire, d’engager là-bas des divisions allemandes et austro-hongroises destinées au front occidental… » (4)     

Cette appréciation est relayée le 3 octobre en termes sans équivoque par le maréchal von Hindenburg dans une lettre au Chancelier confirmant la demande d’une offre de paix immédiate : « Par suite de l’écroulement du front de Macédoine et de la diminution des réserves qui en est résultée pour le front occidental… il ne reste plus aucun espoir, autant qu’il est possible à un esprit humain d’en juger, de contraindre l’ennemi à faire la paix… »  (5)

Le Chancelier s’exécute à contrecœur dans la nuit du 3 au 4 octobre. Le même jour, les unités bulgares du 62ème Corps « allemand »  ont capitulé à Uskub tandis que la 1ère  armée serbe attaquait Vranje, sur la Morava, défendue par les restes du 61ème  Corps allemand et la 9ème  DI autrichienne fraîchement arrivée.

Sur le front ouest, cependant, l’offensive alliée piétine au bout de quelques jours, rassurant Ludendorff qui, finalement, ne croit pas les alliés capables de relancer une attaque sérieuse sur ce front avant le 15 novembre. L’ensemble de la classe politique allemande soutient le chancelier et l’état-major dans leur rejet  d’une paix  déshonorante.  Les deux premières notes  du Président Wilson des 8 et 14 octobre encouragent les Allemands tandis que les « gouvernements associés », non consultés, sont inquiets ou ulcérés.  Les Allemands tentent de marchander mais la troisième note de Wilson, le 23 octobre, exigeant la capitulation, met fin à leurs illusions, provoquant la démission de Ludendorff.

Tandis que le front ouest reste relativement stable, les fronts centraux et orientaux s’effondrent alors comme dominos : les Turcs, pris en tenaille entre Allenby en Syrie et Milne dont les divisions  marchent  sur  Constantinople,  traitent  à  Moudros  le  30  octobre  avec  un  général britannique  prisonnier,  livrant  les  Détroits,  les  tunnels  du  Taurus  et  le  pétrole  de  Bakou ;

l’Autriche-Hongrie explose, tandis que son armée se volatilise par la désertion massive des soldats des nationalités « opprimées » et que la Hongrie se sépare de Vienne, poussant le chef d’état- major à demander le 22 un armistice au Conseil des Ministres (armistice par lequel elle livrera ses chemins de fer au CAA) ; le 26 et le 27, le front de la Piave est rompu par les Italiens, qui obtiennent une victoire écrasante à Vittorio Venetto le 30. Le 3 novembre, jour où les premières unités serbes et françaises pénètrent en Hongrie après avoir pris Belgrade le 1er, l’Autriche signe l’armistice à Villa Giusti, livrant le passage aux armées de l’Entente. Les nationalités proclament successivement leur indépendance ou leur unité : l’Empire d’Autriche a cessé d’exister et la route de Munich et de Berlin se trouve brutalement ouverte.

 

De cette chronologie il ressort clairement que, si le front ouest a vu une progression relativement modeste et coûteuse des forces alliées et si le front du Moyen Orient a vu l’effondrement des Turcs, le front des Balkans est le seul où un front continu a pu être percé et où l’exploitation en profondeur de cette percée a pu atteindre des résultats stratégiques. En réalité, la campagne de Palestine et de Syrie n’a eu qu’un effet périphérique sur l’issue du conflit mondial parce qu’une défaite de la Turquie, survenant après la cessation des hostilités avec la Russie, ne menaçait pas fondamentalement l’équilibre du système allemand. La campagne des Balkans en revanche a littéralement fait exploser la baudruche que formaient les forces des empires centraux, écartelées entre trois fronts. Lorsque les Allemands acceptent de signer un armistice le 11 novembre, c’est sous la pression de la révolution qui a éclaté au début du mois et pour éviter à tout prix l’invasion de leur territoire, menace qui ne provenait pas du front ouest mais bien de Hongrie par suite de l’effondrement de tout le système allemand en Europe centrale : la mise hors de cause de la Bulgarie a constitué le détonateur de cette crise. C’est donc finalement, et contre l’attente des cabinets comme des états-majors, sur un front secondaire oublié et méprisé que les alliés ont obtenu la décision stratégique.

Fin de la 2ème partie...

---------------------------------

(1) Pour une synthèse plus détaillée des évènements militaires et politiques qui ont mené à la paix, lire Pierre Miquel, La Grande Guerre, Fayard, Paris, 1983, pp. 574 à 591.

(2) Miquel, op cit, pp. 581,582.

(3) Miquel, op cit, p. 585.

(4) Cité par le général Paul Azan, Franchet d’Esperey, Flammarion, Paris, 1949. Reproduit dans Louis Cordier, Victoire éclair en Orient, Editions USHA, Aurillac, 1968, pp. 249, 250. Il conviendrait d’ajouter que ces ponctions ont été faites en pure perte, le commandement allemand n’étant jamais parvenu à reconstituer un front face à la poussée des Franco-Serbes.

(5) Cordier, Op cit, p.250

 

Séparateur
Titre : Quelques remarques et leçons sur la campagne de 1918 en orient
Auteur(s) : Colonel Christophe de LAJUDIE
Séparateur


Armée