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Retour Sommaire Groupement tactique interarmes Pour un pas supplémentaire vers l’efficience

cahier de la pensée mili-Terre
Engagement opérationnel
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Les opérations récentes montrent que les groupements tactiques inter armes (GTIA)[1] possèdent aujourd’hui une réelle efficacité. Dans le contexte budgétaire difficile, l’auteur propose des pistes de réflexions pour maintenir, voire améliorer la puissance des GTIA. Alors que les opérations imposent de plus en plus les structures interarmes jusqu’au plus petit niveau, l’accumulation de moyens et donc de subordonnés pèse sur le chef tactique. La question de la place du chef au combat et de l’envergure de commandement optimum reste d’actualité. Par l’adoption de structures bataillonnaires, l’auteur propose de densifier la chaîne de commandement des GTIA.

 

[1] La structure du GTIA respecte au minimum la structure quaternaire. Le noyau dur est constitué, au minimum de 2 unités provenant du régiment d’origine et lui donne sa spécificité (débarqué, embarqué, aérocombat). 1 ou 2 unités des autres composantes de la fonction opérationnelle «contact», permettent une complémentarité des effets. Des éléments du génie et de l’artillerie sont également intégrés.


Depuis 20 ans, l’armée de Terre a connu des évolutions majeures: conscription suspendue, professionnalisation, diminution très importante des effectifs, dotation en équipements très sophistiqués dont les effets sont démultipliés, numérisation de l’espace de bataille. En parallèle, on observe un durcissement progressif des opérations, mais aussi le déplacement de la manœuvre vers les espaces confinés. La rusticité, la résilience et la capacité à durer dans des milieux hostiles demeurent des constantes.

Selon le Colonel Goya, une définition de la puissance militaire pourrait prendre en compte trois facteurs. «Le commandement (C) est plus important que le nombre (N) qui lui-même est plus important que la qualité (Q) avec, à chaque fois, un accroissement d’efficacité plus que proportionnel»[1].

Avec la professionnalisation, l’armée de Terre a vu une réduction très importante du nombre de 250.000 à 88.000 hommes en 2013. Cette réduction n’a été que partiellement compensée par la qualité. Le système Félin côtoie en opération l’AMX 10 RC qui est à bout de souffle. De plus, des difficultés à l’export impliquent de petites séries, ce qui ne permet pas d’obtenir une production exempte de défauts et entraîne une disponibilité moindre.

 

L’organisation actuelle de l’armée de Terre permet de répondre efficacement à des opérations de petite échelle. Cependant, plus nos adversaires seront nombreux (ou résilients) et bien organisés, plus il sera difficile de compenser le nombre par la qualité.

Alors que la modernité tend à augmenter les effets des armes sur le terrain, la complexité de coordination de tous ces moyens est croissante. Les structures de commandement tactique souffrent d’un dimensionnement juste suffisant.

 

 

Une organisation des unités permettant d’offrir davantage d’opportunités de commandement et donc de gain d’expérience

 

  • Des opérations qui imposent l’interarmes jusqu’au niveau de la section de combat

Le champ de bataille devient de plus en plus grand. Lorsque Napoléon commande ses armées, il embrasse du regard la quasi-totalité de son champ de bataille. Il donne ses ordres au moyen de courriers et parfois intervient directement pour placer telle ou telle batterie d’artillerie. Un siècle plus tard, en 1914, alors qu’elle monte à l‘assaut en rangs serrés, l’infanterie de ligne française apprend, au prix de lourdes pertes, que la modernité (mitrailleuses, canons à tir rapide) impose d’attaquer sur des fronts plus grands. Lorsque le GTIA 21ème RIMa intervient au Mali en 2013, il intervient «sur une zone presque aussi grande que la France avec un SGTIA[2] à chaque bout: Diabaly se trouvait à 250 km de Bamako et Sévaré à 600 km»[3].

 

Paradoxalement, la manœuvre n’a plus lieu dans les grands espaces car la population est plus que jamais devenue l’enjeu des guerres modernes[4]. Nos adversaires connaissent leurs faiblesses et généralement refusent le combat en milieu ouvert. Ils recherchent les espaces confinés dont le pouvoir égalisateur de technologie leur permet de combattre dans de meilleures conditions. La localité d’Adizaï en Afghanistan, lors du mandat du GTIA RAPTOR en 2011, présentait toutes les caractéristiques de ce milieu: cloisonnement et isolement des sections et des groupes de combat, difficulté pour le chef de voir son terrain et ses hommes. Dans une même zone d’action du GTIA, deux vallées parallèles, par exemple, pouvaient présenter plusieurs micro théâtres.

Pour pallier cet isolement des compagnies et des sections, l’infanterie et la cavalerie se sont progressivement dotées de renforts leur permettant d’accentuer leur puissance et leur autonomie. Les groupements tactiques de la Seconde Guerre mondiale ont été déclinés jusqu’au niveau des sections.

Les DIA (détachement interarmes) permettent au chef de section ou de peloton de faire face à une multitude de situations.

Avec un faible effectif sur le terrain, l’outil technologique moderne permet de démultiplier l’effet des armes. Une équipe de guidage aérien (JTAC) de trois combattants permet de guider des avions venant de France pour frapper une position ennemie au cœur de l’Afrique. Le système «ROVER» donne au chef tactique, via un drone, la vision en direct d’un compartiment de terrain avant qu’il ne s’y engage, et lui permet de se guider de jour comme de nuit dans un dédale de ruelles toutes semblables en repérant d’éventuels obstacles au mouvement des véhicules.

Ainsi la modernité, mais aussi la faculté d’adaptation de nos adversaires, imposent peu à peu une systématisation des structures interarmes jusqu’au niveau de la section.

Un GTIA à dominante infanterie ou cavalerie possède donc aujourd’hui une puissance potentielle sans précédent.

 

Pour autant, l’accumulation de moyens et donc de subordonnés n’est-elle pas en train de devenir un frein à la manœuvre?

 

  • Le placement du chef à l’épreuve de la modernité

Le système FELIN et, plus largement, la numérisation de l’espace de bataille, atteignent peu à peu leur maturité opérationnelle. Mais la manière de combattre n’a pas encore été révolutionnée, et le nouveau style de commandement fondé sur «l’ubiquité électronique du chef»[5] se fait attendre. Lorsque la généralisation des transmissions dans les unités de chars allemandes est réalisée à la fin des années 30, la manière de combattre change, les unités sont alors plus dispersées mais, surtout, la coordination des manœuvres gagne en souplesse et en rapidité.

C’est au niveau des chefs de SGTIA, les commandants d’unités, que l’attente d’une nouvelle manière de commander est la plus criante.

Un commandant d’unité doit commander au milieu de ses hommes, là où se déroule l’action principale; d’ailleurs nombreux sont ceux ayant été blessés au combat en Afghanistan ou au Mali. Les subordonnés ont besoin de ces meneurs d’hommes à leurs côtés pour coordonner leurs actions, comprendre rapidement la situation et, aussi, pour les motiver et les rassurer.

Néanmoins, le commandant d’unité est tiraillé par la tentation de rester à proximité de ses systèmes de commandement numérisés et de ses renforts. Cela lui permet de conserver une certaine vision d’ensemble et d’analyser la situation, d’employer efficacement ses appuis ou sa réserve tactique, mais surtout de rester en liaison avec l’échelon supérieur. La coordination au contact de l’ennemi est alors laissée à l’officier adjoint ou aux chefs de section. Le commandant d’unité n’est plus au cœur de l’action.

Une autre raison incite le commandant d’unité à prendre du recul sur l’action: la difficulté à synthétiser la masse d’informations lui provenant de ses subordonnés.

Avec huit, voire dix sources d’information différentes, le volume de comptes rendus devient énorme. À cela s’ajoute la pression psychologique du combat et des conséquences des ordres donnés. Il est alors difficile d’analyser efficacement une situation dans son ensemble.

Cette difficulté croissante de trouver sa juste place pour le commandant d’unité a été identifiée. Un officier adjoint supplémentaire (pris sur la substance du GTIA) est parfois désigné. Cette mesure apporte des solutions à court terme, mais manque d’envergure parce qu’elle est tributaire de la disponibilité d’officiers du bon niveau et parce qu’elle n’apporte pas le volume en personnel nécessaire pour générer un PC de SGTIA supplémentaire.

Une autre solution consiste à détacher des PC tactiques épaulant les commandants d’unité. Ce choix a été réalisé au Mali par le GTIA du 21ème RIMA. Un PC tactique a été déployé avec chaque SGTIA «afin de permettre au capitaine de se concentrer sur l’aspect terrain de la tactique pour laisser au PC tactique l’appréciation de situation»[6]. Mais le chef de corps du 21ème RIMa explique que les effectifs de son PC ont été amputés d’autant. Le PC du GTIA est en difficulté si l’action doit durer; ici encore la structure de commandement ne semble pas donner entière satisfaction.

 

  • Augmenter la puissance en discernant l’envergure de commandement optimum

Dans un premier temps, il faudrait permettre aux commandants d’unité de se concentrer sur la manœuvre à vue. Une solution consisterait à permettre au GTIA d’armer davantage de PC tactiques. Pour cela, un échelon entre le SGTIA et le GTIA serait commandé par un officier chevronné, ancien commandant d’unité, qui serait chargé de coordonner les appuis à vue et les liaisons avec les autres unités. Il pourrait, par sa vision d’ensemble, gérer la remontée d’informations en temps réel et, le cas échéant, aider un subordonné en difficulté en cas de coup dur.

Pour aller plus loin, afin de donner à ces structures un esprit de corps, il serait envisageable de doter chaque régiment de plusieurs bataillons. Chaque bataillon serait formé à partir d’un régiment que l’on diviserait. Ces bataillons, dont l’effectif ne dépasserait pas 200 à 300 hommes seraient soutenus par un échelon mutualisé au niveau supérieur. Chaque bataillon ne posséderait pas forcément des structures identiques. L’un pourrait être totalement équipé et apte à la projection sur court préavis; l’autre, sur une structure plus légère, pourrait répondre à une alerte sur un préavis plus long. Un troisième pourrait englober des détachements d’assistance opérationnelle, des unités de réserve, et regrouperait les hommes indisponibles à la projection pour des durées longues.

Cela permettrait également de gagner en flexibilité. Aujourd’hui, lorsqu’un régiment d’infanterie arme un GTIA, il hypothèque la totalité de son état-major et deux ou trois de ses compagnies de combat. Sa fraction non projetée, la «base arrière», comprend une ou deux compagnies qui expédient les affaires courantes tout en poursuivant leur entraînement. Avec une structure bataillonnaire, il serait possible de déployer deux bataillons simultanément ou successivement dans une logique de relève bataillonnaire, avec chacun leur chaîne de commandement.

Créant ainsi de nouvelles opportunités de commandement, l’attractivité du métier et la motivation des hommes seraient certainement entretenues. L’expérience opérationnelle accrue permettrait d’avoir des chefs de GTIA encore plus expérimentés.

Dans le contexte actuel, qui ressemble à une pause stratégique pour l’armée de Terre, cette structure bataillonnaire permettrait également de préparer l’avenir. Pour former un jeune engagé volontaire, il faut six mois. Le cas échéant, un bataillon pourrait se dédoubler et former des compagnies supplémentaires avec des ossatures possédant une forte expérience opérationnelle. Il serait possible d’éteindre les premiers foyers d’incendie avec un verre d’eau, tout en formant le gros des troupes pour la suite. En cela, la question de la masse critique, au-delà de laquelle les facteurs de qualité et de commandement ne comptent plus, trouverait une solution concrète et permettrait de répondre à des événements de grande ampleur mettant notre société en péril.

 

Dans un monde où l’armement n’a jamais été aussi présent ni aussi perfectionné, les opérations tendent à se durcir. L’ennemi s’adapte rapidement et choisit le milieu confiné pour mener ses combats. L’autonomie tactique jusqu’aux plus petits échelons, mais également la haute technologie, permettent de répondre efficacement à ces nouveaux défis. Pour le chef tactique, cela se traduit par une multiplication des subordonnés. Pour optimiser l’emploi de l’armement, une structure de commandement densifiée est nécessaire. La création de bataillons dotés d’une chaîne de commandement propre répondrait à cette attente. Les gains seraient de permettre aux commandants d’unité de se consacrer à la manœuvre à vue, de gagner en flexibilité pour les projections et de renouer avec la motivation liée à la perspective d’opportunités de commandement au combat. Et surtout, cela permettrait de préparer l’avenir avec des unités capables de se dédoubler si le besoin s’en faisait sentir.

 

 

[1] Colonel Michel Goya, «Res Militaris», Économica, 2011, p 30.

[2] Sous groupement tactique interarmes

[3] Colonel Geze, chef de corps du 21ème RIMa, dans Fantassin N°30, printemps été 2013

[4] Général Desportes, «La guerre probable», 2008

[5] Général Michel Yakovleff, «Tactique théorique», Économica, 2006, p 247

[6] Colonel Geze, chef de corps du 21ème RIMa, dans Fantassin N°30, printemps été 2013

 

Issu du corps des sous-officiers, officier des troupes de marine, le Chef de bataillon CHAMAUD a servi en unité de combat avant de rejoindre le Centre d’Entraînement aux Actions en Zone Urbaine. Il est actuellement stagiaire à l’École de guerre.

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Titre : Retour Sommaire Groupement tactique interarmes Pour un pas supplémentaire vers l’efficience
Auteur(s) : le Chef de bataillon Frédéric CHAMAUD
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