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Sentinelles modernes de sable et de béton

Cahiers de la pensée mili-Terre n° 43
Engagement opérationnel
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Préserver l’intégrité de la Force, c’est préserver son potentiel autant que sa capacité opérationnelle et sa liberté d’action. La protection est à ce titre une préoccupation constante du commandement militaire, indispensable à la réussite de la mission. À ce titre, le durcissement des infrastructures de stationnement en opération est une composante majeure de la mission et doit faire l’objet de toutes les attentions. L’auteur nous fait un point de situation original sur ce sujet, en s’appuyant sur les principes retenus et les techniques mises en œuvre au sein de l’opération Barkhane.


Afin de prendre une part active à la stabilité d’un monde en crise, la France participe à de nombreuses opérations extérieures. Nos soldats sont ainsi déployés simultanément sur de nombreux théâtres, exposés à des ennemis devenus terroristes, aussi dangereux qu’imprévisibles. Des menaces en perpétuelle évolution, le plus souvent non conventionnelles, nous obligent à adapter nos modes opératoires. En phase de stabilisation l’armée de Terre déploie ses soldats au cœur de vastes territoires hostiles, dans des sites sécurisés et isolés appelés bases opérationnelles  avancées (FOB[1]). Des bases qui représentent une réponse tactique, particulièrement efficace, aux besoins de couverture de très grands territoires avec des moyens humains et matériels comptés. Des bases «victimes» de leur efficacité opérationnelle et qui en font autant de cibles potentielles pour nos ennemis. Des bases à fortifier dans une recherche permanente d’économie de moyens et de maîtrise des délais de réalisation. C’est bien là toute la difficulté de l’exercice qui consiste à protéger nos troupes stationnées tout en conservant leur capacité à manœuvrer, indispensable au commandement militaire. L’éternel dilemme entre protection et mobilité, ou quand durcissement ne doit pas rimer avec «bunkérisation».

 

Une insécurité bien réelle

 

De Beyrouth, et son tristement célèbre attentat sur l’immeuble Drakkar en 1983, à la Côte d’Ivoire et le bombardement du camp de Bouake en 2004, jusqu’aux récentes et nombreuses attaques de nos soldats en Afghanistan et au Mali, la France paye un lourd tribu à ses interventions à l’étranger. Ce douloureux constat démontre, si c’était nécessaire, qu’il est impossible de négliger la protection de nos forces stationnées en opérations extérieures. C’est particulièrement vrai face aux nouvelles menaces, dont les modes opératoires relèvent du terrorisme.

Le retour d’expérience des opérations récentes permet de confirmer que nos forces sont soumises à de nombreuses agressions. Les tirs directs ou indirects, les engins explosifs improvisés et les véhicules piégés sont devenus le quotidien de nos soldats.

Les conflits  modernes sont complexes. Les menaces  diffuses et  asymétriques.

 

De nouvelles menaces

 


 Les opérations sont menées avec des effectifs comptés, face à des adversaires que l’on peut qualifier d’irréguliers, très mobiles et agissants par actions de type coup de poing. Les modes opératoires de l’ennemi n’obéissent à aucun manuel… L’ennemi est partout et nulle part à la fois, menace invisible et omniprésente. Il n’y a plus de front mettant face à face des puissances militaires normées comme dans les affrontements classiques. Nous sommes confrontés à de grands espaces dans lesquels l’ennemi apparaît furtivement et s’efforce d’instaurer un climat de peur dans les populations locales. L’ennemi a conscience du rapport globalement inégal des forces en présence en termes de moyens militaires et technologiques déployés. Il connaît également la faiblesse de nos dispositifs, parfois isolés et face à des populations potentiellement hostiles. Il frappe sans avoir la capacité d’engager le combat dans la durée. Il cherche à faire de sa faiblesse une force en choisissant des actions ponctuelles et ciblées, les plus meurtrières et spectaculaires possible et qui engagent peu d’effectifs; ces actions étant réalisées dans un climat d‘insécurité qu’il s’efforce de maintenir. L’ennemi semblant comprendre qu’il ne pourra pas gagner frontalement et militairement cette guerre, il fait donc le choix de nous «pousser» à nous retirer.

Les bases avancées, ou la réponse du bon sens et du pragmatisme

 

En sécurisant ces grands espaces, nos forces se donnent les moyens d’inverser cette tendance. Sécuriser et contrôler, c’est précisément l’un des effets majeurs à obtenir par l’emploi de ces bases opérationnelles avancées dont la base de Madama est la dernière à avoir été créée à ce jour. Des bases ayant un objectif commun: occuper le terrain, créer un sentiment d’insécurité chez l’ennemi.

Il fallait résoudre l’impossible équation de la conservation de notre liberté d’action, indispensable à la réussite de la mission et de la protection des soldats, tout en couvrant de très vastes territoires avec peu de moyen. L’un des éléments majeurs de la réponse était le recours aux bases opérationnelles avancées.

Chaque base est un élément constitutif d’un réseau de FOB, positionnée en appui mutuel sur plusieurs lignes de défense. Cette «architecture» assure une cohérence d’ensemble, optimale dans l’organisation de la protection d’une zone d’opération. Le procédé de la tache d’huile prend ici tout son sens.

La sécurisation et le contrôle de ces grandes zones, avec de faibles effectifs, ont été rendus possibles par les progrès réalisés ces dernières années en matière d’équipements. La connaissance des effets des armes[2](2) s’est également considérablement accrue. Cela permet à nos ingénieurs militaires et sapeurs du génie de concevoir des infrastructures justement dimensionnées pour faire face aux agressions de nos ennemis dans une logique de juste réponse au juste besoin. Nos systèmes d’armes sont toujours plus performants. La portée des armes est de plus en plus grande, les systèmes de communication de plus en plus perfectionnés et efficaces. L’utilisation de moyens optiques et vidéo modernes, couplée à l’emploi des drones, nous procure un avantage certain. Il est désormais possible de sécuriser et contrôler de vastes régions potentiellement hostiles en mobilisant peu de moyens. Ainsi, l’efficacité de nos systèmes d’armes modernes, associée à une répartition géographique optimale de bases isolées, mais bien équipées, permet de considérablement réduire le nombre de soldats nécessaires dans ces zones, tout en conservant une excellente maîtrise du territoire.

 

Une protection à la hauteur

 

La protection des FOB conduit à un difficile, autant que nécessaire, compromis entre l’efficacité de la protection et la conservation de la capacité à manœuvrer. Une problématique qui est propre à tous les aspects de la protection des forces (équipements, véhicules), mais qui est particulièrement délicate à résoudre dans le cadre la conception des infrastructures de protection des bases militaires déployées en opérations extérieures.

L’objectif à atteindre est de durcir et protéger ce complexe sensible que représente une FOB. Ensemble qui regroupe une multitude de fonctions plus ou moins interactives, et composé de personnel militaire aux origines et missions diverses autant que sensibles. Son concept[3] (3) de protection et son architecture doivent faire l’objet d’une grande attention.

Des cibles de choix ou la rançon du succès

 

Le déploiement des FOB est particulièrement efficace. Le contrôle réalisé par nos forces a significativement réduit les marges de manœuvre de nos ennemis. Son action et sa main mise sur la population locale sont réduites. Il cherche à affaiblir l’efficacité de notre dispositif. Nos bases sont donc paradoxalement «victimes» de leur efficacité et sont devenues des cibles prioritaires. Des symboles occidentaux à faire vaciller. Nos forces se doivent de les durcir à hauteur de la menace.

Cependant l’ennemi ne semble pas vouloir entreprendre une attaque frontale et encore moins la destruction ou la prise des bases avancées.

 

Des principes immuables, …merci Vauban!

 

Nos forces armées font face à de nouvelles menaces, cependant un certain nombre de principes de protection demeurent.

Un ancien dicton disait «Ville assiégée par Vauban: ville prise. Ville défendue par Vauban: ville imprenable». Nous ne recherchons pas à faire du site un bastion imprenable, tel un roc immobile ou une forteresse appelée à être assiégée. Nous sommes cependant confrontés aux mêmes maux, qui appellent à mettre en œuvre un certain nombre de réponses communes. Il ne faut donc pas être surpris de retrouver dans la conception et l’architecture des bases avancées des solutions empruntées au passé et aux citadelles de Vauban. 

On retrouve ainsi, dans l’architecture et les choix constructifs de FOB, nombre de principes mis en œuvre dans les fortifications conventionnelles (choix du site, influence de l’environnement, organisation des défenses…).

Cependant, ces nouvelles bases étant destinées à être une réponse tactique temporaire et rapide à mettre en œuvre, elles ne présentent pas les mêmes niveaux de durcissement que nos anciennes cités fortifiées des siècles passés.

Parmi ces principes, chers à nos glorieux ancêtres bâtisseurs, il en est un, fondamental, toujours d’actualité, qui dit que «le terrain commande». On ne peut pas toujours choisir sa zone de stationnement; il ne faut cependant pas la subir, mais en tirer le meilleur parti. Il est nécessaire d’optimiser chaque mouvement de terrain afin de s’en faire autant d’alliés précieux dans la conception et l’organisation des défenses de la base.

 

Choix des zones d’implantation

 

Le choix d’un site est principalement déterminé par l’effet tactique recherché, l’existence de ressources locales, l’acheminement des flux logistiques, la présence d’une zone de poser d’hélicoptères et la capacité à créer une piste d’aviation à proximité. Toute implantation de site, qu’elle fasse l’objet d’une création ex nihilo ou d’une adaptation d’une infrastructure existante, doit satisfaire à un certain nombre de concepts d’organisation. Ceux-ci visent à s’assurer, au travers de l’application de principes de base, de l’adéquation entre les exigences de protection et les mesures envisagées. Ces concepts se déclinent au travers de considérations spatiales et temporelles.

 

Aménagement d’un site

 

Afin d’optimiser la protection de la base, l’application de ces principes s’illustre dans les deux schémas organisationnels ci-dessous, qui présentent les principales zones à créer.

De l’extérieur vers l’intérieur, on trouve tout d’abord une zone appelée protection périmétrique ou «glacis». Cette aire constitue une zone dégagée, dépourvue de végétation haute ou d’obstacles, sur laquelle on peut exercer de manière aisée une surveillance (observation et acquisition d’objectifs). Puis vient la zone dite de protection périphérique ou «zone tampon». C’est la zone d’interposition entre le glacis et le sanctuaire. Elle constitue l’essentiel de la composante de la défense en profondeur du dispositif.

Enfin, au plus près du cœur de notre dispositif, se trouve la zone de protection intérieure ou «sanctuaire». Cette zone concentre les activités primordiales pour l’accomplissement de la mission. C’est le cœur névralgique du dispositif militaire à impérativement préserver.

La connaissance de ces zones et de leur utilité respective est à la base des réflexions et des choix des équipements et matériaux mis en œuvre dans la phase de durcissement des infrastructures. On sait ce que l’on veut protéger et comment, il reste à déterminer avec quels moyens le réaliser.

 

Des protections efficaces et économes

 

Les dispositifs de protection et de durcissement mis en œuvre doivent permettre à nos forces de conserver leur intégrité physique. Plus que jamais, l’écart n’a semblé aussi abyssal entre les moyens alloués à nos forces et les missions qui leurs ont été assignées. Plus que jamais, nos sociétés modernes n’ont semblé aussi peu disposées à accepter la perte de soldats dans l’exercice de leur mission. Cela met l’accent sur l’évolution de notre société et de son positionnement par rapport à la mort. Cette obsession de la recherche du zéro mort développée dans de nombreux articles est un élément dimensionnant des systèmes de protection des bases et postes avancés.

 

Maîtrise des coûts de construction

 

Les moyens financiers et matériels alloués à nos forces étant limités, il convient de mettre en œuvre des systèmes constructifs aux coûts maîtrisés associant simplicité de mise en œuvre, possibilité de réemploi et disponibilité immédiate. Les connaissances récemment développées relatives aux performances balistiques des matériaux permettent de faire des choix appropriés. Ce choix des matériels et matériaux de protection s’est donc naturellement orienté vers des ressources locales et des éléments préfabriqués. Ils ont l’avantage d’être efficaces, ré-employables, et de pouvoir être rapidement et facilement mis en œuvre, même avec des moyens de manutention légers. Il est par exemple possible de réaliser une protection périmétrique d’une enceinte de plusieurs kilomètres en moins de 15 jours.

Les armées ont pensé leurs dispositifs de protection en ayant constamment à l’esprit de protéger les personnes et les biens, tout en en présentant une signature financière la plus faible possible.

 

Fortification ne doit pas rimer avec «bunkerisation»

 

Tous les choix des forces sont dictés par la volonté de pouvoir remplir au mieux leur mission. Cette doctrine s’applique également à la fortification des bases avancées, pour lesquelles on ne doit surtout pas confondre durcissement et «bunkérisation». Il est clairement contre-productif de vouloir se surprotéger.

Nos forces ne sont pas dans une guerre de siège, attendant patiemment un assaillant, retranchées derrière des murailles voulues infranchissables.

 

La mobilité reste un principe fondamental recherché. Vouloir sanctuariser l’intégralité du dispositif peut conduire la force à une configuration de surprotection synonyme de «bunkérisation», et par voie de conséquence d’immobilisation. Une immobilisation signifiant dans le cas présent un échec de la mission. C’est bien là le paradoxe du durcissement des infrastructures déployées en opérations extérieures. Un paradoxe existant depuis la nuit des temps, opposant l’épaisseur de l’armure à la force de pénétration des flèches ou des glaives.

Il convient de se poser les bonnes questions et de déterminer l’effet majeur à obtenir. La réponse de nos forces est claire. Elle consiste à trouver un juste équilibre entre la nécessaire protection et l’indispensable mobilité. La capacité à manœuvrer, à conserver sa faculté à se déplacer, est au cœur des considérations tactiques et stratégiques. Se focaliser sur le niveau de protection et penser concevoir des «murailles» infranchissables ne peut conduire dans le cas des FOB qu’à un non-sens opérationnel.

 

Le déploiement de bases avancées s’est impose comme une réponse tactique, pragmatique et efficace a la problématique du contrôle d’un vaste territoire avec des effectifs comptes grâce au procédé dit de la «tache d’huile». des bases militaires déployées en opérations extérieures dont la protection est une priorité du commandement militaire.

Reposés physiquement et psychologiquement, nos soldats peuvent se concentrer sur leurs missions. Des soldats qui sont protégés par des fortifications de sable et de béton résolument modernes, réversibles et rapides à mettre en œuvre. Des fortifications intelligentes protégeant des bases avancées de mieux en mieux équipées. une nécessaire évolution afin de répondre a une recherche de juste équilibre entre efficacité de la protection et liberté de manœuvre. compte tenu des théâtres d’opérations sur lesquels nous sommes actuellement présents et des crises émergeantes dans de nombreuses régions aux «environnements» similaires, gageons que ces bases continueront d’être massivement employées. La création début 2015 de la base avancée de Madama au nord Niger en est une parfaite illustration.

 

[1] Une base opérationnelle avancée (ou Forward Operating Bases - FOB) est une emprise utilisée pour appuyer les opérations tactiques, grâce à son autonomie en appui et en soutien. Isolée, elle est installée pour garantir la conduite des opérations ou pour fournir le soutien d’opérations tactiques qui peuvent être temporaires ou de longue durée. Les bases opérationnelles avancées s’intègrent comme épicentres du procédé dit en «tache d’huile» reposant à la fois sur le quadrillage des zones contrôlées et la pression dissuasive sur les zones vides de forces terrestres.

 

[2] L’armée de Terre  a réalisé, en liaison avec les experts du Service d’infrastructure de la défense (SID), une vaste campagne d’expérimentation (appelée campagne AZUR) destinée à connaître les effets et le pouvoir de perforation des armes en services dans nos armées.

 

[3] Le concept de protection  d’un site recouvre:

- des mesures actives: actions permettant l’opposition directe à une attaque ennemie (actions des soldats).

- des mesures passives: ensemble des actions destinées à assurer l’intégrité des personnes et des biens. La fortification ou le durcissement des installations en est un constituant essentiel.

- des mesures réactives ou de résilience: actions permettant à l’issue de l’attaque de revenir à une situation stable et à restaurer les capacités initiales.

 

 

Ingénieur diplômé des Arts et Métiers, d’origine OSC, l’Ingénieur en chef de 2ème classe COLLIOU a été intégré en 2011 comme officier de carrière au titre de l’article 15.2 au sein du Service d’infrastructure de la défense (SID). Après plusieurs affectations initiales dans le service du génie à Angers, la Réunion et Versailles, il a servi en 2008 à Abu Dhabi comme premier chef du détachement du SID aux EAU. Depuis 2011, il est chef de l’unité de soutien d’infrastructures de la défense (USID) de la base de défense de Pau-Bayonne-Tarbes-Dax.

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Titre : Sentinelles modernes de sable et de béton
Auteur(s) : l’ingénieur en chef de 2ème classe Jean-Marc COLLIOU
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