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Une petite histoire des rapports entre les armées et les nouvelles technologies

Brennus 4.0
Sciences & technologies
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Simple étude des outils, des machines et des procédés que l’être humain a créés pour satisfaire ses besoins pour les uns, une véritable science pour les autres, la technologie contribue, avec les aspects humains et organisationnels, à l’efficience d’une armée moderne. D’ailleurs, la « course technologique » remonte à l’aube de l’humanité. C’est sans doute la volonté de l’homme de prendre l’ascendant sur son adversaire, qui est à l’origine du lien entre technologie et armée.


On observe pourtant, dans l’histoire, qu’alors qu’il est le premier à reconnaître qu’une nouvelle technologie engendre une plus grande efficacité de l’outil de défense, le militaire peine à abandonner le « confort » d’une technologie qu’il maîtrise parfaitement, pour en embrasser une nouvelle dont il ne connait pas les limites.


« La croyance que rien ne change provient, soit d’une mauvaise vue, soit d’une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat » (Friedrich Nietzsche)
Cette vision des choses de la part des militaires est très ancienne. On observe ainsi dans l’histoire, des réticences liées à une innovation technologique nouvelle qui finit pourtant par devenir  d’un usage courant.

Ce « conservatisme technologique » entraîne toute une série d’arguties destinées à le justifier. On évoque une perte de vertu du soldat. Ainsi, en apercevant pour la première fois une catapulte en Sicile, Archidamas, roi de Sparte se serait exclamé : « Oh Héraclès, c’est la fin de la valeur de l’homme ! ».


 D’ailleurs, les Grecs de l’Antiquité dédaignent l’arme de jet. Selon eux, la vertu essentielle qu’est le courage ne peut se déployer que dans le combat corps à corps avec les armes de main : l’épée et la pique. Dans le même ordre d’idées, les chevaliers du Moyen Âge haïssent les arbalétriers qui font leur apparition au début du  XIe siècle. Ils considèrent que cette arme qui tue à distance « n’est pas de jeu ». Un concile de Latran, en 1139, interdit d’ailleurs  formellement l’emploi de cette arme, sauf contre les infidèles 1 !

Quelques siècles plus tard (XVe), ces mêmes chevaliers affichent un mépris total pour l’artillerie naissante ; une nouvelle façon de tuer à distance. Cette notion de vertu perdure avec le temps. C’est ainsi qu’au tout début du XXe siècle encore, au sein de l’école  napoléonienne, les prémices de nouveaux courants de pensée opposées apparaissent : celui du feu et celui du moral. Les partisans du second, comme le général Langlois 2, rejettent « le triomphe du machinisme » qui met à mal des habitudes de pensée et de méthodologie.

Cette école s’accroche au principe des siècles précédents qui accorde une place prédominante à l’effet moral. On va même jusqu’à prétendre que le développement de la puissance de feu est sans incidence notoire sur la bataille 3. « La supériorité est tout à fait indépendante de l’état de l’armement et dépend uniquement de l’état moral de la troupe » selon Langlois.


 « La technologie seule ne suffit pas » (Steve Jobs)


Aujourd’hui, s’opposer à l’innovation technologique n’a pas de sens. On s’accorde à reconnaître que la portée accrue des armes, le développement des outils de communication et la multiplicité des drones et des robots, permettent d’éloigner le combattant de son adversaire, afin de le préserver au mieux. Pour autant, le débat porte
sur le « niveau » de technologie afférant à un soldat et la savante alchimie entre protection et efficacité.

 

Ainsi, il est avancé que paradoxalement, la technologie peut affaiblir une armée. On dénonce les contraintes de poids auquel est soumis le fantassin moderne et qui nuisent à son agilité. On évoque également les problèmes de  l’autonomie liée aux sources d’énergie, mais aussi le danger de  l’écrasement des échelons hiérarchiques et le risque de déresponsabiliser ces mêmes acteurs grâce à la visualisation du champ de bataille. Le « spectateur » est alors incité à intervenir, au détriment des acteurs de terrain. Quant au combattant lui-même ; est-il à la hauteur des technologies qui sont mises à sa disposition ?


 Et ces nouvelles technologies qui poussent le soldat à l’individualisme, ne risquent-t-elles pas de nuire à l’esprit de corps ? Dans les consciences, la technologie est indéniablement un gage de succès, sans en être l’assurance 4. Selon l’expert français Thérèse Delpech 5 : « une confiance excessive dans les possibilités de la technologie  a été à l’origine d’une des plus cuisantes défaites de l’armée américaine au Vietnam… ».

 

Quant aux interventions françaises de ces cinquante dernières années, elles donnent de la voix aux assertions des militaires qui préconisent une certaine méfiance à l’égard d’un « tout technologique ». En effet, une fois le moment de surprise passé, l’adversaire finit par s’adapter, dans des délais plus ou moins longs, par une nouvelle technologie qui permet de contrer ses effets, avant de copier ladite technologie. Enfin, l’histoire nous rapporte qu’un changement de tactique de l’adversaire permet souvent de réduire les effets d’un procédé technologique 6. « C’est la preuve qu’une innovation n’est pas nécessaire, lorsqu’elle est trop difficile à établir » (Luc de Clapiers,  marquis de Vauvenargues 1715-1747)


Toute la question est de déterminer quelle technologie le militaire doit développer demain. Une des difficultés vient du vertige des technologies possibles, et mieux vaut ne pas se tromper 7 ! S’il s’agit uniquement de répondre aux seuls besoins exprimés, cela équivaut à analyser le passé pour prévoir l’avenir. S’il est question d’une vision prospective destinée à percer « le brouillard de la guerre » cher à Clausewitz, se pose le problème de la disponibilité des moyens nécessaires à l’élaboration d’une technologie future. De même, on ne peut pas, de nos jours, envisager n’importe quelle technologie.


 Il convient de respecter des exigences éthiques et juridiques : il s’agit de se défendre sans perdre son âme. Faut­il aller jusqu’à une technologie de rupture, dévoreuse de budget ? Se cantonner à la seule technologie de pointe ? Ou encore recycler une ancienne technologie ? Telles sont les questions qui doivent être résolues par ceux qui portent la responsabilité de la conduite de la guerre du futur.

Mais il est certain que la technologie ne doit pas jouer le rôle qu’hier jouait la simple supériorité du nombre et « la masse », c’est-à-dire : installer dans un confort aveuglant celui qui la détient. Enfin, il apparaît « qu’une profusion de moyens et de performances technologiques ne sauraient produire de justes effets, sans les hommes aptes à les mettre en œuvre avec discernement 8». Cette notion rend fondamentales les notions de formation et d’entraînement des forces.

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1  Richard Cœur de Lion (troisième croisade) emmène avec lui un contingent de 1 000 arbalétriers en Terre Sainte.

2  Hippolyte Langlois (1839-1912). Général, sénateur, professeur de tactique générale à l’école supérieure de guerre, membre de l’Académie française.

3  À Iéna, en 1806, un bataillon d’infanterie représente 1 000 coups par minute. En 1914, le même résultat est obtenu par deux mitrailleuses et six servants.

4  Pour vaincre les Boers d’Afrique du Sud (30 000 hommes), il faut à l’armée britannique monopoliser quelque 250 000 hommes tirés de tout son empire et
 quatre années de durs combats.

5  Professeur agrégé de philosophie, ancien chercheur associé au centre d’études et de recherches internationales, membre du conseil de l’institut international d’études stratégiques, aujourd’hui décédé.

6  À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, les deux camps ont une technologie sensiblement équivalente. C’est la tactique employée (Blitzkrieg) qui va faire  la différence.

7  La ligne Maginot s’avérera être une mauvaise technologie.

8  Extrait de L’avenir de la simulation pour l’entraînement des forces : quels bénéfices pour le fonctionnement et quelles limites ? CHEAr, 45e session nationale, 2009.

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Titre : Une petite histoire des rapports entre les armées et les nouvelles technologies
Auteur(s) : Lieutenant-colonel Georges Housset, du pôle études et prospective
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Armée