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⚡️ La revalorisation du métier de militaire dans l’armée russe

Brennus 4.0
Défense & management
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L' armée du peuple et des paysans, institution de prestige sous l’Union Soviétique, s’est vue transformée en « force armée de la Fédération de Russie » à la chute de l’URSS.


Cette mutation s’est faite non sans d’importants déboires qui ont durablement écorné l’image de l’armée auprès de la population. Avec une baisse significative des moyens alloués à l’outil militaire par le gouvernement russe de l’époque, l’ex­Armée rouge s’est retrouvée dans un état déplorable à l’heure où elle devait intervenir dans différents conflits sur les territoires de l’ex­Union Soviétique.

En raison d’un manque de considération politique et en l’absence d’une véritable doctrine, les forces armées russes ont connu un déclin marqué durant les années 1990. Si la vétusté de l’équipement est également une explication des difficultés rencontrées par l’institution, le manque de prise  en compte de la dimension humaine du métier militaire par les autorités est tout aussi importante.


L’homme est en effet au cœur de l’armée. Or depuis les années 1990, période au cours de laquelle les conditions de vie des militaires se sont considérablement dégradées, le moral des troupes a baissé en conséquence.

Alors que servir au sein de l’Armée rouge soviétique était un honneur, l’armée russe des années 1990­-2000 a vu son attrait auprès des jeunes générations chuter drastiquement. Au cours de cette période, le service militaire était perçu comme une perte de temps et le métier des armes était jugé peu prestigieux. Ainsi, en 1992, on relève environ 23 000 réfractaires au service militaire et en 1995, le chiffre atteint même les 31 000 1. Les raisons de ce manque de volonté sont multiples.

Citons tout d’abord le contexte géopolitique :  durant les années 1990, l’OTAN n’était pas perçue comme une menace majeure par la population. De plus, un nombre conséquent de jeunes hommes ne souhaitaient pas rejoindre l’armée afin de n’être pas contraints à se battre en Tchétchénie. Le bizutage sévère ( dedovchina ) était un autre facteur répulsif : selon un sondage effectué par le Centre Levada en 2005, sur les 84 % des Russes ne souhaitaient pas rejoindre l’armée, 40 % invoquaient comme raison principale, le bizutage subi par les jeunes recrues.

Face à ce manque de volonté des conscrits, le gou vernement décida de recruter des « contractuels » dans l’armée 2, c’est­à­dire de créer une force professionnelle apte à répondre aux menaces modernes. Cependant, le manque d’entraînement et de moyens ne permettaient pas de constituer cette armée de métier, qui se voulait l’élite des forces russes. Même l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 2000 n’a pas radicalement changé la vie du soldat. Le manque d’expérience des officiers, le rejet de la population visà­vis de son armée ainsi que le peu d’intérêt que lui portaient les politiciens sont autant de raisons conduisant à l’affaiblissement de cette institution.


Les effets de ce désintérêt pour l’armée se sont concrétisés en 2008, lors du conflit russo­géorgien où les forces russes, bien que victorieuses, ont montré d’importantes défaillances. Au­delà des problèmes d’équipement, la conduite des soldats, notamment des « contractuels », a prouvé que ces derniers n’étaient pas correctement entraînés ni ne possédaient une condition physique adéquate 3.


Une réforme fut donc engagée afin de moderniser et de revaloriser l’armée russe pour attirer des profils d’un meilleur niveau intellectuel (dans les années 1990, 70 % des conscrits ne bénéficiaient pas d’une éducation secondaire 4). Cependant, cette revalorisation du métier de soldat n’a véritablement été enclenchée qu’en 2012, avec la nomination de Sergueï Choigou au poste de ministre de la Défense.

Bien qu’il ne soit pas militaire, il a pris en compte les aspirations de l’armée. Le ministre de la Défense a en effet augmenté le salaire des officiers, des contractuels et a eu pour priorité d’améliorer la qualité de vie du soldat (ordinaire et logements). En augmentant le nombre d’exercices militaires, il a amélioré l’entraînement des troupes, notamment des forces professionnelles, fer de lance de l’armée russe.

Forces spéciales, parachutistes, troupes de marines sont ainsi les premières unités à bénéficier de ces améliorations. Mais plus que la réforme en elle­même, c’est le contexte géopolitique qui a donné du crédit à l’armée. Les menaces djihadiste et occidentale ont été savamment utilisées par le Kremlin pour motiver les individus à s’engager, ou tout du moins à considérer leur armée comme étant d’utilité.

Ces nouvelles menaces et leur utilisation à des fins politiques ont sensiblement changé la vision que les Russes ont de leurs militaires. En effet, la mauvaise image de l’armée russe semble s’estomper dans l’opinion. Selon un sondage de février 2018, le métier de militaire serait considéré comme étant le troisième métier le plus prestigieux pour les familles. 60 % des Russes considèrent qu’intégrer les services de sécurité est prestigieux, contre 32 % en 2010 5.


Malgré ces bons chiffres, il faut toutefois relativiser ce regain de popularité de l’armée. Si dans les faits, la société semble favorable à un outil militaire puissant, qu’elle considère le métier comme prestigieux et que des unités comme les forces spéciales, les troupes de marine ou les parachutistes semblent rattraper le niveau des Occidentaux, le reste de l’armée est encore à moderniser.

De plus, peu nombreux sont les témoignages de soldats de l’armée russe qui peuvent effectivement confirmer que leur situation s’améliore réellement. Le fait que beaucoup de « contractuels » ne renouvellent pas leur contrat initial parvenu à son terme semble démontrer que la condition de soldat n’est pas encore assez attractive 6.

Enfin, Vladimir Poutine a signé un décret mettant en place une institution politique au sein de l’armée. Bien que ses missions ne soient encore pas définies, nombre de commentateurs affirment qu’il s’agirait d’un retour des commissaires politiques chargés d’encadrer les soldats. Si de tels fonctionnaires réapparaissent au sein de l’armée, cela semblerait indiquer que Vladimir Poutine souhaite travailler sur le patriotisme et la condition psychologique du soldat, signifiant ainsi que la confiance morale envers cette institution est encore limitée 7.

 

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1  Charles J. Dick (1997), “ A Bear Without Claws: the Russian Army in the 1990’s ”,
The Journal of Slavic Military  Studies, 10:1, p. 4.

2  Décret du Président de la Fédération de Russie n° 466, « Création des forces armées de la Fédération de Russie », 7 mai 1992.

3  Carolina Vendil Pallin & Fredrik Westerlund (2009), “ Russia's war in Georgia: lessons and consequences ”, Small Wars & Insurgencies, 20:2, p. 413.

4  Charles J. Dick (1997), “ A Bear Without Claws: the Russian Army in the 1990’s ”, The Journal of Slavic Military Studies, 10:1, p. 5.

5  Aptekar Pavel, Prosvetov Ivan, 22 février 2018.

6  Facon Isabelle (2016), « Que vaut l’armée russe ? », Politique étrangère, 2016/1 (Printemps), p. 151­163. 7  Agence TASS 30 juillet 2018.

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Titre : ⚡️ La revalorisation du métier de militaire dans l’armée russe
Auteur(s) : Monsieur Corentin Curtenelle, du pôle études et prospectives
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