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Entraîner les postes de commandement au XXIe siècle

Revue de doctrine des forces terrestre
Commandement
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L’exercice CITADEL GUIBERT 18 a permis, en mars 2018, d’entraîner et de certifier le système de postes de commandement69 de la 1ère Division SCORPION, unité l’héritière de la 1ère Division Blindé qui s’illustra dans la compagne de France en 1944. Mais quel rapport peut-il y avoir entre le Poste de Commandement (PC), léger de la 1ère DB, qui bondit de la Méditerranée jusqu’aux Vosges en quelques semaines, et l’entraînement du PC de GUIBERT, qui comportait jusqu’à deux mille personnes et cent cinquante shelters au plus fort de l’exercice ?


Ce grand écart est le fruit de l’histoire, de la mutation des conflits armés et de l’évolution de nos PC vers le commandement d’opérations de gestions de crises. Pourtant, le retour d’expérience des théâtres contemporains et les confrontations de plus en plus vives entre grandes puissances laisseraient penser à « un retour possible des conflits de haute intensité »70. Dès lors, l’entraînement de nos systèmes de PC ne devrait-il pas tendre de nouveau vers quelque chose de plus simple, de plus, mobile, de plus léger ? En effet, la transformation de la conflictualité nous invite à une réflexion ouverte sur l’avenir de l’entraînement des PC de niveau 1 et 2. Cet article est un plaidoyer pour un renouveau ambitieux de l’entraînement, où seront successivement abordés le « pourquoi ? » de ce renouveau puis quelques pistes sur le « comment ? ».

 

Pourquoi renouveler l’entraînement des postes de commandement ?
Entraîner les PC à la fin du XXe siècle


L’entraînement des PC de haut niveau, en France et dans l’OTAN, s’est structuré après la fin de la Guerre froide, lorsque les petits formats des nouvelles armées occidentales, les concepts d’emplois orientés vers la gestion de crises et l’arrivée de puissants moyens informatiques ont rendu caduques les grands exercices de PC en terrain libre. À la fin des années 1990 s’est consolidé un modèle dans lequel les PC de niveaux 1 et 2 se déployaient en format CPX71 avec la totalité de leurs composantes. Les CPX permettaient de déployer les PC sans troupes réelles à commander, d’entraîner à la fois les états-majors sur leurs procédures de travail, et les unités de transmissions au montage et au démontage des équipements. Ce format de CPX finit par remplacer les exercices en terrain libre ou LIVEX72 quand les effectifs de l’armée de Terre, professionnalisée et largement engagée en OPEX, rendirent impossible des déploiements en masse. Mais l’entraînement des PC du début des années 2000 répondait parfaitement aux besoins énoncés par le Livre Blanc de 1994 : l’armée de Terre s’inscrivait désormais dans une perspective de corps expéditionnaire, et le déploiement comme l’appropriation d’un panel nouveau de Systèmes d’information et de communication (SIC) demandait du temps et du « drill ».

 

De plus, dans le contexte du début des années 2000, le PC de niveau Division ou Corps d’Armée se préparait à l’engagement dans un modèle de conflit asymétrique où la supériorité aérienne et informationnelle était nécessairement acquise. Il devait pouvoir conduire une brève opération de coercition, avant de savoir rapidement basculer vers une posture d’administration militaire, et de mise en oeuvre d’une approche globale de gestion de crise aux côtés de partenaires civils et militaires. L’opération se déroulant dans un milieu totalement permissif, le recours à des structures type AMPC73 avec une très forte empreinte au sol logistique et SIC semblait parfaitement justifié. Après tout, nulle raison de camoufler un PC dont la raison première devenait d’accueillir des journalistes et des ONG ! L’entraînement des PC se consolida ainsi pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : le déploiement d’un gigantesque système de PC comme plateforme d’entraînement, à l’image du PC de la 1ère DIV à GUIBERT 18.

 

Ce type d’entraînement permet aux unités d’appui au commandement de déployer un PC de basse intensité, de format identique à ceux que nous trouvons aujourd’hui sur nos bases en opération extérieure. Il permet à l’état-major de la 1ère Division de s’entraîner au commandement d’une force expéditionnaire sur un cycle coercition – stabilisation – normalisation, en répétant leurs procédures d’état-major, avec la totalité de leurs outils informatiques, dans un environnement de travail idéalement fonctionnel. Face à un nouvel engagement aéroterrestre, repenser le poste de commandement.


Mais l’engagement des forces armées évolue. Depuis 2014, la transformation des conflits comme les retours d’expérience des théâtres ukrainien et irakien nous invitent à repenser l’engagement aéroterrestre. Le modèle Action terrestre future (ATF)74 esquisse ainsi un futur des opérations marqué par la fin du « confort opératif » et des « modalités d’affrontements variées » qui couvriront toute l’échelle de l’intensité, incluant de possibles phases d’affrontement symétrique face à un adversaire techniquement supérieur. S’interrogeant sur les conséquences de ces conflits à haute intensité, plusieurs stagiaires du CSIA75 ont mené une étude en 2017 sur les PC en opération, dans le cadre du document du CDEC « Comprendre les Facteurs de supériorité opérationnelle »76.


Ils répertorient trois exigences. Un PC doit être mobile pour évoluer au rythme d’une manoeuvre rapide ; il doit être furtif pour se dérober à l’adversaire ; il se doit d’être protégé car il évolue désormais dans un environnement où la supériorité aérienne, cyber, ou plus simplement tactique n’est plus assurée. Cette réflexion est partagée par l’ensemble de la communauté doctrinale, mais aussi chez nos alliés ou au sein de l’OTAN, où de manière générale l’on s’interroge sur le renouveau de l’engagement des PC. Le QG CRR-FR77 s’est vu confié un mandat sur « le Corps d’armée du XXIe siècle 2025-2030 ». Le Colonel SANTONI, dans son article « Commander à l’avant : une opportunité tactique renouvelée par les nouvelles technologies », envisage même la disparition à terme des PC de LCC ou de division telles que nous les connaissons : « Nativement interarmées, ils devraient être protégés dans les zones à tenir (ZAT) et laisser la conduite de terrain à des PC moins volumineux, plus discrets et surtout plus mobiles »78.

 

Cette pensée se nourrit également du rôle grandissant et ambigu des nouvelles technologies dans les structures des grands PC. Rôle grandissant, car des outils technologiquement très avancés rendent de plus en plus performants nos Centres opérations (CO). L’intelligence augmentée, à travers l’intelligence artificielle ou les sciences cognitives, pourrait demain constituer une technologie de rupture en révolutionnant complètement la prise de décision et les fonctionnalités d’un état-major79. Les logiciels d’analyse du « Big Data » devraient transformer les G2 en apportant de nouvelles capacités de recherche de données sur Internet et sur les réseaux sociaux. Autour d’elles une myriade d’avancées technologiques pourrait, dans la prochaine décennie, changer la morphologie d’un PC avec une ampleur aujourd’hui difficile à évaluer.

 

Pour autant, cet appétit technologique a un coût : les besoins en capacités de stockage, comme en débits intra et inter-théâtres devraient accroître exponentiellement, et avec elles les architectures physiques SIC (réseaux, câbles) gonfleront. Dès lors, les futurs systèmes de PC devront concilier la furtivité et la mobilité avec de gigantesques besoins logistiques (notamment en électricité et en carburant), et l’impératif de protection avec leur empreinte au sol et leur signature électromagnétique80.


Bâtir une nouvelle forme d’entraînement

Mais les conditions actuelles de l’entraînement des PC répondent-elles à ces évolutions futures ?


La réponse est non. La gigantesque empreinte au sol des exercices empêche tout entraînement à la mobilité et la furtivité. S’il on considère uniquement le PC principal de la 1ère Division à GUIBERT 18, il faudrait de l’ordre de sept jours pour raisonnablement faire glisser ou déplacer une structure armé par 250 personnes et composé de 90 AMPC, en utilisant un parc de VLT-R81 extrêmement contraint. Cette empreinte a un impact également considérable en termes de ressources : il a fallu sept semaines à deux régiments de Transmissions pour déployer le système complet des PC de l’exercice GUIBERT 18, cinq autres semaines pour le redéployer, pour une durée effective d’exercice de deux semaines et demi.

En conséquence, les grands exercices de PC tendent à devenir de grandes plateformes où les états-majors répètent, sur une courte durée, leurs procédures complexes autour d’un cycle de messagerie à temps. Vu sous le prisme du retour de conflits de haute intensité, cette forme d’exercice présente deux risques pour l’avenir. Le premier risque est que la manoeuvre du PC s’efface définitivement au profit d’une assise statique de l’entraînement. Le second risque serait d’inhiber la réflexion tactico-opératif d’états-majors, bien installés dans la situation confortable d’une plateforme fonctionnelle de « drill », mais manquant d’une dynamique combattive essentielle au combat de haute intensité.


C’est pourquoi l’entraînement des PC de demain devra sortir de cette logique de plateforme pour évoluer vers une logique de manoeuvre.


Cela permettra, en premier lieu, de tester la robustesse du système de postes de commandement. L’état-major devra se préoccuper, dès l’entraînement, non seulement de ses fonctions de commandement, mais également de la survie de ces fonctions de commandement, en recherchant le meilleur compromis entre survie (« survivability ») et efficacité (« effectiveness »)82.


Il s’agira ensuite de tirer le meilleur profit du changement technologique en insérant les exercices de PC dans la démarche en boucle courte de l’innovation de l’armée de Terre, pour sélectionner de nouveaux matériels et les tester sur le terrain, dans une posture de laboratoires d’idées et de technologies. A contrario, l’entraînement des PC devra aussi permettre à cet état-major de se priver de cette haute technologie, pour travailler en mode dégradé face à une interruption des services. Enfin, l’entraînement retrouvera une dynamique combattante en travaillant à la résolution de scénarios difficiles, qui dépasseront la simple réalité des opérations du moment pour mettre en tension l’état-major sur des conflits de haute intensité, avec une très forte dimension logistique.

 

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69 Un système de PC comprend potentiellement, en fonction des niveaux et des opérations :un PC avant, un PC arrière, des PC tactiques, une base logistique avec des zones fonctionnelles, des centres de mises en oeuvre.

70 Audition du Général FACON, Commandant de la Doctrine et de l’Enseignement du Commandement (CDEC) de l’armée de Terre à l’Assemblée Nationale, 25 septembre 2018.

71 Command Post Exercise.

72 Live

73 Abri Modulaire de Poste de Commandement.

74 Action terrestre future, État-Major de l’armée de Terre, septembre 2016.

75 Cours Supérieur Interarmes - aujourd’hui École de Guerre-Terre.

76 Comprendre les facteurs de supériorité opérationnelle (FSO), Études & Prospectives, CDEC, Février 2018.

77 Quartier Général du Corps de Réaction Rapide - France.

78 Colonel Pierre SANTONI, « Commander à l’avant : une opportunité tactique renouvelée par les nouvelles technologies », in cahier de la Pensée Mili-Terre, avril 2018.

79 Madame LEBOEUF, Commandant HOURS, Chef d’escadrons LARCHET, « Sciences cognitives et organisation des postes de commandement » in cahier de la Pensée Mili-Terre, novembre 2018.

80 À partir de là, la réflexion sur la technologie dans les PC tend à devenir « comment peut-on se passer de cette technologie ? » ou alors « a-t-on des moyens technologiques de contourner la technologie ? ». C’est ainsi, que l’US Army travaille à des solutions de contournement du GPS ou à rationaliser l’approvisionnement en électricité en faisant appel à l’intelligence artificielle.

81 Véhicule de Transport Logistique avec Remorque.

82 James R. SAJO, The Command Post: A comparison of Tactical Command Post Doctrine of
the US and Soviet armies, Naval Postgraduate School, Monterey, mars 1988.

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Titre : Entraîner les postes de commandement au XXIe siècle
Auteur(s) : Chef de bataillon Jean-Baptiste BLANDENET
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