La faculté d'adaptation
LA FACULTÉ D’ADAPTATION … QUOI ?
La faculté d’adaptation se définit comme l’aptitude à modifier son comportement pour répondre à des situations imprévues, liées aux aléas du combat ou à ceux de la vie militaire en général. Pour tout chef en situation de commandement, il s’agit de faire face à l’imprévu, lorsque les procédures assimilées ou les réflexes habituels ne suffisent plus.
C’est la part laissée à l’intelligence individuelle pour trouver le courage de « faire face autrement », de dépasser si nécessaire les habitudes, tout en gardant à l’esprit le but à atteindre et une vision pragmatique de la situation. Le changement et l’inattendu sont l’horizon quotidien du chef militaire, ils deviennent une matière première à apprivoiser.
La faculté d’adaptation est synonyme de souplesse d’esprit ; elle permet au chef de réagir plus vite et avec efficacité lorsqu’un obstacle survient. En acceptant le changement, le chef encourage aussi ses subordonnés à être force de proposition. En ce sens, la faculté d’adaptation de celui qui commande renforce la capacité d’innovation du groupe. La faculté d’adaptation constitue donc un élément clé de la force collective.
LA FACULTÉ D’ADAPTATION … POURQUOI ?
- Elle est indispensable pour conserver sa liberté d’action.
- Elle favorise la capacité à innover, dans un environnement dominé par le changement permanent et l’incertitude.
- Elle permet d’inverser l’instabilité face à un adversaire qui utilise habilement la surprise.
- Elle offre le moyen de surmonter les contraintes de rationalisation des moyens en adaptant les structures, afin de gagner en efficacité.
- Elle permet aussi de suivre l’évolution de la société civile et de la nation française, en particulier à l’heure où l’armée de Terre est davantage présente sur le territoire national.
PAS DE FACULTÉ D’ADAPTATION … SANS :
- pragmatisme ;
- sens aigu du réel et donc capacité à donner des ordres réalisables ;
- esprit de décision pour saisir les opportunités ;
- courage intellectuel pour « oser faire autrement » ;
- ouverture d’esprit pour accepter le changement ;
- prise de risque ;
- imagination et audace intellectuelle. Rejet du conformisme et de la paresse intellectuelle.
LA FACULTÉ D’ADAPTATION … DANS LES TEXTES :
« S’il ne convient pas de tout bousculer pour le plaisir de changer quelque chose, il ne convient pas non plus de se fier à ce qui s’est toujours fait par crainte d’innover. C’est là où un fonctionnarisme étroit risque de stériliser des jeunes qui avaient de l’étoffe et sont devenus des chiffes (…) Un chef s’attend aux difficultés, mais ne se laisse pas hypnotiser par elles. Prévues ou imprévues, elles font partie du programme »
Gaston Courtois - L’art d’être chef (1958).
« Le territoire des possibles est une surface élastique ; il dépend de la décision du chef de l’étendre ou de le restreindre. »
André Maurois (essayiste et romancier français - 1885-1967)
« Le vrai chef, civil ou militaire, spirituel ou temporel, sait faire du possible avec de l’impossible ; c’est même à cela qu’on le reconnaitra. »
Général Clément-Grandcourt
LA FACULTÉ D’ADAPTATION … « AU CONTACT » :
Témoignage d’un colonel chef de GTIA - opération SERVAL - Mali - 2013 :
« Février 2013 : le GTIA est engagé au nord du Mali et doit se mettre en place sur sa ligne de débouché pour débuter l’opération Panthère 3, dont l’objectif est de rechercher et détruire l’ennemi retranché dans la vallée de l’Amettettaï. Sur la base de départ de Tessalit, il n’y a aucun VAB ou camion de transport permettant de faciliter le déploiement. Il est alors décidé d’utiliser les seuls véhicules disponibles. Il s’agit de camions de transport de matériels (TRM 10 000 plateau), appartenant à l’artillerie, qui attendent de rejoindre Gao. Ces véhicules ne sont absolument pas destinés au transport de troupes, des palettes en bois sont donc adaptées pour constituer des banquettes de fortune et des sangles sont fixées pour faire office de ridelles. Cet ingénieux système d’arrimage permet d’embarquer une section par plateau. Les compagnies sont ainsi mises en place dans le désert dans des conditions inédites, après 8 heures de trajet avant le débouché à pied au cœur du massif. Cette adaptation a été déterminante : elle a permis de remplir la mission en tenant les délais et de surprendre l’ennemi sur son propre terrain.»
Témoignage d’un capitaine pilote d’hélicoptère TIGRE - opération PAMIR - AFGHANISTAN - 2011 :
« Lors d’un appui-feu au profit d’unités de l’armée afghane, le chef d’élément de l’OMLT (Operationnal mentoring and liaison team : équipe d’encadrement et de conseils auprès de l’armée afghane) chargé de la coordination 3D tente de me décrire la position d’insurgés identifiés, sans y parvenir. Je n’arrive pas à les localiser, on m’annonce que je suis pris à partie. Il devient impossible de se comprendre, une des compagnies est maintenant fixée par l’ennemi et certains soldats afghans sont très exposés, à découvert. Nous perdons un temps précieux. Je décide de couper court à la procédure habituelle qui ne peut pas fonctionner. J’ouvre le feu dans un petit champ désert, dans la zone que j’estime être celle que tente de me décrire l’OMLT. Nous avons ainsi un point de repère commun lorsque les obus explosent au sol. La suite va très vite : l’OMLT reprend la liaison et me situe précisément les insurgés à quelques dizaines de mètres du point d’impact qui nous sert de référence. Je peux enfin appliquer efficacement des feux sur l’ennemi et permettre à l’unité afghane de manœuvrer. La procédure d’appui-feu n’a pas été respectée, mais l’état final recherché a été atteint bien plus rapidement que si j’avais suivi la procédure habituelle. Etant donnée la situation, il fallait dépasser les habitudes et s’adapter sans délai, en innovant avec bon sens … »