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Du «mentoring» dans la première moitié du XIXème siècle: les officiers français au service du royaume sikh du Pendjab (1822-18

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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De l’aventure individuelle d’officiers français au service du royaume sikh du Pendjab, entre 1822 et 1849, peuvent être tirés des enseignements génériques, encore valables aujourd’hui pour les militaires servant en Afghanistan.

«Ni épées, ni grands éléphants, ni cavalerie, ni fantassins n’aident autant qu’intelligence pour réussir dans ses desseins»

Pañchatantra, Vème siècle


Plus de 150 ans avant le déploiement des premières OMLT[1] françaises en Afghanistan, des officiers de l’armée napoléonienne, en rupture de ban, avaient déjà vécu une aventure consistant à conseiller, sur les contreforts de l’Himalaya, une jeune armée en formation. Anecdotique[2] en apparence, cette équipée d’aventuriers au service d’un royaume étranger permet de tirer des enseignements pérennes, encore valables aujourd’hui dans un Afghanistan qui était, déjà à l’époque, un sujet de préoccupation pour la stabilité de la région.

Le contexte

À partir de 1801, le maharadja Ranjit Singh unifie les diverses principautés sikhes (ou misls) pour créer le royaume du Pendjab. De ce royaume, né sous la forme d’une confédération, il fait rapidement un État qu’il veut moderne et qui s’étend petit à petit au détriment de l’Afghanistan d’une part, et d’une Inde sous la tutelle grandissante de la Compagnie britannique des Indes orientales, d’autre part. Le règne du maharadja Ranjit Singh, entre 1801 et 1839, est encore aujourd’hui considéré par les Sikhs comme une époque privilégiée. Que ce soit pour ses conquêtes, l’administration de son royaume ou la sélection d’une nouvelle élite basée sur le mérite plus que sur l’hérédité, ce souverain s’est particulièrement appuyé sur son armée. Pour développer celle-ci, il n’a pas hésité à faire appel à des officiers étrangers. Parmi eux, arrivés entre 1822 et 1827, quatre officiers «napoléoniens» se sont particulièrement illustrés. Français ou d’origine italienne, généralement rayés des cadres sous la Restauration en raison leur attachement à l’empereur Napoléon Ier, ces vétérans ont joué un rôle de premier ordre dans la création du Fauj-i-Khas, ou «brigade spéciale», rapidement surnommée «French Legion» par les Britanniques. Les Généraux[3] Jean-François Allard, Jean-Baptiste Ventura et Claude Auguste Court réorganisent respectivement la cavalerie, l’infanterie et l’artillerie de la jeune armée sikhe. Le Général[4] Paolo Di Avitabile, après des débuts au sein du Fauj-i-Khas, bascule rapidement vers des fonctions plus administratives. Cette «brigade spéciale», composée de 5.000 hommes en 1823, atteindra l’effectif de 10.000, soit un tiers environ de l’armée régulière du Pendjab. Le Général Allard réussira à légitimer ce qui n’était alors qu’une aventure individuelle, lors d’un retour triomphal en France en 1835, en se faisant nommer «agent de France à Lahore» par le roi Louis-Philippe. À la mort de Ranjit Singh, en 1839, le royaume sikh du Pendjab, s’affaiblira peu à peu avant de disparaître, annexé par les Britanniques, en 1849. Allard meurt en 1839 à Peshawar, Ventura et Court rentrent en France et Avitabile à Naples.

 

Les enseignements

Si les différences entre les 15 à 20 années passées par ces aventuriers au Pendjab et les six mois d’une mission de militaires français «mentorant» l’armée nationale afghane (ANA) sont nombreuses, des points communs existent néanmoins, et des enseignements peuvent être tirés de la création du Fauj-i-Khas.

  • Faire ses preuves

Avant de gagner la confiance des soldats pendjabis comme celle du maharadja Ranjit Singh, les officiers français ont dû faire leurs preuves, et ce individuellement (compétence, valeur au combat) et collectivement (il s’agissait de montrer la pertinence d’une «école française» de l’organisation des troupes). Ainsi, dès 1823, Allard et Ventura ont été engagés, à la tête de leurs hommes, lors de la bataille de Noshera, contre des djihadistes des tribus pathanes d’Afghanistan. L’efficacité initiale d’Allard et Ventura, qui ont su convaincre le souverain qui leur avait accordé sa confiance, a servi de sésame à Court et Avitabile en 1827.

Cette nécessité de faire ses preuves reste d’actualité. Chaque OMLT doit gagner la confiance du kandak (bataillon) de l’ANA auquel elle est attachée, pour son mandat certes, mais également pour ceux qui vont suivre, puisque les soldats afghans attendent une continuité du mentoring «à la française». Et si les officiers d’aujourd’hui ne possèdent pas l’expérience des vétérans des guerres napoléoniennes, ils peuvent néanmoins compenser ce manque par une mise en condition avant projection (MCP) exigeante et adaptée, ainsi que par leur investissement personnel.

 

  • Le difficile équilibre entre une nécessaire modernisation et le respect de la culture locale

Le recrutement d’officiers français par Ranjit Singh répondait à un impératif de modernisation de l’armée du royaume du Pendjab. Ainsi, Allard et Ventura ont-ils dessiné des uniformes d’inspiration française (tout en conservant le turban dont le port découle d’un impératif religieux des Sikhs), écrit et fait traduire un manuel militaire à l’usage du Fauj-i-Khas (transmission des ordres au son des tambours, progressions en colonne ou en ligne, formation de carrés d’infanterie en défensive) ou encore imposé l’ordre serré en langue française. Court, quant à lui, a réorganisé complètement l’artillerie sikhe (qui possédait 400 pièces hétéroclites de tous calibres et d’origines variées) en faisant notamment fondre de nouveaux canons, qui lui permettront de prendre, en 1834, la ville de Peshawar en repoussant les Afghans à l’ouest de la Khyber Pass.

Pourtant, cette volonté de modernisation accélérée n’a en rien empêché un profond respect de la culture locale. Les anciens des campagnes napoléoniennes étaient également des hommes de savoir qui témoignaient d’un intérêt non feint pour les cultures sikhe, hindoue, indo-grecque, perse et islamique. Ainsi ont-ils, par exemple, financé un grand nombre de fouilles archéologiques ou fait réaliser, par des artistes locaux, un grand nombre de peintures (tableaux ou miniatures) ayant, encore aujourd’hui, valeur de témoignage sur la vie culturelle de la région.

Cette importance du respect des coutumes locales s’avérait d’autant plus prégnante que le Fauj-i-Khas était une armée multiculturelle, certes dominée par les Pandjabis de confession sikhe, mais également composée de soldats hindous ou musulmans de toutes les ethnies avoisinantes (Gurkhas, Afghans, Kashmiris,…). Cela n’est pas sans rappeler l’actuelle ANA, composée de Tadjiks, Pashtounes, Ouzbeks et autres Hazaras. Si les soldats afghans sont prêts à apprendre au contact de leurs mentors français, ils n’en réclament pas moins du respect, à la fois pour leur culture et leur expérience du combat.

 

  • Conditions du succès

L’acceptation des quatre officiers napoléoniens a été facilitée par l’apport de réformes dans les quatre domaines suivants :

  • efficacité considérablement accrue au combat ;
  • regain de prestige, par le biais de nouveaux uniformes et de décorations ;
  • avancement au mérite;
  • rationalisation du paiement des troupes par la création d’un système de solde mensuelle.

Il en est de même aujourd’hui en Afghanistan.

Le système du mentoring n’est accepté par l’ANA que dans la mesure où il apporte une réelle plus-value. La première d’entre elles, en ce qui concerne les OMLT françaises, est l’accès aux appuis des forces de la coalition (artillerie, hélicoptères, avions) qu’elles apportent à leurs homologues afghans.

En sus de cet accompagnement au combat, l’armée française participe, par le détachement Epidote, à la formation et l’organisation de l’ANA. Les questions organiques prennent de plus en plus d’importance au sein de cette institution qui doit gérer des effectifs atteignant 149.500 soldats, les équiper (le prestige lié aux nouveaux uniformes demeure) et les administrer. À ce titre, la montée en puissance, depuis octobre 2008, de l’école de la logistique afghane, vient témoigner d’un savoir-faire particulier, dispensé par les Français et les Allemands, qui répond à un besoin précis dans un pays désorganisé par trente ans de conflits.

Le militaire occidental engagé dans ce type de mission doit ainsi se poser la question du bénéfice que sa présence et son action amènent à l’armée afghane dans son combat contre les insurgés, sans considérer sa collaboration comme allant de soi.

 

En conclusion, la clef de la réussite des quatre «généraux français» réside dans le fait qu’ils étaient des hommes de culture. Claude-Auguste Court, issu de l’École spéciale impériale militaire de Saint-Cyr, avait reçu une solide éducation classique qui se doublait d’une curiosité intellectuelle particulièrement vive. Ainsi, sans rien savoir initialement de la région où il se rendait (à la différence des soldats français qui partent aujourd’hui pour l’Afghanistan), il en est rapidement devenu un expert, recherchant les itinéraires de l’expédition d’Alexandre le Grand, collectionnant les manuscrits persans et les monnaies antiques, faisant réaliser localement des miniatures pour illustrer les fables de La Fontaine, ou écrivant des mémoires qui enrichissent aujourd’hui les collections du musée Guimet. Lui, comme les trois autres vétérans des guerres napoléoniennes, ont su faire leur la pensée de Stanislas de Boufflers[5], soldat et poète rallié à la cause bonapartiste: «le guerrier qui cultive son esprit polit ses armes».

 

 

[1] Operational Mentoring and Liaison Team, Locution reprise telle que par l’armée française et que les Canadiens traduisent par Équipe de liaison et de mentorat opérationnel.

[2] Sauf pour les chanceux qui auraient vu, en 1974, le feuilleton télévisé «Le soleil se lève à l’Est», très librement inspiré de cette épopée…

[3] Au sein de l’armée sikhe du Pendjab; les grades des intéressés dans la Grande Armée allaient de capitaine à colonel.

[4] Idem

[5] Écrivain et officier lorrain puis français, colonel de hussards en 1772, maréchal de camp en 1784, le Chevalier de Boufflers (1738-1815) a notamment été gouverneur du Sénégal et de l’île de Gorée. Élu à l’Académie française en 1788, député de la noblesse aux États généraux de 1789, il émigre en 1791 et revient en France en 1800, se ralliant rapidement à Bonaparte.

 

Le Chef d’escadrons Antoine VERLEY est Saint-Cyrien de la promotion «De La France Combattante» (1997-2000). Issu de l’arme blindée cavalerie, il a effectué sa première partie de carrière au sein du 501ème régiment de chars de combat avant de servir à la direction centrale du matériel de l’armée de Terre. Il appartient à la promotion 124-2 du Cours supérieur d’état major.

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Titre : Du «mentoring» dans la première moitié du XIXème siècle: les officiers français au service du royaume sikh du Pendjab (1822-18
Auteur(s) : le Chef d’escadrons Antoine VERLEY
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