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L’artillerie française pendant la Première Guerre mondiale

Cahiers de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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«En 1914, l’artillerie accompagne l’infanterie,

à partir de 1915, l’artillerie prépare et l’infanterie conquiert,

vers 1917, l’artillerie conquiert et l’infanterie occupe,

en 1918, l’artillerie décide du sort de la bataille; elle prépare l’assaut et l’accompagne avec le barrage roulant et le char»

Gilles Aubagnac «Au son du canon»

 

Le Général de Percin retrace dans cette étude l’évolution capacitaire de l’artillerie française durant la Grande Guerre. Il souligne les différences initiales entre les doctrines d’emploi française et allemande, et nous montre comment la pensée militaire, l’outil industriel, mais aussi un certain esprit d’inventivité, ont su faire de notre artillerie un acteur significatif de la victoire.


La doctrine en 1914 et ses conséquences

 

Après les résultats médiocres de l’artillerie durant la guerre russo-japonaise, l’influence des écrits d’Ardant du Picq, qui insiste sur l’importance des forces morales – «la victoire appartient à celui qui a la volonté de vaincre» –, comme ceux du Général Foch, alors directeur de l’École de guerre – «la victoire est le prix du sang» –, se concrétise dans l’enseignement du Colonel de Grandmaison, professeur à l’École de guerre en 1911; elle est confirmée par les directives de 1913 du Général Joffre, chef de l’état-major général, qui insiste sur «la volonté de mettre l’ennemi hors de combat par la baïonnette».

Dès lors, l’artillerie, avec pour l’essentiel ses canons de 75, n’a effectivement pour mission que d’accompagner l’infanterie.

 

Certes, il en est pour s’opposer à ce fétichisme outrancier pour l’offensive, tel le Général Lanrezac «attaquons, attaquons… comme la lune»; ils ne sont pas écoutés et il faudra les désastres du mois d’août 1914 et les 27.000 morts du 22 août 1914 (dont le fils du Général Foch et un fils du Général de Castelnau) pour que, dès la fin du mois d’août, Joffre, dans une directive aux armées, exprime un début d’évolution de sa pensée en insistant sur la nécessaire préparation des attaques par l’artillerie; mais cette directive est loin de se traduire dans les faits: la stratégie mise au point par Joffre et son principal adjoint Foch va conduire à de nouvelles hécatombes (10.000 morts aux Éparges en 1915) pour des tentatives de percées accompagnées de petites batailles de grignotage sans préparations d‘artillerie suffisantes.

 

Le 29 novembre 1914, après la conférence de Ternoise, le Général Fayolle, alors brigadier, écrit: «Je n’ai jamais entendu dire autant de bêtises […] je me demande si ces grands chefs […] se préoccupent des vies humaines qui leur sont confiées»[1].

 

 

La doctrine retenue à la veille de la guerre mettait en exergue la vocation offensive de l’armée sans utilisation d’artillerie lourde, avec des opérations s’articulant autour de l’artillerie de campagne où le très remarquable canon de 75 marquait toujours les esprits. Ainsi, les règlements de 1914 affirmaient «qu’une artillerie de campagne très légère et très mobile aidée en certaines circonstances par des canons courts répond à toute nécessité; ni la portée, ni le gros calibre n’offrent d’utilité». On est loin du règlement de l’armée allemande de 1905 qui donne «priorité à l’artillerie lourde pour empêcher les préparatifs ennemis à longue distance et attaquer les positions retranchées».

 

Certes, nos canons de 75 avaient tenté de pallier ces insuffisances avec une certaine efficacité. Rommel, alors lieutenant, au cours de la bataille du Grand-Couronné, notait que «(son) régiment avait perdu un quart de ses officiers et un soldat sur sept à cause de l’artillerie adverse», et le Général Lanrezac avait pu manœuvrer habilement grâce à des coups d’arrêt efficaces de son artillerie de campagne.

 

L’artillerie française en 1914

 

Ces morts par centaines de milliers étaient de la folie, mais que pouvait-on faire?

Quels étaient les moyens d’artillerie dont nous disposions?

Le système de forts aux frontières dispose de canons de 155 et de 240; mais à côté des 3.840 canons de 75, l’armée ne dispose comme artillerie lourde mobile que de 308 canons, de types divers d’ailleurs (240, 155, 105), répartis dans cinq régiments, alors qu’au déclenchement de la guerre, l’armée allemande dispose d’une artillerie lourde forte de 2.000 canons et d’une artillerie légère de 5.000 canons de 77, sans compter les énormes canons de 420 et les deux «grosses Bertha» plus spécialement destinées à détruire les forts belges, Namur et Liège notamment.

 

Alors on va parer au plus pressé à partir des matériels des forts et des canons de bord de la Marine, de calibres divers, que l’on va modifier pour leur donner une certaine mobilité. Ainsi, pour la petite histoire, ce sont des canonniers de la marine qui, avec des canons de 143, participeront à la défense de Belgrade en fin d’année 1914, dans le cadre de la bataille de Kolubara[2].

 

L’industrie est prête à construire, en nombre, des canons modernes de 155 longs et de 155 courts, mais il faudra attendre 1917 pour que l’artillerie française dispose de moyens équivalents à ceux de l’armée allemande.

 

S’il y a problème de canons, il y a aussi problème de munitions. Les Français, comme les Allemands d’ailleurs, comptaient sur une guerre courte; les dotations en munitions étaient limitées, même si, après la crise marocaine, un effort certain avait été consenti. Au déclenchement de la guerre, la dotation de l’artillerie de campagne s’élevait à 1.300 coups par pièce, soit un total de 5.700.000 obus de 75. Or, au soir de la bataille de la Marne, 5.000.000 d’obus avaient été tirés depuis le début du mois d’août, et la fabrication de munitions de 75 était tombée à 4.000 obus par jour. La situation n’était d’ailleurs pas meilleure pour l’artillerie de campagne allemande.

 

La mobilisation de l’industrie va produire des résultats assez rapides: ainsi, en juin 1915, 70.000 obus de 75 sont produits en dépit de problèmes de qualité qui occasionneront un nombre assez important d’accidents (500 tubes éclatés pour le seul mois de mars 1915).

 

Mais, quel que soit l’effort industriel, la consommation ne cesse de croître. Ainsi, pendant les offensives de l’automne 1915, pour la seule semaine du 22 au 27 septembre, 1.400.000 obus de 75, 265.000 obus de 155 et 30.300 obus de 220 et de 270 seront tirés[3]. En fait, il faudra également attendre l’été 1917 pour que le problème de munitions d’artillerie ne se pose plus.

 

Durant toute la guerre, le nombre d’obus tirés par les deux camps est gigantesque: 19 millions d’obus seront tirés pendant la bataille de la Somme et 30 millions d’obus à Verdun[4]. Cette augmentation incessante du nombre d’obus tirés s’explique aussi pour les Français par l’évolution de la doctrine d’emploi de l’artillerie.

L’évolution de la doctrine d’emploi de l’artillerie

 

«Une artillerie puissante, parfaitement dirigée par les avions, servie par une accumulation énorme de munitions avait battu et mis en pièce notre propre artillerie; la puissance offensive de notre infanterie s’usa à un point tel que l’attaque par masse de l’ennemi fut réussie».

Cette affirmation de Ludendorff dans ses «Souvenirs de guerre» traduit bien l’évolution de notre doctrine d’emploi de l’artillerie

 

En fait, dès la fin du mois d’août 1914, Joffre prend conscience de nos insuffisances de feux puissants, mais sans en tirer toutes les conséquences, semble-t-il. Ainsi, lors de la bataille de la Marne, la 6ème division, le 6 septembre, soumise au feu de l’artillerie lourde ennemie, sans possibilité de moyens de contre-batterie, a failli échouer dans la conquête de la crête de Saint-Bon (au sud d’Esternay) au point que son chef, le Général Pétain, a dû se porter en première ligne pour relancer son infanterie.

 

Après ce combat, il écrira au Général Joffre: «L’offensive, c’est le feu qui avance, la défensive, c’est le feu qui arrête, le canon conquiert, l’infanterie occupe; un minimum d’infanterie, un maximum d’artillerie».

Il ne sera pas entendu, et il faudra l’échec de l’offensive de Champagne, échec dû à l’impossibilité d’appliquer nos feux sur la seconde ligne ennemie, pour que le commandant en chef précise sa pensée dans ses directives aux commandants d’armées.

 

C’est un très brillant officier d’artillerie, le Général Estienne (qui ne fut pas que le père des chars), qui va améliorer l’efficacité des tirs d’artillerie en couplant l’observation de l’aviation avec l’artillerie qu’il commandait lors de la bataille de Charleroi en août 1914; commandant l’artillerie de la 6ème division, il mettra à nouveau en œuvre cette coordination de l’artillerie et de l’aviation lors de la bataille de la Marne.

 

Enfin, à partir de 1915, la guerre des tranchées va conduire à ressortir des arsenaux les vieux mortiers en bronze de Louis-Philippe, et les fantassins à imaginer, par analogie aux Minenwerfer allemands, des armes à tir courbe. Ce sera d’abord le Célérier, inventé par un capitaine d’artillerie du même nom, arme rudimentaire conçue pour lancer des obus de 77 non explosés (il y en avait un grand nombre), puis le mortier de 58T1 du Capitaine Duchêne qui, amélioré dans une version 58T2, fera l’objet d’une production industrielle.

Dans le même temps, des unités spécialisées d’artillerie étaient créées; les crapouillots étaient nés; ils devaient servir jusqu’au printemps 1918.

 

Ainsi, disposant d’une gamme de matériels complète et complémentaire, d’une organisation rationnelle mise sur pied par le comité de l’artillerie, la doctrine d’emploi de l’Arme va en faire un acteur majeur de la victoire.

 

 

Données quantitatives significatives:

 

- 1914: 2/3 des combattants étaient des fantassins

- 1918:1/3 des combattants étaient des fantassins

- Septembre 1915: les pertes s’élèvent à 175.000 hommes et on compte 10 batteries au km

- Septembre 1918: les pertes s’élèvent à 126.000 hommes et on compte 26 batteries au km.

 

[1] Cité par J.J.Becker

[2] L’équivalent de la bataille de la Marne pour les Serbes

[3] Cités par Philippe Liardet, «L’artillerie française pendant la grande guerre»

[4] Ernst Junger, «Orage d’acier»

 

Le Général d’armée Pierre de PERCIN-NORTHUMBERLAND, Saint-cyrien de la promotion Général Laperrine (1956-1958) est en 2ème section depuis 1997 après avoir été Inspecteur de l’infanterie puis Inspecteur général de l’armée de Terre. Titulaire de la Valeur militaire avec cinq citations, il est commandeur de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du mérite. Il a été président national du Souvenir français de 1998 à 2008, et président du Mémorial de la clairière de l’Armistice.

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Titre : L’artillerie française pendant la Première Guerre mondiale
Auteur(s) : le Général d’armée de PERCIN de NORTHUMBERLAND
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