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L'éclaireur n° 45 - février 2022
Detect and Understand: Modernizing Intelligence for the Gray Zone
Jake HARRINGTON & Riley MCCABE, Center for Strategic & International Studies.
7 décembre 2021
Cette étude vise à améliorer la capacité des services de renseignement américains face aux défis de la zone grise dans un contexte de concurrence moderne. Selon l’auteur, la zone grise désigne un espace contesté entre la politique de routine et la guerre conventionnelle où l’incertitude imprègne la prise de décision. Des chercheurs du CSIS se sont intéressés aux domaines de la collecte et de l’analyse du renseignement en zone grise au travers des deux fonctions : détecter et comprendre.
Мы сделали ставку на нанесение массированных ударов
Anton LAVROV, Izvestia.
10 décembre 2021.
Dans cette interview, Alexander Zakharov, concepteur en chef de la société Zala Aero, présente les nouveaux drones kamikazes qui équiperont les forces armées russes. Ces drones armés présentent de nombreux intérêts parmi lesquels une portée supérieure aux munitions d’artillerie classiques, une faible main d'œuvre peu exposée, la possibilité de voler longtemps avant d’être dirigés vers une cible… Ces drones ont d’ores et déjà eu l’occasion de démontrer leur efficacité dans des conflits contrairement à ceux développés par d’autres pays. Ils susciteraient d’ailleurs l’intérêt de partenaires étrangers et des autorisations d’exportation auraient déjà été délivrées
Chronos et Athéna. Le facteur temporel dans les questions stratégiques
Olivier SCHMITT, Le Rubicon.
22 décembre 2021 .
Comment appréhender la notion du temps dans les questions stratégiques ? Pour l’auteur, le temps, au niveau tactique, peut renvoyer tout d’abord au Kairos grec, c’est-à-dire le temps du moment opportun : un intervalle, ou une durée précise, importante, voire décisive dans la prise de décision militaire, et deuxièmement au tempo, à savoir la capacité de contrôler le rythme de l’action militaire et de l’imposer à l’adversaire. La relation à la temporalité est peu théorisée dans la stratégie militaire classique surtout si on compare à d’autres facteurs comme la géographie ou la technologie. En effet, les auteurs abordent peu la nature intrinsèquement politique de la gestion du temps qui est ainsi associée naturellement à la stratégie et qui dépend des contextes socio-culturels. Ainsi, penser le temps dans le narratif militaire s’avère principalement tactique voire opératif, et renvoie au timing des actions et au tempo des opérations. En outre, la notion de vitesse décrite par Paul Virilio : « l’histoire progresse à la vitesse de ses systèmes d’arme », est centrale dans la théorie de la victoire mais s’est heurtée dès le milieu des années 2000 à la réalité du contexte opérationnel des conflits en Irak et en Afghanistan. Actuellement le développement doctrinal autour par exemple des « opérations multidomaines » montre la nécessité d’une refonte de la réflexion opérative. Selon Olivier Schmitt l’enjeu est de ne pas réduire la manœuvre à la vitesse, mais plutôt de prendre en compte « la diversité de l’accélération ou la décélération des opérations en fonction de leur nature et du niveau où elles se déploient ».
NATO Must Adapt to an Era of Hybrid Threats
John R. DENI, Carnegie Europe.
2 décembre 2021 .
Compte tenu de la crise à la frontière russo-ukrainienne, John R. Deni, professeur à l'Institut d'études stratégiques de l'U.S. Army War College, invite l’OTAN à revoir sa stratégie face à la guerre hybride menée par la Russie et la Chine. Les orientations stratégiques de l’Alliance suivant trois axes (défense collective, gestion de crise et sécurité coopérative) ne sont, à son sens, plus pertinente au XXIe siècle. Faire face à des activités hybrides, notamment dans les domaines cyber et informationnel et en mener soi-même n’est pas dans les gènes de l’OTAN. Ce constat pourrait laisser penser qu’elle n’est pas une réponse satisfaisante aux menaces d’aujourd’hui. Néanmoins l’auteur cite des moyens de remédier à ces lacunes : élaborer des approches multilatérales en réponse aux aspects non militaires de ces conflits hybrides, mettre en place des actions offensives sous le seuil de la guerre, établir des partenariats public-privé pour surmonter ces réticences.
Veterans Are Being Recruited by Extremist Groups. How Do We Help Them Say No?
Elizabeth HOWE, Defense One.
3 décembre 2021.
Il existe un problème récurrent aux États-Unis : la présence croissante de vétérans de l’US Army dans les milieux qualifiés d’extrémistes de « l’ultra-droite ». En effet, ils représentent 15 % des personnes inculpées jusqu'à présent dans l'attaque contre le Capitole. Ainsi, des mesures de prévention ont été mises en place pour endiguer le phénomène et permettre de réduire le nombre d’actes criminels motivés par des objectifs politiques, économiques, sociaux ou religieux, qui avoisinent les 500 cas depuis les années 1990.
Could Russian Combat Robots Achieve Victory Without Heavy Casualties?
David HAMBLING, Forbes
9 décembre 2021.
David Hambling estime que l'Ukraine dispose de peu de moyens pour tenir dans la durée en cas de conflit avec la Russie. Cependant, le ministre ukrainien de la défense a promis un « massacre sanglant » en cas d'invasion russe. Or la Russie d'aujourd'hui ne pourrait plus se permettre les pertes massives de l'ère soviétique. C'est la raison pour laquelle elle use de proxys pour autant, une solution technologique est également envisagée. L'armée russe développe depuis plusieurs années des robots de combat tel que l'Uran-9, véhicule téléguidé chenillé équipé d'un canon de 30 mm, de missiles guidés antichars, d'un lance-roquette et d'une mitrailleuse. La production en série de nouveaux robots de combat de plus en plus autonomes devrait débuter cette année, tout comme les premières utilisations massives des Uran-9 en exercice.
Operationalising the Constrain Concept: Competing Below the Threshold
Dr Sidharth KAUSHAL, RUSI.
2 décembre 2021.
Ce papier propose d’explorer en profondeur la dimension opérationnelle de la compétition sous le seuil de la guerre qui constitue aujourd’hui l’un des principaux défis auxquels sont confrontées les forces armées occidentales. Il s’agit à la fois de poser une définition claire de ce qui constitue de ces actions dans l’environnement contemporain des opérations et de proposer des stratégies concrètes pour y produire des effets et atteindre les objectifs qui doivent être définis en la matière. Cet article est une invitation à façonner les seuils plutôt qu’à les déduire des actions menées par les adversaires du Royaume-Uni.
Mobile nuclear power reactors won't solve the army's energy problems
Jake HECLA, War on the Rocks.
14 décembre 2021.
L'US Army cherche à assurer son autonomie énergétique en fabriquant des centrales nucléaires portables et déployables en opération. En théorie, cette innovation aurait plusieurs avantages tactiques relatifs à la robustesse des lignes d'approvisionnement ainsi qu’à la fiabilité et à l'allègement des coûts de l'alimentation énergétique. Par ailleurs, elle permettrait de diminuer les pertes humaines en opération, comme le suggère un rapport commandité par le CEMAT américain, qui établit que 52 % des militaires américains décédés en Irak ont été tués lors de missions de logistique. Cependant, l'auteur note qu'une attaque dirigée contre l'une de ces installations, même de faible ampleur, pourrait avoir des conséquences disproportionnées pour le personnel et sur les équipements. Par ailleurs, compte-tenu des opinions publiques mitigées sur la question du nucléaire dans d'autres pays-membres de l'OTAN, l'utilisation de ces centrales lors d’opérations inter-alliés pourrait également générer des tensions au sein de l'Alliance atlantique.
В России создали дрон с подзарядкой от ЛЭП
Антон Валагин, Русское Оружие.
27 décembre 2021.
Le ministère russe de la Défense a breveté un petit drone capable de se recharger sur les lignes électriques. Il s'agit d’un multicoptère, doté de pinces ampérométriques. Pour le recharger, l’opérateur amène le drone près de la ligne électrique, après quoi l’appareil ouvre les pinces, les enroule autour du fil et s’y accroche. Dans cette configuration, le drone peut poursuivre sa mission grâce à sa caméra rotative. Une fois rechargé, les moteurs redémarrent et l’appareil peut poursuivre son vol.
A Framework for Mentoring Women in the CAF
Linna Tam SETO, The Centre for International and Defence Policy
Novembre 2021.
Cette étude décrit le retour d'expérience de femmes militaires sur le mentorat au sein de la Canadian Armed Force (CAF). Plusieurs aspects positifs sont notamment mis en lumière : des témoignages évoquent l'utilité d'avoir un mentor féminin afin de recevoir ses conseils et d'échanger sur des sujets tels que le harcèlement sexuel, les congés maternités et l'équilibre à trouver entre famille et travail. Le fait d'avoir un mentor a permis à d'autres participantes de créer des liens plus forts avec leurs collègues (y compris masculins) et plus largement de s'épanouir dans leur carrière. Ce sondage permet également d'identifier des axes de progrès, compte-tenu des témoignages expliquant que la CAF considère encore que le mentorat relèverait de la responsabilité des chefs et que sa pratique ne nécessiterait pas de formation. Parmi les autres améliorations à mettre en place, l'article suggère de revoir le processus d'assignation des mentors et mentees - par exemple, il est recommandé que les mentors travaillent en dehors de la chaîne de commandement afin d'éviter les conflits d'intérêt.
New Zealand Chief of Army Writing Competition Winner of the WO/NCO Category: The ‘Digital Logistics Chain’ - An Essential Requirement for Information Warfare
Ms D. KENDON, Knowledge Enabled Army.
16 décembre 2021.
En créant le concept de chaîne logistique numérique, l'auteur met en lumière l'importance de la gestion et de l'analyse des données dans le cadre de la guerre informationnelle. En effet, une fois collectées, ces informations doivent être stockées, standardisées puis traitées avant de pouvoir être utilisées par un chef et d'offrir un avantage opérationnel à l'armée de Terre néo-zélandaise. L'article identifie plusieurs problèmes dans la chaîne logistique numérique, notamment le fait que l'analyse de l'information est effectuée par des individus plutôt que par l'intelligence artificielle. Le processus est d'autant plus lent que ces unités manquent de moyens et de personnel. L'auteur imagine les outils qui rendraient la chaîne logistique numérique plus performante : un tableau de bord interactif permettant de sélectionner une zone et une cible, accompagné d'un système capable d'extraire des données pertinentes. Les données obtenues sur l'adversaire - les tactiques qu'il a précédemment employées, son emplacement et ses ressources actuelles - seraient analysées à l'aide de l'apprentissage automatique pour produire des prévisions sur ses actions et pour être utilisées lors d'opérations ou de jeux de guerre.
Alternate Futures 2050: A Collection of Fictional Wartime Vignettes”
LTC Steve SPEECE, Mad Scientist Laboratory.
2 décembre 2021.
L’article regroupe cinq nouvelles illustrées dessinant l’environnement opérationnel des conflits futurs à horizon 2050. Chaque scénario fait appel à des imaginaires communs comme la guerre d’usure ou la « course à la mer » pour enrichir les histoires présentées. Ces dernières évoquent principalement la menace chinoise qui se traduit de diverses manières pour la France, les États-Unis et l’Australie. Ainsi, l’auteur aborde dans ces scénarios de possibles futures menaces comme l’impasse de la guerre dans le domaine spatial, la piraterie, l’intensification de la guerre par procuration, le retour d’un nouvel État islamique, l’optimisation de la longévité par les progrès de la médecine ou encore la présence d’avatars contre lesquels les États doivent combattre.
Actionable Concepts for Future Dismounted Combat Teams
Décembre 2021.
L’armée de Terre australienne est particulièrement attentive aux nouvelles technologies dans le développement de concepts exploitables (“actionable concept”) utiles à l’infanterie embarquée. Ces concepts sont définis comme transformateurs puisqu’ils permettent d’atteindre des effets tactiques à partir d’orientations stratégiques tout en guidant les efforts d’innovation. Deux d’entre eux, applicables à l’infanterie embarquée, sont présentés dans l’article : celui d’équipes de combat semi-autonomes (semi-autonomous combat team) et de brume d’escarmouche (skirmishing mist). Le premier se réfère à l’intégration d’une variété de systèmes sans équipage visant à augmenter les capacités au niveau de la section en tant que bloc tactique possédant un C2 indépendant. Le second met l’accent sur la constitution d’une armée professionnelle de guérilla opérant sous le seuil de détection et frappant pour obtenir un effet majeur. La mise en œuvre de ces concepts s’opère ensuite à travers le Combat Application Laboratory (CAL) et le Combat Training Center (CTC).
Tactical cloud coming to Army’s Multi-Domain Task Forces in 2022
Andrew EVERSDEN, Breaking defense.
15 décembre 2021.
L'US Army veut développer son propre cloud tactique en 2022. Il s'agit de fournir aux opérationnels une meilleure façon de regrouper et de stocker les données au sein de leurs infrastructures numériques. L'US Army poursuit une vaste refonte de son réseau informatique et une réflexion sur la manière dont les informations, considérées comme élément décisif dans le cadre d'un futur conflit, sont délivrées aux soldats. Cette dynamique s'inscrit dans l'approche multi-domaine du champ de bataille théorisé par le commandement américain pour faire face à une confrontation majeure.
La guerre cognitive : agir sur le cerveau de l’adversaire
David PAPPALARDO, Le Rubicon.
9 décembre 2021.
Selon David Pappalardo, la guerre cognitive consiste à pénétrer le cerveau de l’adversaire pour influencer sa prise de décision, créer de la confusion et in fine paralyser son action afin d’emporter la victoire. Il est observé aujourd’hui une intensification de la guerre cognitive par l’utilisation des nouvelles technologies. Plusieurs études, dont le NATO Innovation Hub, d’Hervé Le Guyader et August Cole, ou la chronique d’une mort culturelle annoncée proposée par la Red Team défense, ont mis en exergue ces sujets en créant des scénarios de science-fiction pour imaginer les menaces futures. Ainsi, pour « gagner la guerre avant la guerre » il devient nécessaire de se préparer à remporter la bataille de la cognition en se protégeant contre les agressions qui visent nos perceptions, mais aussi en agissant sur le cerveau de l’adversaire.
Russia Has Deployed Its First Terminator Tanks
Michael PECK, 19fortyfive.
3 décembre 2021.
La Russie a déployé sa première unité régulière de chars d'appui au combat : le Terminator. La première compagnie Terminator - équipée de neuf BMPT-72 - a été affectée à la90e division de chars de la garde, qui est stationnée dans les secteurs de Sverdlovsk et Chelyabinsk dans l'Oural en Russie centrale. Le BMPT-72 est considéré comme un véhicule de combat de soutien de char. Il est équipé de deux canons de 30 millimètres, de quatre missiles antichars Ataka, de deux lance-grenades à tir rapide de 30 millimètres, et d’une mitrailleuse lourde. Cet arsenal permet au Terminator d'engager plusieurs types de cibles, notamment des chars, des fortifications, des hélicoptères et des avions volant à basse altitude.
Are new emerging technologies game-changers for smaller powers?
Michael CLAESSON & Zebulon CARLANDER, War on the Rocks.
29 décembre 2021.
Lors du conflit du Haut-Karabagh, l'utilisation de drones par les forces azeries a illustré les avantages opérationnels que la combinaison de nouvelles technologies et de tactiques innovantes et imaginatives peut apporter aux petites et moyennes puissances. Cependant, les auteurs mettent en garde ces états contre l'idée d'une « révolution des capacités militaires » qui les inciterait à démanteler prématurément les capacités qui leur sont indispensables pour faire face aux conflits actuels. Les auteurs suggèrent que les petites et moyennes puissances renforcent leurs collaborations avec le monde industriel et celui de la recherche. Cette coopération accrue nécessiterait alors que les acteurs gouvernementaux apportent un soutien méthodologique à leurs partenaires, mais aussi qu'ils élaborent des stratégies claires notamment pour faciliter la prise de décision quant la poursuite ou non de ces projets : il est indispensable que les dirigeants soient en mesure d'annuler des projets majeurs s'il apparaît évident qu'ils seront bientôt obsolètes.
Ghost in the Shell ou le combat cyber de demain
Le manga Ghost in the Shell de Masamune Shirow, publié pour la première fois en 1989, est une œuvre cyberpunk majeure et visionnaire. Le domaine cyber constitue l’environnement conflictuel principal dans le manga. Le Major Motoko Kusanagi, policière d’une section anticriminelle d’élite, y traque le Marionnettiste, un cybercriminel qui prend le contrôle de l’esprit des êtres humains grâce au réseau numérique mondial. Kusanagi place ses défenses, paralyse celles du Marionnettiste puis envoie des virus pour continuer de percer un peu plus la sécurité des systèmes de son adversaire. Cependant, ces conflits cybers ont leurs limites. Les hommes et les machines, dépendants des nouvelles technologies, sont neutralisés rapidement si un de leurs composants est défectueux. Comment dès lors opérer en mode dégradé ?
L’Éclaireur est une lettre de veille en sources ouvertes, réalisée par les rédacteurs du pôle études et prospective du CDEC. Elle a pour objectif d’appuyer les travaux de prospective sur le combat aéroterrestre, conduits dans le cadre du Forum de la pensée mili-terre. Les brèves proposées constituent une synthèse des informations brutes ; il appartient au lecteur de les remettre dans leur contexte.