La fraternité d'armes
LA FRATERNITÉ D’ARMES … QUOI ?
La fraternité d’armes est d’abord un état d’esprit avant d’être une qualité. C’est une des conditions du principe d’humanité. Chefs et subordonnés sont d’abord des hommes, unis par un même idéal, qui coopèrent en vue de l’édification d’une œuvre commune. À ce titre, ils ont infiniment besoin les uns des autres et c’est cette dépendance mutuelle, en particulier au combat, qui fonde la fraternité d’armes. C’est la qualité des relations humaines qui est à l’origine de cette fraternité ; cette notion indispensable ne peut donc s’épanouir en dehors de l’expression sans faiblesse d’une profonde humanité, la même pour tous les subordonnés.
La fraternité d’armes doit conditionner la manière d’être du chef, dans tous ses actes de commandement. À chaque niveau de la hiérarchie, c’est entre autres grâce à la fraternité d’armes que seront évités les pièges que tendent parfois la routine et la facilité : injustices, brimades, fautes de commandement, manque de considération… Et entre autres, les attitudes inacceptables qui consistent à ne pas respecter la dignité de l’homme.
LA FRATERNITÉ D’ARMES … POURQUOI ?
- La fraternité d’armes est une des conditions essentielles de l’action collective.
- Elle permet de dépasser les contraintes de la vie militaire et les épreuves du combat.
- Elle garantit la cohésion du groupe.
- Elle construit l’esprit de corps.
- Elle accroît la résilience de l’unité.
PAS DE FRATERNITÉ D’ARMES … SANS :
- objectif commun ;
- efforts et épreuves partagés ;
- générosité et attention aux autres ;
- confiance et respect mutuels ;
- disponibilité et proximité du chef ;
- qualité et simplicité des relations humaines ;
- manifestation concrète de solidarité (présence, soutien, assistance) ;
- cohésion.
LA FRATERNITÉ D’ARMES … DANS LES TEXTES :
« Qu’est-ce qu’un frère d’armes ? C’est tout simplement quelqu’un au côté de qui je suis appelé, un jour peut-être, à combattre en opérations. Quelqu’un à qui je vais devoir confier ma sécurité, ma vie, la réussite de ma mission (…) Quelqu’un avec qui je vais partager des dangers, des peines, des succès, et parfois des échecs. Quelqu’un avec qui je ne pourrai fonctionner correctement qu’en lui accordant une confiance totale. C’est surtout quelqu’un que je connais bien, dont je sais les qualités et les défauts, les aptitudes et les faiblesses, les savoir-faire particuliers. »
Général de corps d’armée Bouquin Editorial Képi Blanc n°774 (2009).
« Quand les premières balles siffleront à nos oreilles, tous se retrouveront à plat ventre sans distinction de grade, de catégorie, de classe. Et la lutte des classes que les divisions engendrent disparaîtra pour céder la place à la lutte tout court. « Le compagnonnage du soldat reste une des formes les plus hautes des relations humaines, la fraternité de ceux qui vont mourir sans savoir dans quel ordre » a écrit Sanguinetti. Votre régiment, ce doit être le lieu de ce compagnonnage pour devenir le lieu des relations humaines de qualité qui sont la condition même de son existence… de sa survie au combat. Rêverie ? Utopie ? Non … Simple réalisme qu’il s’agit de transformer en réalité, de faire passer dans les faits.»
Général d’armée Wilfrid BOONE message aux chefs de corps - Confidences sur le commandement (1980).
« La grandeur d’un métier est peut-être avant tout d’unir les hommes. Il n’est qu’un luxe véritable et c’est celui des relations humaines. »
Antoine de SAINT EXUPERY
LA FRATERNITÉ D’ARMES … « AU CONTACT » :
Témoignage d’un capitaine adjoint d’unité - opération Pamir - Afghanistan - 2011 :
« Pour cette opération, le SGTIA dont je suis l’adjoint doit s’emparer et fouiller un village. Rapidement les sections sont au contact des insurgés. Les dispositions sont prises pour tenir dans la durée, mais l’ordre tombe : « rompre le contact avant midi ». Cela nécessite de s’extraire du village puis de franchir un wadi à découvert. Deux des sections de la compagnie commencent à manœuvrer mais sont rapidement fixées. La situation devient critique, nous avons un, deux puis bientôt trois blessés. L’affrontement tourne au duel à l’arme légère et à la grenade sur les toits des habitations. L’imbrication est telle que l’appui par les blindés ou les hélicoptères est trop dangereux pour être envisageable. Pour nous « donner de l’air », je décide de lancer une contre-attaque. Lorsque je viens récupérer le volume de deux groupes de combat, les volontaires se bousculent dans un véritable élan spontané. C’est bien la fraternité d’armes qui s’exprime ici au plus fort d’une action de combat, en dépit du danger dont tout le monde a conscience. Chacun comprend qu’il en va du sort des camarades fixés par le feu de l’adversaire.
Après une infiltration dans un dédale de ruelles, le détachement surgit sur le flanc des insurgés et les neutralise en quelques minutes, par jets de grenades à mains et tirs de mitrailleuses. Les deux sections sont extraites avec l’ensemble de leurs blessés. Sur l’ordre du commandant d’unité, elles s’élancent à leur tour à découvert, encore sous le feu de l’adversaire et établissent un véritable couloir de sécurité dans le wadi, permettant ainsi la rupture de contact du reste de la compagnie. Cette action de feu a définitivement scellé la cohésion du sous-groupement tactique pour le reste de l’opération. »
Témoignage d’un major sous-officier à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris - Paris - 2007 :
« Le 16 novembre 2007, un garage est en feu rue Ricquet, dans le 19e arrondissement de Paris. Deux gradés de la brigade viennent de s’engager dans le bâtiment quand celui-ci s’écroule. Le premier des blessés est extrait après 9 heures de lutte du détachement au contact, son état est grave et il décède quelques heures plus tard à l’hôpital. Le second gradé, probablement tué sur le coup au moment de l’effondrement du bâtiment, est dégagé des décombres après 14 heures de travail acharné. Cette intervention reste inédite par la fraternité d’armes qui s’est manifestée au moment de l’évènement, alors même que les repères opérationnels de l’unité étaient brouillés. Cette fraternité d’armes s’est prolongée après l’intervention, lors de la phase toujours délicate de gestion de la douleur du groupe, ébranlé par la perte de deux des siens. C’est en premier lieu l’action du chef de centre, directement soutenu par son commandant d’unité et accompagné par son chef de corps commandant les opérations de secours qui a permis de surmonter l’épreuve. C’est bien la fraternité d’armes des pompiers qui a été mise à l’épreuve une nouvelle fois à travers cet évènement ; elle en est sortie encore renforcée. »