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Les forces armées en Afghanistan et les médias

cahier de la pensée mili-Terre
Histoire & stratégie
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En quittant son poste de conseiller communication du CEMA, le contre-amiral Christophe PRAZUCK a dressé un bilan de l'évolution et de la nécessité de la fonction communication en opérations, et plus particulièrement en Afghanistan. Ce témoignage montre combien il est important de permettre aux journalistes de travailler, dans le respect des contraintes des opérations


En 2009, 167 journalistes ont été accueillis sur le terrain par les militaires français en Afghanistan, sans compter les correspondants permanents (une dizaine à Kaboul) et les équipes médias qui accompagnent les autorités politiques sur le théâtre.

167 journalistes en Afghanistan, c’est près de la moitié des journalistes qui ont couvert l’ensemble des opérations où sont engagés les soldats français – soit une trentaine d’OPEX au total. 167 journalistes en 2009, c’est 20% de plus qu’en 2008, deux fois plus qu’en 2007. C’est plus de 600 jours cumulés de reportages dont certains se sont étalés sur plus de 50 jours. C’est l’équivalent d’un journaliste pour 20 soldats français déployés en Afghanistan.

À titre de comparaison, cette même année, les forces armées britanniques ont accueilli 240 journalistes[1] auprès des 13.000 militaires qu’elles déployaient alors en Afghanistan et Irak. Soit environ un journaliste pour 55 soldats déployés.

Cet intérêt médiatique dont fait l’objet le théâtre afghan est le résultat d’une conjoncture où se croisent une évolution sociétale, celle des technologies d’information et des médias, une évolution des conditions d’engagement sur le théâtre afghan, qui se sont durcies à compter de 2008, et l’adaptation des forces armées pour répondre à la demande des médias.

Depuis la guerre du Golfe, l’opération Restore Hope en Somalie ou les Balkans, le paysage médiatique a subi une véritable mutation technologique et culturelle.

Aujourd’hui, pas moins de 3 chaînes télévisées françaises diffusent de l’information 24 heures sur 24; les quotidiens gratuits se sont multipliés dans les grandes villes; les revues spécialisées sur la défense et sur les militaires sont aujourd’hui concurrencées par des sites internet et des blogs dédiés aux problématiques de défense.

Les médias ont changé, les militaires se sont adaptés. Avec le souci constant d’expliquer la nature de leur engagement à nos concitoyens, les armées se sont organisées pour répondre au mieux à la demande croissante émanant de médias toujours plus nombreux, pour un public toujours plus varié du fait de la spécialisation des médias.

 

La dureté croissante des opérations

En 2001, les médias voulaient suivre la déroute des talibans et la traque d’Oussama Ben Laden jusqu’à ce que la situation se stabilise. Puis la guerre en Irak a mobilisé les troupes et les médias internationaux sur un autre front. L’Afghanistan devenait tranquillement la «forgotten war» outre-Atlantique.

Mais à partir de 2006, l’insurrection reprend de la vigueur. Parallèlement, la FIAS[2] étend sa zone de responsabilité à l’ensemble du pays et les unités de l’armée nationale afghane se déploient. La FIAS leur adjoint des équipes de mentors, les OMLT[3], qui les accompagnent dans toutes leurs missions depuis l’instruction jusqu'au combat.

Avec elles, les médias redécouvrent le visage des forces françaises conventionnelles au combat. Plusieurs grands médias suivent, dès 2007, cet engagement aux côtés de l’ANA[4], qui, depuis, aura coûté la vie à 9 soldats français.

Le 18 août 2008, 10 soldats français tombent à Uzbeen, une vallée au nord-est de Kaboul. Les médias résonnent des interrogations de l’opinion publique française qui semble prise au dépourvue par la violence de l’engagement militaire en Afghanistan. Indéniablement, il y aura un avant et un après Uzbeen dans la couverture médiatique des opérations militaires françaises.

En 2007, 78 journalistes avaient couvert l’action des militaires français en Afghanistan; ils sont presque deux fois plus nombreux l’année suivante. Une dizaine de médias dépêche des correspondants permanents à Kaboul.

De leur côté, les armées s’appuient sur leurs propres supports de communication pour informer le personnel du ministère d’une part mais aussi le grand public: plus de 350 brèves, 200 reportages vidéo et un web documentaire ont été mis en ligne sur le site internet de l’état-major des armées depuis janvier 2007. De nombreux dossiers et articles ont été consacrés à l’Afghanistan dans les revues Armées d’aujourd’hui, Terre information magazine et Air actualités. Les équipes images de l’ECPAD, qui réalisent des reportages au sein des unités déployées, ont tourné quelques 250 heures d’images vidéo depuis 2008, dont sont extraits les reportages qui sont mis en ligne sur le site internet de la Défense et les bandes d’éléments mises à la disposition des médias pour compléter leurs propres sujets. Plus de 6 heures d’images ont ainsi été reprises par les médias ces deux dernières années.

Expliquer aux Français le sens de l’engagement de leurs soldats en Afghanistan, le sens de leur sacrifice lorsqu’ils tombent au combat, donner aux médias la possibilité de rendre compte de cet engagement en étant aux côtés des soldats déployés en opération sont une nécessité bien comprise, des états-majors aux unités. Elle a donné lieu à un effort croissant pour satisfaire au mieux les attentes des médias, tout en essayant de concilier leur activité avec les contraintes opérationnelles.

 

Un équilibre nécessaire entre information et sécurité

L’accueil des médias sur un théâtre comme l’Afghanistan impose des contraintes. Contraintes pour les journalistes, contraintes pour les unités qui leur ouvrent leurs portes.

Comment satisfaire les demandes des médias sans peser sur les activités opérationnelles? Si la médiatisation des actions militaires répond à un impératif démocratique, la préservation des capacités opérationnelles des unités n’en demeure pas moins une priorité. L’accueil d’un ou plusieurs journalistes génère des contraintes logistiques. Y-a-t’il une place dans le VAB ou dans l’hélico pour l’embarquer en opération? Un lit de camp sur la base pour l’héberger? Des rations de combat pour le nourrir?

Il s’agit donc de planifier la venue des médias et de répartir leur venue dans le temps et sur les différentes unités et missions de la force pour réduire leur impact matériel et opérationnel. Cet effort limite nécessairement l’accueil des médias.

De plus, si la sécurité du journaliste n’est pas un objectif de la mission, elle n’en reste pas moins une préoccupation pour les soldats qu’il accompagne. Sera-t-il en mesure de les suivre en patrouille pendant plusieurs heures, sur un terrain montagneux par 45°C? Saura-t-il se poster quand les coups de feu partiront? C’est pourquoi la FIAS émet plusieurs recommandations aux équipes de médias, concernant la condition physique requise pour suivre les opérations, l’équipement et l’habillement individuel des journalistes (gilet pare-balles, casque, vêtements de couleur discrète, etc.). En France, les journalistes désireux de suivre les militaires en opération sont invités à suivre un stage d’information sur les risques en zone de conflit au CNEC[5] dans les Pyrénées. Plus de 300 journalistes ont suivi ce stage depuis sa création en 1993.

Enfin, la dernière contrainte qui pèse sur la médiatisation des opérations est la sécurité des opérations et des hommes. Montrer la réalité des engagements, la vie quotidienne des soldats sur le théâtre, l’évaluation des menaces et la préparation des opérations, tout en préservant la confidentialité des informations qui garantissent la sécurité des soldats, est un défi majeur de l’accueil des journalistes.

La réponse repose sur un engagement mutuel entre les armées et les journalistes. Libres de témoigner et d’informer sur l’engagement français en Afghanistan, il est demandé en retour aux journalistes de respecter la confidentialité de certaines informations.

En premier lieu, il leur est demandé de ne pas révéler le décès d’un soldat avant que les familles n’aient pu être prévenues par les armées, une règle parfaitement comprise et respectée par les médias. En second lieu, la FIAS demande à l’ensemble des médias qui viennent en Afghanistan de s’engager à ne pas révéler des informations relatives à certaines capacités de la force, aux activités de renseignement, aux opérations à venir, ou même passées mais qui pourraient impacter celles en cours et à venir, aux mesures de protection de la force, à l’identité des soldats et bien sûr des Afghans, qui pourraient alors devenir la cible des insurgés qui n’hésitent pas à exécuter ceux qui travaillent à nos côtés.

L’équilibre établi entre ouverture aux médias et préservation de l’efficacité opérationnelle a permis de faire de l’Afghanistan le théâtre d’opérations le plus couvert par les médias français. Paradoxalement, cela n’en fait pas le sujet le plus médiatisé.

En 2009, les questions de défense sont le neuvième thème le plus médiatisé de l’année, mais l’Afghanistan ne compte que pour un dixième de ce thème. En réalité, les opérations militaires, les annonces des renforts, la revue stratégique du général McChrystal, commandant la FIAS, et les élections présidentielles afghanes en août 2009 n’auront suscité dans les médias français qu’un septième de la couverture consacrée à la grippe A, et les trois-quart de celle consacrée au crash du vol AF 447.[6]

Aux États-Unis, avec 5% de la couverture médiatique, l’Afghanistan est le quatrième sujet le plus médiatisé, derrière la crise économique, la réforme de la Santé et la présidence Obama. Les sujets sur l’Afghanistan y ont été multipliés par cinq en 2009.[7]

L’explication de ce décalage entre couverture journalistique et retombées médiatiques n’appartient qu’aux rédactions, qui choisissent la hiérarchie de l’information qu’elles présentent. Cela n’aura pas empêché les 420 journalistes qui se sont succédés sur le théâtre afghan depuis 2007, de rendre compte, d’informer, d’analyser ou de critiquer l’engagement militaire français en Afghanistan.

De l’enfer Afghan (France 24, novembre 2007) à Le 2ème REP pacifie la vallée de Tagab (Le Figaro du 25 avril 2010) en passant par Mourir au nom de la paix (Un œil pour la planète, France 2, février 2008), La bataille de Tagab (France inter, avril 2008), Une guerre au nom de la paix (Envoyé spécial, France 2, mars 2008), Papa part à la guerre (Zone Interdite, M6, mai 2009), Afghanistan: la chevauchée des Tigre (Paris Match du 24 septembre 2009), «Haute Tension, des chasseurs alpins en Afghanistan» (ouvrage paru chez Gallimard, en octobre 2009), Afghanistan, raid de nuit (Paris Match, novembre 2009), Au cœur de la Légion étrangère (Hors Série, France 3, avril 2010), etc…, ces reportages, documentaires ou ouvrages, remarqués parmi d’autres, et dont certains ont été primés par les professionnels de l’information, ont permis à leur public de mieux comprendre le sens de l’engagement militaire français et de l’action de la France en Afghanistan. L’accueil de journalistes au sein des unités est parfois ressenti comme une charge; il est indispensable pour rendre compte de ce qui est accompli loin de la France et en son nom, et pour que nos concitoyens conservent une proximité essentielle avec l’action de nos forces armées.

 

 

[1] Ministère de la défense britannique, Annual report and accounts 2008-2009.

[2] Force Internationale d’Assistance à la Sécurité

[3] Operational Liaison and Mentoring Team

[4] Armée Nationale Afghane

[5] Centre national d'entraînement commando

[6] Données du Service d’information du gouvernement (SIG)

[7] Données du Pew Research Center, projet de recherche et d’analyse sur le journalisme «Excellence in Journalism»

 

Après avoir servi dans l'océan Indien, puis dans les forces sous-marines entre 1982 et 1989, le contre-amiral Christophe Prazuck obtient en 1991 un doctorat (Ph.D.) en océanographie physique à la Naval Postgraduate School de Monterey (Californie) et met ses connaissances en application à la cellule d’environnement de la marine de Toulouse qu’il dirige de 1991 à 1994. Sorti du Collège Interarmées de Défense en 1997, il prend le commandement de la frégate Floréal basée à La Réunion en 1999. En 2001, il prend le commandement du SIRPA Marine puis, en 2004, la direction du département Médias de la DICoD. À partir de septembre 2006, il est le conseiller communication du chef d’état-major des armées et porte-parole de l’EMA.

Depuis le 30 août 2010, le contre-amiral Prazuck commande la Force Maritime des Fusiliers Marins et Commandos (ALFUSCO) et la Marine à Lorient.

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Titre : Les forces armées en Afghanistan et les médias
Auteur(s) : le contre-amiral Christophe PRAZUCK
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