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✅ Préparation opérationnelle duale : concept expérimenté par l'armée de Terre dans le cadre de la posture de protection terrestr

Revue de doctrine des forces terrestres
Engagement opérationnel
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L’expérimentation de la POD, initiée à l’automne 2017, dans le prolongement des exercices  MINERVE (avril 2016) et NIRBANIUM (mai 2017), a été conduite par les forces terrestres dans des conditions adaptées au niveau d’activité auquel les unités potentiellement concernées étaient soumises. Le commandement Terre pour le territoire national (COM TN), dans son rôle de coordonnateur entre l’organisation territoriale interarmées de défense  (OTIAD) et le commandement des forces terrestres (CFT), s’est vu chargé d’en évaluer la pertinence.


Dans un contexte sécuritaire dégradé qui expose les soldats à un très haut niveau de sollicitation sur le territoire national (TN), l’armée de Terre doit optimiser ses possibilités d’entraînement pour assurer ses engagements en opérations extérieures, tout en restant prête à faire face à toutes situations en métropole et outre-mer.

La POD repose à la base sur un concept tridimensionnel : il s’agit en effet pour les unités terrestres de manœuvrer en terrain libre dans le cadre de leur préparation opérationnelle, tout en renforçant leur visibilité notamment dans les déserts militaires et en offrant une capacité d’action en « temps réflexe » au profit de l’OTIAD, en cas de crise.

Procédant de la PPT, ce concept novateur s’inscrit dans une logique « gagnant-gagnant » : les forces terrestres y gagnent en préparation opérationnelle tout en confortant leur capacité d’intervention sur le sol national. Pour dépasser les à priori, il convient de revenir sur quelques considérations ayant prévalu à la définition de ce concept, de bien en comprendre l’évolution et d’en évaluer la pertinence, au travers des enseignements tirés d’une expérimentation arrivée à son terme.

 

Les fondements d’un concept permettant de renouer avec la préparation opérationnelle dans le contexte d’un fort engagement sur le territoire national

Conçu initialement comme une première réponse aux lourdes sujétions imposées par le déploiement de près de 10 000 hommes durant 20 semaines sur la période 2015-2016, le concept de préparation opérationnelle « dérivée57 » (POD) s’inscrit d’emblée dans le champ plus large de la posture de protection terrestre58  (PPT) et dans une logique d’efficience59 : la POD « permettant pour les unités concernées de travailler sur l’ensemble du spectre du contrat  opérationnel,  tout en assurant une présence dissuasive sur le terrain, en pouvant collecter du renseignement et en travaillant en liaison avec les forces de sécurité intérieure et les autorités administratives locales ».

En décembre 2016, dans le prolongement du rapport du gouvernement au Parlement60 qui souligne que : « cette posture  (PPT) suppose en outre la réorientation d’une partie des activités de préparation opérationnelle comme de sa réserve opérationnelle au service de la sécurité du territoire », l’EMA confie à l’EMAT un mandat relatif à la mise en œuvre de la PPT61. Cette étude stipulait que : « la PPT comporte deux composantes complémentaires et interdépendantes : l’engagement de forces sur le sol national […] ; les unités en préparation opérationnelle dérivée (POD), déployées  par les forces terrestres sur le sol national et en mesure sur court préavis d’être réquisitionnées selon la procédure en vigueur ».

C’est dans la réponse à ce mandat62 que sont précisés les objectifs qu’il convenait d’assigner à cette notion de POD : il s’agit principalement d’assurer une couverture territoriale élargie, offrant une « visibilité dissuasive », d’améliorer la connaissance du territoire et des acteurs TN, de permettre aux unités de l’armée de Terre de retrouver de l’autonomie initiale, de se réapproprier leurs fondamentaux tactiques et d’offrir une capacité de réaction à l’échelle zonale dans une logique de réversibilité de la posture. C’est finalement en juin 2017 que l’EMA valide63 le principe d’une expérimentation de cette POD dont la finalité première – la préparation opérationnelle des forces terrestres – l’exclut de fait du dispositif des forces engagées (correspondant aujourd’hui au 1er échelon SENTINELLE).

Le contexte dans lequel s’est inscrite la création de la POD a depuis sensiblement évolué, mais les principes qui ont prévalu à sa conception ont finalement conservé toute leur pertinence dans le cadre de la mise en œuvre d’une posture de protection de protection terrestre (PPT) désormais pérennisée.

 

Des contraintes acceptables au regard des bénéfices attendus de la POD pour les forces terrestres

Engagées dans des cycles de préparation opérationnelle très normés, les unités des forces terrestres avaient progressivement abandonné toute forme de préparation opérationnelle en terrain libre et concentré leurs périodes d’instruction et d’entraînement dans les camps militaires et les centres d’entraînement spécialisés. Parallèlement, la mise en place de la politique de gestion des parcs, d’une part, et l’embasement, d’autre part, ont singulièrement réduit les capacités de déploiement en terrain libre des régiments sous l’effet conjugué de fortes contraintes de moyens et de soutien.

Cependant, cette expérimentation de la POD depuis maintenant plus d’un an a permis de montrer que les directions et services interarmées (DSIA) sont encore à même d’assurer le soutien des unités élémentaires en POD  dès lors que ces activités sont suffisamment anticipées, planifiées et organisées. Il a d’ailleurs été constaté que la seule véritable limite indépassable était en réalité la disponibilité des véhicules de la gamme tactique, nécessitant bien souvent un recours aux véhicules de la gamme commerciale si tant est que cette capacité soit effectivement réalisée et disponible.

L’expérimentation de la POD a bien entendu révélé des contraintes de mise en œuvre qu’il était difficile de percevoir et de cerner dans la phase de conception, qu’ils s’agissent notamment de la réalité des équipements (véhicules, soutien de l’homme…) ou des efforts de préparation qu’elle allait exiger de la part d’unités élémentaires ayant perdu tout savoir-faire dans ce domaine.

Mais, sans occulter les difficultés résiduelles, il reste que, au bilan, les bénéfices sont manifestes. Le terrain libre offre des conditions singulières d’entraînement dont la forte plus-value ne saurait être sous-estimée. En effet, d’un côté la POD est un vrai levier de transformation, d’acculturation et de sensibilisation des unités à l’engagement sur le TN, en ce sens qu’elle contraint l’unité élémentaire à se préparer à une MISSINT réelle qui peut la surprendre à tout moment, dans des conditions qui ne sont pas celles de l’opération SENTINELLE. De l’autre, ce type de déploiement dans des zones parfois très isolées, au contact de la population, sur des terrains inconnus, à l’image de ceux auxquels pourront être confrontés les soldats en opération, contribue à renforcer leur capacité d’initiative, leur faculté d’adaptation à divers aléas et leur connaissance de « l’écosystème des acteurs » du TN.

L’engagement sur le TN, dont la perspective avait été anticipée dès les premières esquisses du nouveau modèle d’armée de Terre « Au contact », procède dorénavant d’une situation sécuritaire durablement dégradée qui commande d’innover dans des modes d’action permettant d’assurer la protection que les Français attendent de leur armée tout en préservant les capacités d’entraînement des unités en vue d’engagements sur des théâtres d’opération beaucoup plus sévères.

Durant la phase expérimentale, le retour de l’armée de Terre dans certains déserts militaires s’est parfois traduit pour les unités en POD par des élongations perçues comme contraignantes et dont l’intérêt n’a pas toujours été très bien compris. Il s’agissait en réalité d’évaluer la capacité des services à assurer le soutien logistique d’unités très éloignées de leur garnisons et déployées dans des zones non couvertes par les bases de défense (BdD). Il n’a finalement pas été relevé de réelles difficultés dans la réalisation de ce soutien.

Cette plus grande visibilité des forces terrestres sur tout le territoire national peut utilement contribuer à favoriser un désengagement du 1er échelon de SENTINELLE, sans préjudice du nouveau contrat protection des armées  (7 000 hommes dans la durée, avec des pics d’un mois à 10 000 hommes). Il convient de rappeler que les unités engagées dans une séquence POD  sont systématiquement issues du 2e  échelon du dispositif SENTINELLE, il n’y a donc pas de création de charge TN supplémentaire.

 

Un RETEX encourageant plaidant pour la mise en œuvre de la POD en regime de croisière

Au cours de l’expérimentation, ce sont au total 44 unités élémentaires, issues de toutes les armes (infanterie, cavalerie, génie, train…), qui se seront entraînées dans 22 départements métropolitains. Il faudrait encore ajouter à ces 44 unités les compagnies d’infanterie du 7e BCA et de la 13e DBLE qui participèrent respectivement aux exercices MINERVE et NIRBANIUM où il s’agissait d’engager sous réquisition des unités en manœuvre en terrain libre dans une action conjointe avec la Gendarmerie nationale à partir d’un scénario de crise. Véritable préfiguration de ce qu’allait devenir le concept de POD.

Pratiquement toutes les unités ayant participé à cette expérimentation se sont heurtées à des difficultés pour disposer des véhicules blindés et/ou de la gamme tactique nécessaires. Mais malgré cela, les commandants d’unités, à l’instar de celui de la 5e compagnie du 21e RIMA, récemment engagée dans l’exercice interministériel HERMÈS à la faveur de sa séquence de POD, ont très largement souligné que la sanctuarisation effective de cette période d’activité en programmation leur garantissait une plage précieuse de préparation opérationnelle au niveau unité élémentaire, bénéficiant de l’effort régimentaire et d’une singulière stabilité.

Les unités en POD  sont déployées dans des « zones d’intérêt » préalablement définies par les états-majors de zone de défense au travers d’une approche conjuguant tout à la fois des considérations d’ordre sécuritaire et la volonté de répondre aux objectifs d’une couverture élargie du territoire national.

Mais ces « zones d’intérêt » ont également été retenues parce qu’elles offraient des espaces de manœuvre intéressants pour les forces terrestres avec notamment des terrains variés et propices aux mouvements et stationnements d’unités de toute nature.

Le retour de l’armée de Terre dans des zones où elle n’avait plus été vue depuis longtemps après la fermeture progressive de multiples garnisons a clairement suscité un intérêt marqué de la population. L’accueil réservé aux soldats et les relations qui ont pu être tissées avec les forces de sécurité et la population locale ont bien confirmé la perception extrêmement positive de ce concept. La séquence de POD originale conduite par le 515e RTRN à travers trois départements (la Charente, la Charente-Maritime et la Gironde) a bien illustré cet effet de surprise que suscite au premier abord l’arrivée d’unités militaires auquel se substitue très vite une manifestation de sympathie de nature à encourager et conforter l’engagement des soldats « au contact  ». Ce même phénomène a été rapporté par la 13e DBLE lors de son déploiement dans les Yvelines. Au-delà de ce capital sympathie et de l’image très positive que renvoie ce type d’action, il est tout à fait clair que l’armée de Terre contribue par sa seule présence à conforter le sentiment de sécurité.

 

En outre, ces périodes privilégiées d’immersion dans des territoires sur lesquelles les forces terrestres n’avaient plus l’occasion de se déployer sont autant d’opportunités à saisir pour aller également à la rencontre d’une jeunesse dont l’expérience récente montre qu’elle est toujours demandeuse. Le 12e RC a ainsi pu improviser une présentation de matériels au bénéfice d’une école primaire de la Mayenne (désert militaire) tandis qu’une unité du 4e RMAT a été accueille dans un collège du Grand Est.

 

Enfin, le volet « réversibilité en temps réflexe » a été maintenant suffisamment éprouvé dans de nombreux exercices où la dispersion des sections ou encore les zones d’exercice représentaient pourtant de sérieuses contraintes pour être considéré comme fiable et réaliste. Toutes les unités sont parvenues à passer sans difficulté d’une posture « prépa. ops » à une posture opérationnelle en moins de 6 heures. Ainsi, une compagnie du 6e RG pourtant mise en alerte lors d’un exercice de franchissement avec ses moyens lourds a réussi à s’engager en posture opérationnelle en moins 3 heures après réception de son ordre d’engagement sous réquisition. Quant à la 4e compagnie du 3e  RIMa dispersée entre la presqu’île de Quiberon, avec une section en infiltration nautique en kayaks, et l’autre au tir au camp de Meucon – à 42 kilomètres de distance –, elle est parvenue à mettre sur pied une UP3 en 4h30. Cette capacité de changer de posture sous très court préavis, révélatrice de cette culture de l’alerte de l’armée de Terre, offre une réponse de cette culture de l’alerte de l’armée de Terre offre une réponse concurrentielle par rapport au dispositif d’alerte actuel du 2e échelon SENTINELLE (pour mémoire les unités d’alerte sont tenues de se déployer en moins de 24 heures sur un lieu de crise, ce qui suppose un délai de départ du quartier inférieur à 12 heures). Les unités en POD ont donc bien vocation à se substituer à des unités en alerte garnison du 2e échelon SENTINELLE.

 

La POD, une réponse aux impératifs de préparation opérationnelle de l’armée de Terre dans un contexte sécuritaire incertain

Après trois années de conception et d’expérimentation, dans un contexte qui a progressivement  évolué, les modalités de mise en œuvre de cette POD ont été adaptées. Des mesures ont été prises, conjointement avec le CFT, pour réduire autant que possible les contraintes qui ont pu peser sur la mise en œuvre de ce concept qui se veut avant tout un dispositif complémentaire de préparation opérationnelle.

 

L’expérimentation de la POD a permis d’en évaluer tous les attendus : saisie des opportunités et intérêt de la préparation opérationnelle en terrain libre, présence plus visible en zone rurale et notamment dans des « déserts militaires », réversibilité « en temps réflexe », conditions de soutien d’activités conduites hors zones BdD, C2 et liaisons SIC...

De réelles difficultés ont été identifiées et portées au niveau central comme, à titre d’exemple, l’impossibilité de recevoir des informations sécurisées – le développement en cours des solutions de mobilité de l’Intradef résoudra dans un proche avenir cette question –, ou le problème de la disponibilité des véhicules déjà bien connu et auquel la mise en œuvre du plan TN à l’armée de Terre doit permettre d’apporter progressivement des réponses.

Mais, au bilan, les unités bénéficient au travers de ce concept de POD de séquences d’entraînement  à forte plus-value, en particulier dans des territoires privés de présence militaire depuis de nombreuses années et au milieu d’une population au profit de laquelle elles se sont montrées prêtes à réagir vite si le contexte venait à l’exiger.

La POD repose sur cette vision du rôle de l’armée de Terre sur le TN qui procédait dès les premières esquisses du modèle « Au contact » d’une intuition, à laquelle les événements ont suffisamment donné raison pour qu’il en soit tiré les conclusions qui s’imposent. En l’état actuel d’une menace plus multiforme,  plus endogène et plus insidieuse, il est plus que jamais nécessaire que l’armée de Terre se tienne prête à intervenir en tout temps et en tout lieu. C’est le sens de cette nouvelle posture de protection terrestre (PPT) désormais pérennisée et dont la POD est une composante parfaitement adaptée aux enjeux du territoire national. Son caractère à la fois souple et dynamique en fait un excellent outil, à la main du chef d’état-major de l’armée de Terre, pour assumer concrètement ses responsabilités vis-à-vis d’une population qui attend de son armée qu’elle soit en mesure d’assurer sa protection si la situation l’exige.

 

 

57  Il s’agit en effet de l’appellation originelle à laquelle succédera « présence opérationnelle dissuasive », pour s’établir à l’acceptation en vigueur « préparation opérationnelle duale ».

58  Lettre n° 513126/DEF/EMAT/OAT/DR du 27 octobre 2015.

59  Lettre n° 500024/DEF/EMAT/MG/OAT/ADJ/DR du 04 janvier 2016.

60    Rapport au parlement relatif  aux conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le TN pour protéger la population de mars 2016.

61  Lettre n° 0-16-010251/DEF/EMA/EMA/EMP.3/NP du 02 décembre 2016.

62  Rapport n° 502848/DEF/EMAT/OAT/BEMP/DR du 22 mars 2017.

63 Message n° 2017/177/ARM/EMA/EMPLOI du 29 juin 2017.



 


 

 

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Titre : ✅ Préparation opérationnelle duale : concept expérimenté par l'armée de Terre dans le cadre de la posture de protection terrestr
Auteur(s) : Colonel Hubert Baudoin
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